Agir en garantie des vices cachés

La garantie contre les vices cachés est l’une des garanties que le Code civil met à la charge du vendeur ; ainsi, le vendeur doit garantie à l’acheteur des vices cachés qui affectent l’utilité de la chose, ou sa valeur si l’acquéreur entend la revendre.

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus (C. civ. art. 1641). L’acheteur a alors le choix de demander l’anéantissement de la vente ou une réduction de son prix, outre d’éventuels dommages-intérêts si le vendeur connaissait les vices (C. civ. art. 1644 et 1645). L’acheteur doit exercer l’action en garantie dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (C. civ. art. 1648).

Fondement juridique

Articles 1641 et suivants du code civil

La garantie des vices cachés protège les acquéreurs : elle impose au vendeur professionnel ou occasionnel de livrer un bien sans défaut (dit « vice ») susceptible de compromettre l’utilisation que l’acheteur souhaite en faire.

Cette garantie s’applique à un vice caché lors de la vente : l’action doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut.

La qualité du vendeur

En matière de garantie des vices cachés, le vendeur n’est pas soumis aux mêmes règles selon qu’il connaissait ou non les vices lors de la vente :

  • s’il les connaissait, il doit restituer tout ou partie du prix de vente à l’acheteur (selon que l’acheteur choisit de garder ou de restituer le bien), mais aussi l’indemniser de tous les dommages subis (C. civ. art. 1645) [dommages-intérêts] ;
  • s’il les ignorait, il est seulement tenu de restituer tout ou partie du prix et de rembourser les frais de la vente (art. 1646), et non de garantir l’acheteur des dommages causés par le vice (Cass. 1e civ. 4-2-1963 no 57-10.892 P : Bull. civ. I no 77).

Pèse sur le vendeur professionnel une présomption irréfragable de connaissance du vice qui lui interdit d’apporter la preuve contraire et l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui sont la conséquence du vice (Cass. 1e civ. 21-11-1972 no 70-13.898 : Bull. civ. I no 257 ; Cass. 2e civ. 30-3-2000 no 98-15.286 P : Bull. civ. II no 57 ; Cass. com. 5-7-2023 no 22-11.621 F-B : BRDA 15-16/23 inf. 9, déclarant ce principe conforme au droit à un procès équitable). Encore faut-il qu’il s’agisse d’un vendeur professionnel, ce que les juges du fond doivent caractériser (Cass. 1e civ. 12-3-1980 no 78-16.290 : Bull. civ. I no 85)

Il résulte de l’article 1645 une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice du bien vendu, qui l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui en sont la conséquence, si la société qui avait vendu l’objet litigieux se livrait de façon habituelle à cette vente.

Qui est un vendeur professionnel ?

  • L’entreprise qui revend son matériel usagé n’est pas vendeur professionnel. Le professionnel qui revend d’occasion un bien dont il a fait usage dans le cadre de son activité n’est pas un vendeur professionnel présumé connaître les vices dont le bien est atteint et tenu de réparer tous les dommages qui en sont la conséquence. Le fait que le vendeur ait une activité économique et vende occasionnellement des biens d’occasion en lien avec son activité est insuffisant pour le qualifier de vendeur professionnel des biens en cause. Par exemple, une société spécialisée dans le débardage forestier qui achète un engin agricole puis le revend n’est pas un vendeur professionnel (Cass. com. 17-1-2024 n° 21-23.909 F-B, Sté de travaux et débardage Antunes c/ Sté Sogedep).

Contre qui agir ?

Contre l’entrepreneur par le maitre de l’ouvrage : non

Quand un entrepreneur fournit au maître de l’ouvrage du matériel qui s’avère défectueux, ce dernier ne peut pas agir contre lui sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Une société du secteur de l’énergie confie à un entrepreneur la réalisation d’une centrale de production d’électricité photovoltaïque. Pour réaliser ces travaux, l’entrepreneur utilise des connecteurs qu’il achète à un fabricant. Des défaillances de ces connecteurs ayant entraîné des interruptions de la production d’électricité, la société agit contre l’entrepreneur sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Une cour d’appel satisfait sa demande, en considérant que la prestation réalisée impliquait la fourniture de connecteurs, peu important que les parties soient liées par un contrat de louage d’ouvrage et non de vente.

La Cour de cassation censure ce raisonnement. Dans leurs rapports directs, l‘action en garantie des vices cachés n’est pas ouverte au maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur. Cass. com. 29-6-2022 no 19-20.647 F-B, Sté Smac c/ Sté Engie

La Cour de cassation refuse de faire une lecture extensive de cet article en décidant qu’il ne s’applique pas au contrat d’entreprise (louage d’ouvrage), dans le cas où l’entrepreneur fournit la matière.

Néanmoins, le maître de l’ouvrage n’est pas privé de toute action contre l’entrepreneur. Il peut agir contre lui en raison de la mauvaise exécution du contrat, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ. art. 1217), à charge pour l’entrepreneur d’appeler en garantie le fabricant du matériel défectueux en invoquant la garantie des vices cachés.

