Comment contester le rapport de l’expert en assurances ?

Lorsque vous subissez un sinistre (dégât des eaux, incendie, accident de voiture, etc.), votre assureur peut faire appel à un expert pour évaluer les dommages et déterminer le montant de l’indemnisation qui vous sera versée. Mais que faire si vous n’êtes pas d’accord avec le rapport de l’expert ? Quels sont vos droits et vos recours pour contester son évaluation ?

Voici quelques éléments de réponse.

Pourquoi mon expert d’assurance a intérêt à ne pas m’indemniser ?

L’absence de règlementation garantissant leur indépendance

L’activité d’expert en assurances n’est pas réglementée comme l’est celle des notaires, des huissiers, des experts- comptables… Il n’existe ni examen d’entrée ni diplôme pour exercer. Pas plus que
de normes juridiques ou d’ordre professionnel afin d’y veiller.

Si jusqu’à récemment cela ne posait pas de problème, tout a commencé à changer lorsque, pour la première fois, un cabinet d’experts a accepté de répondre à un appel d’ofres lancé par une compagnie d’assurances. C’était en 1995, le Gan souhaitait mettre en concurrence les cabinets via plusieurs critères de sélection.
Initiative que les intéressés ont peu appréciée. Mais, à leur grand dam, l’un d’eux a fini par accepter. En agissant ainsi, ce dernier aurait obligé les autres à le suivre… et ouvert la boîte de Pandore.

La soumission de l’expert à la baisse du “coût du sinistre”

Ces réseaux d’experts d’assurance subissent, depuis quelques années, une très forte pression de la part des assureurs dans le cadre de leur mission. Assureurs qui leur imposent notamment des « critères de performances » ou des « indicateurs de qualité ». Et si la présentation varie d’un groupe d’assurances à l’autre, on retrouve généralement les deux mêmes piliers, « Coût du sinistre » et « Qualité du service », qui peuvent peser le même poids.

Pour chaque cabinet, l’évaluation globale résulte de l’agrégation de ces deux facteurs. Et tous sont prévenus : dès lors que cette appréciation chute dans le rouge, c’est le déréférencement l’année suivante ; lorsqu’elle devient orange, le nombre de missions confiées est diminué. Les directions des réseaux d’experts s’adaptent forcément afin de respecter les critères de performances fournis
par les assureurs.

Le coût du sinsitre est le montant global des indemnités payées aux assurés par l’assureur. Plus ce coût est bas, mieux l’expert est noté, plus il reçoit de mission. A l’inverse, plus l’expert est généreux avec l’assuré, moins bien il est noté et il risque d’être déréférence l’année d’après.

Ces critères de performance et cette menace de déréférencement poussent certains experts en assurance à privilégier non les intérêts de l’assuré, mais ceux de leur donneur d’ordres et payeur : l’assureur.

La détention des réseaux par des fonds d’investissement

Parallèlement à la concentration des acteurs du secteur, on assiste à l’arrivée, à la tête de certains cabinets, de purs financiers, qui remplacent peu à peu les experts de métier.

Ainsi,

  • CED est majoritairement détenu par le fonds d’investissement BlackFin Capital Partners. Sedgwick, quant à lui, est aux mains de Carlyle, une entreprise américaine de gestion d’actifs mondiaux.
  • Texa, pour sa part, est passé dans le giron du groupe d’expertise Stelliant,
  • Stelliant a été racheté dans le cadre d’une opération de rachat par la société d’investissement Intermediate Capital Group (ICG, immatriculée à Londres). Stelliant tenterait d’ailleurs de racheter une partie de sa dette pour retrouver des marges de manoeuvre

Ayant des actionnaires exigeants à rémunérer, ces réseaux d’experts doivent adopter, à leur tour, des objectifs de rentabilité élevée… avec, pour corollaire, la diminution des coûts (donc de la masse salariale, entre autres) et l’introduction de stricts critères de performances pour les employés : obligation de traiter un nombre minimal de dossiers par jour, délais réduits de remise des rapports, commissionnement en fonction des résultats, etc.

Les autres cabinets français (Polyexpert, Adenes, Saretec) demeurent majoritairement possédés par des opérationnels issus du monde de l’expertise ou par les salariés.

Attention : un expert en assurances n’est pas forcément de mauvaise foi et contre l’assuré. Il convient de ne pas généraliser. Plus le dossier est important, plus l’expert sera bon. Les autres sont malheureusement soumis à une très forte pression du chifre, qui les contraint à aller souvent trop vite.

Comment contester l’indemnisation proposée par l’expert d’assurance ?

Le recours à l’expert d’assurés pour rééquilibrer : quelle différence avec l’expert en assurances ?

