L’escroquerie au jugement est la situation dans laquelle « un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d’une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui » (Cour de cassation, La preuve, Rapport. 2012. 302).
L’escroquerie au jugement consiste, pour un justiciable, à duper le juge afin d’obtenir une décision favorable.
Il est aujourd’hui convenu que la jurisprudence sanctionne de manière constante, au titre de l’escroquerie, l’escroquerie au jugement (Crim. 4 avr. 1944, Bull. crim. n° 152 ; 8 nov. 1962, Bull. crim. n° 312 ; 16 mai 1979, RSC 1980. 447, obs. P. Bouzat ; 14 nov. 1979, n° 79-90.407 ; 3 juin 2004, n° 03-84.959).
Fondement juridique
L’article 313-1 du code pénal dispose : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre
des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ».
L’article 121-4 du même code énonce : « Est auteur de l’infraction la personne qui : 1° Commet les faits incriminés ; 2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas
prévus par la loi, un délit ». Son article 121-5 ajoute : « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».
L’article 121-7 du code pénal dispose : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des
instructions pour la commettre ».
L’élément moral
Il suppose un dol général à savoir une intention frauduleuse, c’est-à-dire une connaissance et une volonté, de la part de son auteur, de tromper autrui, ici le juge.
L’élément matériel
Les manoeuvres frauduleuses
La production d’un document simplement mensonger
L’escroquerie au jugement se matérialise par des manœuvres frauduleuses.
Si pour le délit général de l’escroquerie, un simple mensonge ne suffit pas, ce n’est pas le cas pour l’escroquerie au jugement.
pour l’escroquerie générale, un mensonge, même produit par écrit, ne constitue par une manoeuvre frauduleuse , s’il ne s’y joint aucun fait extérieur ou acte matériel ni aucune mise en scène ou intervention d’un tiers destinés à donner force et crédit à l’allégation mensongère du prévenu (Crim. 1er juin 2005, n° 04-87.757, Bull. crim. n° 167 ; Crim. 11 juillet 2017, n° 16-84.828, Bull. crim. n° 198 ; Crim. 12 septembre 2018, n° 17-83.155 ; Crim. 20 janvier 2021, n° 19-81.464, Crim. 10 mai 2022, n° 21-82.255).
A la différence de l’escroquerie générale, la production d’un document simplement mensonger peut caractériser l’élément matériel du délit de tentative d’escroquerie dite « au jugement » (Crim. 1er avril 2020, n° 19-83.631 ; Crim. 8 mars 2023, n° 21-86.859) laquelle ne constitue d’ailleurs pas une catégorie légale spécifique de l’infraction d’escroquerie.
« la production d’un document simplement mensonger étant susceptible de caractériser l’élément matériel de ce délit » d’escroquerie au jugement.
Crim. 8 mars 2023, F-D, n° 21-86.859
La question se pose de savoir ce qu’est un document simplement mensonger ?
Un simple silence
n matière d’escroquerie au jugement, la jurisprudence du fond a pu déduire d’un silence l’élément matériel de l’infraction, à savoir la tromperie : ce qui pourrait s’apparenter à une réticence dolosive peut tomber sous le coup des manœuvres frauduleuses de l’escroquerie. Il en va ainsi de la condamnation d’un prévenu qui dissimule des revenus pour tromper les juges et minorer le montant d’une prestation compensatoire (CA Toulouse, 11 octobre 2001, n° 01-00.024 : )
Une tromperie qui doit être préjudiciable à la victime
Il devra donc être établi que l’adversaire au procès a subi un préjudice, lequel peut être simplement moral lorsqu’il résulte du fait que « l’acte opérant obligation n’a pas été librement consenti par la victime mais a été obtenu par des moyens frauduleux » [33]. Dès lors que la remise est contrainte par le juge, lui-même berné par l’auteur de l’escroquerie, il n’y aura pas de difficulté à caractériser le préjudice.
La tentative d’escroquerie au jugement
La tentative d’escroquerie au jugement a été définie de façon particulièrement explicite par un arrêt du 1er avril 2020 : « constitue une tentative d’escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire » Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-83.631, F-D