Tribunal de commerce ou tribunal judiciaire : qui est compétent ?

Les tribunaux de commerce ont en principe compétence exclusive pour connaître des litiges relatifs aux sociétés commerciales. Par exception, les non-commerçants extérieurs au pacte social et n’appartenant pas aux organes de la société peuvent choisir de saisir le juge consulaire ou le juge civil.

La compétence peut être de deux ordres :

  • Soit une compétence matérielle ou compétence d’attribution selon la matière du litige
  • Soit une compétence territoriale selon le lieu du litige (non traité dans cet article)

Le caractère exclusif de la compétence du tribunal de commerce

Fondement juridique

L’article L. 721-3 du code de commerce constitue le siège de la compétence commerciale (Cass. 18 mars 2013, no 12-70.020). Cette disposition ne tient pas compte de la valeur du litige si bien que les tribunaux de commerce connaissent des affaires pour lesquelles la loi leur a donné compétence indépendamment de la valeur du litige. Le tribunal de commerce est donc le juge naturel des parties pour les litiges visés à l’article L. 721-3 du code de commerce.

À l’opposé, il est incompétent pour toute affaire n’entrant pas dans les limites fixées par la loi : cette incompétence a un caractère absolu. C’est le tribunal judiciaire qui est compétent pour connaître des litiges qui n’ont pas été spécialement attribués au tribunal de commerce.

Aussi, dès lors que le litige relève de la compétence du tribunal de commerce, le tribunal judiciaire est réciproquement incompétent pour en connaître (Com. 27 oct. 2009, no 08-18.004). 

Les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. Par exception, lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci.

721-3 code de commerce

Une exclusivité d’ordre public rappelée par la Cour de Cassation

La cour d’appel et la doctrine refusent l’exclusivité

La compétence du tribunal de commerce, lorsqu’elle était prévue par les textes, est-elle exclusive de celle du tribunal judiciaire ? Autrement dit, un commerçant peut-il choisir de porter son affaire devant le juge civil si elle relève pourtant du champ du tribunal de commerce ?

Certaines jurisprudences donnaient raison à cette interprétation.

Ainsi, la cour d’appel de Paris a jugé dans un arrêt du  10 octobre 2019  (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 6, 30 octobre 2019, n° 19/02807) que la compétence du tribunal de commerce n’était pas exclusive et que donc un litige qui relevait de son attribution pouvait être jugé devant le tribunal judiciaire à la suite d’une intervention forcée : « Considérant que le juge de la mise en état, pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la BANQUE a, après avoir rappelé les dispositions des articles L 721-3 du code de commerce réglant la compétence du tribunal de commerce et du code de procédure civile relatif à la connexité, à bon droit contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant, retenu qu’en droit la compétence ordinaire du tribunal de commerce, qui n’est pas d’ordre public, peut être tenue en échec par une éventuelle prorogation de compétence du tribunal de grande instance, notamment au motif d’une bonne administration de la justice, en raison d’un lien de connexité pouvant exister entre l’action engagée par une société commerciale et une instance engagée par des non-commerçants ou du caractère accessoire de la première à l’égard de la seconde, à la condition que le litige ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de commerce relative aux procédures collectives et aux actes de commerce en la forme ce qui en l’espèce ne ressort pas des faits de la cause » 

Cette position est d’ailleurs soutenue par Monsieur le Professeur X. Vuitton qui soutient que la compétence du tribunal de commerce n’a pas de caractère d’ordre public (JCl. Procédure civile, fasc.  1100-35, n° 30). 

La Cour de Cassation et le tribunal judiciaire jugent en faveur de l’exclusivité

La Cour de Cassation a clairement rejeté cette position et a jugé que la compétence du tribunal de commerce était EXCLUSIVE (Cass. com. 20-12-2023 no 22-11.185 F-B, X c/ Sté Renault) : “ce litige relevait de la compétence exclusive du tribunal de commerce“.

Elle l’avait déjà jugé par le passé, mais de manière moins claire, sans précision explicite du caractère exclusif (Cour de cassation, 27 octobre 2009, n° 08-18.004 ; Cour de cassation, 30 septembre 1981, n° 81-12.35;Cour de cassation, 21 janvier 2004, n° 02-12.711). 

Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que “les dispositions de l’article L. 721-3 (et non 723-1) du code de commerce fixant la compétence des tribunaux de commerce doivent être regardées comme revêtant un caractère d’ordre public dès lors qu’elles sont édictées dans le cadre de l’organisation judiciaire et pour une meilleure administration de la justice.” (Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, jugement rendu en état de référé du 21 juin 2024, RG n° 23/56868 ➔ Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, jugement rendu en état de référé du 21 juin 2024, RG n° 23/55694)

Conséquence de la compétence exclusive d’ordre public

Cela veut dire que si le tribunal judiciaire voit un dossier arriver devant lui relevant du tribunal de commerce, il doit D’OFFICE relever son incompétence puisqu’elle est d’ordre public (c’est là où je suis en désaccord avec l’arrêt de la cour d’appel de Paris précité qui semble être désavoué par la position de la Cour de Cassation et du tribunal judiciaire).

Ce qui est exclusif est d’ordre public.

Les compétences exclusives du tribunal de commerce

Contestations relatives aux engagements entre commerçants (C. com., art. L. 721-3, 1°)

Plus précisément, le terme consacré est “Contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux” (C. com., art. L. 721-3, 1° )

Le tribunal de commerce est compétent pour connaître des contestations et litiges entre commerçants (Com. 26 oct. 2010, no 09-71.647 . – Com. 27 oct. 2009, no 08-18.004).Et notamment, tous litiges entre personnes physiques ou personnes morales, se rapportant à une activité commerciale, quelle que soit la source, conventionnelle ou non, des engagements litigieux (L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé : LexisNexis, 11e éd., 2020, n° 145, p. 150. )

C’est à dire que le TCOM est compétent pour tout litige “opposant deux sociétés commerciales“, c’est à dire entre sociétés commerciales (Com. 8 nov. 2017, no 16-15.262 . – Civ. 2e, 28 sept. 2017, no 16-19.027) (Cour d’appel de Paris, Chambre 4-5, 13 septembre 2023, 22/12412).

La personne physique commerçante

La qualité de commerçant est définie par le code de commerce à l’article L. 121-1 du code de commerce qui prévoit que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Deux conditions cumulatives sont donc exigées :

  1. l’usage des actes de commerce :
  2. et l’exercice à titre habituel des actes de commerce

Les articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce précisent les actes qui sont réputés actes de commerce par la loi. 

L’inscription de la personne physique au registre du commerce et des sociétés créé une présomption sur sa qualité de commerçant (article 123-7 du code de commerce). Cette présomption peut cependant être renversée ( Cass. com., 28 mai 2002, n° 99-21.115 . – Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-19.359)  sauf à ce que la personne immatriculée rapporte la preuve que la personne contestant sa qualité savait qu’elle n’était pas commerçante. Dans cette hypothèse, la présomption devient irréfragable (Cass. com., 27 sept. 2016, n° 14-21.964 . – Cass. com., 5 déc. 2006, n° 04-20.039 ).

Par exemple, constituent des commerçants :

  • particuliers personnes physiques inscrits au registre du commerce (Com. 26 oct. 2010, no 09-71.647 )
  • particuliers personnes physiques qui exploitent une activité à but lucratif et agissant ainsi dans le cadre de la préparation de l’exercice d’une activité commerciale, accomplissent ainsi des actes de nature commerciale (Com. 14 oct. 2020, no 19-12.548 ).
  • Associations pratiquant des actes de commerce (Com. 14 févr. 2006, no 05-13.453 )

En revanche, tous les professionnels ne sont pas des commerçants bien qu’ayant une activité ayant trait au commerce au sens large (D. Cholet, Droit et pratique de la procédure civile (dir. S. Guinchard) : Dalloz, 2021-2022, n° 235-42, p. 248 ).

La société commerciale commerçante quel que soit son objet

La juriprudence (Com. 8 nov. 2017, no 16-15.262 . – Civ. 2e, 28 sept. 2017, no 16-19.027, Cour d’appel de Paris, Chambre 4-5, 13 septembre 2023, 22/12412) est venue confirmer que lorsque deux sociétés commerciales sont en contentieux, et peu importe l’objet de ce contentieux, c’est bien le tribunal de commerce qui est exclusivement compétent, et peu importe que les deux sociétés exercent des activités civiles (voir ci-dessous).

l’article L.721-3 précité prévoit spécifiquement la compétence des tribunaux de commerce pour traiter des contestations entre sociétés commerciales, comme Eppendorf, Domotec et Satellites Architectes.” Cour d’appel de Versailles, Chambre 12, 10 novembre 2022, 22/03843

Autrement dit, la forme commerciale de la société donne compétence exclusive et automatique au TCOM, peu importe son objet ou son activité en cause fut-elle civile.

Le cas des activités civiles (architecte, etc.) exercées sous la forme commerciale

Un professionnel exerçant une activité civile peut choisir d’exercer sous la forme d’une société commerciale comme une SAS. Dans ce cas, c’est le tribunal de commerce qui est compétent et non le tribunal judiciaire.

