La clause attributive de juridiction est-elle applicable en référé ?

La clause attributive de compétence a pour objet de déroger aux règles de compétence de droit commun afin de soustraire le litige à son juge naturel et le soumettre à une autre juridiction (Cass. 1re civ., 28 mars 2008, n° 04-18.724)

Introduction

La clause attributive de juridiction est une clause contractuelle qui désigne par avance la juridiction compétente en cas de litige entre les parties. Elle permet ainsi de déroger aux règles de compétence fixées par la loi, qui sont généralement fondées sur le lieu du domicile du défendeur ou du lieu du fait dommageable.

Toutefois, la validité et l’opposabilité de la clause attributive de juridiction sont soumises à des conditions strictes, qui varient selon que le litige relève du droit interne ou du droit international.

La clause attributive de juridiction peut porter sur deux aspects de la compétence :

  1. la compétence territoriale : c’est la clause de compétence territoriale
  2. ou la compétence matérielle (compétence d’attribution) : c’est la clause attributive de compétence d’attribution
  3. Parfois, elle cumule les deux !

La clause attributive de juridiction territoriale

La compétence territoriale désigne la juridiction compétente en fonction du lieu, par exemple le lieu du domicile du défendeur ou le lieu du fait dommageable. La compétence d’attribution désigne la juridiction compétente en fonction de la nature du litige, par exemple le tribunal judiciaire pour les litiges civils ou le tribunal de commerce pour les litiges commerciaux.

La clause attributive de juridiction territoriale est une clause qui détermine la juridiction compétente en fonction du lieu, en dérogeant à la règle générale qui est celle du domicile du défendeur (article 42 du Code de procédure civile). Par exemple, les parties peuvent convenir que tout litige sera porté devant le tribunal judiciaire de Paris, quel que soit le lieu du domicile du défendeur ou le lieu du fait dommageable.

La clause attributive de compétence matérielle (aussi appelée clause attributive de compétence d’attribution)

En droit français, la clause attributive de compétence matérielle est valable sous certaines conditions.

Interdiction de modifier la compétence des juridictions d’exception: Une clause attributive de juridiction ne saurait méconnaître la compétence spéciale des juridictions d’exception ; par conséquent, il n’est pas possible d’attribuer à une juridiction d’exception ce qui relève du tribunal judiciaire ni d’attribuer à une juridiction d’exception ce qui relève d’une autre juridiction d’exception. Ainsi, par exemple, une clause attributive de compétence matérielle ne pourrait pas saisir le conseil des prud’hommes d’une question relevant de la compétence du tribunal de commerce .

Par exemple, elle ne peut pas écarter la compétence exclusive du tribunal judiciaire pour les litiges relatifs au statut des personnes ou aux droits réels immobiliers.

Elle doit également être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Règles d’intérêt privé : Plusieurs décisions de juges du fond ont admis la validité de clauses mixtes (territoriale et matérielle) attribuant un litige entre commerçants au tribunal de grande instance (T. com. Paris, ch. 1, sect. B, 3 avr. 1995, n° 93/86921 : JurisData n° 1995-042511. – CA Paris, ch. 3, sect. A, 14 oct. 2008 : JurisData n° 2008-372025 , à propos d’un litige relatif à un pacte d’actionnaires. – CA Paris, Pôle 1, ch. 3, 4 juin 2013, préc. n° 12, à propos d’un litige entre sociétés commerciales). L’une d’elles a affirmé que « la clause par laquelle les parties conviennent que le tribunal de grande instance sera compétent, alors que le tribunal de commerce l’aurait légalement été, est valable sauf lorsque le tribunal de commerce a compétence exclusive » (CA Douai, ch. 2, sect. 1, 19 juin 2013, n° 12/04570 : JurisData n° 2013-017242).

Des commerçants peuvent renoncer à la compétence du tribunal de commerce

Acte mixte La clause attributive de compétence au tribunal de commerce est inopposable au défendeur non commerçant (Cass. com., 10 juin 1997, n° 94-12.316 : JurisData n° 1997-002667 ; Bull. civ. IV, n° 185 ; JCP G 1997 , I, 4064, L. Cadiet. – CA Riom, ch. com., 21 mars 2007, n° 06/02631 : JurisData n° 2007-334017, à propos d’une clause stipulée entre un commerçant et une commune. – V. également, CA Toulouse, ch. 2, sect. 1, 6 déc. 1995 : JurisData n° 1995-052910 ; D. 1996, IR, p. 87, en matière de clauses abusives).

