Le détournement de clientèle, de fichiers clients et de commandes

Le détournement de clientèle est un cas de concurrence déloyale, appartenant à la catégorie des “Actes désorganisant l’entreprise concurrente”.

Qu’est ce qui est autorisé ?

Qu’est ce qui est interdit ?

Quand la concurrence déloyale est-elle retenue ?

Démarchage de la clientèle

Une entreprise commerciale ne peut se prévaloir d’aucun droit privatif sur ses clients. Le démarchage de la clientèle d’un concurrent est donc licite dès lors qu’il n’est pas accompagné de procédés déloyaux (Cass. com. 24-10-2000 n° 98-19.774 FS-D : RJDA 1/01 n° 97 ; Cass. com. 26-10-2010 n° 09-71.313 F-D : RJDA 2/11 n° 193 ; Cass. com. 19-3-2013 n° 12-16.936 F-D : RJDA 6/13 n° 561).

En tout état de cause, il n’y a pas démarchage lorsqu’il est établi que le déplacement de clientèle n’est pas la conséquence de manœuvres déloyales mais procède d’initiatives spontanées de cette clientèle (Cass. soc. 12-4-1995 n° 89-44.088 D : RJDA 8-9/95 n° 1068 ; CA Versailles 11-9-1997 : RJDA 3/98 n° 368 ; Cass. com. 2-12-2020 n° 18-23.725 F-D : RJDA 8-9/21 n° 615).

