Comment se déroule un entretien préalable au licenciement ?

Dans cet article, vous saurez quoi dire à un entretien préalable, selon que vous êtes employeur ou salarié, quel que soit le motif (licenciement pour faute grave, licenciement économique, inaptitude, etc.). Autrement dit, comment vous préparer au mieux pour cet entretien grâce à nos conseils et astuces afin d’éviter les pièges.

A quoi sert l’entretien préalable au licenciement ?

L’entretien préalable constitue une phase substantielle de la procédure légale de licenciement, créée dans le but d’instaurer un vrai dialogue pouvant conduire à une solution du problème qui ne se traduise pas par le licenciement.

L’entretien a pour objet d’instaurer une discussion contradictoire des motifs allégués à l’appui de la décision envisagée, à l’issue de laquelle, et après un délai de réflexion,l’employeur soit maintiendra son intention de procéder au licenciement, soit renoncera à celui-ci et infligera, éventuellement, une sanction disciplinaire plus légère.

Au cours de cet entretien, l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs du licenciement envisagé et de recueillir les explications du salarié (article L.122-14 du Code du travail).

Cette obligation légale présente un caractère impératif, dont le non-respect entraîne une irrégularité de procédure civilement sanctionnée.

L’entretien préalable est une phase de conciliation, il doit permettre « qu’un vrai dialogue puisse s’instaurer et conduire à une solution du problème qui ne se traduise pas par le licenciement du salarié ». Rapp. Bonhomme n° 352, AN, p. 43 : JO Ass. nat. Débats, 25 mai 1973, p. 1441

Mais il n’impose pas à l’employeur de communiquer au salarié, lors de l’entretien préalable, les pièces susceptibles de justifier la sanction. ♦ Cass. soc., 18 févr. 2014, n° 12-17.557, n° 409 FS – P + B

L’ entretien préalable a lieu avant la présentation de la demande d’autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail (C. trav., R. 2421-3).

Les étapes de l’entretien préalable au licenciement

Comment se passe un entretien préalable à un licenciement ? Voici son déroulé

L’explication des motifs de l’entretien préalable par l’employeur

L’employeur qui n’indiquerait pas les motifs lors de l’entretien commettrait une irrégularité de procédure qui ne pourrait être effacée par la communication ultérieure des motifs du licenciement et, ce, même si ces motifs étaient valables. ♦ Cass. soc., 14 nov. 1985, n° 82-42.582 : Bull. civ. V, n° 538

Une cour d’appel ne peut débouter un salarié de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement dès lors qu’il résulte de la lettre de licenciement que l’essentiel des griefs énoncés n’est pas évoqué dans le compte rendu de l’entretien préalable. ♦ Cass. soc., 26 oct. 2016, n° 14-27.153

De même est condamné au versement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement l’employeur qui invoque des faits postérieurs à l’entretien préalable sans avoir convoqué le salarié à un nouvel entretien préalable. ♦ Cass. soc., 30 mars 1994, n° 89-43.716, n° 1637 P : Bull. civ. V, n° 113

Le fait que le salarié ait eu préalablement connaissance des motifs invoqués est sans aucun effet sur cette obligation et ne peut dispenser l’employeur d’observer cette phase de conciliation.

Les explications du salarié

Le salarié peut répondre aux motifs invoqués par l’employeur, en apportant des éléments de preuve, des explications, des circonstances atténuantes, etc. Il peut également proposer des solutions alternatives au licenciement, comme une mutation, une formation, une modification du contrat de travail, etc.

L’employeur doit tenir compte des explications présentées par le salarié et notamment, s’agissant d’un licenciement disciplinaire, procéder aux vérifications complémentaires que ces explications peuvent commander.

Ainsi l’employeur qui, en dépit des protestations d’innocence du salarié au cours de l’entretien préalable, licencie un visiteur médical dès le surlendemain de cet entretien, au vu notamment d’un rapport d’enquête établi par le responsable régional de la société pour avoir comptabilisé des visites fictives, sans avoir procédé à une quelconque vérification supplémentaire, agit avec précipitation et légèreté. ♦ Cass. soc., 3 mai 1990, n° 87-44.409 T

L’employeur et le salarié doivent se parler avec respect et courtoisie, sans s’interrompre ni se couper la parole. Ils doivent éviter les propos injurieux, diffamatoires, menaçants ou discriminatoires.

