Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) erroné : comment se faire rembourser ?

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un document obligatoire pour vendre ou louer un bien immobilier. Il permet d’évaluer la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre du logement, ainsi que de proposer des recommandations pour l’améliorer. Mais que se passe-t-il si le DPE est erroné ? Quels sont les recours possibles pour les acquéreurs ou les locataires qui se sentent lésés par un DPE trompeur ? Depuis le 1er juillet 2021, le DPE est devenu opposable aux tiers, ce qui signifie que sa fiabilité et sa responsabilité sont renforcées. En cas de DPE erroné, il est donc possible d’engager la responsabilité du vendeur, du bailleur ou du diagnostiqueur qui a réalisé le DPE, et de demander une indemnisation financière.

Dans cet article, nous allons voir comment se faire rembourser en cas de DPE erroné, en fonction des différents cas de figure et des conditions à respecter.

Que contient le DPE ?

Le diagnostic de performance énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment est un document qui comporte la quantité d’énergie effectivement consommée ou estimée, exprimée en énergie primaire et finale, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre induites, pour une utilisation standardisée du bâtiment ou d’une partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence permettant de comparer et évaluer sa performance énergétique et sa performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Il comporte une information sur les conditions d’aération ou de ventilation. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer ces performances et du montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic. (L. 126-26 du Code de la construction et de l’habitation CCH)

Le diagnostic de performance énergétique comprend (R. 126-16 du CCH) :

  1. a) Les caractéristiques pertinentes du bâtiment ou de la partie de bâtiment et un descriptif de ses équipements de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de refroidissement, de ventilation et, dans certains types de bâtiments, de l’éclairage intégré des locaux en indiquant, pour chaque catégorie d’équipements, les conditions de leur utilisation et de leur gestion ayant des incidences sur les consommations énergétiques ;
  2. b) L’indication, pour chaque catégorie d’équipements, de la quantité annuelle d’énergie consommée ou estimée selon une méthode de calcul conventionnel ainsi qu’une évaluation des dépenses annuelles résultant de ces consommations ;
  3. c) L’évaluation de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre liée à la quantité annuelle d’énergie consommée ou estimée ;
  4. d) Une information sur les énergies d’origine renouvelable produites par les équipements installés à demeure et utilisées dans le bâtiment ou partie de bâtiment en cause ;
  5. e) Le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en application d’une échelle de référence, prenant en compte la zone climatique et l’altitude, établie en fonction de la quantité annuelle d’énergie consommée ou estimée, pour le chauffage, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage et les auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d’eau chaude sanitaire et de ventilation, rapportée à la surface du bâtiment ou de la partie du bâtiment ;
  6. f) Le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en application d’une échelle de référence, prenant en compte la zone climatique et l’altitude, établie en fonction de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre, pour le chauffage, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage et les auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d’eau chaude sanitaire et de ventilation, rapportée à la surface du bâtiment ou de la partie du bâtiment ;
  7. g) Des recommandations visant à améliorer la performance énergétique, sans augmenter la quantité d’émission de gaz à effet de serre liée à la quantité annuelle d’énergie consommée ou estimée, du bâtiment ou de la partie de bâtiment, accompagnées d’une évaluation de leur coût et de leur efficacité ;
  8. h) Le cas échéant, le dernier document en date mentionné à l’article R. 224-33 ou R. 224-41-8 du code de l’environnement ;
  9. i) Des éléments d’appréciation sur la capacité du bâtiment ou de la partie de bâtiment à assurer un confort thermique en période estivale.

Les DPE sont valables 10 ans, à l’exception de ceux réalisés:

entre le 1.1.2013 et le31.12.2017, valables jusqu’au 31.12.2022 ;

entre le 1.1.2018 et le 30.6.2021, valables jusqu’au 31.12.2024 (art. D 126-19 du CCH).

Diagnostic erroné et responsabilité du diagnostiqueur

Si le diagnostiqueur ne fait pas un diagnostic exact, il commet une faute et engage sa responsabilité contractuelle pour faute à l’égard de celui, vendeur ou bailleur, qui a commandé sa mission et délictuelle vis-à-vis du locataire ou de l’acheteur.

Pour prouver la faute, il convient de demander une “contre DPE”, c’est à dire un DPE à un autre diagnostiqueur.

