La garantie contre les vices cachés est l’une des garanties que le Code civil met à la charge du vendeur ; ainsi, le vendeur doit garantie à l’acheteur des vices cachés qui affectent l’utilité de la chose, ou sa valeur si l’acquéreur entend la revendre.
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus (C. civ. art. 1641). L’acheteur a alors le choix de demander l’anéantissement de la vente ou une réduction de son prix, outre d’éventuels dommages-intérêts si le vendeur connaissait les vices (C. civ. art. 1644 et 1645). L’acheteur doit exercer l’action en garantie dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (C. civ. art. 1648).
Fondement juridique
Articles 1641 et suivants du code civil
“La garantie des vices cachés protège les acquéreurs : elle impose au vendeur professionnel ou occasionnel de livrer un bien sans défaut (dit « vice ») susceptible de compromettre l’utilisation que l’acheteur souhaite en faire.
Cette garantie s’applique à un vice caché lors de la vente : l’action doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut.“
La qualité du vendeur
En matière de garantie des vices cachés, le vendeur n’est pas soumis aux mêmes règles selon qu’il connaissait ou non les vices lors de la vente :
- s’il les connaissait, il doit restituer tout ou partie du prix de vente à l’acheteur (selon que l’acheteur choisit de garder ou de restituer le bien), mais aussi l’indemniser de tous les dommages subis (C. civ. art. 1645) [dommages-intérêts] ;
- s’il les ignorait, il est seulement tenu de restituer tout ou partie du prix et de rembourser les frais de la vente (art. 1646), et non de garantir l’acheteur des dommages causés par le vice (Cass. 1e civ. 4-2-1963 no 57-10.892 P : Bull. civ. I no 77).
La présomption irréféfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel
Pèse sur le vendeur professionnel une présomption irréfragable de connaissance du vice qui lui interdit d’apporter la preuve contraire et l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui sont la conséquence du vice (Cass. 1e civ. 21-11-1972 no 70-13.898 : Bull. civ. I no 257 ; Cass. 2e civ. 30-3-2000 no 98-15.286 P : Bull. civ. II no 57 ; Cass. com. 5-7-2023 no 22-11.621 F-B : BRDA 15-16/23 inf. 9, déclarant ce principe conforme au droit à un procès équitable). Encore faut-il qu’il s’agisse d’un vendeur professionnel, ce que les juges du fond doivent caractériser (Cass. 1e civ. 12-3-1980 no 78-16.290 : Bull. civ. I no 85)
Il résulte de l’article 1645 une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice du bien vendu, qui l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui en sont la conséquence, si la société qui avait vendu l’objet litigieux se livrait de façon habituelle à cette vente.
Il pèse une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice du bien vendu, qui l’oblige à réparer tous les dommages qui en sont la conséquence (Cass. com. 17-1-2024 n° 21-23.909 F-B).
Cette présomption fait aussi perdre au vendeur professionnel le bénéfice de la clause éludant ou limitant sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés (par exemple, Cass. com. 18-2-1997 no 94-20.609 D : RJDA 6/97 no 767 ; Cass. 3e civ. 12-5-2004 no 02-20.911 F-PB : RJDA 10/04 no 1108), sauf lorsqu’il a affaire à un acheteur professionnel de la même spécialité que lui (Cass. com. 8-10-1973 no 71-14.322 : Bull. civ. IV no 272 ; Cass. com. 18-2-1997 no 94-20.609 D : RJDA 6/97 no 767 ; Cass. com. 19-3-2013 no 11-26.566 FP-PB : RJDA 7/13 no 595) et qu’il ignorait l’existence du vice.
Qui est un vendeur professionnel ?
- L’entreprise qui revend son matériel usagé n’est pas vendeur professionnel. Le professionnel qui revend d’occasion un bien dont il a fait usage dans le cadre de son activité n’est pas un vendeur professionnel présumé connaître les vices dont le bien est atteint et tenu de réparer tous les dommages qui en sont la conséquence. Le fait que le vendeur ait une activité économique et vende occasionnellement des biens d’occasion en lien avec son activité est insuffisant pour le qualifier de vendeur professionnel des biens en cause. Par exemple, une société spécialisée dans le débardage forestier qui achète un engin agricole puis le revend n’est pas un vendeur professionnel (Cass. com. 17-1-2024 n° 21-23.909 F-B, Sté de travaux et débardage Antunes c/ Sté Sogedep).
