Accusations de harcèlement moral : se protéger par l’enquête interne

En cas de signalement d’un agissement susceptible de constituer un harcèlement moral, l’employeur a l’obligation de mener une enquête préalable avant toute prise de décision. Mais comment la mener ? A qui la confier ? Combien ça coute ?

C’est quoi une enquête interne ?

L’enquête interne est une procédure d’investigation que l’entreprise met en place pour évaluer la véracité des allégations de harcèlement moral ou sexuel au travail. L’objectif est de déterminer la matérialité, la preuve et la qualification des faits signalés, afin que l’employeur puisse prendre des mesures appropriées en fonction de la réalité, de la nature et de l’ampleur des agissements reprochés.

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Le code du travail en donne la définition dans son article 1152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

De même le code pénal dans son article 222-33-2 rappelle que le harcèlement moral étant un délit, il est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »

Ainsi pour qu’il y ait harcèlement moral il faut des agissements qui soient répétés (un acte isolé ne permet pas de caractériser le harcèlement moral à la différence du harcèlement sexuel), pas forcément rapprochés ni d’une durée importante, mais qui ont pour effet de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. 

  • La victime peut être tout salarié qu’il soit en CDI, CDD, stagiaire ou alternant
  • Le harcelant peut être tout représentant de l’employeur mais également tout collaborateur, d’un même niveau ou inférieur (harcèlement ascendant) ou même un tiers à l’entreprise (Cass. Soc. 30 janvier 2019, n°17-28.905).

L’obligation de sécurité de l’employeur

L’article L41211 du code du travail pose le principe selon lequel « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». De longue date, la jurisprudence y voit l’affirmation d’une obligation de sécurité « de résultat » pesant sur l’employeur. Depuis 2006, cette obligation de sécurité a été étendue à la situation de harcèlement moral. Sur ce fondement, l’employeur peut donc voir sa responsabilité engagée dès que des faits de harcèlement moral ont eu lieu dans son entreprise.

Ainsi, dans la première décision qu’elle a rendue en la matière, la Cour de cassation a affirmé que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914)

L’employeur est tenu par une obligation de protéger la santé et la sécurité de son personnel. Il doit non seulement mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des salariés mais surtout empêcher la réalisation du risque. L’employeur est responsable des agissements de harcèlement de ses salariés sauf s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention et, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une mesure de harcèlement moral et a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702).

L’obligation patronale de prévention du harcèlement recouvre l’obligation de prendre des mesures pour éviter que des agissements de harcèlement surviennent dans l’entreprise et l’obligation de faire cesser les agissements de harcèlement. Les articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail mettent l’accent sur la prévention des phénomènes de harcèlement.

L’employeur doit donc, dans l’organisation du management prendre des mesures de sensibilisation à ces risques, apprendre et former les salariés à les déceler et surtout à intervenir très tôt en cas de tensions pour éviter que celles-ci ne dégénèrent.

Le droit de tout salarié de dénoncer des comportements harcelants

Qu’il soit victime ou témoin, tout salarié peut être amené à dénoncer des comportements harcelants et bénéficie alors d’une protection précisée par l’article L. 1152-2 du code du travail. Ces derniers ne peuvent en aucun cas subir des sanctions, discriminations ou licenciements pour avoir subi, refusé de subir ou dénoncé de tels faits. Tout licenciement prononcé en violation de ces dispositions est nul. Il est à noter que depuis une décision du 12 avril 2023, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, même s’il n’a pas expressément qualifié ces faits de «harcèlement moral» lors de leur dénonciation (c. Soc. 19 avr. 2023, n°21-21.053 B).

Toutefois, cette protection trouve sa limite dans la mauvaise foi du salarié. Ainsi, un salarié qui a dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable a agi de mauvaise foi au moment de la dénonciation des faits. De tels agissements rendent impossible son maintien dans l’entreprise et constituent une faute grave (Soc. 6 juin 2021, n° 10-28.345 P). Le salarié peut être en outre sanctionné pénalement pour dénonciation calomnieuse.

L’enquête interne est-elle obligatoire ?