La standardisation du mode de calcul, en 2021, permet désormais de comparer les diagnostics entre eux : il sera possible de comprendre précisément d’où vient la différence (mauvaise saisie de l’épaisseur d’un mur, saisie erroné d’un double vitrage dans la chambre parentale, etc.)

L’évaluation du préjudice indemnisable

Jusqu’à la modification de l’article L. 271-4 du CCH par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 , dite loi Élan, la Cour de cassation, dès lors qu’à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, le diagnostic de performance énergétique a seulement une valeur informative, retenait que le préjudice subi par l’acquéreur du fait de cette information erronée ne consiste pas dans le coût de l’isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ( Cass. 3e civ., 21 nov. 2019, n° 18-23.251   ; JCP N 2019, n° 49, act. 921 , obs. M. Mekki).

Mais cette limitation du préjudice à la perte de chance tenait au caractère non opposable du diagnostic.

Il est donc possible, voire probable, qu’elle fera évoluer sa jurisprudence en matière de DPE pour l’aligner sur celle applicable aux autres diagnostics, c’est-à-dire en mettant à la charge du diagnostiqueur de performance énergétique fautif le coût de la mise en conformité par rapport aux informations données dans le diagnostic .

Le diagnostiqueur devrait alors donc indemniser l’acquéreur des travaux devant être réalisés pour atteindre la performance énergétique visée dans le DPE, à l’instar de ce qu’elle retient pour les autres diagnostics ( Cass. 3e civ 15 oct. 2015, n° 14-18.077  : ; Bull. civ. III n° 837 ).

D’autres préjudices peuvent être envisagés :

  • La dépense énergétique supérieure jusqu’à la réalisation des travaux
  • L’impossibilité de louer l’appartement en cas d’investissement locatif et la perte de loyer qui s’en est suivie

Diagnostic erroné, sort de la vente et indemnisation par le vendeur

Du côté du vendeur, l’article L. 271-4, II, in fine prévoit que l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n’ont qu’une valeur informative.

A contrario l’acquéreur peut se prévaloir des autres informations contenues dans le diagnostic ( CCH, art. R. 134-2 ).

Aussi, l’acquéreur pourra prétendre à l’existence d’un défaut de conformité lorsqu’il apparaîtra que le bâtiment vendu est plus énergivore qu’il n’est indiqué dans le DPE qui lui a été remis, sans qu’il en résulte pour autant une impropriété à destination ou qu’il ne comprend pas tous les éléments d’équipement qui y sont visés ou que ces derniers ne sont pas aussi performants que ce qu’indique le diagnostic parce que, par exemple, plus anciens que ce qui est mentionné dans le DPE ou bien encore, parce qu’ils sont différents de ce qui est indiqué dans le DPE.

Bien entendu, s’il y a tout à la fois une non-conformité contractuelle et une impropriété de destination, la seconde l’emporte sur la première. Seule l’action en vice caché est alors applicable ( Cass 1re civ. 20 févr. 1996, n° 93-21.128 ). Or, en ce cas, le vendeur particulier (non-professionnel) est susceptible, en principe, de bénéficier d’une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés, position retenue par la Cour de cassation notamment pour un diagnostic erroné relatif aux insectes xylophages ( Cass 3e civ .,7 mars 2019, n° 17-31.080 : JurisData n° 2019-027319 ).

Si l’acquéreur se prévaut contre le vendeur du fait que, en raison d’un DPE erroné, il a été trompé sur la performance énergétique du bien, le défaut qui sera allégué consistera dans un défaut présentant une dimension fonctionnelle.

Or, depuis longtemps, sur la question des concours d’actions, la Cour de cassation pose qu’en présence d’un défaut fonctionnel, c’est-à-dire répondant juridiquement à la qualification d’un vice, l’acquéreur ne peut agir ni sur le fondement de l’erreur, ni sur le fondement du défaut de délivrance conforme.

Les seuls fondements recevables résident alors soit dans l’action en garantie contre les vices cachés, soit dans le dol.

Le dol imposera la démonstration d’une manoeuvre intentionnelle du vendeur, ce qui correspondra à des cas très rares. Il faudra en effet que l’acquéreur puisse démontrer que son vendeur connaissait le caractère erroné du DPE.

Quant au fondement de la garantie contre les vices cachés, un DPE ayant été remis, le vendeur sera généralement en droit d’opposer une clause exonératoire de garantie.

