Comment évaluer les parts de société civile ?

L’article 1843-4 du Code civil impose le recours à une expertise pour fixer, en cas de contestation, le prix de cession ou de rachat des parts ou actions d’un associé exclu, retrayant ou cédant lorsque :

  •  la loi renvoie à ce texte pour la cession ou le rachat, l’expert devant alors fixer le prix selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts de la société ou les conventions liant les parties ;
  • les statuts prévoient cette cession ou ce rachat sans que la valeur des titres soit déterminée ou déterminable, l’expert étant tenu de respecter les modalités conventionnelles de détermination du prix s’il en existe.

La désignation de l’expert en justice reste sans recours possible, sauf pour excès de pouvoir par la voie de l’appel-nullité.

Les développements s’appliquent également au tiers désigné sur le fondement de l’article 1592 du Code civil puisque si l’estimation du prix de cession ne constitue pas une obligation pour ce tiers (cf. C. civ. art. 1592), sa mission demeure toutefois identique à celle de l’expert de l’article 1843-4 du Code civil.

Le droit de l’associé à se faire payer

L’associé qui se retire d’une société civile a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux.

Comment se calcule la valeur d’une part de SCI ? Comment calculer la valeur d’une part ? Comment estimer la valeur des parts d’une société ?

La valeur des droits sociaux (parts ou actions) est, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4 du Code civil (C. civ. art. 1869, al. 2).

Détermination du prix de cession

Le prix de cession des parts sociales doit être déterminé (C. civ. art. 1591), c’est-à-dire chiffré ou susceptible de l’être. Les parties peuvent le déterminer elles-même ou s’en remettre à un tiers.

Il n’est pas nécessaire, en cas de pluralité de cédants, que la part revenant à chacun d’eux soit fixée dans l’acte de cession (Cass. 3e civ. 19-3-1986 : Bull. civ. III n° 36 ; CA Paris 23-9-1988 : BRDA 23/88 p. 8).

Lorsque la cession porte sur les titres de plusieurs sociétés, la ventilation du prix entre les titres de chacune d’entre elles n’est pas requise pour la validité de l’opération, sauf si les parties en ont fait une condition déterminante de leur engagement (Cass. com. 8-4-2008 n° 06-18.042 : RJDA 12/08 n° 1270, chron. R. Salomon p. 1175).

L’absence de ventilation du prix est à éviter en raison des incertitudes qu’elle génère sur le plan fiscal : difficulté de déterminer le montant et le régime d’imposition des plus-values de cession dues par le cédant et, pour l’acquéreur, problème de calcul des droits d’enregistrement dont le régime varie selon la nature des titres cédés.

Appréciation du caractère déterminable du prix

Le prix de cession des parts sociales n’est ni déterminé ni déterminable – et la cession est nulle – lorsque les parties ont retenu pour sa fixation plusieurs éléments dont la mise en œuvre se révèle ultérieurement impossible (Cass. com. 5-5-1970 : Rev. soc. 1971 p. 184 ; Cass. com. 13-1-1971 : Bull. civ. IV n° 13) ou lorsque les éléments de référence retenus dépendent de la volonté de l’une des parties ou de la réalisation d’accords ultérieurs (Cass. 1e civ. 12-11-1974 : Bull. civ. I n° 301 ; Cass. com. 25-9-2012 n° 11-23.319 : RJDA 1/13 n° 24 ; Cass. com. 21-9-2022 n° 20-16.994 F-B : RJDA 1/23 n° 31).

Illustration

Le prix a été tenu pour déterminé ou déterminable dans les cas suivants :

