“Faire jurisprudence” : ça veut dire quoi ?

Vous avez sans doute déjà entendu l’expression “faire jurisprudence” dans le domaine juridique. Mais savez-vous ce qu’elle signifie exactement ?

Dans cet article, nous allons vous expliquer ce que veut dire faire jurisprudence, à travers sa définition, ses exemples et ses conséquences.

Définition de la jurisprudence

La jurisprudence désigne l’interprétation dominante de la loi par les tribunaux. Le sens donnés aux mots du texte de loi. C’est le travail du juriste de la connaitre.

Le même texte pouvant être interprété de plusieurs façons, et parfois de façon très inventive, cette interprétation ajoute à l’état du droit. C’est le rôle créateur de droit de la jurisprudence. Mais il a des limites. L’interprétation ne peut se déconnecter du texte.

Quand un texte dit : il faut agir dans un délai d’un mois, le juge ne peut pas dire « un mois s’entend de 365 jours ». Il peut dire « c’est trente jours/c’est le même jour du mois suivant, tant pis si c’est 30, 31 ou 28 jours, etc » mais il reste confiné par le texte.

Rôle de la jurisprudence

La jurisprudence joue un rôle important dans le système juridique français, qui est un système de droit écrit fondé sur la loi comme source principale du droit.

En effet, la jurisprudence permet :

  • De compléter le droit écrit, en apportant des solutions aux questions juridiques qui ne sont pas prévues ou clairement définies par la loi.
  • De faire évoluer le droit écrit, en tenant compte des changements sociaux, économiques ou technologiques qui peuvent rendre la loi obsolète ou inadaptée.
  • De sécuriser le droit écrit, en assurant une certaine cohérence et une certaine prévisibilité dans l’application du droit par les juges.

La jurisprudence n’a pas la même force obligatoire que la loi : elle ne s’impose pas aux juges qui peuvent toujours décider autrement dans un cas particulier. Toutefois, elle a une valeur persuasive importante : les juges ont tendance à suivre la jurisprudence établie par les juridictions supérieures, comme la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat, qui sont chargées de contrôler l’interprétation du droit par les juridictions inférieures.

Définition de faire jurisprudence

Faire jurisprudence, c’est le fait qu’une décision de justice inédite ou innovante serve d’exemple ou de référence pour les décisions ultérieures sur la même question juridique. Cela signifie que la décision a une autorité persuasive et qu’elle est suivie par les autres juges qui sont confrontés au même problème. Faire jurisprudence peut donc avoir un impact sur l’évolution du droit et la sécurité juridique.

On distingue généralement deux types de jurisprudence :

  • La jurisprudence constante, qui désigne l’ensemble des décisions de justice qui vont dans le même sens sur une question juridique donnée. Elle reflète une position stable et uniforme des juges sur le sujet.
  • La jurisprudence novatrice, qui désigne une décision de justice qui rompt avec la jurisprudence antérieure ou qui apporte une solution nouvelle à un problème juridique inédit. Elle marque un changement ou une avancée dans l’interprétation du droit.

Exemples de jurisprudence

Pour illustrer ce que veut dire faire jurisprudence, voici quelques exemples de décisions de justice qui ont fait jurisprudence en France :

  • L’arrêt Nicollet du 2 décembre 1941 de la Cour de cassation a fait jurisprudence en reconnaissant le droit à indemnisation du préjudice moral causé par la mort d’un proche. Avant cet arrêt, seuls les préjudices matériels étaient indemnisables.
  • L’arrêt Costa c/ ENEL du 15 juillet 1964 de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui Cour de justice de l’Union européenne) a fait jurisprudence en affirmant la primauté du droit communautaire sur le droit national des États membres. Cet arrêt a posé les bases du système juridique européen.
  • L’arrêt Gisti et FAPIL du 9 avril 1996 du Conseil d’État a fait jurisprudence en admettant que les associations puissent invoquer devant le juge administratif les dispositions d’une convention internationale pour contester la légalité d’un acte administratif. Cet arrêt a renforcé le contrôle du juge administratif sur le respect des normes internationales par l’administration française.
  • L’arrêt Perruche du 17 novembre 2000 de la Cour de cassation a fait jurisprudence en reconnaissant le droit à réparation du préjudice d’être né à un enfant handicapé dont le handicap aurait pu être évité si un diagnostic prénatal avait été correctement effectué. Cet arrêt a été suivi par d’autres décisions de justice, mais il a aussi suscité des critiques et des débats, ce qui a conduit le législateur à intervenir pour limiter ce droit à réparation par la loi du 4 mars 2002.
  • L’arrêt Czabaj de 2016 : le Conseil d’Etat, cour suprême du droit public, a jugé que tout recours devait être introduit dans un délai raisonnable fixé à un an, même quand l’administration a oublié de notifier le délai légal de recours. C’est l’arrêt Czabaj. On parle de délai : un an max pour tout recours, pas d’excuse. Et le Conseil d’Etat a fixé ce délai sans référence à une loi. Avec cet arrêt, la jurisprudence a créé un délai.

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