Les différents types de référés : articles 834, 835, 872, 873 et 145

Le référé est une procédure d’urgence qui permet d’obtenir une décision rapide du juge, sans attendre le jugement au fond.

Il peut être utilisé dans de nombreux domaines du droit civil, comme le droit de la famille, le droit des contrats, le droit immobilier ou le droit de la responsabilité.

Mais il existe différents types de référés selon les cas et les articles du code de procédure civile qui les régissent. Quelles sont les différences entre les articles 834, 835, 872, 873 et 145 du code de procédure civile ? Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque type de référé ? Comment choisir la procédure d’urgence la plus adaptée à sa situation ?

Il existe cinq types principaux de référé :

  1. le référé d’urgence,
  2. le référé conservatoire,
  3. le référé provision,
  4. le référé injonction
  5. et le référé probatoire.

Chacun de ces types présente des conditions et des effets spécifiques qu’il convient de connaître.

Dans cet article, nous allons vous expliquer les conditions communes à tous les référés, les spécificités de chaque type de référé et les conseils pratiques pour réussir son référé.

Généralités sur le référé

Le juge des référés ne peut prendre que des mesures provisoires sans prendre parti sur le fond (CPC art. 484)

Le référé “urgence” en cas de différend ou en l’absence de contestation sérieuse (article 834 alinéa 1 CPC)

Le référé d’urgence est prévu par l’article 834 du code de procédure civile. Il permet au président du tribunal judiciaire d’ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.”

Article 834 alinéa 1 CPC

Il faut donc que deux conditions soient remplies :

  • L’urgence : il faut que la situation du demandeur nécessite une intervention immédiate du juge pour préserver ses droits ou ses intérêts. L’urgence s’apprécie souverainement par le juge en fonction des circonstances de fait et de droit. L’urgence est caractérisée lorsqu’un retard dans la décision serait de nature à compromettre les intérêts du demandeur. L’urgence constitue une condition explicite.
  • Et l’absence de contestation sérieuse OU l’existence d’un différend (condition alternative) :
    • Soit l’absence de contestation sérieuse : une contestation est sérieuse lorsque subsiste une incertitude sur le sens d’une décision que pourrait éventuellement rendre le juge du fond. 
    • Soit l’existence d’un différend : il faut que la demande du requérant soit fondée sur des éléments suffisamment probants et incontestables, ou qu’elle soit liée à un litige dont le juge des référés n’a pas à trancher le fond. Le juge des référés n’est pas le juge du principal, il ne peut donc pas statuer sur le bien-fondé des prétentions des parties, mais seulement sur leur caractère sérieux ou non. La mesure demandée doit sauvegarder les droits du demandeur.

Le référé d’urgence permet au juge d’ordonner toutes les mesures qui lui paraissent nécessaires pour faire face à la situation, à condition qu’elles soient provisoires et qu’elles ne préjugent pas du fond du litige. Par exemple, le juge peut ordonner une expertise, une injonction de faire ou de ne pas faire, une astreinte, une provision, une saisie conservatoire, etc.

Le référé “sauvegarde/conservatoire” en cas de dommage imminent ou trouble manifestement illicite même en présence d’une contestation sérieuse (article 835/873 alinéa 1)

Le référé conservatoire prévu par l’article 835 du code de procédure civile permet au juge d’ordonner les mesures qui lui paraissent nécessaires pour prévenir le dommage ou faire cesser le trouble.

Le juge des référés dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Article 835 du code de procédure civile

Il faut donc que deux conditions soient remplies :

  • La preuve d’un dommage imminent ou le trouble manifestement illicite : il faut que la situation du demandeur soit menacée par un risque de préjudice grave et irréparable, ou qu’elle soit troublée par un comportement illicite et évident.
    • Le dommage imminent s’apprécie en fonction du caractère actuel ou potentiel du danger. Il y a dommage imminent lorsqu’un dommage, qui n’est pas encore réalisé, est susceptible de se produire si la situation existante doit se perpétuer. Le juge doit constater un risque de préjudice, la méconnaissance d’un droit qui est sur le point de se réaliser ou dont la survenance est probable.
    • le trouble manifestement illicite de manière “évidente” (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 3 mars 2022, 21-13.892, P) : lorsque la perturbation résulte d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente, directement ou indirectement, d’une norme obligatoire ou d’une règle de droit, dont l’origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, de nature civile ou pénale. Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue.

