Introduction du jour fixe au tribunal judiciaire (article 840 CPC)
La procédure à jour fixe est une procédure d’urgence qui permet d’obtenir du tribunal judiciaire un jugement au fond dans des délais plus rapides qu’en procédure ordinaire.
Elle est prévue par l’article 840 du code de procédure civile, qui dispose que :
“Dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.
Article 840 du code de procédure civile
La requête doit exposer les motifs de l’urgence, contenir les conclusions du demandeur et viser les pièces justificatives.
Copie de la requête et des pièces doit être remise au président pour être versée au dossier du tribunal.”
Cette procédure permet l’examen prioritaire de l’affaire sans instruction du président de la chambre et du juge de la mise en état.
Cette procédure présente donc un intérêt par rapport au référé d’heure à heure, qui est une autre procédure d’urgence, mais qui ne permet d’obtenir qu’une décision provisoire et non pas un jugement au fond.
Dans les litiges qui relèvent de la PEO, la procédure à jour fixe permet à un plaideur, qui justifie de l’urgence, d’obtenir très rapidement un jugement, sans une instruction de l’affaire par le JME et avec un audiencement prioritaire, ce qui est un avantage important au regard de l’encombrement de certaines juridictions et des délais parfois très longs que les plaideurs doivent subir.
Les avantages de cette procédure expliquent le fait que certains avocats demandent une autorisation d’assigner à jour fixe, et ce d’autant plus que cette autorisation est demandée par une requête, sans que le respect du principe du contradictoire ne s’impose à ce stade.
Conditions de la procédure à jour fixe devant le tribunal judiciaire
Pour pouvoir recourir à la procédure à jour fixe, il faut remplir trois conditions :
- La demande doit être de nature à être portée devant le tribunal judiciaire, c’est-à-dire qu’elle doit relever de sa compétence d’attribution et non pas d’une autre juridiction (par exemple, le tribunal de commerce ou le conseil de prud’hommes).
- Le demandeur doit justifier d’un péril imminent ou de la nécessité d’un jugement dans les meilleurs délais. Le péril imminent s’entend d’une situation qui menace gravement les droits ou les intérêts du demandeur et qui nécessite une intervention rapide du juge. La nécessité d’un jugement dans les meilleurs délais s’apprécie en fonction des circonstances particulières de l’affaire et du préjudice que subirait le demandeur en cas de retard dans le règlement du litige.
- Le demandeur doit saisir le président du tribunal judiciaire aux fins d’autorisation de citer à jour fixe. Il doit présenter une requête écrite exposant les motifs de sa demande et les pièces justificatives. Le président du tribunal judiciaire statue par ordonnance sur requête, sans que le défendeur soit appelé ni entendu. Il peut accorder ou refuser l’autorisation de citer à jour fixe, sans avoir à motiver sa décision.
La décision du président : l’ordonnance
L’autorisation
La décision d’autoriser l’assignation à jour fixe
S’il estime que les conditions qui viennent d’être présentées sont réunies, le président du TJ autorise le demandeur à assigner le défendeur à jour fixe (C. pr. civ., art. 840 , al. 1er), c’est-à-dire qu’il détermine la date de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée, en retenant une date proche compte de l’urgence. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée (C. pr. civ., art. 840 , al. 1er).
Une copie de son ordonnance est placée par le greffier dans le dossier (C. pr. civ., art. 772 , al. 1er).
La contestation par le défendeur de l’ordonnance autorisant l’assignation à jour fixe (non)
Sa décision d’autoriser l’assignation est une mesure d’administration judiciaire, qui, comme telle, n’est pas susceptible de recours et ne peut donner lieu à référé aux fins de rétractation.
( V. égal., à propos de la procédure d’appel, Civ. 2e, 25 févr. 2010, no 09-10.403 , P II, no 48 ; D. 2010. 713 ; ibid. 2246, chron. J. Théron ; Dr. et proc. 2010. 179, note M. Douchy-Oudot).
Il est à noter qu’il est fréquent que le défendeur conteste dans ses conclusions en réponse la réalité de l’urgence invoquée : c’est toutefois vain puisque l’autorisation d’assigner à jour fixe a déjà été obtenue par le demandeur.