Le déclenchement de l’enquête est automatique et sans délai dès lors qu’il y a des allégations de harcèlement.

Face à une accusation de harcèlement moral au sein de l’entreprise, l’employeur est tenu d’agir et doit immédiatement mener ou faire une enquête, sous peine de manquer à son obligation de prévention (Soc. 27 nov. 2019, n° 18-10.551). L’enquête permet de vérifier si les faits dénoncés sont établis et distinguer de manière objective les vraies situations de harcèlement de simples allégations sans fondement.

Tout retard pourrait entraîner des soupçons de collusion interne. 

D’autre part, s’il tarde trop, le licenciement du salarié auteur du harcèlement peut être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-70.902). 

Qui peut mener une enquête interne pour harcèlement moral ?

Enquête en interne 

Ces enquêtes peuvent être réalisées par une équipe interne composée de représentants du personnel, de représentants de la direction de l’entreprise et, éventuellement, du médecin du travail.

En vertu de la loi, les obligations en matière de prévention et d’intervention dans le domaine du harcèlement en milieu du travail appartiennent essentiellement à l’employeur mais ce dernier peut décider de déléguer l’enquête notamment au service RH. 

Le mandat d’enquête est incompatible avec les fonctions d’une personne qui supervise directement les personnes concernées.

Dans tous les cas la personne désignée pour mener l’enquête, doit faire preuve d’un savoir-faire avéré et posséder une expérience et des connaissances suffisantes ainsi que des attitudes nécessaires pour le bon déroulement de l’enquête.

Les représentants du personnel peuvent être aussi associés pour garantir l’objectivité de l’enquête et apporter des renseignements contextuels méconnus de l’employeur. Il n’y a aucune obligation cependant de les associer, c’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt n°20-22 058 du 1er juin 2022, en indiquant que le contenu d’une enquête interne ne peut pas être écarté au motif que celle-ci a été confiée à la direction des ressources humaines et non pas au CHSCT (remplacé aujourd’hui par le CSE).

Enquête externe par un avocat

D’autre part, des interlocuteurs extérieurs à l’entreprise peuvent aussi assister l’employeur lors de son enquête comme le médecin du travail qui pourra établir les conséquences médicales et les actions à mener pour garantir une protection de la santé physique et mentale du salarié qui se déclare harcelé, les experts en risques psychosociaux et/ou l’inspection du travail qui pourront proposer des solutions pour éviter que la situation ne se reproduise.

L’externalisation d’une enquete est largement autorisée et permet peut-être de garantir une plus grande objectivité. La possibilité de recourir à un avocat pour une telle mission est admise dès lors qu’elle s’inscrit dans le respect des principes essentiels qui gouvernent la profession (v. délib. 8 mars 2016, Conseil de l’ordre des avocats de Paris).

Recueillir l’information de harcèlement et en analyser le contenu

L’information sur l’existence de faits de harcèlement dans l’entreprise peut vous parvenir sous la forme d’un écrit. Vous pourrez dès lors analyser les faits et circonstances rapportés et surtout demander des précisions à l’auteur de la missive, qu’il soit le salarié qui s’estime victime ou bien un tiers.

Mais cette information peut également être portée à votre connaissance oralement. Elle peut l’être au cours d’une réunion d’équipe, avec les représentants du personnel (attention : dans cette hypothèse, si l’information provient du comité d’entreprise, vous ne pourrez pas l’ignorer en arguant du fait que le comité n’est pas directement compétent en la matière. Le PV de réunion mentionnera que vous avez été alerté sur la situation.). Dans ce cas de figure, le « dénonciateur » n’est généralement pas la personne qui s’estime victime des actes de harcèlement. Il faudra évidemment lui demander des précisions sur ses allégations et qu’il les confirme par écrit pour que vous puissiez déclencher la procédure.

Il se peut aussi que l’information émane directement du salarié qui s’estime victime ou d’un autre membre de l’entreprise.

Là encore, profitez de l’audience réduite pour demander le plus de précisions possibles sur les événements, et invitez l’intéressé à les rapporter noir sur blanc, en lui indiquant bien que sans ce formalisme, vous ne pourrez engager une procédure d’enquête.