L’acheteur professionnel ou l’acheteur profane : quelle différence ?
Que l’acheteur soit professionnel ou non, cela n’exonère pas de la garantie de vice caché mais fait juste sauter la présomption irréfragable de connaissance.
L’acheteur professionnel et l’acheteur profane ne sont pas soumis au même régime.
Lorsque l’acheteur est un profane, c’est-à-dire qu’il n’a pas de compétences techniques particulières au regard du produit qu’il utilise, la jurisprudence admet, dans son ensemble, assez facilement que le vice présente un caractère caché.
En revanche, la condition de l’acheteur professionnel est plus sévère puisque l’acheteur professionnel est censé connaître les vices de la chose qu’il achète. (Cass. civ. 3, 7 décembre 2023, n° 22-20.093, F.D)
La jurisprudence semble créer en fait 3 catégories :
- L’acheteur profane
- L’acheteur professionnel ne disposant pas des mêmes compétences que le vendeur lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose Cass. com. 5-7-2023 n° 22-11.621 FS-B.
- L’acheteur professionnel disposant des mêmes compétences que le vendeur lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose Cass. com. 5-7-2023 n° 22-11.621 FS-B,On trouve aussi le terme “acheteur de la même spécialité que le vendeur”.
Cette position est sujette à des positions cependant divergentes.
Et c’est pour tenir compte de ce cas de figure que dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation a reconnu à l’acheteur professionnel ou à l’acheteur reconnu comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la résolution d’une vente dès lors qu’il est établi qu’il n’avait pas vu les défauts parce qu’ils étaient difficilement perceptibles sans démontage. Un garagiste est condamné à réparer les conséquences de la vente d’un véhicule comportant un vice caché. Il exerce une action récursoire contre son propre vendeur, également garagiste. Les juges rejettent sa demande ; il n’est pas établi que le vice affectant le moteur ait été indécelable par un acquéreur professionnel auquel il incombait d’effectuer les contrôles et les vérifications d’usage avant revente à un particulier. Cass. com., 13 juin 1989, pourvoi n° 87-17518.
Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu’elle tient compte d’une réalité technique difficilement contestable, à savoir que certains vices peuvent échapper même à la vigilance d’un acheteur professionnel : on parle en la matière de “vices indécelables”, c’est à dire de vices indécelables sans démontage Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 novembre 1983, 82-11.310, Publié au bulletin : “Mais attendu que la cour d’appel ayant releve que la simple observation des purgeurs automatiques n’etait pas suffisante pour deceler leur defectuosite, qu’il a fallu les scier donc les detruire pour se rendre compte du vice, a tire de ces constatations les consequences legales qui en resultaient en faisant apparaitre que ces vices avaient pu rester caches a la societe ri, malgre sa qualite de professionnelle ;“
Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque le vendeur est de mauvaise foi, qu’il s’est rendu coupable de ruses pour tromper l’acheteur sur l’état du véhicule vendu (maquillage de défauts), peu importe que ce dernier soit un acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans cette hypothèse que l’acheteur professionnel retrouve la possibilité de se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d’appréciation ont été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du vendeur.
Il a été retenu que le vendeur professionnel est tenu de réparer tous les dommages qui sont la conséquence du vice caché y compris à l’égard d’un acheteur professionnel si ce dernier n’a pas les mêmes compétences que lui (Cass. com. 5-7-2023 n° 22-11.621 FS-B : BRDA 15-16/23 inf. 9).
La sanction du vice caché
Une fois le vice caché retenu par le juge, quelle est la sanction ?
Article 1644 du code civil sur la sanction du vice caché « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »
Restitution de la chose et du prix
Garde de la chose et restitution d’une partie du prix
Dommages-intérêts
Si le vendeur connaissait les vices cachés du bien vendu, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur (C. civ. art. 1645)
Contre qui agir ?