  • – une cession de parts consentie à l’épouse du gérant moyennant une somme fixe payable comptant et le versement d’une rente viagère annuelle indexée sur les variations du chiffre d’affaires de la société, dès lors que la prospérité d’une entreprise ne dépend pas uniquement de l’intention et de la diligence de celui qui l’anime mais aussi de la conjoncture économique (CA Paris 28-1-1982 : BRDA 11/82 p. 8) ;
  • – une cession dont le prix devait résulter, pour une part, d’un éventuel boni d’inventaire constaté dans le bilan de clôture de l’exercice de cession (CA Paris 26-9-1989 : Bull. Joly 1989 p. 963) ;
  • – une cession consentie moyennant un prix par titre auquel devait s’ajouter un complément au retour à l’équilibre de l’exploitation, cette condition ne dépendant pas de la volonté exclusive de l’acquéreur (et ne tombant donc pas sous le coup de la nullité de l’article 1304-2 du Code civil) (CA Paris 8-6-1990 : BRDA 2/91 p. 19) ;
  • – une promesse de cession dont le prix était calculé par application d’une formule liée à la moyenne du résultat de la société sur deux exercices (CA Versailles 27-6-2003 n° 01-234 : RJDA 1/04 n° 52) ;
  • – lorsque les parties à une promesse de cession s’en sont remises pour la fixation du prix à un expert ayant les pouvoirs prévus par l’article 1843-4 du Code civil ; la détermination du prix ne nécessitant pas un nouvel accord de leur part, la cession est parfaite dès la levée de l’option (Cass. com. 30-11-2004 n° 1742 : RJDA 3/05 n° 270).
  • En revanche, le prix de la cession n’est pas déterminé :
  • – lorsque les experts désignés par les parties se sont bornés à proposer un prix minimal et un prix maximal et que seul le cédant a accepté l’un de ces deux prix quand bien même ce serait celui qui lui était le moins favorable (Cass. com. 29-5-1972 : D. 1973 p. 255 note Guyénot) ;
  • – lorsque les données de référence ont été faussées par les pratiques arbitraires du cédant, empêchant ainsi les experts de parvenir à l’évaluation des parts et d’accomplir leur mission (Cass. 2e civ. 8-4-1999 : RJDA 8-9/99 n° 937) ;
  • – lorsque ses modalités de fixation renvoient aux résultats financiers et comptables de la société sans indication de la date de référence (Cass. com. 25-9-2012 n° 11-23.319 : RJDA 1/13 n° 24) ou à un bilan comptable établi contradictoirement à une date ultérieure, la fixation du prix impliquant alors un nouvel accord de volonté des parties (Cass. com. 6-11-2012 n° 11-26.582 : RJDA 3/13 n° 240), à moins qu’elles n’aient prévu la désignation, en cas de désaccord, d’un expert chargé d’arrêter l’estimation définitive (Cass. com. 14-12-1999 : RJDA 4/00 n° 425 ; CA Paris 23-5-1986 : Bull. Joly 1986 p. 948) ;
  • – pour l’intégralité de la cession si un prix n’est fixé que pour une fraction des parts sociales cédées, à moins que la cession ne soit divisible (Cass. com. 9-10-2012 n° 11-14.498 : RJDA 2/13 n° 133).

Conséquences de l’absence de détermination du prix

La cession dont le prix n’est ni déterminé ni déterminable est nulle. Tendant à la protection des seuls intérêts privés du cédant, la nullité sanctionnant un prix indéterminé – ou dérisoire – est relative (Cass. 1e civ. 29-9-2004 n° 03-10.766 : Bull. civ. I n° 216 ; Cass. 3e civ. 24-10-2012 n° 11-21.980 : RJDA 2/13 n° 100 ; Cass. com. 22-3-2016 n° 14-14.218 : RJDA 5/16 n° 359).

En conséquence, l’action en nullité est réservée au cédant (cf. C. civ. art. 1181 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016). Elle ne peut pas être engagée par la société dont les titres ont été cédés. L’action en nullité se prescrit par cinq ans (C. civ. art. 2224), à compter du jour où le cédant a connu ou aurait dû connaître l’absence de prix ou son caractère dérisoire (C. civ. art. 2224 et 2227).

Les parties peuvent d’un commun accord constater l’annulation du contrat, sans intervention du juge.

En principe, un contrat atteint de nullité relative peut être confirmé par la partie protégée par la nullité (C. civ. art. 1181). À notre avis, cette faculté n’est pas ouverte au cédant lorsque l’indétermination du prix tient au fait que ce dernier n’existe pas ou n’est pas calculable en l’état de l’acte de cession, car il ne s’agirait pas de confirmer le contrat mais de le compléter. En revanche, rien n’interdit au cédant de confirmer un prix dont l’acte de cession laisse la détermination au seul acquéreur ou qui est d’un montant dérisoire. Pour les mêmes raisons, cette distinction s’applique selon nous à la faculté ouverte à l’acquéreur de demander par écrit au cédant soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion (C. civ. art. 1183). Cette faculté est en outre subordonnée à la disparition de la cause de nullité (même art.).