L’exigence d’un écrit lorsque que vous êtes confronté à une dénonciation orale est un « rempart » contre les demandes non sérieuses. En revanche, en cas de contentieux, s’il est apporté la preuve de votre connaissance d’une éventuelle existence de faits de harcèlement face à laquelle vous êtes resté inerte, votre responsabilité pourra être engagée. Dès lors, si ces demandes sont portées oralement à plusieurs reprises à votre connaissance, nous vous conseillons d’engager la démarche en informant préalablement par écrit le dénonciateur qu’en raison de ses déclarations orales vous allez engager une enquête.

Lorsque vous êtes saisi par un délégué du personnel dans le cadre du droit d’alerte, vous devrez alors mettre en œuvre sans délai une enquête.

Après analyse, les faits peuvent sembler probables et établis, ou au contraire fantaisistes ou farfelus.

Dans tous les cas, rappelons que vous devez impérativement réagir à une dénonciation de faits de harcèlement ; vous ne pouvez l’ignorer. Au regard des obligations qui vous incombent, de prévention du harcèlement, de sécurité de résultat quant à la santé de vos salariés, de faire cesser les agissements et d’en sanctionner les auteurs, vous être contraint de « prendre la main » afin :

  •  de déterminer si lesdits agissements constituent bien des actes de harcèlement moral (ou sexuel) ;
  •  de ne pas laisser la situation dégénérer, et d’y mettre un terme ;
  •  de punir le cas échéant les coupables.

Répondre au salarié ayant porté à votre connaissance les faits litigieux

Lorsque vous recevez une lettre de dénonciation, répondez au salarié afin de lui indiquer quelle suite vous donnerez à sa démarche :

  •  si vous estimez que les éléments apportés sont sérieux, informez-le que vous avez pris acte de son courrier et qu’une suite y sera donnée. Vous pouvez aussi l’informer des conséquences d’un témoignage mensonger ;
  •  les faits rapportés peuvent être ambigus ou incomplets, voire infondés et ne pas sembler justifier à eux seuls la mise en œuvre de la procédure d’enquête qui s’avère généralement complexe et chronophage. Il convient tout de même de répondre au salarié, en lui indiquant que les éléments portés à votre connaissance ne peuvent caractériser un harcèlement, et en le conviant à un entretien afin qu’il fournisse des compléments d’information.

Mis à jour 06/2013
Le <date>
A <lieu>
<Expéditeur>
Monsieur (ou Madame) < >
(Hypothèse où vous êtes saisi par le salarié se déclarant victime)
Par courrier en date du <date>, vous nous faites part du fait que <vous vous estimez victime d’actes de harcèlement moral et/ou sexuel>.
La nature des actes que vous dénoncez nous amène, compte tenu des procédures internes à l’entreprise, à déclencher une enquête qui aura pour objet de prendre :
-  exactement connaissance de la teneur et de l’ampleur de la situation que vous rencontrez ;
-  d’éventuelles mesures permettant d’y mettre un terme, si cette situation le justifie.
Vous serez entendu, lors de l’enquête, afin d’exposer de manière précise les faits et agissements qui vous amènent à considérer que vous êtes victime d’actes de harcèlement.
OU
Les actes que vous dénoncez ne semblent pas constitutifs d’un harcèlement <moral et/ou sexuel> pour les raisons suivantes : <exposé des raisons>.
Eventuellement : Néanmoins, compte tenu des difficultés dont vous nous faites part, nous vous invitons à un entretien afin d’envisager ensemble d’éventuelles solutions qui pourraient améliorer vos conditions de travail.
Cet entretien aura lieu le <date> à <heures> dans les locaux de notre entreprise situés à l’adresse suivante <adresse>.
En cas d’empêchement, nous vous invitons à prendre contact avec notre secrétariat afin de déterminer un autre rendez-vous.

Contacter le médecin du travail et l’inspection du travail

L’employeur ne doit pas hésiter, au cours de la procédure, à s’entourer de divers interlocuteurs.