Circonstances du démarchageDémarchage fautif ou non
Ancien salarié ayant utilisé systématiquement et dans un laps de temps très court, sous couvert de la société concurrente qu’il a créée, les travaux et l’expérience technique de son ancien employeur, en reproduisant les produits de celui-ci presque à l’identique sans nécessité technique et en prospectant ses clients (Cass. com. 13-2-1990 n° 88-13.828 P : BRDA 7/90 p. 7)Démarchage illicite, dès lors qu’une action concertée a été menée pour s’approprier la clientèle de l’ancien employeur.
Agent d’assurances ayant, plus de deux ans après sa démission, démarché avec succès le principal client de son ancienne agence (Cass. com. 18-6-1991 n° 89-15.629 P : RJDA 11/91 n° 987)Démarchage illicite résultant d’un manquement à son obligation de réserve et de loyauté qui s’imposait à lui bien qu’il fût dégagé de toute obligation contractuelle de non-concurrence.
Éditeur d’un journal de « petites annonces » ayant démarché les annonceurs d’un concurrent en se présentant faussement comme envoyé par celui-ci pour leur proposer un nouveau passage de leur annonce dans ce journal (CA Rouen 13-2-1992 : RJDA 3/92 n° 307)Démarchage illicite, dès lors que le démarchage s’est accompagné de manœuvres visant à semer la confusion dans l’esprit des clients.
Cédant d’un salon de coiffure ayant envoyé à ses anciens clients un message publicitaire au dos duquel figurait un plan détaillé et précis de l’itinéraire à suivre pour se rendre du salon cédé au nouveau salon qu’il avait créé (CA Paris 18-10-1994 n° 92-19219, 3e ch. A)Démarchage illicite, dès lors que les termes du message ont créé une confusion possible entre les deux salons, l’expression « nouveau salon » laissant penser que les deux établissements sont liés, et que le plan détaillé démontre l’intention délibérée du cédant de conserver son ancienne clientèle et donc de la détourner.
Diffusion d’un document publicitaire annonçant mensongèrement qu’un concurrent a cessé ses activités et informant la clientèle de l’ouverture d’un nouveau magasin tenu par un ancien salarié (CA Paris 17-10-2007 : RJDA 8-9/08 n° 965)Démarchage illicite, dès lors que l’annonce manifestement mensongère a été faite dans l’intention manifeste de récupérer la clientèle du concurrent, ce qui caractérise une manœuvre déloyale.
Réalisation d’une opération de promotion du chauffage au gaz par GDF auprès des seuls utilisateurs du fioul, à l’exclusion des utilisateurs de l’électricité (Cass. com. 24-10-2000 n° 98-19.774 FS-D : RJDA 1/01 n° 97)Démarchage licite, dès lors que la campagne publicitaire repose sur un critère de sélection objectif de la clientèle.
Société de location d’espaces publicitaires démarchant des bailleurs d’un concurrent en leur proposant un meilleur prix (+ 40 %) ainsi qu’un modèle de lettre de dénonciation du contrat conclu avec le concurrent (CA Versailles 21-9-2000 : RJDA 4/01 n° 528)Démarchage licite, dès lors que le démarchage n’est pas intervenu dans des conditions déloyales dans le cadre d’une stratégie globale de dénonciation des contrats en cours et qu’il n’est pas établi que le prix offert n’était pas celui du marché.
Utilisation par un salarié des informations relatives à la clientèle de son ancien employeur (Cass. com. 11-2-2003 n° 00-15.149 FS-P : RJDA 7/03 n° 722)Démarchage licite, dès lors que ces informations ne sont pas confidentielles et ne relèvent pas d’un savoir-faire propre à celui-ci.
Utilisation par l’ancien salarié d’une société des contacts qu’il a précédemment tissés avec la clientèle de celle-ci (Cass. com. 23-10-2007 n° 05-17.155 F-D : RJDA 2/08 n° 205)Démarchage licite, dès lors que l’existence de manœuvres déloyales n’est pas démontrée.
Détournement, par un ancien salarié embauché par un concurrent, des correspondances électroniques de son ancien employeur, lequel utilisait principalement ce mode de communication pour correspondre avec sa clientèle (CA Versailles 8-10-2008 n° 08-5483 : RJDA 3/09 n° 281)Démarchage illicite résultant d’une atteinte aux règles normales de la concurrence.
Ancien salarié d’une agence immobilière qui contracte avec certains clients de son ex-employeur dont il connaît les noms et adresses et qui les aide à résilier leur mandat de gestion (CA Versailles 26-11-2009 n° 08-3261 : RJDA 5/10 n° 570)Démarchage licite, en l’absence de preuve d’un démarchage systématique de la clientèle.
Création, par une société exerçant une activité de vente en ligne de bières, de plusieurs sites dotés de noms de domaine comportant le terme « biere » et renvoyant tous sur son site principal « selectionbiere.com » sans offrir aucun service (CA Douai 5-10-2011 n° 10-03751 : RJDA 3/12 n° 355)Démarchage illicite, dès lors que les agissements de la société ont placé son site internet en tête des résultats des moteurs de recherche, privant le site appartenant à son concurrent d’être normalement visité.
Société, créée par un ancien salarié d’un concurrent, qui adresse une lettre circulaire aux clients du concurrent dans laquelle elle leur propose une certaine continuité dans la livraison des produits et qui, trois mois après son début d’activité, s’est attachée la grande partie des clients du concurrent (Cass. com. 9-6-2015 n° 14-13.263 F-D : RJDA 12/15 n° 877)Démarchage licite, en l’absence de preuve de procédés déloyaux à l’origine du déplacement de clientèle.
Avocat qui, avant de rejoindre un autre cabinet, en a informé les clients dont il suivait personnellement les dossiers (Cass. 1e civ. 6-6-2018 n° 17-13.101 F-D : RJDA 8-9/18 n° 691)Démarchage licite, dès lors que l’associé n’a pas incité ces clients à transférer leurs dossiers, ce qu’ils ont fait d’eux-mêmes en raison des liens de confiance noués avec lui.
Associé qui a conservé les dossiers de certains clients après son départ, les négociations antérieures en vue d’une cession d’une partie de la clientèle ayant échoué (Cass. com. 2-12-2020 n° 18-23.725 F-D : RJDA 8-9/21 n° 615)Démarchage licite, dès lors que l’associé n’a pas incité les clients à le suivre, mais qu’ils en ont librement décidé en raison du fort intuitu personae caractérisant leur relation.

Détournement de fichiers clients

Le détournement du fichier clientèle d’un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal, peu important que le démarchage soit, ou non, massif ou systématique (Cass. com. 12-5-2021 n° 19-17.714 F-D : RJDA 10/21 n° 692).

Le fait que le détournement de fichiers n’ait conduit au départ que d’un seul client est donc sans incidence sur le caractère fautif des détournements (CA Versailles 26-11-2009 n° 07-2336 : RJDA 8-9/10 n° 892).