Le salarié n’est pas tenu de se présenter à l’entretien préalable, s’il ne souhaite pas y participer ou s’il a un empêchement. Son absence n’a pas d’incidence sur la suite de la procédure, mais elle l’empêche de se défendre et de négocier avec l’employeur.

L’absence impérative de décision en fin d’entretien

Le fait pour un employeur de faire part à un salarié, à la fin de l’entretien préalable, de sa décision définitive de le licencier rend la procédure irrégulière et cette irrégularité ne saurait être réparée par l’envoi d’une lettre de licenciement à l’issue du délai légal. Cass. soc., 15 nov. 1990, n° 88-42.261, n° 4206 P : Bull. civ. V, n° 559

Une décision de licenciement prise à l’issue de l’entretien préalable, avant l’envoi de la lettre de licenciement motivée, constitue une irrégularité de procédure. Cela n’a pas en revanche pour effet de priver ce licenciement de cause réelle et sérieuse.♦ Cass. soc., 11 juill. 2007, n° 06-40.225

Le fait de délivrer le reçu pour solde de tout compte le jour même de l’entretien rend le licenciement irrégulier, même si le délai de réflexion prescrit avant notification du licenciement est par ailleurs respecté. ♦ Cass. soc., 13 oct. 1988, n° 85-45.646 : Bull. civ. V, n° 499

En revanche, la seule circonstance pour l’employeur de rechercher un nouveau salarié, dès avant l’entretien, n’est pas de nature à rendre la procédure irrégulière.♦ Cass. soc., 2 avr. 1992, n° 90-42.030 : Bull. civ. V, n° 240

L’entretien préalable ne doit pas aboutir à une décision de licenciement, qui doit être prise ultérieurement par l’employeur. L’entretien préalable n’est pas non plus un moyen de négocier une rupture conventionnelle, qui doit faire l’objet d’une procédure spécifique.

L’employeur commet une faute s’il indique en fin d’entretien que sa décision de licenciement est prise.

Preuve du contenu de l’entretien : il faut enregistrer !

Il est recommandé à la lumière de la dernière jurisprudence de la Cour de Cassation de procéder à un enregistrement clandestin de l’entretien pour procéder ensuite à sa retranscription écrite.

Les motifs qui seront énoncés lors de l’entretien devront être repris tout au long de la procédure de licenciement (du moins ceux pour lesquels le salarié n’aura pas été à même de se justifier au cours de l’entretien), une variation dans les motifs invoqués peut en effet amener le juge à taxer le licenciement d’abusif.

Il peut donc être essentiel de conserver une preuve du contenu exact de l’entretien ou du moins des motifs qui y ont été avancés.

La loi n’a prévu aucun mode de constatation, mais les parties en présence peuvent se mettre d’accord pour rédiger un procès-verbal signé par chacune d’elles. A défaut un enregistrement clandestin.

Le régime de l’entretien préalable

Qui peut participer à l’entretien préalable ?

Côté employeur

Pour la présence ou la représentation
  • L’employeur
  • Tout représentant de l’employeur pas forcément doté d’une délégation de pouvoir de prononcer le licenciement
Pour l’assistance
Par un salarié de l’entreprise

L’employeur peut, s’il le souhaite, être assisté, c’est à dire accompagné, par un salarié de l’entreprise (Cass. soc. 27-5-1998 96-40.741).

L’employeur ou son représentant peut se faire assister lors de l’entretien. Ainsi, il lui est permis de faire appel au cours de l’entretien à un membre de l’entreprise,
susceptible d’apporter des éléments de fait dans la discussion. Toutefois, cette assistance de l’employeur n’est possible qu’à la condition qu’elle ne fasse pas grief aux intérêts du salarié (Cass. soc. 12 mars 1986).

Le salarié de l’entreprise peut remplir les fonctions de conseiller juridique (Cass. soc., 12 mars 1986, no 83-41.908).

