Comment licencier un salarié sans risque ?

Comment rompre le contrat de travail d’un salarié sans commettre de faute ?

L’employeur dispose de son côté de 3 moyens de rupture :

  1. le licenciement pour motif personnel
  2. le licenciement pour motif économique 
  3. la mise à la retraite.

Le salarié dispose de 4 moyens de rupture unilatérale du contrat de travail :

  • la démission,
  • la prise d’acte,
  • la résiliation judiciaire,
  • le départ en retraite.

Se rajoutent à ces modes de rupture la rupture conventionnelle, individuelle ou collective.

Dès lors que l’un ou l’autre des cocontractants entend mettre fin au contrat de travail, il est conseillé, tant à l’employeur qu’au salarié, de rassembler un certain nombre d’informations, pouvant faciliter le traitement d’un éventuel contentieux. Cette recherche est essentielle, que l’employeur ou le salarié soit à l’origine de la rupture du contrat de travail.

Il faut également noter que le contrat de travail peut être rompu pour une cause de force majeure. Mais cette notion est très restrictive en droit du travail et rarement admise comme cause de rupture du contrat de travail.

Rupture à l’initiative de l’employeur

L’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié par le biais :

  • d’un licenciement pour motif personnel ;
  • d’un licenciement pour motif économique ;
  • d’une mise à la retraite.

Licenciement pour motif personnel

Pendant la période d’essai

Le licenciement peut être fait sans motif.

Si aucun contrat n’a été signé, il n’y a pas de période d’essai.

Motivation si hors période d’essai

Le licenciement pour motif personnel est régi par les articles L. 1232-1 et suivants du Code du travail.

La lettre de licenciement doit être motivée. Elle fixe les termes du litige. Elle doit obligatoirement comporter :

  • l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur : il doit s’agir d’ailleurs de celui ou de ceux énoncés au cours de l’entretien préalable ;
  • la référence à la durée du préavis de licenciement avec indication éventuelle de la dispense d’exécution de celui-ci, sauf faute grave ou lourde ;
  • éventuellement, l’information quant à la portabilité des garanties de prévoyance et des frais de santé.

Motifs du licenciement

Le licenciement ne peut intervenir que pour une cause réelle et sérieuse. Certains motifs sont interdits, comme ceux fondés sur un critère discriminatoire.

La vie privée du salarié ne peut pas, en principe, justifier un licenciement.

Tous les éléments permettant d’établir la matérialité du motif de licenciement doivent être réunis.

Ils vont dépendre de la motivation du licenciement envisagé.

Le licenciement doit être motivé.

Le licenciement pour motif personnel est inhérent à la personne du salarié.

Il peut être soit disciplinaire, soit non disciplinaire.

Le licenciement pour motif personnel disciplinaire

Il s’agit d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif. La faute disciplinaire est la violation des obligations professionnelles du salarié

La faute sérieuse

La faute sérieuse justifie la rupture.

Par exemple, la perturbation du fonctionnement de l’entreprise.

La faute grave

La faute grave qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie à elle seule une mise à pied conservatoire.

En pratique il s’agit fréquemment de :

  • Insubordination ou indiscipline
  • Abandon de poste ou absences
  • Erreurs ou négligences graves
  • Manquement aux règles d’hygiène et de sécurité
  • Violence et injures
  • Harcèlement
  • Vols

La faute grave prive le salarié des indemnités de préavis et de licenciement. Il conserve en revanche l’indemnité compensatrice de congés payés.

La faute lourde

La faute lourde impliquant l’intention de nuire du salarié (Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 16-25.669 : JCP S 2018, act. 275).

Le licenciement pour motif personnel non-disciplinaire

Par exemple:

Insuffisance professionnelle/incompétence

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité du salarié à exercer de manière satisfaisante ses fonctions.

Il s’agit par exemple de la commission d’erreurs en permanence, d’échecs, d’incompétence, etc.

Elle ne doit pas reposer sur une faute disciplinaire. L’employeur doit prononcer un licenciement disciplinaire lorsque la mauvaise qualité du travail résulte d’abstentions volontaires ou de comportements délibérés.

Elle doit reposer sur des faits précis, objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Insuffisance de résultats

L’insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’incapacité du salarié à atteindre des objectifs quantifiables qui lui ont été assignés doit alors résulter d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute commise par le salarié.

Les objectifs doivent être réalistes et compatibles avec la situation du marché de l’entreprise. Ils doivent avoir été portés à la connaissance du salarié, les faits reprochés doivent lui être objectivement imputables.