Montant du prix de cession

Prix de cession inférieur à la valeur réelle

La cession de parts sociales consentie à un prix inférieur à leur valeur réelle n’est pas nulle (C. civ. art. 1168). Mais elle l’est si le prix convenu lors de la conclusion de la cession est dérisoire (C. civ. art. 1169). L’action en nullité s’exerce alors dans les mêmes conditions qu’en cas d’absence de détermination du prix (Cass. com. 22-3-2016 n° 14-14.218 : RJDA 5/16 n° 359 ; n° 21227).

Le prix fixé à la valeur nominale des droits sociaux n’est pas nécessairement dérisoire (CA Paris 12-3-2009 n° 08-9471 : RJDA 7/09 n° 648). La nullité a aussi été écartée pour une cession de titres au tiers de leur valeur s’inscrivant dans le cadre d’une succession, cette cession trouvant sa contrepartie dans l’immédiate liquidité qu’elle procurait au cédant désireux d’assurer son avenir financier après le décès de sa mère (CA Paris 21-2-2012 n° 10/24934 : RJDA 12/12 n° 1081).

Le prix symbolique ne constitue pas un prix dérisoire susceptible d’entraîner l’annulation de la cession dès lors que les droits sociaux ont été déclarés sans valeur par le tiers chargé de déterminer le prix de cession (Cass. com. 3-1-1985 : Bull. civ. IV n° 8) ou que la cession est assortie de contreparties suffisantes à la charge de l’acquéreur, telle la prise en charge d’un passif social (Cass. com. 15-1-2013 n° 11-12.495 : RJDA 5/13 n° 420 ; Cass. com. 10-10-2018 n° 17-12.564 F-D : RJDA 1/19 n° 20) ou encore que la cession est intégrée dans une opération globale formant un tout indivisible et procurant au cédant un avantage réel (Cass. com. 17-11-2009 n° 09-11.824 : RJDA 2/10 n° 152 ; CA Paris 28-6-2011 n° 10/22840 : RJDA 3/12 n° 298).

Une vente en viager des parts d’un associé ayant apporté un immeuble à la société peut être annulée si les arrérages sont inférieurs aux revenus de l’immeuble (Cass. 3e civ. 27-5-2010 n° 09-65.258 : RJDA 10/10 n° 941).

Une cession de parts consentie par une personne à son conjoint ou à l’un de ses héritiers présomptifs moyennant un prix très inférieur à la valeur réelle des parts peut constituer une donation indirecte qui est, selon les circonstances d’espèce, rapportable à la succession du cédant ou réductible si elle porte atteinte à la part réservée aux héritiers (C. civ. art. 843 s. et 920 s.).

Prix de cession supérieur à la valeur réelle

Le caractère excessif, voire exorbitant, du prix n’est pas en soi une cause de nullité de la cession (C. civ. art. 1168). Il ne permet pas à lui seul d’invoquer une erreur viciant le consentement ou un vice caché. Toutefois, l’acquéreur qui a accepté de conclure à un prix excessif à la suite d’un dol ou d’une violence peut agir dans les conditions exposées.

En dehors de ces hypothèses, la révision du prix peut être obtenue sur le fondement de l’article 1195 du Code civil. Elle ne le sera qu’exceptionnellement, car il faut que l’exécution de la cession soit différée et les conditions de mise en œuvre de la procédure de révision instituée par ce texte sont très strictes : il faut qu’il y ait eu un « changement de circonstances imprévisible » lors de la conclusion du contrat et que ce changement rende l’exécution de la cession « excessivement » onéreuse. La procédure de révision organisée par l’article 1195 comporte trois étapes : tentative de renégociation entre les parties ; en cas d’échec, accord des parties pour demander la résolution ou l’adaptation du contrat par le juge ; enfin, en l’absence d’accord, révision du contrat par le juge à la demande d’une partie.

Indexation du prix de cession

Le prix de cession peut être indexé, mais à la condition que (C. mon. fin. art. L 112-2, al. 1) :

– l’indice choisi soit en relation directe avec l’objet de la convention ou avec l’activité de l’une des parties ;

– cet indice ne soit pas fondé sur le Smic ou sur le niveau général des prix ou des salaires.

Retenant une interprétation large de ces dispositions, la Cour de cassation a admis que le prix de cession des parts d’une société dont l’actif était essentiellement constitué par un immeuble pouvait valablement être indexé sur l’indice du coût de la construction (Cass. 3e civ. 16-7-1974 : D. 1974 p. 681 note Ph. Malaurie) et qu’était licite l’indexation du prix de cession d’actions sur la valeur du point de retraite des cadres fixée par la caisse de prévoyance dont le cédant touchait une retraite

Fixation du prix de cession par un tiers

Les parties peuvent convenir que le prix de cession des parts sociales sera fixé par un tiers. Elles ont alors le choix entre l’expertise du droit commun de la vente (C. civ. art. 1592) et celle spécifique au droit des sociétés (C. civ. art. 1843-4).