Toutefois l’assistance éventuelle de l’employeur doit respecter certaines limites :

L’employeur peut éventuellement se faire assister par un membre de l’entreprise, généralement le supérieur hiérarchique de l’intéressé, à condition, a spécifié la Cour de cassation, que cela ne fasse pas « grief aux intérêts du salarié » Les arrêts de cours d’appel qui ont également admis la possibilité pour l’employeur de se faire assister ont mis en évidence les garanties suivantes :

  • L’assistance doit être limitée à une seule personne ;
  • Cette personne doit limiter son intervention à la simple information des interlocuteurs et n’intervenir que sur leur demande ;
  • Cette personne doit être à même par son rapport avec le salarié d’éclairer utilement l’entretien: qu’il s’agisse soit du chef hiérarchique direct du salarié, soit de la personne qui a pu constater la faute.

Par exemple, la Cour de cassation a estimé que la présence auprès de l’employeur de deux chefs de service dont l’un avait été victime des violences reprochées au salarié, ainsi que de deux autres salariés témoins de l’accident « transformait en enquête l’entretien préalable, le détournant de son objet » (Cass. soc. 10 janv. 1991, no 88-41.404).

Par un tiers à la société : interdit

L’employeur ne peut pas être accompagné d’une personne n’appartenant pas au personnel de l’entreprise. L’employeur ne peut pas se faire assister par une personne extérieure à l’entreprise. La présence à l’entretien préalable d’une personne étrangère à l’entreprise comme, par exemple, un avocat, un membre d’un cabinet d’expert-comptable ou d’une organisation patronale, n’est donc pas permise et ce, même si ce tiers n’intervient pas dans la conversation (Cass. soc. 20 juin 1990 et 26 mars 2002). ;

Côté salarié

Le salarié doit se rendre en personne à l’entretien. Il est néanmoins admis par certains tribunaux qu’un salarié dans l’incapacité totale de se déplacer à cet entretien pour cause de maladie ou d’accident puisse, avec l’accord exprès de l’employeur, s’y faire valablement représenter.

Dans tous les cas, le salarié dispose de la faculté de se faire assister au cours de l’entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, le salarié bénéficie de la possibilité de recourir à un conseiller du salarié de son choix.

Immunité pour les propos tenus lors de l’entretien

La Cour de cassation montre une certaine indulgence pour une éventuelle vivacité des propos tenus au cours de l’entretien préalable à un éventuel licenciement ; ceux-ci ne peuvent pas, sauf abus, constituer une cause de licenciement. ♦ Cass. soc., 8 janv. 1997, n° 94-42.639, n° 56 P : Bull. civ. V, n° 5

Il en est de même des paroles prononcées par un salarié au cours de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire. Celles-ci ne peuvent, sauf abus, constituer une cause de licenciement. ♦ Cass. soc., 27 févr. 2013, n° 11-26.432

Ainsi, par exemple, un employeur ayant convoqué une caissière à entretien préalable à la suite d’une erreur de caisse, et qui s’était vu accuser « d’avoir lui-même détourné l’argent manquant dans la caisse » ne pouvait procéder au licenciement sur la base de ces propos, considérés par lui comme « diffamatoires et outrageants ». ♦ Cass. soc., 19 juin 1991, n° 89-40.843 G, n° 2346 P + F : Bull. civ. V, n° 310

Les suites de l’entretien préalable

La lettre recommandée avec A.R. notifiant le licenciement pour motif personnel (disciplinaire ou non) ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date de l’entretien auquel le salarié a été convoqué. (ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 modifiant l’article L. 122-14-1, 2ème alinéa du Code du travail).

Si le motif est d’ordre disciplinaire, la lettre ne peut être envoyée plus d’un mois après cette date (art. L.122-14-1, L.122-41, R.122-3-1 et R.122-19 du Code du travail).

Si l’employeur invoque des faits postérieurs à l’entretien préalable, sans avoir convoqué le salarié à un nouvel entretien, des dommages-intérêts doivent être versés. Cass. soc., 30 mars 1994, n° 89-43.716, n° 1637 P : Bull. civ. V, n° 113

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