Le refus d’autoriser à assigner à jour fixe (une mesure d’administration judiciaire)
En revanche, s’il estime que les conditions pour autoriser à assigner à jour fixe ne sont pas réunies, le président du TJ rejette la requête : le demandeur devra alors, le cas échéant, suivre les règles de la procédure ordinaire.
Comment contester ce refus (impossible) ?
Dans un arrêt du 24 juin 2004, la deuxième chambre civile a jugé que « l’ordonnance sur requête rendue en application de l’article 788 (ancien article 840 sur le jour fixe) du nouveau Code de procédure civile constitue une mesure d’administration judiciaire qui, comme telle, est insusceptible de tout recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation » (Cass. 2e civ. 24 juin 2004, n°02-14.886).
Il n’existe donc aucun recours contre l’ordonnance refusant l’autorisation d’assigner à jour fixe.
Cela n’a pas toujours été le cas par le passé. Il convient également de songer aux ordonnances principales rendues sur requête, régies par des dispositions spécifiques, aux fins d’abréger les délais de comparution et/ou de placement (procédure de référé d’heure à heure, assignation à bref délai, assignation à jour fixe) étant, dans ce dernier cas, précisé qu’une certaine jurisprudence, a pu considérer que de telles ordonnances, échappant au contrôle de la cour d’appel, sont susceptibles d’un recours en rétractation fondé sur les articles 496, alinéa 2, et 497 du Code de procédure civile (Cass. civ. 3, 3 mai 1983, n° 81-14.617 (N° Lexbase : A8716CEK), Bull. civ. III, n° 101 ; CA Aix-en-Provence, 14 février 1985, Gaz. Pal., 1985, 1, 353, note Dureuil ; CA Bordeaux, 29 mars 1995, D., 1996, IR 132, obs. Julien ; CA Lyon, 20 mai 1997, Gaz. Pal., 1998, 1, Somm. 149, obs. Vray.).
Déroulement de la procédure à jour fixe devant le tribunal judiciaire
Assignation
Si le président du tribunal judiciaire accorde l’autorisation de citer à jour fixe, le demandeur doit alors assigner le défendeur en lui signifiant l’ordonnance et la copie de la requête. L’assignation doit indiquer la date et l’heure de l’audience fixées par le président du tribunal judiciaire, ainsi que les moyens invoqués par le demandeur.
Mise en état
Le défendeur dispose d’un délai pour préparer sa défense, qui varie selon la distance entre son domicile et le lieu où siège le tribunal judiciaire. Ce délai est au minimum de huit jours francs (article 841 du code de procédure civile).
L’affaire est ensuite jugée par le tribunal judiciaire selon les règles applicables en matière contentieuse. Les parties doivent obligatoirement être représentées par un avocat (article 842 du code de procédure civile).
La suite de la procédure est à mi-chemin entre la procédure écrite et la procédure orale.
Jour de l’audience
Le jour de l’audience, le président s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation (ou depuis l’ordonnance rendue par le président initialement saisi en référé et faisant usage de la passerelle) pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense (CPC art. 844, al. 1).
Si le défendeur a constitué avocat, l’affaire est plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales (CPC art. 844, al. 2).
Le cas échéant, le président peut renvoyer à une nouvelle audience en vue de permettre un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces. Il peut également renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état, ce qui lui fait perdre la nature de procédure à jour fixe (CPC art. 844, al. 3).
Si le défendeur n’a pas constitué avocat, l’affaire peut être examinée en l’état. Le président peut néanmoins ordonner, si cela lui paraît nécessaire, la réassignation du défendeur (CPC art. 844, al. 4).
Jugement à jour fixe
Le jugement rendu par le tribunal judiciaire est susceptible d’appel dans les conditions habituelles.
Passerelle entre référé et procédure au fond devant le TJ
La procédure à jour fixe peut également être mise en œuvre lorsque, sur une assignation en référé, le président du tribunal judiciaire considère qu’il n’entre pas dans ses pouvoirs de statuer, mais qu’il est nécessaire de soumettre le dossier à la juridiction du fond. Deux conditions sont nécessaires (CPC art. 837, al. 1) :
- la demande de l’une des parties ;
- l’urgence.
Si ces conditions sont réunies, le président saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. C’est alors l’ordonnance de renvoi vers le juge du fond qui emporte saisine du tribunal.