La clause d’exonération

Dans le cadre d’une vente, les parties peuvent prévoir une clause limitant ou excluant la garantie des vices cachés du vendeur (C. civ. art. 1643).

Toutefois, une telle clause ne peut pas recevoir application, et l’acheteur retrouve sa faculté d’agir en garantie, s’il est établi que le vendeur a agi de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il avait pleine connaissance, au jour de la vente, des vices affectant le bien vendu (Cass. 3e civ. 28-3-2007 no 06-12.299 FS-PB : RJDA 7/07 no 712). La non-révélation par le vendeur d’une information susceptible d’intéresser l’acquéreur le rend automatiquement de mauvaise foi, même s’il ne s’agit pas d’un vendeur professionnel, et le prive dès lors de l’exonération de garantie (Cass. 3e civ. 19-11-2008 no 07-16.746 : RJDA 7/09 no 623).

Exemples :

  • suffit à le rendre de mauvaise foi le fait, pour le vendeur d’une maison, de ne pas avoir porté à la connaissance de l’acheteur des mouvements de terrain et compressions de sol dont il avait été informé durant les années où il avait été propriétaire, même s’il était convaincu que les travaux qu’il avait effectués y avaient efficacement remédié (Cass. 3e civ. 22-9-2009 no 08-14.013 F-D).
  • De même, il a été jugé que le vendeur d’un bien immobilier ne pouvait pas ignorer la présence d’insectes xylophages dès lors qu’il avait réalisé des travaux sur la charpente (Cass. 3e civ. 28-3-2007 no 06-12.299 précité).
  • pour considérer que le vendeur n’avait pas eu connaissance du vice invoqué, les juges ont notamment pris en compte le fait qu’il n’avait jamais habité la maison. Cass. 3e civ. 21-12-2023 no 22-21.518 F-D, F. c/ Sté L’immobilière Guignard
  • la Cour de cassation a également validé l’application d’une clause d’exclusion de garantie des vices cachés en retenant que même si le désordre invoqué, un affaissement de plancher, avait été causé par les travaux de rénovation réalisés par les parents du vendeur, celui-ci était seulement âgé de douze ou treize ans lors de ces travaux et, ayant toujours connu un plancher déformé, il n’avait pas pu en déduire l’existence de désordres qui ne se sont révélés qu’après démontage des faux plafonds (Cass. 3e civ. 21-12-2023 no 22-20.045 F-D).

Les délais et prescription de l’action en garantie des vices cachés

Quels délais pour agir en garantie des vices cachés ?

Le délai de l’action en garantie des vices cachés est un délai de forclusion qui n’est pas susceptible de suspension mais qui peut être interrompu par une demande en justice. Il ne peut toutefois pas dépasser un délai de vingt ans à compter de la vente.

Le délai pour agir est un délai de forclusion

Compte tenu de cette décision, l’acquéreur qui demande la nomination d’un expert avant tout procès agira prudemment en introduisant ensuite l’action en garantie des vices cachés dès que l’expert est désigné, sans attendre le dépôt de son rapport.

…enfermé dans le délai butoir de 20 ans

le point de départ du délai de prescription de l’article 2224 étant fixé au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer, il se confond avec celui de l’article 1648, à savoir la découverte du vice, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés par l’article 2224. Cette action ne peut être limitée dans le temps que par le délai butoir de l’article 2232 du Code civil, selon lequel le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut pas avoir pour effet de porter le délai de la prescription au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. Elle doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser vingt ans à compter du jour de la vente, le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente.

(Cass. mixte 21-7-2023 nos 20-10.763 BR, 21-19.936 BR et 21-17.789 BR Cass. 3e civ. 1-10-2023 no 19-16.986 FS-PBI : RJDA 1/21 no 63 ; Cass. 3e civ. 8-12-2021 no 20-21.439 FS-B  ; Cass. 1e civ. 6-12-2023 nos 21-21.899 F-D et 22-23.487 F-D) 

  • le délai pour agir en garantie des vices cachés (2 ans à compter de la découverte du vice) est enfermé dans le délai butoir de 20 ans (C. civ. art. 2232 issu de la réforme), qui court à compter de la vente, et non dans le délai de prescription de droit commun, qui court à partir de la connaissance des faits (cf. C. com. art. L 110-4, I et C. civ. art. 2224), comme l’avait jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 16-1-2019 no 17-21.477 F-PB) ;
  • l’action récursoire doit être engagée dans les deux ans de l’assignation de celui qui l’exerce et dans le délai butoir qui court à compter du jour de la vente conclue par la partie appelée en garantie ;
  • pour les ventes commerciales ou mixtes conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription (le 19 juin 2008), le délai butoir de l’article 2232 du Code civil s’applique si le délai de prescription décennal antérieur (prescription commerciale de droit commun alors considérée comme délai butoir) n’était pas expiré à cette date, en tenant compte du délai déjà écoulé depuis la conclusion du contrat ;
  • pour les ventes civiles conclues avant la réforme, le délai butoir de 20 ans de l’article 2232 s’applique depuis le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder 30 ans (durée antérieure de la prescription civile de droit commun).

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