Toutefois, l’expertise prévue par l’article 1843-4 est obligatoire lorsqu’il existe une contestation sur le prix et que (C. civ. art. 1843-4) :

– soit la loi renvoie à ce texte pour fixer les conditions de prix de la cession ou du rachat des droits sociaux par la société ; tel est notamment le cas en cas de refus d’agrément de l’acquéreur des droits sociaux (C. civ. art. 1862) ou de l’héritier d’un associé décédé (art. 1870-1) ou encore en cas de retrait d’un associé (art. 1869) ;

– soit les statuts prévoient la cession des droits sociaux ou leur rachat par la société sans que leur valeur soit déterminée ou déterminable.

En visant expressément les seules cessions prévues par la loi ou par les statuts, l’article 1843-4 exclut l’application de plein droit de l’expertise pour les autres cessions ou rachats, y compris ceux organisés par un pacte d’associés.

Rien n’interdit aux parties à ces autres cessions de faire une application volontaire de ce texte. Les parties se soumettent alors, à notre avis, à l’intégralité du dispositif sans pouvoir l’aménager, même si elles n’y ont fait qu’un renvoi partiel (par exemple, aux seules modalités de désignation de l’expert). En effet, le régime de l’article 1843-4 est d’ordre public (Cass. 1e civ. 25-11-2003 n° 00-22.089 : RJDA 5/04 n° 68 ; Cass. com. 16-2-2010 n° 09-11.668 : RJDA 5/10 n° 523 ; Cass. com. 14-2-2018 n° 16-24.790 F-D : RJDA 5/18 n° 433). Or, en cas d’application conventionnelle d’un régime d’ordre public, ce régime s’impose en intégralité même si le renvoi est partiel (Cass. com. 4-2-1992 n° 90-15.668 : RJDA 5/92 n° 425 ; Cass. 1e civ. 9-12-1997 n° 96-04.172 : RJDA 4/98 n° 491 ; Cass. 1e civ. 23-3-1999 n° 97-11.525 : RJDA 5/99 n° 597, 1e esp.). Les parties qui mêleraient les dispositifs des articles 1592 et 1843-4 du Code civil s’exposeraient donc à une application complète du second.

Précisions

  1. En cas de renvoi légal à l’article 1843-4, la présence d’une clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix des titres ne fait pas obstacle à l’expertise mais, dans la mesure où l’expert devra appliquer cette clause (n° 21245), l’intérêt pratique de recourir à l’expertise est réduit.
  2. Lorsque la cession est organisée par les statuts, le recours à l’expert s’impose tant en l’absence de clause statutaire de détermination du prix qu’en présence d’une clause ne permettant pas d’aboutir à un prix déterminable (pour des exemples, voir n° 21226). Il résulte des termes de l’article 1843-4 que, dans les autres cas, la voie de l’expertise est fermée.

Date d’évaluation des parts sociales par l’expert

Quelle date retenir pour l’évaluation ?

En présente d’une clause statutaire

En application de l’article 1843-4 du code civil, la valeur des parts de l’associé qui se retire doit être déterminée en application de la clause statutaire si elle existe.

La valeur doit ainsi être déterminée à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra ou, le cas échéant, est intervenu en application des statuts (point 39 de l’arrêt no 22-11.766).

En l’absence de clause statutaire : à la date à laquelle l’expert établit son rapport

En application de l’article 1843-4 du code civil, la valeur des parts de l’associé qui se retire doit être déterminée en l’absence de clause statutaire prévoyant une autre date, à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra (Cass. com. 9-11-2022 no 20-20.830 F-B et Cass. com. 8‑11-2023 no 22-11.765 FS-D Cass. com. 8‑11-2023 no 22-11.766 FS-B.

Si aucune disposition des statuts ne fixe de date d’évaluation des parts par un expert désigné en application de l’article 1843-4 du Code civil, l’expert doit dès lors se placer à la date la plus proche du remboursement pour évaluer les parts de l’intéressé. La Cour de cassation avait déjà jugé que la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits (Cass. com. 4-5-2010 no 08-20.693 FS-PB : RJDA 8-9/10 no 861 ; Cass. com. 15-1-2013 précité), c’est-à-dire en cas de recours à l’expertise à la date à laquelle l’expert établit son rapport.