L’absence de contestation sérieuse n’a qu’un rôle résiduel et n’empêche pas le juge d’intervenir tant qu’elle porte sur un élément qui ne remet pas en cause l’existence d’un trouble manifestement illicite. En effet, « la contestation sur le fond du droit n’exclut pas l’existence d’un trouble manifestement illicite » (Civ. 3e, 24 janv. 2019, n° 17-28.726 )

  • La mesure demandée doit être conservatoire ou de remise en état : il faut que la demande du requérant vise à préserver ou à restaurer une situation existante ou légitime, sans modifier l’état du litige ni empiéter sur les droits du défendeur. Le juge des référés doit donc veiller à ce que la mesure qu’il ordonne soit proportionnée et adaptée au but poursuivi.

L’urgence constitue ici une condition implicite de mise en œuvre des pouvoirs du juge lorsque le juge des référés est saisi afin de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement illicite. 

Ne constituent pas une condition d’application :

  • L’existence d’un différend : au contraire, c’est justement parce qu’il y a un différend que les mesures doivent être prises
  • Une clause légale ou conventionnelle prévoyant une conciliation obligatoire ne constitue pas un obstacle à une mesure dictée par l’urgence :  le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent évince la procédure préalable et obligatoire de conciliation (Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 21-18.796, FS-B )

Exemples pratiques : l’annulation des délibérations d’une assemblée générale d’une société ne constitue ni une mesure conservatoire ni une mesure de remise en état et n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés (Cass. com. 29-9-2009 n° 08-19.937 : Bull. civ. IV n° 118 ; Cass. com. 13-1-2021 n° 18-25.713). Le juge peut ordonner une suspension de travaux, une interdiction de diffuser un contenu, une évacuation d’un lieu, une restitution d’un bien, etc.

Le référé “provision” (article 835/873 alinéa 2)

Le référé provision est prévu par l’article 835 du code de procédure civile. Il permet au président du tribunal judiciaire d’accorder une provision au créancier dont la créance n’est pas sérieusement contestable.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

article 835/873 alinéa 2

Il faut donc que deux conditions soient remplies :

  • L’absence de contestation sérieuse : il faut que la créance du demandeur soit fondée sur des éléments suffisamment probants et incontestables, ou qu’elle soit reconnue par le débiteur. Le juge des référés n’a pas à apprécier le bien-fondé de la créance, mais seulement son caractère sérieux ou non.
  • La demande de provision : il faut que la demande du requérant vise à obtenir le paiement d’une somme d’argent destinée à assurer son existence ou à faire face à une situation difficile. Le juge des référés doit donc veiller à ce que la provision qu’il accorde soit proportionnée et adaptée au but poursuivi.

Le référé provision permet au juge d’ordonner le paiement d’une somme d’argent provisoire, à condition qu’elle ne préjuge pas du fond du litige. Par exemple, le juge peut ordonner une provision pour des dommages et intérêts, pour des loyers impayés, pour des pensions alimentaires, etc.

Le référé “injonction” (article 835/873 alinéa 2)

Le référé injonction est prévu par l’article 835/873 alinéa 2 du code de procédure civile.

Il permet au président du tribunal judiciaire / tribunal de commerce d’enjoindre une partie d’exécuter une obligation qui n’est pas sérieusement contestable, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Article 835/873 alinéa 2

Il faut donc que deux conditions soient remplies :

  • L’absence de contestation sérieuse : il faut que l’obligation du débiteur soit fondée sur des éléments suffisamment probants et incontestables, ou qu’elle soit reconnue par le créancier. Le juge des référés n’a pas à apprécier le bien-fondé de l’obligation, mais seulement son caractère sérieux ou non.
  • La nécessité d’une injonction : il faut que la demande du requérant vise à obtenir l’exécution d’une obligation qui n’a pas été respectée par le débiteur. Le juge des référés doit donc veiller à ce que l’injonction qu’il prononce soit proportionnée et adaptée au but poursuivi.

Le référé injonction permet au juge d’ordonner l’exécution d’une obligation provisoire, à condition qu’elle ne préjuge pas du fond du litige. Par exemple, le juge peut ordonner une injonction de faire cesser un trouble, de délivrer un document, de respecter un contrat, etc.