  • Cour d’appel de Paris, Chambre 4-5, 13 septembre 2023, 22/12412Ainsi indépendamment de son objet, qui a trait à l’exercice de la profession libérale d’architecte, réglementée par la loi n°77-2 du 3 janvier 1977, la société ATELIERS O-S ARCHITECTURE ayant opté pour un exercice professionnel sous la forme d’une société commerciale à responsabilité limitée et non d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée est régie par le code de commerce . Par suite c’est à bon droit que le tribunal de commerce de Créteil s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige opposant deux sociétés commerciales au sens des dispositions de l’article L 721-3 du Code de commerce . »
  • Cour d’appel de Versailles, Chambre 12, 10 novembre 2022, 22/03843 “Si cette juridiction n’est en principe pas compétente pour traiter des recours formés contre le défendeur relevant de la compétence du tribunal judiciaire, qui devrait être saisi des demandes concernant ce défendeur, l’article L.721-3 précité prévoit spécifiquement la compétence des tribunaux de commerce pour traiter des contestations entre sociétés commerciales, comme Eppendorf, Domotec et Satellites Architectes”
  • Cour d’appel de Versailles, Chambre 12, 10 novembre 2022, 22/03843 “Les deux demanderesses et la défenderesse sont des sociétés commerciales, de sorte que par application du 1° de l’article L 721-3 du code de commerce, l’affaire relève de la compétence du tribunal de commerce. “

Exception : si la société exerce sous la forme d’une société d’exercice libéral :

  • SELARL, société d’exercice libéral à responsabilité limitée,
  • SELAFA, société d’exercice libéral à forme anonyme,
  • SELAS, société d’exercice libéral par actions simplifiée,
  • SELCA, société d’exercice libéral en commandite par actions.

Cour d’appel de Paris, Chambre 4-6, 13 mai 2022, 21/18052En application de ces dispositions, une société ayant une activité civile mais qui a choisi d’exercer sous la forme d’une société commerciale est une société de nature commerciale qui relève de la compétence du tribunal de commerce en cas de litige.  (…) en application de l’article L.210-1 du code de commerce, la société Alain Manoilesco < architecte > est une société commerciale par la forme, le fait qu’elle exerce une activité d’architecte de nature civile étant inopérant. Dès lors qu’elle n’a pas été constituée conformément à la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales, l’article L. 721-5 du code de commerce qui prévoit la compétence exclusive des tribunaux civils n’est pas applicable

Dans ce cas là de SEL, c’est les juridictions civiles (tribunal judiciaire) qui sont exclusivement compétentes.

Contestations relatives aux sociétés commerciales (C. com., art. L. 721-3, 2°) – la gestion

Les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales (C. com. art. L 721-3, 2o), c’est à dire celles qui relèvent de son fonctionnement interne et de sa gestion (Com. 18 mars 2020, no 17-24.039, Com. 27 oct. 2009, no 08-20.384)

Selon l’article L.210-1 alinéa 2 du code de commerce, sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions.

Retenant une conception extensive de la notion, les contestations relatives aux sociétés commerciales recoupent les actions liées à une société commerciale et se rapportant, peu importe que le demandeur ou défendeur soit commerçant, :

  • à l’organisation, au fonctionnement et à la dissolution des sociétés commerciales, présentant un lien direct avec la gestion de la société, même si le défendeur n’est pas commerçant ou dirigeant de droit de la société (Cass. com. 7-4-1967 no 64-14.121 : Bull. civ. III no 129 ; Cass. com. 27-10-2009 no 08-20.384 FS-PBIR : RJDA 1/10 no 51 ; Cass. com. 14-11-2018 no 16-26.115 F-PBI : RJDA 5/19 no 344). Par exemple, d’un différend portant sur la rémunération du dirigeant, et plus particulièrement sur ses droits à une retraite supplémentaire (Cass. com. 20-12-2023 no 22-11.185 F-B, X c/ Sté Renault) ;
  • aux actions en responsabilité exercées par un associé contre un autre ou engagées par des sociétés commerciales contre leurs dirigeants de fait (Com. 30 mars 2022, no 20-11.776)
  • aux actions en paiement de dividendes
  • aux actions concernant la cession de droits sociaux (Cass. com. 10-7-2007 no 06-16.548 FS-PBIR : RJDA 12/07 no 1245 ; Cass. com. 12-2-2008 no 07-14.912 F-PB : RJDA 5/08 no 533)
  • à la contestation de l’élection, par les salariés actionnaires, du candidat à l’élection (par l’assemblée générale) de leur représentant au conseil d’administration d’une société anonyme : il s’agit, a-t-il été jugé, d’un litige portant sur une contestation relative aux sociétés commerciales et relevant en conséquence de la compétence du tribunal de commerce, en application de l’article L. 721-3, 2°, du code de commerce (Com. 18 mars 2020, n° 17-24.039, Rev. sociétés 2020. 549, note R. Vatinet ; D. 2020. 1444, note Q. Némoz-Rajot ; RTD com. 2020. 655, obs. A. Lecourt ; BJS mai 2020. 24, note M. Storck). La solution n’avait rien d’évident, dès lors, notamment, que les contestations concernant l’élection des représentants des salariés au conseil d’administration relèvent quant à elles du tribunal judiciaire (C. com., art. L. 225-28, al. 9). Elle pourrait, là encore, trouver une justification dans l’idée de réserver à la juridiction consulaire un bloc de compétence (Com. 18 mars 2020, n° 17-24.039). Dans la mesure où la seconde phase de l’élection du représentant des salariés administrateurs implique un vote en assemblée générale, dont le contentieux relève nécessairement de la compétence du tribunal de commerce, il n’est pas incohérent d’attraire devant la même juridiction les difficultés contentieuses ayant trait à la première phase du processus, celle qui voit la désignation des candidats administrateurs par les salariés actionnaires. Belle démonstration du caractère particulièrement englobant de la formule « relatives aux sociétés commerciales ».