L’inspection du travail peut aider l’entreprise à trouver des solutions afin d’éviter que des faits de harcèlement au travail ne se produisent de nouveau, dans le cadre de son obligation de prévention des risques professionnels. Les services de prévention et de santé au travail pourront donner des préconisations afin d’accompagner l’entreprise sur la mise en place d’actions permettant de protéger la santé physique et mentale du salarié harcelé.

Il en est de même du médecin du travail, dont l’une des missions est de conseiller les employeurs pour prévenir les risques de harcèlement moral et sexuel sur le lieu de travail.  Un contact avec le médecin du travail pourra être pris par les membres de la mission, notamment si le salarié qui se dit victime d’un harcèlement est en arrêt-maladie.

Prononcer des mesures conservatoires

Si, au regard des faits rapportés, vous estimez qu’il vous appartient d’agir avant même le terme de l’enquête, vous pouvez mettre en œuvre des mesures conservatoires comme par exemple le changement temporaire d’affectation de l’un des protagonistes.

En situation de harcèlement, l’employeur a tout intérêt à se séparer rapidement de l’auteur du harcèlement à la fois pour rassurer les autres salariés et pour éviter la reconnaissance du non-respect de son obligation de prévention.

Il importe d’être, cependant, très prudent afin que de telles mesures ne s’assimilent pas à une sanction disciplinaire ou à des actes discriminatoires. Par ailleurs, si celles-ci concernent des représentants du personnel, la protection particulière attachée à leur statut impose d’obtenir leur accord avant de les mettre en œuvre.

La mise à pied conservatoire de l’auteur des faits est envisageable. Encore faut-il dans cette hypothèse que vous soyez en possession de preuves irréfutables des agissements du salarié mis en cause. En effet, l’enquête peut s’inscrire sur une longue période pendant laquelle le salarié ne bénéficiera d’aucune rémunération. Si les résultats de l’enquête tendent à prouver qu’aucun fait ne peut être reproché au salarié désigné à tort comme « harceleur », celui-ci pourra réclamer, en plus du rappel de salaire pour la période correspondant à la mise à pied, l’attribution éventuelle de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi si notamment la mise à pied est effectuée dans des conditions vexatoires. De surcroît, d’un point de vue pratique, la réintégration du salarié à son poste risque d’être difficile.

Etablir un questionnaire-type

L’établissement d’un questionnaire type permet aux membres procédant à l’enquête d’avoir une trame à suivre lors des auditions des salariés. Ce questionnaire n’est pas restrictif et ne limite pas les membres de la commission qui peuvent poser d’autres questions si celles-ci sont nécessaires à la manifestation de la vérité.

La commission devra entendre les personnes qu’elle juge utile de recevoir pour avoir une parfaite connaissance de l’affaire qu’elle traite. Le panel des personnes auditionnées dépend directement des conditions d’organisation du ou des services auxquels appartiennent les protagonistes. Bien évidemment, sont impérativement entendus le salarié se positionnant comme victime des actes de harcèlement, la personne qui aurait, le cas échéant, révélé ces actes, et le salarié accusé.

Lorsque ces personnes sont au contact d’autres salariés, il convient de les entendre. Celles-ci pourraient apporter des éléments appréciables. Il peut s’agir de personnes en relation avec :

  •  la supposée victime qui auraient pu assister à des agissements à son encontre ;
  •  l’accusé. Elles pourraient faire part de la commission ou non d’actes de harcèlement à l’encontre de la victime mais plus largement à d’autres personnes. Si l’accusé occupe des fonctions hiérarchiques, il semble indispensable de rencontrer les personnes placées directement sous sa direction pour vérifier les conditions de management.

Pour ces raisons, s’il convient de ne pas restreindre le cercle des personnes entendues, il ne faut pour autant pas trop l’étendre, au risque de se trouver confronté à des personnes se faisant simplement l’écho de rumeurs et n’ayant aucun élément d’information à apporter.