La seule détention par la nouvelle société d’informations confidentielles relatives à l’activité de la première société, obtenues par d’anciens salariés de cette dernière en cours d’exécution de leurs contrats de travail et qui avaient contribué à sa création, constitue un acte de concurrence déloyale, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’exploitation de ces informations par un moyen fautif de la part des anciens salariés.  (Cass. com. 7-12-2022 n° 21-19.860 F-B, Sté Foncia Marne-la-Vallée c/ Sté Valhestia)

L’appropriation d’informations confidentielles (fichiers techniques et commerciaux) appartenant à une société concurrente détournées par un ancien salarié de celle-ci, ne serait-il pas tenu par une clause de non-concurrence, constitue un acte de concurrence déloyale. (Cass. com. 7-9-2022 n° 21-13.505 F-D, Sté CFCAI c/ Sté Stolz Sequipag

Détournement de fichiers
OuiNon
Directeur de journal qui envoie sa publication à tous les abonnés d’un concurrent après s’être procuré leurs adresses (T. com. Rouen 3-7-1950 : D. 1951 som. p. 2).X
Salariés démissionnaires ayant créé une société concurrente de travail temporaire qui utilisent le fichier de leur entreprise d’origine afin de débaucher le personnel que celle-ci avait mis à la disposition des différents utilisateurs (Cass. com. 6-12-1977 n° 76-11.735 P : Bull. civ. IV n° 290).X
Agent général d’assurances qui, après sa révocation par une compagnie, se livre à un pillage systématique du portefeuille de celle-ci au profit de compagnies concurrentes (Cass. 1e civ. 27-9-1984 n° 83-10.730 : D. 1986 IR p. 93 obs. Berr et Groutel).X
Esthéticienne qui utilise, au moins intellectuellement, le fichier clients de son ancien employeur pour envoyer une lettre circulaire proposant ses services aux anciens clients dont elle s’était occupée (CA Pau 28-3-1990 : Bull. inf. C. Cass. 15-9-1990 n° 1106).X
Salarié qui, après s’être frauduleusement procuré le fichier des fournisseurs de la société qui l’employait, quitte brusquement celle-ci pour créer une société concurrente qui utilise alors ce fichier (Cass. soc. 22-5-1995 n° 91-45.675 D : RJDA 8-9/95 n° 1066).X
Société nouvellement créée qui, après avoir embauché deux salariés démissionnaires d’une entreprise concurrente, utilise frauduleusement le fichier clients de celle-ci, soit par un système de photocopie, soit par l’entremise des deux salariés, cette utilisation ne faisant aucun doute dès lors que la lettre circulaire envoyée par la société à la même clientèle que celle figurant sur le listing pour proposer ses services reproduit les erreurs figurant dans le fichier (CA Versailles 19-2-1998 : RJDA 6/98 n° 811).X
Fondateurs d’une société qui utilisent une copie du fichier clients d’une autre société dont ils étaient auparavant associés (Cass. com. 20-10-1998 n° 96-21.859 D : RJDA 1/99 n° 109).X
Ancien salarié d’une société spécialisée dans l’administration de biens immobiliers qui a conservé un carnet d’adresses sur lequel sont consignés les noms des clients avec lesquels il a entretenu des relations professionnelles, dès lors que, assurant depuis dix ans la gestion de copropriétés, ce salarié connaît à l’évidence les coordonnées des responsables (CA Paris 9-6-1999 : RJDA 10/99 n° 1150).X
Concédant qui, après rupture du contrat de concession, utilise le fichier clientèle dérobé à son concessionnaire par un ancien salarié (Cass. com. 30-1-2001 n° 98-20.621 F-D : RJDA 6/01 n° 738).X
Société qui, à son grand profit, laisse son salarié se servir de deux disquettes contenant le fichier clientèle de son ancien employeur qui comprend 11 000 noms et adresses (CA Paris 24-10-2002 : RJDA 5/03 n° 555).X
Anciens directeurs d’une société qui ont créé une entreprise concurrente et ont emporté plusieurs centaines de fichiers relatifs notamment aux projets de formation de la société, à sa stratégie commerciale, à ses grilles de tarifs et à des notes internes « confidentiel » (Cass. com. 13-9-2017 n° 15-24.705 F-D : RJDA 12/17 n° 845).X
Ancienne associée d’une société d’expertise comptable qui a créé un cabinet concurrent et a conservé une clé USB dont elle se servait pour travailler à domicile et contenant une partie de la comptabilité des clients qu’elle suivait au sein de son ancienne société, dès lors que les fichiers relatifs aux données comptables des clients appartenaient à ces derniers et non à la société et que rien n’établissait qu’ils étaient suffisants pour établir les comptes de fin d’année ni que leur conservation par l’ancienne associée était à l’origine du départ des clients (Cass. com. 2-12-2020 n° 18-23.725 F-D : RJDA 8-9/21 n° 615).X
Entreprise de travail temporaire qui détourne des informations confidentielles sur la clientèle et les intérimaires de son concurrent, transmises par des anciens salariés de ce dernier, peu important l’existence ou non d’une clause de confidentialité les liant à leur ancien employeur (Cass. com. 6-4-2022 n° 21-11.434 F-D : RJDA 7/22 n° 446).X