Dans ces cas, le tribunal de commerce est exclusivement compétent.

Lire : Compétence matérielle – Tribunal de commerce : notion de contestation relative aux sociétés commerciales – Veille par Christine Lebel

Contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (C. com., art. L. 721-3, 3°)

Les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce (Civ. 1re, 22 oct. 2014, no 13-11.568).

La définition des actes de commerce renvoie, en effet, aux articles L. 110-1 et suivants du code de commerce.

Le tribunal de commerce est compétent pour connaître de l’activité d’expertise consistant à diagnostiquer l’état de biens immeubles en vue de la pérennisation, l’optimisation et la transmission d’un patrimoine dans la catégorie des fournitures de services, et cette activité, qui n’est pas purement intellectuelle, revêt un caractère commercial dès lors qu’elle est exercée à titre habituel et lucratif (Com. 5 déc. 2006, no 04-20.039)

Autres compétences exclusives

  • Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, 11-07-2007 Art. L721-3-1, Code de commerce
  • Art. L721-4, Code de commerce des billets à ordre portant en même temps des signatures de commerçants et de non-commerçants (C. com., art. L. 721-4 ) ;
  • Art. L721-8, Code de commerce des mandats ad hoc, des conciliations, des sauvegardes, des redressements et des liquidations judiciaires. Pour les débiteurs les plus importants (nombre de salariés, chiffre d’affaires, etc.), le tribunal de commerce compétent peut être spécialement désigné (C. com., art. L. 721-8 ).
  • des demandes formées en application du Règlement (CE) n° 861/2007, du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges  (C. com., art. L. 721-3-1 ) ;

La compétence du Président du tribunal de commerce

Art. 872, Code de procédure civile et Art. 874, Code de procédure civile : Le président du tribunal de commerce dispose de compétences proches de celles du président du tribunal judiciaire en matière de référé (CPC, art. 872 à 873-1) et de requête (CPC, art. 874 à 876-1).

Art. L721-7 Code de commerce : Le président du tribunal de commerce peut connaître concurremment avec le juge de l’exécution, lorsqu’elles tendent à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale et qu’elles sont demandées avant tout procès, des mesures conservatoires portant sur des meubles ou des immeubles (C. com., L. 721-7).

Quid en cas de défendeurs civils et commerciaux ?

Aux termes d’une jurisprudence constante, lorsque la demande est intentée contre plusieurs défendeurs, dont les uns sont tenus civilement et les autres commercialement, mais sont unis par des liens si étroits qu’on risquerait, en les jugeant séparément, de leur donner des solutions inconciliables, la juridiction civile doit prévaloir sur la juridiction exceptionnelle et être saisie de l’entier litige (cf notamment Com., 1 décembre 1970, no 70-10.143, Cass Soc., 21 avril 1977, no 75-12.345, Cass. Com., 19 novembre 1975, no 74-13.590, Cour d’appel, Orléans, 6 Décembre 2018 – n° 18/016761).