Contre l’entrepreneur par le maitre de l’ouvrage : non
Quand un entrepreneur fournit au maître de l’ouvrage du matériel qui s’avère défectueux, ce dernier ne peut pas agir contre lui sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Une société du secteur de l’énergie confie à un entrepreneur la réalisation d’une centrale de production d’électricité photovoltaïque. Pour réaliser ces travaux, l’entrepreneur utilise des connecteurs qu’il achète à un fabricant. Des défaillances de ces connecteurs ayant entraîné des interruptions de la production d’électricité, la société agit contre l’entrepreneur sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Une cour d’appel satisfait sa demande, en considérant que la prestation réalisée impliquait la fourniture de connecteurs, peu important que les parties soient liées par un contrat de louage d’ouvrage et non de vente.
La Cour de cassation censure ce raisonnement. Dans leurs rapports directs, l‘action en garantie des vices cachés n’est pas ouverte au maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur. Cass. com. 29-6-2022 no 19-20.647 F-B, Sté Smac c/ Sté Engie
La Cour de cassation refuse de faire une lecture extensive de cet article en décidant qu’il ne s’applique pas au contrat d’entreprise (louage d’ouvrage), dans le cas où l’entrepreneur fournit la matière.
Néanmoins, le maître de l’ouvrage n’est pas privé de toute action contre l’entrepreneur. Il peut agir contre lui en raison de la mauvaise exécution du contrat, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ. art. 1217), à charge pour l’entrepreneur d’appeler en garantie le fabricant du matériel défectueux en invoquant la garantie des vices cachés.
La clause d’exonération
Dans le cadre d’une vente, les parties peuvent prévoir une clause limitant ou excluant la garantie des vices cachés du vendeur (C. civ. art. 1643).
Toutefois, une telle clause ne peut pas recevoir application, et l’acheteur retrouve sa faculté d’agir en garantie, s’il est établi que le vendeur a agi de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il avait pleine connaissance, au jour de la vente, des vices affectant le bien vendu (Cass. 3e civ. 28-3-2007 no 06-12.299 FS-PB : RJDA 7/07 no 712). La non-révélation par le vendeur d’une information susceptible d’intéresser l’acquéreur le rend automatiquement de mauvaise foi, même s’il ne s’agit pas d’un vendeur professionnel, et le prive dès lors de l’exonération de garantie (Cass. 3e civ. 19-11-2008 no 07-16.746 : RJDA 7/09 no 623).
Les parties peuvent prévoir une clause limitant ou excluant la garantie (C. civ. art. 1643) mais cette clause n’est efficace qu’entre :
- vendeur et acheteur non professionnels si le vendeur est de bonne foi (notamment Cass. 3e civ. 16-12-2009 n° 09-10.540 et Cass. 3e civ. 13-1-2010 n° 08-21.677 : RJDA 7/10 n° 703)
- professionnels de même spécialité dans la mesure où le vice n’est pas décelable (Cass. 1e civ. 21-7-1987 n° 84-15.987 : Bull. civ. I n° 241 ; Cass. com. 22-6-1993 n° 91-13.598 : RJDA 1/94 n° 18 ; Cass. 3e civ. 28-2-2012 n° 11-10.705 : RJDA 3/13 n° 212).
Exemples :
- suffit à le rendre de mauvaise foi le fait, pour le vendeur d’une maison, de ne pas avoir porté à la connaissance de l’acheteur des mouvements de terrain et compressions de sol dont il avait été informé durant les années où il avait été propriétaire, même s’il était convaincu que les travaux qu’il avait effectués y avaient efficacement remédié (Cass. 3e civ. 22-9-2009 no 08-14.013 F-D).
- De même, il a été jugé que le vendeur d’un bien immobilier ne pouvait pas ignorer la présence d’insectes xylophages dès lors qu’il avait réalisé des travaux sur la charpente (Cass. 3e civ. 28-3-2007 no 06-12.299 précité).
- pour considérer que le vendeur n’avait pas eu connaissance du vice invoqué, les juges ont notamment pris en compte le fait qu’il n’avait jamais habité la maison. Cass. 3e civ. 21-12-2023 no 22-21.518 F-D, F. c/ Sté L’immobilière Guignard
- la Cour de cassation a également validé l’application d’une clause d’exclusion de garantie des vices cachés en retenant que même si le désordre invoqué, un affaissement de plancher, avait été causé par les travaux de rénovation réalisés par les parents du vendeur, celui-ci était seulement âgé de douze ou treize ans lors de ces travaux et, ayant toujours connu un plancher déformé, il n’avait pas pu en déduire l’existence de désordres qui ne se sont révélés qu’après démontage des faux plafonds (Cass. 3e civ. 21-12-2023 no 22-20.045 F-D).
