Comment faire un bon rapport d’expertise technique judiciaire, privé ou amiable ? (+ plan type)

Un rapport technique d’expertise est un document rédigé par un expert pour donner son avis sur des points techniques liés à un litige.

Quel que soit le type d’expertise, le rapport technique doit être clair, précis, complet et impartial. Il doit respecter certaines règles de forme et de fond pour être recevable et utile aux parties ou au juge.

La plupart du temps, le rapport d’expertise doit répondre aux questions suivantes :

  1. Quel est le périmètre de la mission ? La plupart du temps, il s’agira d’identifier les anomalies potentielles ou avérées.
  2. Données, informations et documents utilisés par l’Expert pour sa Mission
  3. Quels sont les désordres constatés (description) ?
  4. Quelle est la cause de ces désordres (causalité) ?
  5. Qui est responsable techniquement pour les désordres (imputation) ?
  6. Quelles sont les recommandations pour résoudre les désordres (résolution) ?
  7. Quel est le préjudice pour le plaignant (quantification) ? – Optionnel
  8. Synthèse et conclusions avec tableau synthétique

Voici quelques conseils pour faire un bon rapport technique d’expertise.

Pourquoi recourir à une expertise ?

En permettant au juge de mieux appréhender la nature et l’ampleur des préjudices économiques subis par le demandeur, le recours à l’expertise privée contribue à l’enrichissement des débats.

Toutefois, les rapports d’expertise ne sont pleinement utiles que si les données, les hypothèses, les méthodes et les postulats sur la base desquels ils sont élaborés, sont pleinement transparents et explicites de façon à permettre un débat contradictoire sur la validité et la robustesse de leurs conclusions.

Expertise judiciaire, privée, de partie ou amiable : quelle différence ?

Quelle est la structure du rapport technique d’expertise ?

Le rapport technique d’expertise doit comporter les éléments suivants :

  • Une page de garde avec le titre du rapport, le nom de l’expert, la date, le numéro de dossier et le nom du tribunal ou de la cour qui a ordonné l’expertise (si c’est une expertise judiciaire) ou le nom des parties (si c’est une expertise privée, de partie ou amiable).
  • Un sommaire avec les titres des différentes parties du rapport et les numéros de pages correspondants.
  • Une introduction avec la présentation du litige, la mission confiée à l’expert, les documents consultés, les personnes rencontrées et les méthodes utilisées.
  • La description des opérations d’expertise
  • La discussion/développement avec l’exposé des faits, l’analyse technique des problèmes posés, les réponses aux questions du juge ou des parties, les arguments et les sources utilisés.
  • Une conclusion avec un résumé des points essentiels du rapport, une synthèse des avis de l’expert et une réponse claire à la question posée en titre.
  • Des annexes avec les documents justificatifs, les illustrations, les tableaux, les graphiques, les schémas, etc.

Quelles sont les règles de rédaction du rapport technique d’expertise ?

Le rapport technique d’expertise doit respecter certaines règles de rédaction pour être crédible et convaincant :

  • Comporter une synthèse
  • Utiliser un langage simple, précis et adapté au destinataire du rapport (le juge ou les parties).
  • Éviter les termes techniques trop complexes ou les expliquer clairement.
  • Citer les sources utilisées (articles de loi, jurisprudence, doctrine, ouvrages spécialisés, etc.) et les indiquer en bas de page ou en fin de rapport.
  • Respecter les règles de typographie (majuscules, ponctuation, etc.) et d’orthographe.
  • Utiliser des titres et des sous-titres pour structurer le rapport et faciliter la lecture.
  • Utiliser des listes à puces ou numérotées pour présenter les points importants ou les étapes d’une procédure.
  • Utiliser des tableaux, des graphiques, des schémas ou des illustrations pour illustrer le propos ou synthétiser des données.
  • Utiliser des couleurs ou des polices différentes pour mettre en évidence les éléments clés du rapport (avis de l’expert, réponses aux questions, etc.).
  • Relire attentivement le rapport avant de le signer et de le remettre au juge ou aux parties.

L’expert doit prendre l’habitude de manière systématique de rédiger un schéma ou diagramme synthétique de son rapport lorsque la situation s’y prête.

La spécificité du rapport financier pré-contentieux

Pour un rapport financier, 3 éléments sont généralement utilisés pour caractériser des anomalies potentielles ou avérées :

  1. Règles comptables
  2. Soft law
  3. Benchmark

Le plan sera alors :

  1. Le constat
  2. L’interrogation sur des anomalies potentielles et/ou avérées, des présomptions de fraude, des excès. C’est la QUALIFICATION des griefs
  3. La demande de pièces pour infirmer/confirmer les anomalies potentielles ou avérées

Comment le juge lit-il un rapport d’expertise ?

Le juge débute systématiquement par les conclusions du rapport.