Souvent, ce référé est utilisé pour présenter une demande d’exécution d’un contrat en référé en l’absence de contestation sérieuse.

Le juge des référés peut faire droit à la demande d’exécution d’un contrat présentée par une partie sur le fondement de l’article 873, al. 2 du Code de procédure civile, dès lors que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse (Cass. 2e civ. 18-10-2007 no 07-10.021 F-D, pour une obligation de livraison).

Exemples

Ne constitue pas une contestation sérieuse :

  • L’invocation de la résolution du contrat en application d’une clause résolutoire dès lors que le défendeur n’apporte aucun élément permettant de démontrer que la condition de mise en œuvre de la clause résolutoire (défaillance d’un contractant dûment constatée) était remplie. (Cass. 3e civ. 23-11-2023 no 22-16.785 F-D, Sté Envelia c/ Sté Les Boutries)

A l’inverse, constituent une contestation sérieuse :

  • l’évolution des circonstances économiques de nature à bouleverser l’équilibre d’un contrat opposée à une demande d’exécution rend sérieusement contestable l’obligation dont l’exécution est demandée (Cass. com. 29-6-2010 no 09-67.369 F-D).
  • lorsque le juge doit interpréter les clauses des contrats pour accueillir une demande de provision formulée sur le fondement l’article 873, al. 2, il tranche une contestation sérieuse (Cass. 1e civ. 4-7-2006 no 05-11.591 FS-PBI : Bull. civ. I no 337 ; Cass. com. 23-9-2014 no 13-11.836 F-PB).

Le référé probatoire (article 145)

Le référé probatoire est prévu par l’article 145 du code de procédure civile.

“S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.”

Article 145 du code de procédure civile

Il permet au président du tribunal judiciaire d’ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Il faut donc que quatre conditions soient remplies :

  1. Avant tout procès au fond civil.
  2. Motif légitime (le litige futur potentiel) : il faut prouver qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée et que celle-ci ne porte pas une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. 
  3. Le caractère « légalement admissible » des mesures ordonnées [contrôle de proportionnalité objectif sur le périmètre de la mesure] : les mesures doivent être « circonscrites dans le temps et dans leur objet », « proportionnées à l’objectif poursuivi » et « nécessaires à l’exercice du droit à la preuve du requérant ».
  4. Le respect du secret des affaires et du droit à la vie privée vs intérêt probatoire [contrôle de proportionnalité subjectif] : l’intérêt probatoire du demandeur ne doit pas violer les intérêts légitimes des personnes à l’encontre desquelles les mesures sont ordonnées, tels que le secret des affaires ou le respect de la vie privée

Tableau synthétique des différents référés

Nom du référéArticle de loiConditions d’application strictesConditions implicitesRemarqueMesure pouvant être ordonnée
Référé d’urgenceArticle 834Urgence
+ absence de contestation sérieuse
OU existence d’un différend
Toutes les mesures provisoires nécessaires
Référé conservatoireArticle 835 alinéa 1 Même en présence d’une contestation sérieuse :
Dommage imminent
OU trouble manifestement illicite évident
+ nécessité d’une mesure conservatoire ou de remise en état

+ urgence (condition implicite)
+ juge de l’évidence
Même en présence d’une contestation sérieuse Les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent
Référé provisionArticle 835 alinéa 2 Créance non sérieusement contestable
+ nécessité d’une provision
Urgence non requiseLe paiement d’une somme d’argent provisoire
Référé injonctionArticle 835 alinéa 2 Obligation non sérieusement contestable
+ nécessité d’une injonction
Urgence non requiseL’exécution d’une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire
Référé probatoireArticle 145 Avant tout procès
+ motif légitime
+ légalité des mesures ordonnées
+ respect du droit à la vie privée et du secret des affaires
Urgence non requiseLes mesures d’instruction qui lui paraissent nécessaires pour conserver ou établir la preuve

Les conditions communes aux référés

  • Absence de procès au fond (avec un juge de la mise) en état portant sur le même objet

Lorsqu’un procès au fond existe, le juge de la mise en état récupère les pouvoirs du juge des référés (Article 789 du code de procédure civile).

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