Les délais et prescription de l’action en garantie des vices cachés
Quels délais pour agir en garantie des vices cachés ?
Le délai de l’action en garantie des vices cachés est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible de suspension mais qui peut être interrompu par une demande en justice. Il ne peut toutefois pas dépasser un délai de vingt ans à compter de la vente.
Le délai pour agir est un délai de forclusion
Compte tenu de cette décision, l’acquéreur qui demande la nomination d’un expert avant tout procès agira prudemment en introduisant ensuite l’action en garantie des vices cachés dès que l’expert est désigné, sans attendre le dépôt de son rapport.
…enfermé dans le délai butoir de 20 ans
le point de départ du délai de prescription de l’article 2224 étant fixé au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer, il se confond avec celui de l’article 1648, à savoir la découverte du vice, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés par l’article 2224. Cette action ne peut être limitée dans le temps que par le délai butoir de l’article 2232 du Code civil, selon lequel le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut pas avoir pour effet de porter le délai de la prescription au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. Elle doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser vingt ans à compter du jour de la vente, le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente.
(Cass. mixte 21-7-2023 nos 20-10.763 BR, 21-19.936 BR et 21-17.789 BR Cass. 3e civ. 1-10-2023 no 19-16.986 FS-PBI : RJDA 1/21 no 63 ; Cass. 3e civ. 8-12-2021 no 20-21.439 FS-B ; Cass. 1e civ. 6-12-2023 nos 21-21.899 F-D et 22-23.487 F-D)
- le délai pour agir en garantie des vices cachés (2 ans à compter de la découverte du vice) est enfermé dans le délai butoir de 20 ans (C. civ. art. 2232 issu de la réforme), qui court à compter de la vente, et non dans le délai de prescription de droit commun, qui court à partir de la connaissance des faits (cf. C. com. art. L 110-4, I et C. civ. art. 2224), comme l’avait jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 16-1-2019 no 17-21.477 F-PB) ;
- l’action récursoire doit être engagée dans les deux ans de l’assignation de celui qui l’exerce et dans le délai butoir qui court à compter du jour de la vente conclue par la partie appelée en garantie ;
- pour les ventes commerciales ou mixtes conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription (le 19 juin 2008), le délai butoir de l’article 2232 du Code civil s’applique si le délai de prescription décennal antérieur (prescription commerciale de droit commun alors considérée comme délai butoir) n’était pas expiré à cette date, en tenant compte du délai déjà écoulé depuis la conclusion du contrat ;
- pour les ventes civiles conclues avant la réforme, le délai butoir de 20 ans de l’article 2232 s’applique depuis le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder 30 ans (durée antérieure de la prescription civile de droit commun).
Les tempéraments au régime sévère de la présomption irréfragable : le passage ) une présomption simple
Aux termes de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, le vendeur professionnel serait présumé, jusqu’à preuve du contraire, connaître les vices du bien vendu (art. 1642 du projet). Autrement dit, la présomption ne serait plus irréfragable, que l’acheteur soit ou non un professionnel. Commentant cette modification, la commission de réforme relève que le caractère irréfragable de la présomption, comme l’interdiction des clauses aménageant la responsabilité (sauf si l’acheteur est un professionnel), paraît anachronique : la responsabilité du fait des produits défectueux bénéficie à tous ; l’acheteur consommateur est protégé par le Code de la consommation ; les articles 1170 (selon lequel toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite) et 1171 (écartant l’application des clauses non négociables « abusives ») du Code civil fixent déjà des limites raisonnables à la liberté contractuelle.
Concours vice caché et droit des contrats (erreur, dol) – articulation
La Cour de cassation a écarté le cumul de la garantie des vices cachés et de la responsabilité civile contractuelle de droit commun (C. civ. art. 1147) et interdit à l’acheteur d’invoquer cette dernière pour faire échec à une clause de non-garantie de vices cachés (Cass. 3e civ. 12-9-2012 n° 11-21.007 : RJDA 3/13 n° 213).
