La démission du gérant

Le gérant, comme tout mandataire, a le droit de démissionner. Mais, contrairement à la révocation, la loi ne réglemente pas la démission.

La démission du gérant est l’un des 4 cas de cessation des fonctions du gérant avec

  1. L’arrivée du terme des fonctions du gérant
  2.  La révocation du gérant
  3. L’empêchement personnel du gérant

Aucune disposition légale expresse ne visant la démission du gérant, les tribunaux ont fixé le régime de la démission par référence aux règles applicables en matière de révocation. La cour d’appel de Paris a ainsi jugé que la libre révocation des dirigeants de société anonyme ou de société à responsabilité limitée a pour corollaire le droit pour ceux-ci de mettre fin unilatéralement à leurs fonctions à condition que cette démission intervienne sans faute (CA Paris 12-5-1993 : RJDA 3/94 n° 289, solution transposable). En effet, aucun texte ne limite la faculté reconnue à un dirigeant de mettre fin à ses fonctions à tout moment (Cass. soc. 6-5-1982 : Rev. sociétés 1982 p. 523 note P. Le Cannu).

Par ailleurs, le gérant est dans l’obligation de démissionner dans certains cas d’empêchement personnel.

Libre démission

La démission doit résulter d’un acte positif de la part de l’intéressé. Elle doit être donnée de façon expresse, c’est-à-dire non équivoque. Il ne peut donc pas y avoir de démission « de fait » ni de démission tacite.

Lorsque les statuts sont muets sur la forme que doit prendre la démission, celle-ci peut être donnée soit verbalement, soit par écrit, mais la forme écrite est bien sûr à privilégier pour des raisons de preuve. L’envoi d’une lettre recommandée AR est d’ailleurs préférable à l’envoi d’une lettre simple car elle permet de prouver que la société a été régulièrement informée de la démission. Elle peut être établie en s’inspirant de l’exemple ci-dessous.

En présence de plusieurs gérants, la démission de l’un d’eux doit être notifiée aux autres. Lorsque l’unique gérant de la société démissionne, il doit à notre avis notifier sa démission à tous les associés.

Les statuts peuvent déterminer les conditions d’exercice du droit de démissionner sous réserve que ces contraintes n’aient pas pour effet de priver le gérant de ce droit. Rien ne s’oppose par exemple à ce que les statuts imposent au gérant démissionnaire de respecter un délai de préavis raisonnable, de motiver sa décision ou d’organiser les suites de sa démission pour assurer la continuité de la gestion de la société (convocation de l’assemblée chargée de désigner son successeur, poursuite des fonctions jusqu’à cette désignation, etc.).

La méconnaissance par le gérant démissionnaire d’un délai de préavis ne remet pas en cause l’efficacité de la démission ; un tel manquement ouvre seulement droit à des dommages-intérêts pour la société, sauf si le dirigeant prouve avoir été dans l’impossibilité de continuer son mandat (Cass. soc. 1-2-2011 n° 10-20.953 : RJDA 4/11 n° 310, à propos d’une obligation statutaire ; Cass. com. 20-9-2017 n° 15-28.262 F-D : RJDA 1/18 n° 28, à propos d’une obligation conventionnelle ; décisions rendues pour des dirigeants de sociétés commerciales mais transposables).

Le terme de “démission pour ordre” est parfois utilisé mais il ne correspond à aucune réalité juridique si bien qu’il ne doit pas être utilisé.

Démission forcée du gérant

Lorsque la démission n’est pas donnée librement, son auteur peut en contester la validité en démontrant que sa volonté n’a pas été libre et éclairée (Cass. com. 22-2-2005 n° 269 : RJDA 7/05 n° 815).

En outre, une telle démission doit être considérée comme une révocation déguisée et peut donner lieu à des dommages-intérêts si elle est intervenue de façon abusive ou pour tourner les règles légales sur les conditions de révocation. A ainsi été considérée comme une révocation abusive la démission donnée à la suite des pressions conjuguées exercées par les associés, l’intéressé n’ayant pas exprimé une volonté réfléchie et consciente au moment de sa décision (Cass. com. 30-5-1980 : Rev. sociétés 1980 p. 734 note Ph. Merle).

En revanche, un gérant qui a exprimé sa volonté de démissionner de manière claire et non équivoque ne peut pas prétendre avoir été victime d’une révocation abusive déguisée lorsque les associés ont, au cours d’une assemblée générale, exercé de façon normale leur droit de critique et de contrôle sur le fonctionnement de la société (Cass. com. 12-2-2002 n° 387 : RJDA 6/02 n° 708). De même, un dirigeant qui a informé l’associé de son départ par courrier ne peut pas prétendre avoir été révoqué sans démontrer avoir été contraint de quitter son poste par le comportement de ce dernier (CA Paris 22-3-2016 n° 15/05273 : RJDA 6/16 n° 441, en matière de société par actions simplifiée mais transposable).

Démission fautive du gérant

La démission est fautive lorsqu’elle est donnée de manière intempestive, à contretemps ou avec l’intention de nuire (CA Versailles 11-6-1998 : RJDA 11/98 n° 1244). Lorsque le gérant abuse ainsi de son droit de démissionner, il peut être condamné à réparer le préjudice causé à la société du fait de sa démission.

Efficacité de la démission du gérant

La démission produit tous ses effets dès qu’elle a été portée à la connaissance de la société, sauf dérogation statutaire ou conventionnelle (Cass. com. 22-2-2005 n° 269 : RJDA 7/05 n° 815 ; Cass. soc. 1-2-2011 n° 10-20.953 : RJDA 4/11 n° 310 ; Cass. com. 20-9-2017 n° 15-28.262 F-D : RJDA 1/18 n° 28, rendus pour des dirigeants de sociétés commerciales mais transposables). Les parties peuvent ainsi prévoir de lier la date d’effet de la démission avec la fin d’un préavis imposé au gérant (Cass. com. 20-9-2017 précité).

La démission ne nécessite aucune acceptation de la part de la société et ne peut faire l’objet d’aucune rétractation, son auteur pouvant seulement en contester la validité en démontrant que sa volonté n’a pas été libre et éclairée (Cass. com. 22-2-2005 n° 269 précité ; CA Paris 13-2-2009 n° 08/15747 : RJDA 6/09 n° 547). Il en résulte que l’annulation d’une assemblée générale au cours de laquelle une démission a été donnée n’entraîne pas l’annulation de cette démission (Cass. com. 8-6-2017 n° 14-29.618 F-D : RJDA 8-9/17 n° 553, à propos d’un gérant de société à responsabilité limitée mais transposable).

En outre, l’efficacité de la démission ne peut pas être remise en cause par le non-respect d’un délai de préavis.

En cas de démission d’un gérant statutaire, la mention de son nom dans les statuts devient caduque. L’efficacité d’une telle démission n’est donc pas subordonnée à la nécessité de modifier les statuts afin d’en supprimer le nom de l’intéressé.

Modèle de lettre de démission de gérant

Lettre de démission d’un gérant
Lettre recommandée AR

Objet : Démission

Madame/Monsieur,

J’ai l’honneur de vous faire part de ma décision de démissionner de mes fonctions de gérant de la société… pour convenances personnelles.

Cette démission prend effet le…

Toutes les dispositions seront prises pour convoquer une assemblée générale appelée à désigner un nouveau gérant.

Je vous prie d’agréer, Madame/Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

(Signature)
Encadrement statutaire de la démission du gérant

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