Puis il approfondit parfois certains sujets en se reportant le plus souvent aux éléments de fait relatifs aux responsabilités, au rappel contractuel du dossier, ainsi qu’à l’analyse des préjudices.

Les constats et les investigations, qui sont souvent les tâches qui prennent le plus de temps en réunion, sont très peu lus par les magistrats.

Le juge s’intéresse en priorité aux sujets les plus sensibles à rédiger dans sa décision : contrat, causes et conséquences.

Le plan type : les questions auxquelles doit impérativement répondre le rapport d’expertise

Quel est le périmètre de la mission ?

Les rapports d’expertise doivent être très précis sur le périmètre de la mission qui a été confiée à l’expert ou au consultant. Il est important d’expliciter, à la fois, les questions auxquelles l’expertise privée répond et les sujets qu’elle ne traite pas.

Le rapport d’expertise privé doit encore plus spécifiquement être complètement transparent sur le périmètre de la mission qui a été défini par la partie (ou par ses avocats) ayant missionné l’expert privé ou le consultant. Il convient de permettre au juge d’identifier sans difficulté les postulats qui émanent de la partie ou de ses avocats, les hypothèses que l’expert ou le consultant a estimé pertinentes de retenir et les conclusions auxquelles l’expert ou le consultant a abouti.

Données, informations et documents utilisés

L’expertise doit expliciter la source de toutes les données, informations et documents qu’elle mobilise. Le rapport d’expertise doit comporter les références complètes et précises des éléments externes auxquels il se réfère et joindre l’ensemble de ces éléments en annexe.

S’agissant plus particulièrement des données utilisées, elles doivent provenir de sources fiables et dûment identifiées. Il est souhaitable que les données comptables utilisées fassent l’objet d’attestations de tiers indépendants (par exemple attestation du commissaire aux comptes).

Les corrections, retraitements et modifications apportées aux données brutes initialement transmises à l’expert ou au consultant doivent permettre une traçabilité fiable, être décrits précisément et justifiés.

Si des Modèles sont mobilisés, le rapport d’expertise privée doit exposer clairement la démarche méthodologique suivie pour identifier et quantifier les différents postes de préjudice analysés. Les méthodes et modèles retenus doivent être adaptés aux caractéristiques des activités concernées et au fonctionnement concurrentiel des marchés en cause. Leur condition de validité et la portée de leurs résultats doivent être discutées.

Il est souhaitable que les rapports d’expertise adoptent une approche graduelle en présentant d’abord des raisonnements et calculs simples, puis, si nécessaire, en expliquant leurs limites et la nécessité de recourir à des approches plus sophistiquées.

Quels sont les désordres constatés (description) ?

Il s’agit de décrire de manière précise et objective les anomalies, les défauts ou les dommages observés sur le bien ou l’ouvrage objet du litige. Il faut indiquer la nature, la localisation, l’étendue et la gravité des désordres. Il faut également préciser depuis quand ils sont apparus et comment ils ont évolué.

Quelle est la cause de ces désordres (causalité) ?

Il s’agit d’identifier et d’expliquer l’origine technique des désordres. Il faut analyser les facteurs qui ont contribué à leur apparition et à leur aggravation. Il faut distinguer les causes principales des causes secondaires ou aggravantes. Il faut par ailleurs indiquer si les désordres sont liés à un vice de conception, de réalisation, de matériaux ou d’entretien.

Qui est responsable techniquement pour les désordres (imputation) ?

Il s’agit de déterminer et de justifier la responsabilité des intervenants au litige. Il faut apprécier le rôle causal de chaque intervenant dans la survenance des désordres.

Le technicien ne peut que donner des éléments sur l’existence d’une faute d’un intervenant et, lorsqu’il y a plusieurs auteurs, sur la gravité respective des fautes commises, au moins quand ces fautes sont individualisables. Le but est de permettre à la juridiction saisie de statuer en connaissance de cause sur la responsabilité encourue et la compensation pécuniaire de la faute commise.

Les raisonnements et les conclusions obtenues doivent être rédigés de façon claire et mettre en évidence les intuitions et mécanismes sous-jacents.

Attention : ce n’est pas le rôle de l’expert de faire du droit : il doit se cantonner à l’aspect factuel et technique. Il doit imputer sur le plan technique et factuel le désordre, sans rentrer dans des questions juridiques d’éventuel transfert de responsabilité ou de clause contractuelle ou d’application du droit ou d’exonération juridique.

S’il ne doit pas imputer juridiquement, il doit imputer techniquement.

L’expert doit aiguiller le juge sur les responsabilités potentielles et le partage éventuel de responsabilité entre les différents intervenants.

Le tribunal judiciaire de Paris utilise souvent cette phrase type « fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues et sur les comptes entre les parties“.

L’expert (…) ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique.

