Mon voisin fait du Airbnb : comment réagir ?

Vous habitez dans une copropriété et vous constatez que votre voisin met régulièrement son appartement en location sur Airbnb. Vous craignez que cette pratique nuise à la tranquillité, à la sécurité et à la destination de l’immeuble. Vous vous demandez si vous pouvez vous y opposer et quels sont vos droits et vos recours.

Dans cet article, nous allons vous expliquer les règles applicables à la location meublée touristique de type Airbnb, les conditions dans lesquelles une copropriété peut interdire ou limiter cette activité, et les actions que vous pouvez entreprendre pour faire respecter le règlement de copropriété.

Qu’est-ce que la location meublée touristique de type Airbnb ?

La location meublée touristique est une forme de location qui consiste à louer un logement meublé pour une courte durée, généralement inférieure à un mois, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile. Cette activité est encadrée par le code du tourisme, qui impose des obligations aux loueurs, notamment en matière de déclaration, d’autorisation et de fiscalité.

La location meublée touristique peut être exercée par le propriétaire du logement ou par le locataire, sous réserve d’obtenir l’accord écrit du bailleur. Elle peut concerner la résidence principale du loueur (c’est-à-dire le logement qu’il occupe au moins huit mois par an) ou sa résidence secondaire.

La location meublée touristique peut être réalisée par l’intermédiaire de plateformes en ligne, comme Airbnb ou Abritel, qui mettent en relation les loueurs et les voyageurs. Ces plateformes ont l’obligation de vérifier que les logements proposés respectent les règles applicables et de collecter la taxe de séjour pour le compte des communes.

Depuis un arrêt du 27 février 2020 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 février 2020, 18-14.305, Inédit), la location de type Airbnb est considérée comme une activité commerciale et non d’habitation.

Quelles sont les conditions pour louer son appartement sur Airbnb ?

La location meublée touristique est soumise à des conditions qui varient selon la nature du logement (résidence principale ou secondaire), la localisation du logement (zone tendue ou non) et le statut du loueur (professionnel ou non).

La résidence principale

Si le logement est la résidence principale du loueur, il peut le louer sur Airbnb sans autorisation préalable, mais sous réserve de respecter les conditions suivantes :

  • ne pas dépasser la durée maximale de 120 jours par an ;
  • déclarer son activité auprès de la mairie ;
  • respecter les normes de sécurité, de confort et de décence du logement ;
  • informer le syndicat des copropriétaires de son intention de louer ;
  • obtenir l’accord écrit du bailleur si le logement est loué ;
  • s’acquitter de la taxe de séjour et des impôts sur les revenus tirés de la location.

La résidence secondaire

Si le logement est la résidence secondaire du loueur, il doit obtenir une autorisation préalable de changement d’usage auprès de la mairie, sauf si le logement est situé dans une commune qui n’a pas instauré ce régime. Cette autorisation est soumise à des conditions qui varient selon les communes, mais qui visent généralement à limiter la transformation de logements d’habitation en meublés touristiques, afin de préserver l’offre locative.

Le loueur doit également respecter les mêmes obligations que pour la résidence principale, à l’exception de la durée maximale de 120 jours par an, qui ne s’applique pas.

L’existence d’une clause expresse dans le règlement de copropriété

Une copropriété peut interdire ou limiter la location meublée touristique dans son immeuble, en se fondant sur le règlement de copropriété ou sur la destination de l’immeuble.

Aux termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, “Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Le règlement de copropriété est un document qui fixe les règles de fonctionnement, d’administration et de jouissance de l’immeuble. Il peut contenir des clauses qui interdisent ou limitent la location meublée touristique, en fonction de la destination de l’immeuble.

La destination de l’immeuble est l’usage auquel il est destiné, qui peut être d’habitation, mixte (habitation et professionnel) ou commercial. Le règlement de copropriété peut préciser la destination de chaque lot, c’est-à-dire de chaque partie privative (appartement, cave, garage, etc.).

Le règlement de copropriété peut ainsi prévoir :

  1. une clause d’habitation bourgeoise exclusive, qui interdit toute activité commerciale dans l’immeuble, en ce compris la location meublée touristique qui est de nature commerciale comme l’a jugé la Cour de Cassation ;
  2. une clause d’habitation bourgeoise simple ou mixte, qui autorise certaines activités professionnelles ou commerciales dans l’immeuble, à condition qu’elles ne nuisent pas à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité des lieux, et potentiellement réservées uniquement aux rez-de-chaussée ;
  3. une clause spécifique qui interdit ou limite la location meublée touristique, par exemple en imposant une durée minimale de location, un nombre maximal de locations par an, une autorisation préalable du syndicat des copropriétaires, etc.