Détournement de fichiers stratégiques ou confidentiels

L’appropriation, par des procédés déloyaux, d’informations confidentielles relatives à l’activité ou à la clientèle d’un concurrent constitue un acte de concurrence déloyale (jurisprudence constante ; par exemple : Cass. com. 8-2-2017 no 15-14.846 F-D : RJDA 7/17 no 516 ; Cass. com. 13-9-2017 no 15-24.705 F-D : RJDA 12/17 no 845 ; Cass. com. 18-11-2020 no 18-19.012 F-D : RJDA 8-9/21 no 614), et ce, même s’il n’est pas établi qu’il a été fait usage de ces informations (Cass. com. 8-2-2017 no 15-14.846 F-D : RJDA 7/17 no 516 ; Cass. com. 7-9-2022 no 21-13.505 F-D : RJDA 12/22 no 723).

l’appropriation d’informations confidentielles appartenant à une société concurrente apportées par un ancien salarié, ne serait-il pas tenu par une clause de non-concurrence, constitue un acte de concurrence déloyale. (Cass. com. 7-9-2022 n° 21-13.505 F-D, Sté CFCAI c/ Sté Stolz Sequipag)

Encore très récemment, la Cour de cassation a jugé que le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail constitue un acte de concurrence déloyale (Cass. com. 7-12-2022 no 21-19.860 F-B : RJDA 3/23 no 170).

Cela vaut que le salarié indélicat soit ou non tenu par une clause de non-concurrence (récemment, Cass. com. 1-6-2022 no 21-11.921 F-D : RJS 8-9/22 no 435).

La nécessité de prouver la détention des documents par la société poursuivie

Le fait qu’un ancien salarié soit en possession sur sa boîte personnelle de données de son ancien employeur ne suffit pas à établir que ces données ont été détournées par la société concurrente qu’il a ensuite créée, ou qui l’a ensuite employé, dès lors qu’il n’est pas établi que ces données ont été transmises à la société ou qu’elle les détient. En effet, si la simple détention par une société d’informations confidentielles obtenues frauduleusement d’un concurrent suffit à établir la concurrence déloyale, sans que soit exigée la preuve d’un usage de ces documents, encore faut-il établir la réalité d’une telle détention.

La détention ou l’appropriation d’informations confidentielles appartenant à une société concurrente apportées par un ancien salarié, ne serait-il pas tenu par une clause de non-concurrence, constitue un acte de concurrence déloyale. Mais, en l’espèce, la cour d’appel n’avait pas constaté l’appropriation ou la détention, par la société poursuivie, des informations confidentielles relatives à l’activité de l’entreprise obtenues par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail. La responsabilité d’une société pour détournement d’informations confidentielles d’une entreprise concurrente que lui aurait apportées un ancien salarié de cette dernière suppose que soit constatée la détention ou l’appropriation par la société de ces informations. (Cass. com. 17-5-2023 n° 22-16.031 F-B, Sté AIGP ingénierie c/ Sté Eras)

Quels fichiers sont concernés ?

Sont notamment concernée ou à ses techniques de fabrication, sauf à ce qu’il s’agisse de procédés déjà largement connus.