Pour les sociétés civiles, le fondement de cette règle peut être recherché dans l’article 1860 du Code civil, puisque, selon ce texte, ce n’est qu’une fois que l’associé a été remboursé de ses parts qu’il perd la qualité d’associé.

Si le remboursement de la dette dont la société s’estimait redevable à l’égard du retrayant a été intégralement réalisé, la date la plus proche de celle du remboursement n’est pas la date à laquelle l’expert rend son rapport mais la date correspondant au dernier des versements réalisés.

la « perte de la qualité d’associé ne peut, en cas de retrait, être antérieure au remboursement de la valeur de ses droits sociaux ». Tant que le retrayant conserve la qualité d’associé, la valeur de ses parts doit rester soumise aux aléas, positifs ou négatifs, de l’entreprise. Tel est bien le principe fondateur inscrit à l’article 1832 du code civil. Il n’est pas justifié de déconnecter la valorisation des droits du retrayant de la date à laquelle il va perdre la qualité d’associé – la date du remboursement de ses droits.

Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions qui fixent dans tous les cas, et quelle que soit la nature des sociétés concernées, la date de l’évaluation de la valeur des droits sociaux à celle qui est la plus proche du remboursement des droits sociaux de l’associé cédant, retrayant ou exclu, sauf disposition contraire des statuts n’introduisent aucune différence de traitement et sont conformes à la Constitution (Cons. const., décision n° 2016-563 QPC, du 16 septembre 2016 N° Lexbase : A2486R3H, B. Brignon, Lexbase Affaires, octobre 2016, n° 483 N° Lexbase : N4712BWG).

Sanction : à défaut de respect de cette règle, l’expert commet une erreur grossière entachant son rapport de nullité (Cass. com., 9 novembre 2022, n° 20-20.830, F-B).

Les conséquences sur la qualité d’associé

L’associé qui se retire ne perd sa qualité d’associé qu’après remboursement de la valeur de ses droits sociaux (Cass. com., 17 juin 2008, n° 06-15.045, FS-P+B+R, SCI Marina Airport c/ Marcus : JurisData n° 2008-044423 ; Dr. sociétés 2008, comm. 176, note R. Mortier ; D. 2008, act. jurispr., p. 1818, obs. Lienhard ; Rev. sociétés 2008, p. 826, note J.-F. Barbieri ; Bull. Joly Sociétés 2008, p. 965, note F.-X. Lucas. – Cass. com., 17 juin 2008, n° 07-14.965, FS-P+B+R, Vercellone c/ Vercellone : JurisData n° 2008-044428 ; Dr. sociétés 2008, comm. 176, note R. Mortier ; Bull. Joly Sociétés 2008, p. 967, note F.-X. Lucas).  Tant que l’associé conserve cette qualité, il demeure exposé aux aléas sociaux qui se traduisent dans la valeur des parts sociales. Il n’y a pas dissociation entre la date d’évaluation des droits sociaux et celle de la perte de la qualité d’associé : ce n’est que quand les droits ont été évalués et payés que la qualité d’associée est perdue.

Les exceptions catégorielles

  • En cas de retrait d’un associé d’une SCP de notaires ou d’huissiers, l’évaluation des parts doit être faite à la date de publication de l’arrêté ministériel acceptant le retrait (Cass. 1e civ. 17-12-2009 no 08-19.895 FS-PB : RJDA 3/10 no 260 ; Cass. 1e civ. 28-10-2010 no 09-68.135 F-PBI : RJDA 2/11 no 164; (Cass. 1re civ., 16 mars 2004, n° 01-00.416, P, Destouesse-Colmant c/ Bousquet : JurisData n° 2004-022837 ; Dr. sociétés 2004, comm. 124, note F.-X. Lucas ; JCP E 2004, 1444, note H. Hovasse ; JCP N 2004, 1368 ; Bull. Joly Sociétés 2004, p. 877, note J.-J. Daigre) Cass. 1re civ., 27 déc. 2009, n° 08-19.895, FS-P+B, Destouesse Colmant c/ SCP Bousquet et Bousquet : JurisData n° 2009-050766 ; JCP N 2010, 1069, note H. Hovasse)  Civ. 1re, 28 juin 2007, n° 06-18.074;
  • En cas de décès de l’associé d’une société civile ou d’une société en nom collectif, à la date du décès (C. civ. art. 1870-1 ; C. com. art. L 221-15).