Article 238 du code de procédure civile alinéa 3

Cet article 238 a été créé pour mettre un terme à la pratique des arbitres-apporteurs qui, spécialement devant les tribunaux de commerce, consistait à laisser au technicien qui avait échoué dans sa mission de conciliation, le soin de préparer l’instruction de l’affaire : la loi interdit une telle délégation de pouvoir juridique à l’expert judiciaire.

Quelles sont les recommandations pour résoudre les désordres (résolution) ?

Il s’agit de proposer et de chiffrer les solutions techniques adaptées pour remédier aux désordres. Il faut indiquer les travaux à réaliser, les matériaux à utiliser, les délais à respecter et les précautions à prendre. Il faut également préciser si les solutions proposées sont définitives ou provisoires, et si elles sont conformes aux règles de l’art et aux normes en vigueur.

L’expert technique doit a minima donner une fourchette de prix pour que l’enjeu du litige puisse être déterminé : parle-t-on de 10 000 € ? 100 000 € ? 1 million d’euros ?

Quel est le préjudice pour le plaignant (quantification) ? – Optionnel

Il s’agit d’évaluer et de quantifier le dommage subi par le plaignant du fait des désordres. Il faut distinguer le préjudice matériel (coût des travaux, perte de valeur du bien ou de l’ouvrage, perte d’usage, etc.) du préjudice moral (trouble de jouissance, atteinte à l’image, etc.). Il faut également tenir compte des éventuels préjudices annexes ou consécutifs (frais d’expertise, honoraires d’avocat, etc.).

Cette quantification du préjudice est optionnelle puisque l’expert technique n’est pas forcément compétent pour ce poste qui requiert des compétences comptables et financières.

Synthèse et conclusions avec tableau synthétique

L’expert résume en moins d’une page ses constatations des précédentes étapes afin de faciliter la lecture par les non-experts, comme le Juge ou les avocats.

La synhtèse d’un pré-rapport ou d’un rapport en vue d’une expertise judiciaire :

  • Met en lumière les points d’interrogation soulevés dans le rapport;
  • Liste les documents nécessaires pour approfondir les investigations.

Le résumé doit être écrit en langage non technique et accessible à des personnes non spécialistes des expertises du chiffre (comptabilité, finance, économie) ou techniques.

Numéro du désordreDescription, étendue et conséquences du désordreDate d’apparition du désordreOrigine et cause du désordreImputation du désordre/déterminer la responsabilité Solutions appropriées pour y remédier avec chiffrage (€) et duréeChiffrer le préjudice subi, trouble d’exploitation, (optionnel)
D1Désordre 1
D2Désordre 2

Doit-on écarter des débats un rapport d’expertise unilatéral en présence d’un rapport d’expertise judiciaire?

La Cour de cassation rappelle de façon constante que lorsqu’il a été régulièrement versé aux débats et soumis à son appréciation, le juge ne peut refuser de prendre en considération un rapport d’expertise offcieux non contradictoire pour ne retenir que le rapport de l’expert Judiciairement
commis (Cass. 1″ civ., 5 avr. 2005, n° 02-15.459. – Cass. corn., 31 mai 2005, n° 02-21.007. – Cass.
3• civ., 17 déc. 2002, n° 00-20.888) même si le rapport d’expertise unilatéral est versé aux débats après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire (Cass. 3′ civ., 20 sept. 2005, n° 04-15.554).

Il suffit que la communication de ce rapport ait été régulièrement faite et qu’il ait pu en être discuté contradictoirement. Il peut alors valoir à titre de preuve (Cass. 3• civ, 23 mars 2005, n° 04-11.455.).

Même solution pour une simple étude par un expert-comptable de documents sociaux et comptables, qui n’a pas la valeur probante d’une expertise judiciaire, dès lors qu’elle a été soumise à la discussion contradictoire des parties qui ont eu la possibilité d’en discuter le contenu (Cass. 2′ civ., 7 nov. 2002, n° 01-11.672.).

Très souvent, en présence d’un rapport non judiciaire contredisant un rapport d’expertise judiciaire, le juge sera conduit à ordonner une nouvelle expertise judiciaire.

Un constat d’huissier de justice, même non contradictoire, a-t-il une valeur probatoire en présence d’un rapport d’expertise judiciaire?

La Cour de cassation (Cass. 3′ civ , 9 mai 2012, n° 10-21.041) énonce que, même en présence d’un rapport d’expertise judiciaire, un constat d’huissier de justice établi non contradictoirement ne peut être écarté des débats et vaut titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties.

Cette force probante est identique, même en l’absence de rapport d’expertise, lorsque le constat est régulièrement produit aux débats pour y être discuté (Cass. 3′ civ., 9 nov. 2004, n° 03-14.211).

Au demeurant, la force probante des constats d’huissiers de justice est désormais renforcée par l’article 2 de la loi du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires. Cet article remplace
la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers par deux phrases ainsi rédigées : « Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire ».

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