Exemple questionnaire d’enquête harcèlement moral

Voici un modèle de questionnaire pour l’enquête interne en cas de harcèlement moral :

Date de l’entretien : < >
Nom : < >
Prénom : < >
Service : < >
Fonction dans l’entreprise : < >
Date d’entrée dans l’entreprise : < >
Avez-vous été témoin de difficultés au sein de votre équipe ? < >
Avez-vous été personnellement confronté à des difficultés ? < >
Si oui, pouvez-vous citer explicitement les difficultés rencontrées ? < >
Pouvez-vous librement vous exprimer avec vos supérieurs ? < >
Pouvez-vous vous exprimer librement avec tous vos collègues de travail ? < >
Pouvez-vous vous exprimer librement avec vos subordonnées ? < >
Dans le cadre de votre travail, faites-vous l’objet de paroles agressives ou non respectueuses, d’insultes, de gestes agressifs ? Avez-vous été témoins de tels faits ? Si oui, précisez : < >
Avez-vous fait l’objet de remontrances fréquentes voire permanentes dans votre travail ? Avez-vous été témoins de tels faits ? Si oui, précisez : < >
Des collègues de travail se sont-ils plaints d’avoir rencontré des difficultés relationnelles avec d’autres personnes de l’entreprise, voire de harcèlement <moral et/ou sexuel> ? < >
Si oui, lesquels ? < >

Schéma enquête interne harcèlement

Principes obligatoires d’une procédure d’enquête

Le Code du travail ne fixe pas les modalités de l’enquête interne et n’impose aucune procédure à respecter. 

Ce qui signifie que c’est à l’employeur de choisir librement comment organiser cette enquête tout en tenant compte des éléments jurisprudentiels. L’employeur ou son représentant doit mener une étude approfondie de la situation. Toutefois cette enquête interne doit être menée de manière contradictoire. Elle doit être exhaustive, impartiale et confidentielle. A cette fin, il est notamment conseillé de prévoir en amont un questionnaire type pour éviter toute impartialité. 

Les points clés pour ne pas discréditer les procédures d’enquête sont cependant les suivants :

  • discrétion ;
  • confidentialité ;
  • plaintes suivies d’enquêtes sans retard ;
  • écoute impartiale de toutes les parties ;
  • fausses accusations délibérées sanctionnées ;
  • assistance extérieure par les services de santé au travail et/ou médiateur dès que nécessaire, et notamment si l’employeur manque d’acteurs compétents en interne.

La rédaction du rapport d’enquête

Étant donné la gravité d’une situation de harcèlement qui justifie des poursuites pénales et risque d’entraîner l’expulsion du salarié fautif, voire la mise en cause de la responsabilité de l’employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat, il est préférable que l’employeur ou son représentant constitue un dossier complet et rédige un rapport d’enquête avec les pièces justificatives comme :

  • Des témoignages par écrit,
  • Des préconisations de la médecine du travail,
  • Des comptes rendus écrits des auditions (victime et accusé),
  • Des antécédents (sanctions disciplinaires pour des faits de harcèlement similaires et rapports sur des faits antérieurs),
  • Des conclusions et préconisations.

En 2020 la Cour de cassation a toutefois donné la possibilité à l’employeur de n’entendre dans le cadre de l’enquête interne, qu’une partie des salariés, potentiellement victimes de harcèlement. 

De même, la Cour de cassation dans un arrêt en date du 29 juin 2022, s’est prononcée sur le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense du salarié en cas d’enquête interne. L’enquête interne diligentée suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral n’impose à l’employeur ni d’entendre le salarié accusé, ni de lui donner accès au dossier.

La Cour de cassation affirme que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu’il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu’il soit entendu, dès lors que la décision que l’employeur peut être amenée à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
Voir arrêt Cour de cassation n°20-22.220 du 29 juin 2022

Exemple et modèle de rapport final avec conclusion et compte-rendu d’enquête interne en entreprise

Rapport final

CONFIDENTIEL

À :

DE :

Date :

Objet : Rapport final dossier xx

Allégations

Expliquer comment le département compliance a été mis au courant des allégations

Indiquer le nom, la fonction de la personne qui a rapporté les allégations

Insérer un résumé des allégations

Contexte

Si nécessaire, renseigner succinctement le contexte en précisant les dates et les lieux.

Résumé de l’ enquête interne

Mentionner les personnes qui ont conduit l’ enquête interne , les salariés interviewés, un résumé des documents et des preuves collectés.