Un usage bourgeois est un usage d’habitation qui exclut le commercial, et donc le Airbnb.

Ces clauses sont opposables aux copropriétaires qui souhaitent louer leur appartement sur Airbnb, ainsi qu’aux locataires qui doivent respecter le règlement de copropriété. Elles doivent toutefois être justifiées par la destination de l’immeuble et proportionnées à l’objectif poursuivi. Elles peuvent être contestées devant le tribunal judiciaire si elles sont abusives ou discriminatoires.

Le trouble anormal de voisinage

En l’absence de clause expresse dans le règlement de copropriété, la location meublée touristique peut être interdite si elle entraîne des troubles anormaux de voisinage qui sont dans 99 % des règlements de copropriété sanctionnés. C’est par exemple les clauses par lesquelles le règlement stipule que le copropriétaire ne peut « pas nuire aux propriétaires des autres lots » et que l’occupation « ne devra pas être dangereuse ou gênante pour les autres copropriétaires ».

Les troubles anormaux de voisinage sont des nuisances excessives qui portent atteinte au droit des copropriétaires de jouir paisiblement de leur bien. Il peut s’agir de bruits, d’odeurs, de dégradations, d’encombrements, etc. Ces troubles doivent être appréciés au cas par cas, en tenant compte du lieu, du moment et de la fréquence des faits.

Le trouble anormal de voisinage constitue un trouble manifestement illicite justifiant la saisine du juge des référés. Attention, les troubles doivent être suffisamment bien prouvés pour justifier l’interdiction de l’activité commerciale (Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – chambre 8, 11 février 2022, n° 21/10676 infirmant TJ Paris, réf., 12 mai 2021, n° 20/56124).

Modifier le règlement de copropriété pour interdire les locations

Il est tentant pour les copropriétaires d’obtenir une modification du règlement de copropriété allant dans le sens d’une prohibition des locations de courte durée.

Toutefois, pour être valablement adoptée par une assemblée générale, une telle modification doit recueillir l’unanimité des copropriétaires.

Dans le cas contraire toute résolution d’assemblée générale emportant prohibition des locations de courte durée peut faire l’objet d’une annulation par le juge dans les conditions et délais prévus par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Quels sont les recours possibles pour faire cesser la location meublée touristique illicite ?

Si vous constatez qu’un copropriétaire loue son appartement sur Airbnb en violation du règlement de copropriété ou de la destination de l’immeuble, vous disposez de plusieurs recours possibles pour faire cesser cette situation.

Le dialogue

La première démarche à effectuer est d’essayer le dialogue avec le copropriétaire concerné. Vous pouvez lui rappeler les règles applicables à la location meublée touristique et lui demander d’y mettre fin ou de se conformer aux conditions imposées par le règlement de copropriété ou par la destination de l’immeuble. Vous pouvez également lui signaler les nuisances que vous subissez du fait de son activité et lui demander d’y remédier.

La mise en demeure

Si le dialogue n’aboutit pas ou si le copropriétaire persiste dans son comportement illicite, vous pouvez lui adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Vous devez lui rappeler les faits qui justifient votre demande, les textes qui fondent votre droit et les conséquences que vous envisagez en cas de refus ou d’inaction de sa part. Vous devez lui laisser un délai raisonnable pour se mettre en conformité, par exemple 15 jours ou un mois.

La médiation

Si la mise en demeure reste sans effet ou si le copropriétaire conteste votre demande, vous pouvez tenter une médiation avec lui. La médiation est un mode alternatif de règlement des conflits, qui consiste à faire intervenir un tiers impartial et indépendant, appelé médiateur, qui va aider les parties à trouver une solution amiable à leur litige. La médiation peut être proposée par l’une des parties ou par le syndic de copropriété. Elle peut être réalisée par un médiateur professionnel ou par un médiateur bénévole, comme un autre copropriétaire ou un membre du conseil syndical. La médiation est facultative et confidentielle. Elle nécessite l’accord des parties et le respect des principes de bonne foi, de loyauté et d’égalité.

Faire un signalement auprès du Bureau d’Habitation de la Mairie

A Paris, c’est le Bureau de la Protection des Locaux d’Habitation (BPLH) qui est chargé de traquer les airbnb.