Sont notamment concernés les fichiers suivants :

  • les informations relatives au savoir-faire propre à l’entreprise (Cass. com. 11-2-2003 no 00-15.149 FS-P)
  • Données stratégiques pour l’entreprise
  • listes de clients ou de fournisseurs (Cass. com. 6-4-2022 no 21-11.434 F-D : RJDA 7/22 no 446).
  • Caractéristiques détaillées des produits fabriqués
  • Rapports de diagnostics énergétiques
  • Documents commerciaux faisant état du prix de revient, de vente et des taux de marge de ses séchoirs.
  • données commerciales importantes ayant notamment trait à la stratégie de la société et à des prospects 
  • Toute information de nature à apporter au concurrent un avantage dans la rapidité de développement de son propre produit.

Exemples

Exploitation fautive
OuiNon
Entreprise industrielle qui, en embauchant un employé d’une société concurrente, acquiert toutes précisions sur les techniques de fabrication et les résultats des recherches effectuées par celle-ci (Cass. com. 18-12-1957 n° 1223 P : Bull. civ. III n° 305).X
Exploitation par une entreprise industrielle, à l’instigation de l’ancien directeur technique d’une société concurrente, d’un procédé de moulage de fonte largement connu qui ne constitue donc pas un secret de fabrication (Cass. com. 22-3-1971 n° 69-12.975 P : Bull. civ. IV n° 84).X
Société qui, après s’être procuré l’ensemble de la documentation technique et commerciale d’un concurrent grâce à sa filiale qui a eu, pour un temps, l’exploitation du fonds de commerce de celui-ci en location-gérance, indique aux clients de ce concurrent qu’elle a repris la fabrication des produits de celui-ci, créant ainsi une confusion dans l’esprit des clients sur l’origine des produits (Cass. com. 29-4-1975 n° 73-14.098 P : Bull. civ. IV n° 117).X
Utilisation par l’ancien salarié d’un salon de coiffure d’une technique de coupe dite « sur cheveux secs », dès lors que celle-ci ne constitue pas une œuvre originale et n’apparaît, pour un spécialiste, que comme un habile moyen publicitaire (Cass. soc. 18-12-1978 n° 77-41.502 P : Bull. civ. V n° 877).X
Entreprise de construction qui, à l’occasion de pourparlers avec un concurrent, s’empare des procédés techniques utilisés par celui-ci et les met en œuvre sur l’un de ses chantiers (Cass. com. 3-10-1978 n° 77-10.915 : D. 1980 p. 55 note J. Schmidt-Szalewski).X
Utilisation, par l’ancien salarié d’une entreprise, de la seule expérience acquise auprès de celle-ci (CA Paris 23-3-1982 : D. 1982 IR p. 369).X
Diffusion par une société d’un désinfectant des voies respiratoires à base d’essences aromatiques naturelles, après l’échec de pourparlers avec une autre société en vue de distribuer un produit similaire fabriqué par celle-ci : l’inhalation d’essences aromatiques pour la prévention des infections respiratoires étant un procédé ancien qui relève du domaine public et la présentation sous forme de vaporisateur étant banale en pharmacie, il était aisé pour un professionnel de ce secteur de réaliser un tel produit (Cass. com. 21-11-2000 n° 98-17.783 F-D : RJDA 2/01 n° 252).X
Ancien licencié d’un réseau de commercialisation de produits de boulangerie qui exerce une activité de boulangerie sous une autre enseigne, sans qu’il soit démontré que ses pains sont fabriqués selon les recettes et modes opératoires contenus dans la « bible » qui lui avait été remise lors de la conclusion de licence (Cass. com. 8-12-2015 n° 14-19.487 : RJDA 4/16 n° 334).X

 Détournement de commandes

Tel est le cas :

  • – d’un constructeur qui, s’étant engagé à fabriquer des ventilateurs pour le compte d’une firme, livre une partie de cette production à des tiers (T. com. Seine 26-11-1952 : JCP éd. G 1953 IV p. 47) ;
  • – du salarié qui, alors qu’il était encore lié à son employeur par son contrat de travail, ne lui avait pas transmis une demande de devis et, à l’expiration de son contrat de travail, avait présenté au client le devis réclamé et exécuté lui-même la commande (Cass. com. 16-6-1965 n° 62-10.823 P : Bull. civ. III n° 378) ;
  • – d’un salarié qui, ayant donné sa démission, utilise sa période de préavis pour geler et retarder les commandes reçues par son employeur et les reporter ensuite à son profit (Cass. com. 2-3-1982 n° 80-12.232 P : D. 1982 IR p. 281) ;
  • – d’un concédant qui, interrogé par son concessionnaire sur la conduite à tenir pour une commande importante, détourne cette commande à son profit (Cass. com. 12-5-1992 n° 90-16.838 D : BRDA 12/92 p. 7).

