Lorsqu’un litige nécessite l’intervention d’un expert pour éclairer le juge sur des questions techniques, il existe plusieurs types d’expertise possibles.
Cet article vous explique la différence entre l’expertise judiciaire, expertise privée, expertise de partie, et l’expertise amiable.
Comment choisir l’expertise la plus adaptée à votre situation ?
Qu’est-ce qu’une expertise judiciaire ?
L’expertise judiciaire est ordonnée par le juge à la demande des parties ou d’office. L’expert est choisi sur une liste officielle et doit respecter les règles de procédure civile. Son rapport est remis au juge et aux parties et a une valeur probante importante. L’expertise judiciaire est confiée à un technicien soumis à des règles déontologiques, dont l’obligation d’impartialité, et fait l’objet d’un strict encadrement procédural.
Une expertise judiciaire est une mesure d’instruction ordonnée par le juge, à la demande d’une ou plusieurs parties ou d’office, afin de recueillir l’avis d’un expert sur des faits ou des questions relevant de sa compétence. L’expert est désigné par le juge parmi les personnes inscrites sur une liste officielle ou, à titre exceptionnel, en dehors de cette liste. L’expert doit être impartial, indépendant et compétent. Il doit respecter les règles déontologiques de sa profession et les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense. Il doit remettre au juge un rapport écrit qui expose ses constatations, ses analyses et ses conclusions. Le rapport a une valeur probante mais n’est pas contraignant pour le juge, qui reste libre d’en apprécier la pertinence et la crédibilité. L’expertise judiciaire est soumise au contrôle du juge et des parties, qui peuvent formuler des observations ou des demandes d’explications à tout moment de la procédure. L’expertise judiciaire est rémunérée par les parties, selon les modalités fixées par le juge (article 232 et suivants du code de procédure civile).
Qu’est-ce qu’une expertise privée ou expertise unilatérale ou expertise de partie ?
Les termes d’expertise privée, expertise unilatérale et expertise de partie désignent la même expertise, ce sont des synonymes.
Un rapport d’expertise unilatéral est un rapport non judiciaire et non contradictoire, réalisé à la demande d’une partie en amont ou au cours du procès.
L’expertise de partie est effectuée par un expert mandaté par une seule partie au litige. L’expert n’est pas tenu de respecter le principe du contradictoire et son rapport n’a pas la même valeur probante que le rapport de l’expert judiciaire. L’expertise privée est réalisée hors de tout cadre juridique par un technicien mandaté, rémunéré par une partie et dont le contenu de la mission est défini par celle-ci.
Le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise non-contradictoire réalisée à la demande de l’une des parties. (Cass. ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18.710 Cass. 1″ civ., 24 avr. 2013, n° 12-15.246)
Après avoir posé le principe que « le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire», la Haute assemblée précise qu’il « ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties ».
La Cour de cassation, au visa de l’article 9 du Code de procédure civile et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a confirmé que « le juge ne peut se fonder exclusivement sur des rapports établis de manière non contradictoire, peu important que ces rapports aient été soumis à la libre discussion des parties » (Cass. com., 29 janv. 2013, n° 11-28.205).
Ainsi, sans aller jusqu’à écarter des débats l’expertise non contradictoire, l’expertise privée ne peut être retenue que si d’autres indices la confortent.
Une expertise de partie est une mesure d’instruction réalisée à l’initiative d’une partie au litige, sans intervention du juge, afin de recueillir l’avis d’un expert sur des questions techniques. L’expert est choisi librement par la partie qui le mandate. Il n’est pas tenu aux mêmes obligations que l’expert judiciaire en matière d’impartialité, d’indépendance et de respect du contradictoire. Il doit néanmoins respecter les règles déontologiques de sa profession et les principes généraux du droit. Il doit remettre à son mandant un rapport écrit qui expose ses constatations, ses analyses et ses conclusions. Le rapport peut être utilisé comme un élément de preuve par la partie qui le produit devant le juge. L’expertise de partie est entièrement financée par la partie qui la sollicite.
L’expertise amiable
L’expertise amiable « est une expertise extra-judiciaire diligentée, à la demande conjointe des parties concernées, en vertu d’une clause contractuelle ou d’un accord, soit par un expert désigné d’un choix commun, soit par deux experts choisis respectivement par chaque partie» (CA Montpellier, 5e ch. civ., 11 avr. 2023, n° 19/07831)
L’expertise amiable est réalisée par un expert commun aux parties qui cherchent à résoudre leur litige à l’amiable. L’expert doit respecter le principe du contradictoire.
Si le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions et qu’il apprécie souverainement l’objectivité du rapport de l’expert, un rapport d’expertise extra-judiciaire régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties constitue un mode de preuve admissible. (CA Montpellier, 5e ch. civ., 11 avr. 2023, n° 19/07831)
L’expertise amiable, qui suppose un accord entre les parties, est très rare.
Comment choisir entre une expertise judiciaire et une expertise de partie ?
Le choix entre une expertise judiciaire et une expertise de partie dépend des objectifs et des contraintes de chaque partie au litige. Voici quelques critères à prendre en compte :
- Le coût : une expertise judiciaire est généralement plus coûteuse et plus longue qu’une expertise de partie, car elle implique des frais de justice et une répartition des honoraires entre les parties selon leur responsabilité dans le litige. Une expertise de partie permet à la partie qui la sollicite de maîtriser son budget et de négocier directement avec l’expert. Cependant, une expertise de partie peut n’être qu’un simple préalable à une expertise judiciaire : il faut donc payer deux expertises.
- Le délai : une expertise judiciaire est habituellement plus longue qu’une expertise de partie, car elle suit le rythme de la procédure judiciaire et peut être soumise à des incidents ou des recours. Une expertise de partie permet à la partie qui la sollicite d’obtenir rapidement un avis technique sur son dossier.
- La force probante : une expertise judiciaire a une force probante supérieure à celle d’une expertise de partie, car elle est réalisée sous le contrôle du juge et dans le respect du contradictoire. Elle peut donc emporter la conviction du juge et des autres parties. Une expertise de partie a une force probante limitée, car elle est réalisée à l’initiative d’une seule partie et peut être contestée par les autres parties ou par le juge.
- La stratégie : une expertise peut être utile pour faire valoir ses droits devant le juge ou pour tenter une conciliation avec les autres parties sur la base d’un avis technique.
Tableau récapitulatif
Expertise judiciaire | Expertise de partie |
---|---|
Ordre du juge | Initiative d’une partie |
Expert impartial et indépendant | Expert choisi librement |
Rapport très probant | Rapport moins probant |
Contrôle du juge et des parties | Pas de contrôle du juge ni des parties |
Délai long | Délai court |
Frais avancés d’une partie mais remboursables intégralement en cas de victoire | Frais avancés d’une partie mais remboursés partiellement dans l’article 700 du code de procédure civile |
Conclusion
L’expertise judiciaire et l’expertise de partie sont deux modes d’expertise différents qui présentent chacun des avantages et des inconvénients selon les cas. Il n’existe pas de réponse unique à la question de savoir comment choisir entre ces deux types d’expertise. Il convient donc d’évaluer les besoins et les intérêts de chaque partie au litige en fonction des critères exposés ci-dessus.
Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur l’expertise judiciaire ou l’expertise de partie, n’hésitez pas à me contacter.