Lorsqu’un défaut constitue un vice caché, l’acquéreur est tenu d’agir sur le fondement de l’action en garantie légale contre les vices cachés, prévue par les articles 1641 et suivants du Code civil (Cass. 1e civ. 14-5-1996 n° 94-13.921 P : RJDA 10/96 n° 1177 ; Cass. 3e civ. 17-11-2021 n° 20-15.567 F-D : RJDA 2/22 n° 72). L’acquéreur ne peut donc ni agir sur le fondement du défaut de délivrance lorsque le défaut s’analyse à la fois en un vice caché et en un manquement à l’obligation de délivrance (Cass. 3e civ. 4-10-1995 n° 93-14.879 P : RJDA 11/95 n° 1222 ; Cass. 3e civ. 15-3-2000 n° 97-19.959 PB : RJDA 5/00 n° 526) ni invoquer la nullité de la vente pour erreur lorsque le défaut invoqué s’analyse à la fois en un vice caché et une erreur sur les qualités essentielles (voir n° 25075 s.). Sur la faculté de demander l’annulation de la vente pour dol ou violence, voir n° 25081.
Le vice caché ne peut pas non plus donner lieu à une action en responsabilité contractuelle (Cass. com. 19-3-2013 n° 11-26.566 FP-PB : RJDA 7/13 n° 595 ; dans le même sens, Cass. 3e civ. 12-9-2012 n° 11-21.007 FS-D : RJDA 3/13 n° 213). De même, le régime de réduction du prix de l’article 1223 du Code civil – qui permet au créancier d’accepter une exécution imparfaite du contrat et de solliciter en contrepartie une réduction proportionnelle du prix – est inapplicable. En effet, les contrats dont la réduction du prix est régie par une disposition particulière ne sont pas soumis à ce régime, cette disposition particulière primant la règle générale, en vertu de l’article 1105, al. 3 du Code civil.
a. En présence d’un vice caché, les clauses limitant ou excluant la responsabilité du cédant doivent être examinées au regard des règles posées par les articles 1643 et suivants ; leur conformité aux articles 1231-3 et suivants du Code civil relatifs à la validité des clauses aménageant la responsabilité contractuelle des parties est sans incidence sur leur efficacité en matière de garantie des vices cachés (Cass. com. 19-3-2013 n° 11-26.566, précité).
b. L’action en réparation du préjudice subi du fait d’un vice caché peut être exercée par un tiers à la cession de manière autonome car elle n’est pas subordonnée à l’exercice d’une action rédhibitoire ou estimatoire (Cass. 3e civ. 24-6-2015 n° 14-15.205 FS-PB : Bull. civ. III n° 66).
Vice du consentement et vice caché
En pratique, les défauts peuvent constituer simultanément un vice du consentement et un vice caché. Au titre de ce dernier, l’acheteur a le choix de rendre le bien vendu et de se faire restituer le prix (action dite rédhibitoire) ou de garder le bien vendu et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire ; C. civ. art. 1644).
La question de savoir si l’acquéreur dispose d’une option pour agir contre le cédant n’est pas réglée de la même façon selon la nature du vice du consentement en cause.
Vice caché et erreur
Lorsque le défaut invoqué s’analyse à la fois comme une erreur sur les qualités substantielles (désormais sur les qualités essentielles) des titres et comme un vice caché, les première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation ont jugé que l’existence du vice caché interdit à l’acquéreur d’invoquer la nullité de la vente pour erreur et que la garantie des vices cachés constitue l’unique fondement possible de l’action de l’acquéreur (Cass. 1e civ. 14-5-1996 n° 955 P : RJDA 10/96 n° 1177 ; Cass. 3e civ. 7-6-2000 n° 894 FS-D : RJDA 9-10/00 n° 852 ; Cass. 3e civ. 17-11-2004 n° 1190 F-PB : RJDA 3/05 n° 241 ; Cass. 3e civ. 30-3-2011 n° 10-15.309 FS-D : RJDA 10/11 n° 786 ; Cass. 3e civ. 30-11-2017 n° 16-24.518 F-D : RJDA 3/18 n° 221).