“Le juge des référés du Tribunal de commerce s’est déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige impliquant des sociétés d’assurances mutuelles et une société d’exercice libéral puisque cette juridiction n’est pas autorisée à proroger sa compétence d’attribution à l’égard de non commerçants, même pour les demandes qui ne relèveraient pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction. L’indivisibilité du litige imposait son examen par le seul juge judiciaire, en application de l’article 51 du code de procédure civile.” Cour d’appel, Bordeaux, 1re chambre civile, 30 Mars 2021 – n° 20/03624

L’option de compétence du demandeur non-commerçant

Bien qu’il s’agisse là d’une pure construction jurisprudentielle, il est admis depuis fort longtemps que, dans le cas d’un litige entre deux parties dont l’une seulement est commerçante ou d’un litige relatif à un acte mixte, le demandeur non-commerçant peut assigner à son choix le défendeur devant la juridiction civile ou devant le tribunal de commerce (Civ. 8 mai 1907, DP 1911. 1. 222 ; Civ. 1er juill. 1908, DP 1909. 1. 11.

Par principe, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose d’une option de compétence lui permettant de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce (Com. 18 nov. 2020, no 19-19.463). C’est par exemple sur la base de ce raisonnement qu’il a été jugé qu’un créancier non-commerçant pouvait assigner un commerçant devant le TGI pour statuer sur la demande en nullité de l’apport d’un fonds de commerce à une société (Com. 21 oct. 1969, n° 68-13.815, Bull. civ. IV, n° 302.)

Mais quelles en sont les conditions ?

Un demandeur non-commerçant

Cette option de compétence n’est au bénéfice que du (seul) demandeur non-commerçant. En effet, dans le cas où les deux parties sont commerçantes, l’action ne peut être portée que devant la juridiction consulaire, v. s’agissant d’un litige opposant deux sociétés commerciales dont la responsabilité de l’une pour complicité de la violation d’une clause de non-concurrence est recherchée, Com. 27 mars 2001, n° 99-11.320, Bull. civ. IV, n° 68 ; D. 2001. 1617, obs. E. Chevrier ; ibid. 2002. 1258, obs. Y. Serra ; en ce sens qu’il appartient à la juridiction commerciale saisie de trancher la contestation formée en défense par la société mise en cause et relative à l’applicabilité de la clause figurant au contrat de travail qui lui est opposé.

Une matière hors de la compétence exclusive du tribunal de commerce

Cette option de compétence disparaît dans les cas de compétence exclusive du tribunal de commerce.

La question se posera surtout dans le cas de l’alinéa 2 qui prévoit la compétence exclusive du tribunal de commerce même pour des non commerçants.

Le demandeur dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce, même si son action porte sur des faits en lien direct avec la gestion de la société (Cass. com. 18-11-2020 no 19-19.463 FS-PB : RJDA 2/21 no 101 ; Cass. com. 15-12-2021 no 21-11.882 FS-B : RJDA 2/22 no 121) uniquement si trois conditions cumulatives sont réunies (Cass. com. 20-12-2023 no 22-11.185 F-B, X c/ Sté Renault) :

  1. le demandeur est un non-commerçant ;
  2. le demandeur est extérieur au pacte social ;
  3. le demandeur n’appartient pas aux organes de la société.

Ainsi, il n’est dérogé à la compétence exclusive des tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales (C. com. art. L 723-3, 2o)  que dans l’hypothèse où celles-ci mettent en cause une personne non commerçante, extérieure au pacte social et n’appartenant pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le juge civil ou le juge consulaire.

Lorsqu’un litige oppose le dirigeant ou un autre mandataire social ou l’associé d’une société commerciale à cette société ou à un autre de ses associés ou de ses mandataires sociaux et porte sur une contestation relative à cette société commerciale, il relève donc de la compétence exclusive du tribunal de commerce.

Par exemple, une action formée contre une société anonyme (SA) et une société par actions simplifiées (SAS) par leur ancien dirigeant, relative à la liquidation de ses droits à une retraite supplémentaire, c’est-à-dire à sa rémunération, porte sur une contestation relative à ces sociétés relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce, peu important que le demandeur n’ait pas la qualité de commerçant. (Cass. com. 20-12-2023 no 22-11.185 F-B, X c/ Sté Renault)

Une matière hors de la compétence exclusive du tribunal judiciaire

Le tribunal judiciaire est exclusivement compétent même entre deux commerçants :

  • lorsqu’un grief de concurrence déloyale est connexe à une action relative à une marque et à des dessins et modèles (CPI, art. L. 716-3)
  • ou à une action en contrefaçon de brevet (CPI, art. L. 615-19), Com. 20 nov. 2012, n° 11-23.216, Bull. civ. IV, n° 208 ; D. 2012. 2798 ; ibid. 2014. 326, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; considérant qu’est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’art. 145 C. pr. civ., une mesure d’instruction liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque, le président du TGI dont le juge a compétence exclusive pour connaître au fond de l’affaire mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque.

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