Inaptitude médicale et impossibibilité de reclassement

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à exercer son activité professionnelle par le médecin du travail, l’employeur est tenu de rechercher le reclassement du salarié. L’employeur est dispensé de son obligation de rechercher un reclassement lorsque le médecin du travail appose l’une des deux mentions suivantes dans l’avis d’inaptitude : « tout maintien du salarié dans l’emploi sera gravement préjudiciable à sa santé » ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ». Le contrat de travail peut également être rompu si l’employeur apporte la preuve de l’impossibilité de proposer un emploi conforme aux préconisations du médecin du travail ou si le salarié le refuse.

voire le caractère préjudiciable ou dangereux de son maintien (C. trav., art. L. 1226-12).

Absence pour maladie

L’article L. 1132-1 du Code du travail interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap.

L’employeur peut licencier un salarié lorsque son absence prolongée ou ses absences répétées pour maladie perturbent le fonctionnement de l’entreprise et imposent de procéder à son remplacement définitif.    

Mésentente ou perte de confiance

La mésentente entre un salarié et son employeur, ou entre salariés ne peut justifier un licenciement que si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié et ayant une incidence sur la bonne marche de l’entreprise.

Il peut s’agir par exemple du fait d’instaurer un climat délétère au sein de l’entreprise.

Un employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d’un salarié pour perte de confiance. La perte de confiance ne peut jamais constituer une cause de licenciement en elle-même, en revanche le juge peut apprécier individuellement les éléments justifiant cette perte de confiance.

Refus de modification du contrat de travail

Un salarié peut refuser toute modification de son contrat de travail proposée par son employeur, ce refus ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Vie personnelle du salarié

En principe un employeur ne peut pas licencier un salarié pour un motif tiré de la vie personnelle du salarié. Par exception, les actes tirés de la vie personnelle du salarié peuvent en dehors de toute faute commise par le salarié justifier un licenciement personnel non disciplinaire si l’employeur prouve que le comportement du salarié a causé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise

Ce qui n’est pas accepté

L’employeur ne peut faire reposer le licenciement d’un salarié sur un des motifs discriminatoires visés aux articles L. 1132-1 du Code du travail et 225-1 du Code pénal ou tout autre motif illicite tel que la violation d’une liberté fondamentale.

Par ailleurs, l’employeur ne peut licencier le salarié ayant dénoncé des faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime tout en ne pouvant légitimement ignorer qu’il s’agissait d’une alerte (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22.11-310).

Entretien préalable

L’employeur doit tout d’abord convoquer le salarié à un entretien préalable. La lettre de convocation indique l’objet de l’entretien, la date, l’heure et le lieu et rappelle au salarié la faculté de se faire assister (C. trav., art. R. 1232-1). Elle peut prendre la forme d’une lettre recommandée ou d’une lettre remise en main propre contre décharge (C. trav., art. L. 1232-2).

L’entretien préalable aura ensuite lieu, mais un délai impératif de 5 jours ouvrables doit être respecté entre la 1re présentation de la lettre ou la remise en main propre et la date de l’entretien (C. trav., art. L. 1232-2, al. 3).

Notification du licenciement

L’employeur notifie au salarié sa décision, par lettre recommandée avec avis de réception (C. trav., art. L. 1232-6). Le non-acheminement de la lettre de rupture ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement doit être signée et motivée. Elle ne peut être expédiée moins de 2 jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

L’employeur peut demander à préciser sa motivation : il doit le faire dans les 15 jours de la notification du licenciement.

Le salarié peut également demander des précisions à l’employeur : il doit le faire dans les 15 jours de la notification du licenciement. L’employeur a dans ce cas 15 jours pour communiquer, s’il le souhaite, ces précisions et doit le faire par LRAR ou remise de récépissé

Il conviendra de se référer au décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 (annexes) établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement.

Attention au licenciement verbal : il est possible d’annoncer oralement le licenciement uniquement si la lettre de rupture a déjà été envoyée (Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-15.605, F-D). A l’inverse, est dépourvu de cause réelle et sérieuse l’appel téléphonique, par lequel le salarié est informé verbalement de son licenciement, ne peut suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle est adressée le même jour, sous la signature de l’auteur de l’appel téléphonique, quand bien même l’employeur ferait valoir qu’il est convenable pour la société de procéder ainsi aux fins d’éviter au salarié de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail (Cass. soc., 3 avril 2024, n° 23-10.931, )

Licenciement pour motif économique

Il existe trois types de licenciements pour motif économique :

  • le licenciement individuel ;
  • le « petit » licenciement collectif, concernant de 2 à 9 salariés sur une période de 30 jours ;
  • le « grand » licenciement collectif, concernant au moins 10 salariés sur une période de 30 jours.

Dans tous les cas, il est impératif que l’employeur ait cherché à reclasser individuellement les salariés concernés avant de les licencier (C. trav., art. L. 1233-4). En présence d’un grand licenciement économique dans une entreprise de plus de 50 salariés, l’employeur doit également respecter son obligation de reclassement « collectif » en prévoyant un PSE.