Le droit interne

En droit interne, l’article 48 du Code de procédure civile dispose que :

Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

Ainsi, la clause attributive de juridiction territoriale n’est valable que si elle est stipulée entre commerçants et si elle est rédigée de façon très apparente, c’est-à-dire qu’elle doit être clairement identifiable et visible dans le contrat. Par exemple, elle ne peut pas être noyée dans un ensemble de clauses générales ou renvoyer à des conditions générales d’utilisation accessibles par un simple lien hypertexte.

Le cas du référé

La question qui se pose alors est celle de l’applicabilité et/ou de l’opposabilité et/ou de l’invocabilité de la clause attributive de juridiction en référé.

Le référé est une procédure d’urgence qui permet d’obtenir une mesure provisoire ou conservatoire en présence d’une situation nécessitant une intervention rapide du juge.

Le référé-provision permet au demandeur d’obtenir le paiement d’une somme d’argent ou l’exécution d’une prestation qui ne sont pas sérieusement contestables.

Le référé-conservatoire permet au demandeur de solliciter une mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La question de l’applicabilité et/ou de l’opposabilité et/ou de l’invocabilité de la clause attributive de juridiction en référé dépend du type de référé et du droit applicable au litige.

En droit interne, la clause attributive de juridiction est en principe inopposable au juge des référés, qui peut être saisi par le demandeur à son choix dans le ressort du tribunal judiciaire où demeure le défendeur ou dans celui où les mesures doivent être prises ou exécutées. Cette solution se justifie par le caractère provisoire et urgent des mesures ordonnées en référé, qui ne préjugent pas du fond du litige. Le juge des référés n’est donc pas tenu par la clause attributive de juridiction, qui ne lie que le juge du fond.

Le droit international

En droit international, la validité et l’opposabilité de la clause attributive de juridiction sont régies par le règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis. Ce règlement s’applique aux litiges impliquant des parties domiciliées dans des États membres de l’Union européenne.

L’article 25 du règlement Bruxelles I bis dispose que :

En matière civile et commerciale et si les parties sont domiciliées dans un État membre, les juridictions d’un État membre désignées par une convention attributive de juridiction sont compétentes quelle que soit leur nationalité. Une telle convention attributive de juridiction doit être soit :
a) conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite;
b) conforme aux usages dont les parties avaient connaissance ou auxquels elles étaient censées avoir eu connaissance en vertu des habitudes du commerce international;
c) dans le commerce international, conclue sous une forme qui soit conforme aux usages dont les parties avaient connaissance ou auxquels elles étaient censées avoir eu connaissance.

Ainsi, la clause attributive de juridiction est valable si elle est conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou si elle est conforme aux usages du commerce international. Elle n’est pas limitée aux seuls commerçants et peut être invoquée par toute personne domiciliée dans un État membre.

En droit international, la clause attributive de juridiction est en principe applicable et opposable au juge des référés, qui doit respecter la volonté des parties de désigner une juridiction compétente pour trancher leur litige.

Toutefois, le règlement Bruxelles I bis prévoit des exceptions à ce principe, notamment lorsque la clause attributive de juridiction est manifestement nulle ou inapplicable au litige, ou lorsque le demandeur invoque l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent et que les mesures sollicitées sont nécessaires pour assurer l’efficacité du jugement au fond.

Dans ces cas, le juge des référés peut se déclarer compétent pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, sans préjudice de la compétence du juge du fond désigné par la clause attributive de juridiction.

Conclusion

En conclusion, la clause attributive de juridiction est une clause contractuelle qui permet aux parties de choisir la juridiction compétente en cas de litige. Elle est soumise à des conditions de validité et d’opposabilité qui varient selon que le litige relève du droit interne ou du droit international.

En référé, la clause attributive de juridiction est en principe inopposable en droit interne et opposable en droit international, sauf exceptions prévues par la loi ou le règlement Bruxelles I bis.

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