Le détournement de commandes peut aussi résulter de pratiques visant à créer une confusion avec les produits d’un concurrent (n° 12500 s.).

Couponnage croisé électronique

Le couponnage croisé électronique est une technique de promotion des ventes qui consiste à délivrer au consommateur, lors du passage en caisse enregistreuse, un coupon de réduction à valoir sur le prix d’un produit différent. C’est la lecture optique du code-barres d’un produit qui déclenche l’émission du coupon de réduction.

Cette opération est licite si les deux produits proviennent du même fabricant. En revanche, si l’offre de réduction est déclenchée par un produit proposé à la vente dans le même magasin par un concurrent, l’opération constitue un acte de concurrence déloyale (Cass. com. 18-11-1997 n° 95-17.445 P : RJDA 3/98 n° 366 et, sur renvoi, CA Lyon 5-11-2001 : RJDA 3/02 n° 329).

Autres modes de détournement de la clientèle

Moyens utilisésDétournement fautif
Emballages trompeurs sur la quantité de produits vendueCommercialisation de boîtes de pastilles de gouache fermées par un couvercle transparent, semblables à celles d’un concurrent, dès lors que les pastilles sont posées sur des supports rehaussés de telle sorte que la quantité de peinture paraît plus importante qu’en réalité ; la mention du volume du produit, moulée dans la matière même du couvercle transparent des boîtes litigieuses, bien que conforme aux exigences de la réglementation, n’est pas suffisamment claire et lisible pour écarter l’apparence trompeuse du contenu des boîtes (CA Paris 15-10-1992 : RJDA 3/93 n° 289, confirmé par Cass. com. 8-11-1994 n° 93-10.066 D : RJDA 2/95 n° 233).
Utilisation du réseau internet– Création par une société d’un lien internet pour promouvoir ses produits, en utilisant le nom du gérant d’une société concurrente, ce qui a entraîné une confusion dans l’esprit des internautes (CA Paris 17-10-2007 n° 05-20173 : RJDA 8-9/08 n° 965). – Obtention par le titulaire d’une marque du déréférencement Google d’un nom de domaine, ce qui a indûment privé son propriétaire du moyen d’accéder à une clientèle pour lui proposer un service (Cass. com. 14-5-2013 n° 12-15.534 F-D : RJDA 10/13 n° 852). – Rachat par un concurrent du nom de domaine d’une société, dès le lendemain du jour où il est tombé dans le domaine public, ce qui a créé une confusion dans l’esprit du public entre les deux entreprises (Cass. com. 2-2-2016 n° 14-20.486 F-D : RJDA 5/16 n° 403).
Modification des modalités de paiement des facturesCaptation du marché français par un fournisseur allemand de matériel informatique qui a écarté la société française avec qui il était en relation depuis plusieurs années, en modifiant les conditions de paiement de ses factures réglées jusqu’alors à 30 jours et devenues payables par avance, au faux prétexte qu’il détenait des informations mettant en cause la solvabilité de la société (CA Paris 11-3-2009 n° 06-14616 : RJDA 10/09 n° 910).
Contenu d’un contrat d’assuranceInsertion dans un contrat d’assurance d’une clause limitant l’indemnisation versée aux assurés en cas de résiliation du contrat car une telle restriction est de nature à dissuader les assurés de résilier le contrat et de faire jouer librement le jeu de la concurrence (CA Paris 23-1-2014 n° 12/02577 : RJDA 5/14 n° 490).

En revanche, il a été jugé que le maintien sur le site internet d’une société du nom de salariés peu de temps après leur départ n’a pas causé de préjudice à l’entreprise que ces salariés ont ensuite créée dès lors que celle-ci n’avait pas encore de clientèle propre (Cass. com. 9-9-2020 n° 18-18.251 F-D : RJDA 3/21 n° 202).

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