Constatations

Inclure un résumé des constatations effectuées. Indiquer si les allégations sont fondées en listant les faits. Préciser si le salarié qui a commis les actes a suivi ou non des formations en compliance.

Recommandations et actions

Indiquer les recommandations du département compliance et les mesures correctives à prendre.

Sanctionner l’auteur du harcèlement

L’employeur « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale » des salariés de son entreprise (C. trav., art. L. 4121-1). l’employeur demeure assez libre du choix des dispositifs à adopter. À défaut de mesures, il s’expose à des sanctions civiles (nullité des mesures prises, versement d’indemnités) et/ou pénales (amende et peine d’emprisonnement).

En ce qui concerne le salarié harceleur, les articles L. 1152-5 et L. 1153-6 du même code disposent que tout employé « ayant procédé à des faits de harcèlement moral ou sexuel est passible d’une sanction disciplinaire ». Le règlement intérieur doit obligatoirement indiquer les sanctions applicables au harcèlement. Il peut également engager sa responsabilité personnelle et être condamné à indemniser la victime de harcèlement.

Le harcèlement doit donc faire l’objet d’une sanction, qui sera répressive mais aussi préventive.

Le délai de prescription

Le délai de prescription pour sanctionner les faits de harcèlement commis par un salarié sur d’autres salariés de l’entreprise est de 2 mois.

Selon l’article L1332-4 du Code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

 S’agissant d’une procédure de sanction disciplinaire, l’employeur dispose d’un délai maximal de deux mois à compter du moment où il a connaissance de faits de harcèlement moral ou sexuel pour l’engager. Les investigations nécessaires devront donc être menées rapidement, d’où l’intérêt de déterminer préalablement les modalités de l’enquête (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 96-70.902 ).

Par conséquent, dès que l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement.

Ainsi, lorsqu’une enquête interne est diligentée, le délai de prescription commence à courir à la date de la clôture de l’enquête.

Quelle mesure choisir dans l’échelle des sanctions ?

Une mesure conciliante comme un avertissement ou une mutation dans un autre service présentera l’inconvénient pour l’employeur de ne pas lui permettre de remplir l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu.

Une mesure de licenciement notamment pour faute grave devra obéir à la nécessaire objectivation des agissements reprochés. Le régime restrictif de la preuve impose, en effet, à l’employeur de porter seul la charge de démontrer incontestablement la réalité, la certitude et l’imputabilité des griefs fondant le licenciement. Ainsi, la preuve de la réalité des faits reprochés au salarié n’est pas établie lorsque les propos durs et déstabilisants qui lui sont prêtés à l’encontre d’un autre salarié ne sont ni définis par la lettre de licenciement ni justifiés par les pièces versées au débat (Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-22.068). Il peut ainsi se trouver face au dilemme d’un licenciement dont les motifs ne sont pas toujours avérés et qui constitue donc pour lui un risque judiciaire.

Attention : Le harcèlement sexuel constitue « nécessairement une faute grave » depuis un arrêt de principe de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 mars 2002, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la période de préavis, et le privant des indemnités de préavis et de licenciement (Cass. soc., 5 mars 2002, n° 00-40.717 ).

Le salarié harceleur peut aussi être poursuivi au pénal sur le fondement de l’article 222-33-2 du Code pénal. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de l’action publique commence à courir à partir du dernier agissement commis, ceci pour chacun des actes de harcèlement réalisés et incriminés (Cass. crim. 19 juin 2019, n° 18-85.725). Cependant, le délit de harcèlement ne peut, par définition, être constitué sans établir le caractère intentionnel (Cass. crim., 15 mars 2011, n° 09-88.627).

Protection du salarié victime ou témoin

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une discrimination directe ou indirecte pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés (C. trav., art. L. 1152-2). Ainsi, toute rupture du contrat de travail d’un salarié ayant subi, refusé de subir, témoigné ou relaté, des faits de harcèlement moral ou sexuel est nulle, et pas seulement sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1152-3).