Voici les coordonnées du BPLH : 7 boulevard Morland – 75004 Paris Bureau 3136 – 3e étage 1. Réception du public : mardi et jeudi de 9h30 à 12h dlhbplh@paris.fr.

Préparer son dossier

Il faut rassembler :

  • Des procès-verbaux de constats d’huissier de justice des annonces litigieuses
  • Des attestations le cas échéant du voisinage se plaignant des nuisances
  • Des photographies des dégradations, des enregistrements sonores ou des témoignages pourront constituer un faisceau d’indices.

L’action judiciaire

Si la médiation échoue ou si vous préférez saisir directement la justice, vous pouvez intenter une action judiciaire contre le copropriétaire fautif.

Vous devez agir devant le tribunal judiciaire du lieu où se situe l’immeuble.

Vous pouvez demander au juge :

  • de constater la violation du règlement de copropriété ou de la destination de l’immeuble ;
  • d’ordonner la cessation de la location meublée touristique illicite ;
  • d’interdire au copropriétaire de recommencer sous peine d’astreinte ;
  • de condamner le copropriétaire à vous verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • de condamner le copropriétaire aux dépens (frais de justice) et aux frais d’avocat.

Vous devez apporter la preuve des faits que vous invoquez, par exemple en produisant des attestations de témoins, des constats d’huissier, des captures d’écran du site Airbnb, etc.

Vous pouvez agir seul ou en vous joignant à d’autres copropriétaires qui partagent votre grief.

Vous pouvez également demander au syndicat des copropriétaires via son représentant légal le Syndic d’agir en justice pour faire respecter le règlement de copropriété ou la destination de l’immeuble. Si le syndicat refuse ou tarde à agir, vous pouvez lui adresser une mise en demeure et, à défaut de réponse dans un délai d’un mois, le mettre en cause devant le tribunal.

L’action judiciaire peut se faire soit en référé (le Syndic n’a alors pas besoin d’être autorisé en AG), soit au fond.

Modèle de mise en demeure

Objet : Mise en demeure de cesser la location meublée touristique illicite

Lettre recommandée avec accusé de réception

Madame, Monsieur,

Je suis copropriétaire de l’appartement situé au … dans l’immeuble … à … (adresse).

J’ai constaté que vous mettez régulièrement votre appartement en location sur la plateforme Airbnb, sans respecter les règles applicables à cette activité.

En effet, (choisir la situation correspondante) :

  • votre appartement est votre résidence principale et vous le louez plus de 120 jours par an, sans avoir déclaré votre activité auprès de la mairie, sans avoir informé le syndicat des copropriétaires, sans avoir obtenu l’accord écrit du bailleur si vous êtes locataire, sans payer la taxe de séjour et les impôts ;
  • votre appartement est votre résidence secondaire et vous le louez sans avoir obtenu l’autorisation préalable de changement d’usage auprès de la mairie, sans respecter les autres obligations applicables à la résidence principale ;
  • le règlement de copropriété interdit ou limite la location meublée touristique dans l’immeuble, en fonction de la destination de l’immeuble et de chaque lot, et vous ne respectez pas les clauses du règlement ;
  • la location meublée touristique est contraire à la destination de l’immeuble, car elle entraîne des troubles anormaux de voisinage (préciser les nuisances subies) ou car elle modifie la nature du logement (préciser les éléments qui caractérisent une activité commerciale).

Par la présente, je vous mets en demeure de cesser immédiatement cette activité illicite et de retirer votre annonce sur Airbnb, dans un délai de … jours à compter de la réception de ce courrier.

À défaut, je me réserve le droit d’engager une action judiciaire à votre encontre, afin d’obtenir la cessation de la location meublée touristique illicite, l’interdiction de recommencer sous peine d’astreinte, le versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et le remboursement des frais de justice et d’avocat.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Signature

Conclusion

La location meublée touristique de type Airbnb est une activité réglementée qui peut être interdite ou limitée par une copropriété, en fonction du règlement de copropriété et de la destination de l’immeuble. Si vous souhaitez vous opposer à la mise en location de l’appartement de votre voisin sur Airbnb, vous disposez de plusieurs recours possibles, allant du dialogue à l’action judiciaire. Si vous avez besoin d’un conseil juridique personnalisé ou d’une assistance dans vos démarches, n’hésitez pas à me contacter.

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