Cette exclusion s’explique par le fait que ces notions visent toutes deux les caractéristiques des titres, appréciées au regard de leur destination (en matière de vice caché) ou de l’aptitude de la société à remplir son objet social et à poursuivre une activité économique (en cas d’erreur sur la substance). Or, lorsque deux règles de droit régissent une même situation, la règle spéciale, ici la garantie des vices cachés, prime sur la règle générale (C. civ. art. 1105, al. 3). C’est également pour cette raison qu’en cas de défaut s’analysant à la fois comme un vice caché et un manquement à l’obligation de délivrance, seule l’action en garantie des vices cachés est ouverte à l’acquéreur (Cass. 3e civ. 1-10-1997 n° 1371 P : RJDA 12/97 n° 1476 ; Cass. 3e civ. 15-3-2000 n° 385 PB : RJDA 5/00 n° 526 ; Cass. 3e civ. 24-4-2003 n° 515 FS-PB : RJDA 8-9/03 n° 826 ; Cass. 1e civ. 28-10-2015 n° 14-18.771 F-D : RJDA 4/16 n° 269).
En conséquence :
si l’acquéreur a demandé la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles (ou essentielles) de la chose vendue tout en invoquant, à l’appui de sa demande, des défauts rendant la chose impropre à sa destination, le juge doit rechercher si l’action en annulation ne doit pas être requalifiée en une demande en garantie des vices cachés (Cass. 1e civ. 12-7-2001 n° 1355 FS-PB : RJDA 1/02 n° 27) ; mais, si l’acheteur n’a invoqué que la garantie des vices cachés, le juge n’est pas tenu de rechercher un autre fondement juridique éventuel (Cass. ass. plén. 21-12-2007 n° 06-11.343 PBRI : Bull. civ. n° 10) ;l’acquéreur doit agir, non pas dans les délais de prescription applicables en matière de vices du consentement mais dans le délai prévu par l’article 1648 du Code civil (n° 61360 s.) ; à défaut l’action est prescrite et le juge n’a pas à rechercher si l’acquéreur n’a pas commis une erreur sur la substance (ou sur les qualités essentielles) des titres (Cass. 1e civ. 14-5-1996 n° 955 précité).
La portée de cette exclusion est limitée. D’une part, elle ne vise que l’erreur sur la substance (ou sur les qualités essentielles) si bien que la cœxistence d’une erreur d’un autre type (erreur sur la personne du cédant par exemple) et d’un vice caché ne devrait pas interdire à l’acquéreur de choisir entre l’une et l’autre des actions, celles-ci n’ayant alors pas le même objet.
D’autre part, elle n’a pas été, à notre connaissance, reprise par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui a, à plusieurs reprises depuis la prise de position de la première chambre civile, prononcé l’annulation de cessions de titres sur le fondement d’une erreur sur la substance sans requalifier d’office la demande (Cass. com. 21-10-1997 n° 2154 D : RJDA 1/98 n° 61 ; Cass. com. 21-11-2000 n° 1934 : Bull. Joly 2001 p. 166, affaires dans lesquelles la garantie des vices cachés n’était pas invoquée).
Vice caché et dol ou violence
Lorsqu’il y a simultanément vice caché et dol, l’acquéreur peut choisir d’agir sur l’un ou l’autre de ces fondements (Cass. 3e civ. 29-11-2000 n° 1610 FS-PBI : RJDA 4/01 n° 435 ; Cass. 3e civ. 10-4-2002 n° 717 FS-D : RJDA 8-9/02 n° 875 ; Cass. 1e civ. 6-11-2002 n° 1561 P : RJDA 3/03 n° 249 ; Cass. 3e civ. 23-9-2020 n° 19-18.104 FS-PBI : RJDA 12/20 n° 637).
À la différence de l’erreur sur les qualités essentielles (ou substantielles) et du vice caché, l’erreur provoquée par le dol est une cause de nullité même si elle porte seulement sur la valeur des titres ou sur un motif de la cession (C. civ. art. 1139) ; le dol suppose en outre des manœuvres ou une réticence intentionnelle. Ainsi, les notions de vice caché et de dol ne recouvrent pas exactement les mêmes choses. Dès lors, le fondement de la règle du non-cumul d’actions en cas de vice et d’erreur, à savoir qu’un texte spécial prime un texte général, ne peut ici exister puisque les deux règles en cause ne sont pas de même nature.
Par analogie de raisonnement, la solution est à notre avis transposable au cas de violence.
JP de référence
Cass. com. 5-7-2023 no 22-11.621 F-B, Sté Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche c/ Sté AGB