Conclusion
La procédure à jour fixe est une procédure d’urgence qui permet d’obtenir du tribunal judiciaire un jugement au fond dans des délais plus rapides qu’en procédure ordinaire. Elle suppose que le demandeur justifie d’un péril imminent ou de la nécessité d’un jugement dans les meilleurs délais, et qu’il obtienne l’autorisation du président du tribunal judiciaire de citer le défendeur à jour fixe.
Voici un tableau récapitulatif des principales caractéristiques de cette procédure :
Procédure à jour fixe | Référé |
---|---|
Jugement au fond | Décision provisoire |
Compétence du tribunal judiciaire | Compétence du juge des référés |
Autorisation préalable du président du tribunal judiciaire | Pas d’autorisation préalable |
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Modèle de requête aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe
Requête aux fins d’assignation à jour fixe
Madame, Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de __
[Identité du demandeur]
Ayant pour avocat constitué : Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]
Au cabinet duquel il est fait élection de domicile et qui se constitue sur la présente requête et ses suites
[Si postulation] Ayant pour avocat plaidant : Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER QUE :
[Exposer les faits à l’origine du litige et les motifs juridiques de la demande]
[Exposer les raisons de l’urgence et le préjudice que subirait le demandeur en cas d’attente d’un jugement ordinaire]
[Exposer les diligences accomplies pour tenter de résoudre le litige à l’amiable ou justifier leur absence]
C’est pourquoi le requérant sollicite de Madame, Monsieur le Président du tribunal judiciaire qu’il l’autorise à assigner le défendeur, Monsieur ou Madame W, à jour fixe.
Date et signature de la requête.
Bordereau des pièces jointes.
ORDONNANCE
Nous, Président du tribunal judiciaire,
Vu les dispositions des articles 840 à 844 du code de procédure civile,
Vu l’urgence,
Vu la requête présentée par Monsieur ou Madame X,
Autorisons [Identité du demandeur]
à délivrer assignation à jour fixe à Monsieur ou Madame W demeurant à P (adresse)
en vue de l’audience du [date et heure] devant la (n°) chambre du tribunal judiciaire de (lieu).
Rappelons que copie de la requête et des pièces sera versée au dossier du tribunal et que l’assignation devra informer le défendeur qu’il pourra prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête.
Fait en notre Cabinet,
Au Palais de Justice
Le
Signature du Président
Modèle d’assignation à jour fixe devant le tribunal judiciaire
ASSIGNATION À JOUR FIXE DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE De
L’an deux mille et le
À : [Si personne physique] Monsieur ou Madame W, né(e) le [date], à [ville de naissance], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant à (adresse)
[Si personne morale] La société W, [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis (adresse), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège
Où étant et parlant à :
Nous vous signifions copie d’une ordonnance rendue par M. le Président du tribunal judiciaire de (lieu) le (date) et vous faisons connaître qu’un procès vous est intenté devant le tribunal judiciaire de…
PAR : [Si personne physique] Monsieur ou Madame X, né(e) le [date], à [ville de naissance], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant à (adresse)
[Si personne morale] La société X, [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis (adresse), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège
Ayant pour avocat Maître Z du barreau de… qui se constitue sur la présente et ses suites
Au cabinet duquel il est fait élection de domicile
[Si postulation] Ayant pour avocat plaidant : Maître Y du barreau de…
TRÈS IMPORTANT
L’affaire sera appelée devant la (n°) chambre du tribunal judiciaire de…, Palais de Justice (adresse complète) à l’audience du (date et heure)
Vous êtes tenu de constituer un avocat inscrit au barreau de… avant la date de l’audience.
Vous pouvez prendre connaissance au greffe du tribunal judiciaire de la copie des pièces visées dans la requête.
Par les présentes, il vous est fait sommation de communiquer avant la date de l’audience susvisée les pièces dont vous ferez état. À défaut de constituer avocat avant la date ci-dessus précisée, vous vous exposez à ce qu’un jugement soit rendu sur les seuls éléments fournis par le demandeur.
OBJET DE LA DEMANDE
[Articuler en fait et en droit les prétentions du demandeur]
PAR CES MOTIFS
[Viser les textes pertinents et décliner les diverses condamnations sollicitées de la juridiction]
SOUS TOUTES RÉSERVES
BORDEREAU DES PIÈCES JOINTES
Sources
Dalloz action Droit et pratique de la procédure civile Chapitre 441 – Procédure écrite et procédures spécifiques deva