Il est indispensable de consulter les représentants du personnel sur les projets de licenciements.

Attention : Les ruptures conventionnelles ayant une cause économique et s’inscrivant dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités doivent être prises en compte pour déterminer la procédure de consultation des IRP et les obligations de l’employeur dans le cadre du PSE, dont le reclassement des salariés (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581 : JurisData n° 2011-002913).

Remarque : Périmètre d’appréciation du motif économique : les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de l’entreprise si elle n’appartient à aucun groupe et au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, mais seulement dans celles établies sur le territoire national (C. trav., art. L. 1233-3, al. 12).

Mise à la retraite

La mise à la retraite est la possibilité pour l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié ayant atteint 70 ans, ou d’un commun accord à partir de 67 ans (L. n° 2010-1330, 9 nov. 2010, art. 27. – CSS, art. L. 351-8. – C. trav., art. L. 1237-5).

Avant la date anniversaire de ses 67 ans et dans un délai fixé par décret, l’employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse.

En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d’avoir respecté l’obligation mentionnée à l’alinéa précédent, l’employeur ne peut mettre le salarié à la retraite pendant l’année qui suit.

La même procédure est applicable chaque année jusqu’au soixante-neuvième anniversaire du salarié.

Remarque : La mise à la retraite prononcée par l’employeur dans le respect des dispositions législatives ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge et ne nécessite pas d’être objectivement justifiée par une politique de l’emploi au sein de l’entreprise (Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-29.565 : JurisData n° 2014-010598 ; JCP S 2014, act. 205).

Aucune procédure n’est requise pour procéder à la mise à la retraite.

Sous réserve de dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, le salarié a droit au versement d’une indemnité de mise à la retraite, dont le montant, apprécié au jour de la rupture du contrat, est égal à celui de l’indemnité de licenciement.

Rupture conventionnelle (à l’initiative des deux parties)

La loi offre la possibilité aux parties de rompre le contrat de travail de façon amiable et négociée. Il s’agit de la rupture conventionnelle (C. trav., art. L. 1237-11 et s. .

Il existe deux modes de rupture conventionnelle :

  • la rupture conventionnelle décidée entre un salarié et son employeur, en dehors de toute pression de l’une ou l’autre des parties (C. trav., art. L. 1237-11 à L. 1237-16). la rupture conventionnelle « individuelle » est un mode de rupture des contrats de travail à durée indéterminée, d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, exclusif de la démission et du licenciement.
  • la rupture conventionnelle collective, qui se rapproche des plans de départs volontaires (C. trav., art. L. 1237-19 à L. 1237-19-14. : ). La rupture conventionnelle collective est mise en œuvre par accord collectif (V. C. trav., art. L. 1237-19-1). Elle est affranchie de la procédure de licenciement économique. Nonobstant son caractère collectif, la procédure applicable à la RCC est celle applicable à la rupture conventionnelle individuelle. Remarque : Le consentement du salarié pourrait être vicié si dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur dissimulait au salarié la suppression de son poste, le privant ainsi des mesures du PSE.

La rupture conventionnelle constitue le seul mode de rupture amiable du contrat de travail, sauf dispositions légales contraires : toute rupture amiable intervenant hors cadre de la rupture conventionnelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 oct. 2014, n° 11-22.251 : JurisData n° 2014-024074. – Cass. soc., 21 déc. 2017, n° 16-12.780 : JurisData n° 2017-026616).

Le départ négocié, hors rupture conventionnelle, demeure néanmoins possible dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 13-19.623).

Attention : Les dispositions du Code du travail relatives au licenciement économique ne sont pas applicables à la rupture conventionnelle, individuelle ou collective (C. trav., art. L. 1233-3).

La procédure prévue par le Code du travail doit être respectée.

Que se passe-t-il en cas d’accusation de harcèlement ?

Le harcèlement n’empêche pas le licenciement. Il est impératif de déconnecter le harcèlement de la procédure de licenciement.

Dans certains cas, le harcèlement peut être invoqué par un salarié parce qu’il pense que cela pourra empêcher son licenciement.

La rupture conventionnelle ne permet pas de se prémunir du arcèlement : la rupture conventionnelle ne règle que la rupture du contrat de travail et non les éventuels faits de harcèlement. Le seul moyen est d’adjoindre un protocole d’accord transactionnel en sus.

Le licenciement pourra être remis en cause si le salarié prouve que le lienciement est la conséquence de sa dénonciation de faits de harcèlement.

Que se passe-t-il en cas d’arrêt maladie ?

Même réponse que pour le harcèlement.

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