Une indemnisation double, voire triple, ce serait, en moyenne, ce qu’obtiendraient les sinistrés lorsqu’ils recourent à l’aide d’un expert d’assuré.

Indépendants juridiquement et financièrement des compagnies d’assurances, la plupart des experts d’assurés sont des ingénieurs en bâtiment, des architectes ou des maîtres d’oeuvre.

Ain d’apporter des garanties de sérieux aux consommateurs, plusieurs cabinets d’experts d’assurés se sont réunis, en 2012, au sein de la Fedexa (Galtier et Roux n’en font pas partie).

L’expert d’assurés étant payé par l’assuré, il a tendance à être plus à son écoute, et moins soumis aux influences décrites ci-dessus.

Ai-je le droit d’avoir mon propre expert d’assuré ?

Les particuliers ont le droit de faire appel à l’un de ces spécialistes, que l’assureur ait, de son côté, désigné un expert ou non.

Le médiateur du secteur le rappelle : « C’est une facilité qu’offre l’assureur d’envoyer un expert, mais si l’assuré est en désaccord avec cette première évaluation, il lui appartient de diligenter une contre-expertise. Au besoin, les deux experts auront à en désigner un troisième ain de dégager une évaluation s’imposant aux parties. »

Et l’avocat ?

L’avocat n’est pas obligatoire.

Il devient fortement recommandé lorsque des questions juridiques complexes d’enchevtrement de garanties légales et de responsabilité contractuelle surviennent. Et quand il faut agir en justice pour se faire indemniser.

Guide de défense aux motifs fallacieux des experts en assurance

Défaut d’entretien

Le défaut d’entretien n’est, en général, pas considéré par les tribunaux comme un motif valable permettant à l’assureur de refuser d’indemniser le sinistré. Certains contrats écartent la garantie des événements quand il y a négligence de l’assuré (défaut d’entretien ou de réparation).
Les juges déclarent, la plupart du temps, cette clause nulle et abusive ; par exemple, lors d’un dégât des eaux, lorsque la compagnie fait valoir que les canalisations n’étaient pas bien entretenues ou vétustes.
Autre situation : en cas d’incendie, si la cheminée ou la chaudière a été mal ramonée, voire pas du tout, l’assureur n’a pas le droit de s’opposer au dédommagement. Sauf s’il apporte la preuve que ce défaut est à l’origine du départ de feu.

Déclaration du sinistre hors délai

Les contrats d’assurance mentionnent un délai pour déclarer son sinistre (souvent cinq jours), toutefois il ne s’agit que d’une recommandation.
En effet, conformément à la loi, ils indiquent tous aussi que « toute déclaration tardive, sauf cas fortuit ou de force majeure, peut entraîner une déchéance de garantie si nous établissons que ce retard nous cause un préjudice ».
Ainsi, concrètement, pour que l’assureur puisse rejeter votre demande de remboursement,
il faut que ce retard de déclaration ait créé un dommage pour lui.
Et il a l’obligation de le démontrer.

Déclaration non conforme

Ce serait l’une des premières choses que certaines compagnies enseigneraient à leurs experts novices : examiner que la description du bien réalisée lors de la souscription du contrat par le client correspond à la réalité. En particulier si le nombre de pièces signalé est correct. Sinon,
l’assureur l’interprète comme une fausse déclaration et déchoit l’assuré de son droit à l’indemnisation. En réalité, le législateur l’autorise seulement à diminuer son montant mais, en aucun cas, à opposer un refus total. N’oubliez jamais, quoi qu’il en soit, à bien actualiser votre déclaration en cas de changement.

Dommages confondus et indissociables

En cas de succession de dégâts dans un logement, certains experts réduisent l’indemnisation en prétextant qu’une partie des détériorations est en rapport avec des sinistres antérieurs.
Cette étrange affirmation ne repose sur aucun texte juridique.
L’assureur doit prouver l’origine et la cause de chaque dommage pour le dissocier des autres.

Indemnisation limitée à la partie abîmée

L’argument se rencontre notamment en cas de dégât des eaux. Des experts restreignent le remboursement à la réparation du (ou des) seul(s) mur atteint(s). Sans tenir compte du préjudice esthétique pour le sinistré de n’avoir qu’une partie repeinte.

Or, le principe de base est de remettre l’assuré dans une situation identique.
Si, auparavant, les quatre murs étaient homogènes, cela doit rester le cas après. Comme on ne peut pas reproduire de la « peinture d’occasion », l’expert indemnise pour les quatre murs, et compense
en appliquant un taux vétusté justifié.