Le maintien de ces exceptions est très contestable aujourd’hui

Que faire en cas de difficulté d’interprétation ?

 Les méthodes d’évaluation des parties s’imposent à l’expert ce qui peut soulever une problématique sur leur interprétation éventuelle.  l’expert désigné sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil est tenu d’appliquer les règles et modalités de détermination du prix prévues par toutes conventions liant les parties et qu’il incombe au juge d’interpréter la commune intention de celles-ci.

Le président du tribunal de commerce chargé de désigner l’expert de l’article 1843-4, à défaut d’accord entre les parties, ne peut pas procéder à cette interprétation et doit surseoir à statuer dans l’attente d’une décision au fond (Cass. com. 7-7-2021 no 19-23.863 FS-PBI : RJDA 10/21 no 666 ; Cass. com. 25-5-2022 no 20-18.307 F-B :).

Si la contestation survient après sa désignation, l’expert, tenu d’appliquer les méthodes d’évaluation que les parties à la cession ont éventuellement stipulées (C. civ. art. 1843-4, II), a deux choix:

  1. Solution paresseuse : L’expert peut demander au tribunal de trancher cette question et de suspendre ses travaux en attendant sa décision ;
  2. Solution pragmatique : l’expert peut aussi faire le choix de procéder à des évaluations alternatives, à charge pour le tribunal de faire application de l’évaluation correspondant à la commune intention des parties. Selon les termes de la présente décision, l’établissement de plusieurs propositions d’évaluation en cas de difficulté d’interprétation d’une clause stipulant une méthode d’évaluation demeure une simple faculté pour l’expert. (Cass. com. 17-1-2024 no 22-15.897 F-B, Sté Quiris c/ X). L’expert doit alors proposer deux évaluations alternatives correspondant aux deux interprétations divergentes de la clause.

Autrement dit l’expert peut, afin de ne pas retarder le cours des opérations, retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge d’appliquer l’évaluation correspondant à la commune intention des parties, laquelle s’imposera alors à lui. En cas de difficulté d’interprétation des règles d’évaluation du prix d’une cession de droits sociaux convenues entre les parties, l’expert désigné en application de l’article 1843-4 du Code civil peut retenir différentes évaluations, à charge pour le juge de trancher.

L’expert de l’article 1843-4 du Code civil peut proposer au juge plusieurs prix de cession de parts

Exemples d’interprétation :

 selon les « principes comptables en vigueur ». Cet acte prévoit également la désignation d’un expert en cas de désaccord sur le prix, conformément à l’article 1843-3 du Code civil.

  • Un acte de cession de parts sociales prévoit un prix de base assorti d’un ajustement de prix égal au montant de la variation des capitaux propres de la société dont les parts sont cédées, calculé après arrêté des comptes établis selon les « principes comptables en vigueur ». Les principes comptables sont-ils ceux définis par le Code général des impôts ou ceux en vigueur dans la société de manière constante au moment de la cession ?

Quel recours contre la désignation ou l’évaluation de l’expert ?

Les recours sont limités afin de permettre à l’associé retrayant ou exclu d’être rapidement fixé sur le montant du remboursement qui lui est dû et à la société (ainsi qu’aux autres associés) de connaître ce montant, sans avoir à supporter les aléas d’une procédure judiciaire classique, à savoir une procédure comportant des possibilités de recours ordinaires lors des différentes phases du processus.

Appel-nullité

La décision de désigner un expert demeure soumise à un appel-nullité en cas d’excès de pouvoir 

Erreur grossière ou impartialité

L’évaluation de l’expert s’impose au Juge, sauf erreur grossière de l’expert (Cass. com. 19-4-2005 no 03-11.790).

 l’erreur grossière est la seule limite qui fait obstacle à la force obligatoire de l’expertise faite sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil

 si l’évaluation des parts sociales à laquelle procède l’expert désigné s’impose aux parties et au juge, elle s’effectue néanmoins sous le contrôle de ce dernier, le juge disposant du pouvoir d’annuler le rapport d’expertise, notamment en cas de manquement de l’expert aux exigences d’indépendance et d’impartialité ou en cas d’erreur grossière.

Selon une jurisprudence constante, l’erreur grossière dans l’évaluation des droits sociaux peut notamment consister dans:

  • le choix erroné d’une date d’évaluation
  • la soumission indue de l’expert à des méthodes d’évaluation limitant sa liberté d’appréciation.

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