Par conséquent, dans la très large majorité des cas, l’opposabilité du DPE n’emportera en réalité de conséquences, dans le rapport d’obligation entre vendeur et acquéreur, que vis-à-vis des seuls vendeurs insusceptibles de s’abriter derrière une telle clause exonératoire, c’est à dire les vendeurs professionnels.

La solution ne sera différente que si, par exemple, était arguée, non pas la fausseté du résultat du DPE en tant que tel, mais celle de l’une des données, comme par exemple un mauvais mesurage dans le DPE de la surface habitable. Car, dans cette hypothèse, c’est bien le fondement de la délivrance conforme qui pourrait être mobilisé. Mais encore faudra-t-il que cette surface n’ait pas été pas corrigée dans l’acte lui-même ou dans un document dit de superficie Carrez.

Quelle responsabilité du Syndic de copropriété ou du Syndicat de copropriétaires ?

Il arrive que le DPE soit erroné parce que le Syndic de copropriété a communiqué des informations erronnées au diagnostiqueur.

La responsabilité de plein droit du Syndicat du fait des fautes du Syndic

Le contrat de Syndic est un contrat de Mandat.

Dès lors que le syndic, ès qualités, commet une faute, le syndicat des copropriétaires en est responsable (Civ. 3e, 11 févr. 2016, n° 14-29.345 ; 2 oct. 2012, n° 11-24.200 ; 15 févr. 2006, n° 05-11.263) : “le syndicat des copropriétaires est responsable à l’égard des copropriétaires ou des tiers des fautes commises par le syndic, son mandataire, dans l’exercice de ses missions“. (Cass. 3e civ., 14 juin 2022, n° 21-16.223).

Il y a responsabilité directe du syndicat pour un exercice fautif de ses fonctions de Syndic par son mandataire (le Syndic).

Lorsque le syndic donne « une information inappropriée sur l’État de l’immeuble, en tant que représentant du syndicat, au notaire chargé de la vente », par exemple une information erronée dans le questionnaire soumis par le notaire au moment de la vente, il commet une faute dans l’exercice de ses missions.

Autrement dit, même si le Syndic a commis une faute, étant donné qu’il a agi dans le cadre de son mandat comme mandataire de son mandant (le Syndicat), le Syndicat reste pleinement responsable des fautes de son Syndic.

Il convient donc à l’acheteur/vendeur lésé d’assigner non le Syndic mais le Syndicat.

Et en cas de dol ?

Si un dol peut être démontré, la responsabilité du syndicat peut être écartée

« Si le mandant est, en vertu de l’article 1998 du Code civil, contractuellement responsable des dommages subis du fait de l’inexécution des engagements contractés par son mandataire dans les limites du mandat conféré, les manœuvres dolosives du mandataire, dans l’exercice de son mandat, n’engagent la responsabilité du mandant que s’il a personnellement commis une faute, qu’il incombe à la victime d’établir. ». (Cass. ch. mixte, 29 oct. 2021, n° 19-18.470, B+R : ).

Ainsi, s’il est établi que le syndic a sciemment fait une déclaration mensongère, la responsabilité du syndicat des copropriétaires pourrait être purement et simplement écartée. Toutefois, la question du dol n’avait pas été posée à la Cour de cassation.

Quel recours pour le Syndicat des copropriétaires en cas de condamnation du fait de la faute de son Syndic ?

Le syndicat, vraisemblablement condamné du fait de son syndic, pourra alors fructueusement appeler en garantie son représentant (le Syndic en nom personnel) pour rechercher sa responsabilité contractuelle (Civ. 3e, 23 janv. 2020, n° 18-21.357, AJDI 2020. 289 ; Paris, pôle 4, 2e ch., 20 janv. 2020, n° 17/2154), sans avoir à démontrer que sa faute n’était pas « détachable de ses fonctions » (Civ. 3e, 23 mai 2012, n° 11-14.599).

Conclusion

En cas de DPE erroné, l’action sera possible :

  • Contre le diagnostiqueur sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle ;
  • Contre le vendeur professionnel pour vice caché ;
  • Contre le vendeur particulier s’il savait que le DPE était erroné;
  • Contre le Syndicat des copropriétaires en cas d’information erronée donnée par le Syndic.

Quant au préjudice indemnisable, il sera égal au montant des travaux permettant d’obtenir l’étiquette performance énergétique faussement affichée, par erreur par le diagnostiqueur.

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