La configuration du terrain, seule cause en cas de sécheresse

C’est un motif souvent invoqué pour justifier un refus : imputer les dommages provoqués
par la sécheresse aux habitations à d’autres facteurs : par exemple, le fait qu’il y ait des arbres de grande hauteur dont les racines profondes pomperaient l’eau. Dans ce dernier cas, tout au plus, leur présence peut accentuer les dégâts, mais pas en être l’origine. Une étude de sol (de type G5) permet d’établir que la sécheresse est la cause déterminante des dommages. Dès lors qu’il existe un doute, elle doit être obtenue.

La contestation du rapport de l’expert en assurances étape par étape

  1. La première étape pour contester le rapport de l’expert en assurances est de demander à votre assureur ou à l’expert lui-même une copie du rapport. Vous pourrez ainsi vérifier les éléments qui ont servi à établir son évaluation et identifier les points de désaccord.
  2. Contacter son gestionnaire de sinistre par e-mail. Sans retour de sa part, l’appeler puis envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) de mise en demeure, indiquant un délai de réponse de 7 à 30 jours selon l’urgence.
  3. Sans réponse satisfaisante, adresser par LRAR une réclamation au service client (ou service consommateur ou réclamation). Son adresse se trouve dans les conditions générales du contrat. Spécifier « mécontentement » en objet, car l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ordonne aux assureurs saisis pour cette raison de répondre par écrit sous deux mois. À défaut, ils risquent une amende. Le service client est en général plus réactif que le gestionnaire. Préciser qu’une copie de la réclamation a été expédiée à l’ACPR.
  4. Engager une contre-expertise. La contre-expertise consiste à faire intervenir un second expert, choisi et rémunéré par vos soins, qui examinera à nouveau les dommages et proposera une nouvelle évaluation. La contre-expertise doit se faire en présence du premier expert ou avec son accord. Les deux experts doivent essayer de se mettre d’accord sur une indemnisation.
  5. Si les deux experts ne parviennent pas à se concilier, ils peuvent faire appel à un troisième expert, désigné d’un commun accord ou par le tribunal. Le troisième expert aura alors un rôle d’arbitre et tranchera le litige. Les frais du troisième expert sont partagés entre les parties.
  6. Si vous n’êtes toujours pas satisfait du résultat de la contre-expertise ou du troisième expert, vous pouvez saisir la justice pour faire valoir vos droits. Vous devrez alors engager une procédure judiciaire devant le tribunal compétent (tribunal judiciaire, tribunal de commerce, etc.) et apporter les preuves de votre préjudice. Il vous faudra alors contacter un avocat.

Expert : distinguer le bon du mauvais

Le bon expert :

  • Est ponctuel quand il doit se déplacer.
  • Prépare avec sérieux le rendez-vous avant d’arriver chez l’assuré.
  • Offre une écoute attentive et considère le dossier de la victime avec le respect qu’il mérite.
  • Effectue son travail avec soin (constatations, relevés, prises de notes, si nécessaire de photos, etc.).
  • Demande au sinistré s’il possède des justificatifs (devis, factures, relevés, bons de garantie, clichés, etc.) et les regarde attentivement.
  • Fait preuve de pédagogie. Il vulgarise ses propos pour que l’on comprenne bien la situation.
  • Prend des mesures conservatoires dans l’intérêt de tous (assureur et assuré).
  • Recherche toutes les garanties du contrat et, si l’assuré le demande, les lui explique.
  • Présente une première évaluation, même provisoire, au consommateur.
  • Envoie son rapport rapidement (sous 15 jours pour des petits sinistres, un mois pour les plus
  • importants).
  • Établit, dans son rapport, un chiffrage du sinistre avec des arguments précis et circonstanciés.

Le “mauvais” expert :

  • Communique de façon comminatoire (par exemple, en imposant une date de rendez-vous non flexible).
  • Affiche une attitude désinvolte et/ou condescendante.
  • Se montre expéditif et n’informe pas suisamment l’assuré.
  • Renvoie à la compagnie d’assurances pour la plupart des questions.
  • Constate les dommages de loin et/ou ne lève pas la tête de sa tablette.
  • Ne tient pas compte des justificatifs fournis par la victime ou les survole.
  • Se montre jargonneux ou donne des explications vagues, voire contradictoires, sans références précises à la situation concrète.
  • Ne recherche que les exclusions et tait les options de garantie auxquelles le sinistré a droit.
  • Insiste pour imposer l’autoréparation.
  • Ne fournit pas la moindre raison en cas de refus.
  • Ne livre pas d’explications, en cas de contestation de ses conclusions, et s’il y a contre-expertise, n’apporte jamais ses propres commentaires et réponses.

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