Rappelons que la nullité d’un licenciement ouvre droit à la réintégration du salarié s’il la demande, ainsi qu’au versement d’une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la réintégration (Cass. soc., 14 févr. 2018, n° 16-22.360 ). À défaut de demander sa réintégration, le salarié se verra verser les indemnités relatives aux conséquences de la rupture.

En outre, la prise d’acte, par un salarié protégé, de son contrat de travail en raison de faits de harcèlement donne lieu à application du statut protecteur. Ainsi, lorsque la prise d’acte du salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul, il a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours (Cass. soc., 12 mars 2014, n° 12-20.108).

En revanche, le salarié protégé, dont le licenciement pour inaptitude a été autorisé par l’inspecteur du travail, peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d’emploi devant le juge judiciaire dès lors que le harcèlement moral dont il a été victime est à l’origine de l’inaptitude. (Cass. soc., 18 févr. 2016, n° 14-26.706).

D’autre part, en l’absence de vice de consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la rupture conventionnelle intervenue en application de l’article L. 1237-11 du Code du travail (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).

Indépendamment de la rupture, des dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait du harcèlement préalablement au licenciement ainsi que des arriérés de droit peuvent être également demandés.

Enfin, en présence d’une clause contractuelle de garantie d’emploi, le contrat de travail ne pourra être rompu pendant la période couverte sauf en cas d’accord des parties, de faute grave du salarié ou de force majeure. Le licenciement pour inaptitude qui a pour origine une situation de harcèlement moral ne procède d’aucune de ces causes. En conséquence, l’employeur est redevable des sommes dues au titre de ladite clause (Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-21.306 et 13-22.469 ). Les victimes et les témoins sont ainsi protégés.

En conséquence, le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi de sa part (Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-44.629. – Cass. soc., 12 juin 2014, n° 12-28.944 : JurisData n° 2014-013624. – Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-13.318), mauvaise foi qui peut aller jusqu’au délit de diffamation ou dénonciation calomnieuse.

Cette protection contre le licenciement ne vaut que si les faits ont été qualifiés par le salarié d’agissements de harcèlement moral (Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23.045 : JurisData n° 2017-017655). Cependant, une simple erreur d’appréciation ou de qualification ne suffit pas à établir la mauvaise foi, puisque, lorsqu’un salarié relate un fait de harcèlement moral ou en témoigne, il est protégé contre toute sanction, même si les faits allégués sont non fondés, pourvu qu’il ait été de bonne foi (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092 ;note C. Leborgne-Ingelaere).

Quand bien même le salarié abuserait de sa liberté d’expression dans le cadre de sa dénonciation des faits, seule la caractérisation de la mauvaise foi permet de fonder la sanction (Cass. soc., 19 oct. 2011, n° 10-16.444).

Il convient ainsi de ne pas confondre mauvaise foi et accusations sans fondement.

Lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont celui-ci est l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation qu’une telle absence avait causé au fonctionnement de l’entreprise pour justifier le licenciement (Cass. soc., 2 févr. 2011, n° 09-66.781– Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-31.473).

L’entreprise doit se préoccuper des mesures de soutien aux victimes, notamment d’ordre médical et psychologique, et des mesures d’aide au maintien dans l’emploi ou à la réinsertion (ANI, 26 mars 2010, sur le harcèlement et la violence au travail, art. 5-2).

Charge de la preuve

Le mécanisme de la charge de la preuve de l’article L. 1154-1 du Code du travail du salarié victime de harcèlement repose sur une triple étape :

  1. le salarié présente des éléments de faits réels, précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement (par tout moyen : courriers, attestations, certificats médicaux, tableaux comparatifs, etc.) ;
  2. le juge prend en compte l’ensemble de ces éléments, dans leur globalité et non pas un par un en les analysant séparément, et doit dire si l’ensemble de ces faits est de nature à faire présumer un harcèlement ;
  3. l’entreprise doit prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que les actes et décisions litigieux sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Toutefois, ce principe probatoire n’est pas transposable à l’auteur des faits de harcèlement, le régime de droit commun s’appliquant. C’est ce que précise la Cour de cassation dans son arrêt du 29 juin 2022 (Cass. Soc. 29 juin 2022, n° 21-11.437).

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