Donation déguisée, indirecte ou manuelle : comment les prouver ?

Par principe, l’article 931 du code civil dispose que “Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité.

Trois catégories de donations échappent au formalisme solennité des donations posée par l’article 931 du Code civil et à la nécessité d’un acte authentique. Une donation non-notariée est valable si elle prend la forme :

  • d’un don manuel,
  • d’une donation déguisée 
  • ou d’une donation indirecte

Le don manuel

Très fréquent, le don manuel est une donation effectuée par la remise matérielle de la main à la main (la « tradition réelle ») de la chose donnée au donataire. Il peut porter sur tout bien susceptible de tradition. Un immeuble ne peut donc pas faire l’objet d’un don manuel. Le don manuel peut porter non seulement sur de l’argent, mais également sur tout bien meuble corporel (voiture, tableau, bijoux, etc., sauf rares exceptions concernant notamment les bateaux et avions dont le transfert de propriété doit faire l’objet de formalités de publicité spécifiques). Les animaux peuvent également faire l’objet d’un don manuel (Cass. 1e civ. 17-2-2016 n° 15-14.121 F-D : BPAT 3/16 inf. 117, à propos d’une jument).

La donation indirecte

Une donation indirecte est une convention qui, sans simulation, revêt accessoirement le caractère d’une libéralité. Elle repose sur un acte réel mais dans lequel l’intention libérale n’est ni exprimée ni dissimulée. Il peut s’agir d’un contrat à titre onéreux (par exemple, une vente dont le prix du bien vendu serait inférieur à sa valeur réelle) ou, plus souvent, d’un acte neutre n’indiquant pas sa nature onéreuse ou gratuite (par exemple, le fait pour un créancier de renoncer au remboursement d’un prêt familial, le paiement pour autrui, etc.).

Principaux cas de donations indirectes

Donations indirectes résultant d’un acte à titre onéreux

Vente ou bail à prix vil ou dérisoire

La sous-évaluation d’un bien par un prix minimi ou modique : c’est-à-dire inférieur à la valeur marchande de la chose vendue, sans qu’il soit dérisoire (prix équivalent à l’absence de prix), lésionnaire (inférieur aux cinq douzième de la valeur de l’immeuble exposant la vente à la demande en rescision par le vendeur d’immeuble [comme lorsque le prix est inférieur aux trois quarts de la valeur, où le cédant de droits successifs peut aussi demander la rescision]) ou symbolique (un euro, par exemple), sera considérée comme sérieuse, malgré tout.  La Cour de cassation a décidé, sur cette question, que la vente dont le prix est volontairement réduit par rapport à la valeur du bien vendu abrite une donation indirecte (Civ. 1re, 16 juill. 1959, veuve Brame, Bull. civ. I, no 360 ; D. 1960. 185, note R. Savatier ; RTD civ. 1960. 146, obs. R. Savatier ; mais l’arrêt ne relève que l’absence de simulation, ce qui suppose qu’il y a donation par acte neutre. – Civ. 3e, 7 avr. 1976, no 74-12.883 , Bull. civ. III, no 144 ; JCP N 1977. Prat. 6521, à propos de la vente d’un château à bas prix. – Rappr. Civ. 1re, 11 janv. 1972, JCP N 1972. Prat. 5338).

 L’acte apparent peut être à titre onéreux et cacher, non pas une donation déguisée, mais une donation indirecte en raison de la disproportion ou de l’inéquivalence favorisant l’une des parties et lui procurant un avantage à titre gratuit, dans une intention libérale

Une cession de bail peut réaliser au profit du cessionnaire une donation indirecte du fonds de commerce en réunissant sur sa tête tous les attributs de la propriété effective du fonds (Civ. 1re, 30 nov. 1982, no 81-15.726 , Bull. civ. I, no 343 ; D. 1983. 85, note A. Breton ; RTD civ. 1983. 576, obs. crit. J. Patarin ; Defrénois 1983, art. 33031, note A. Breton), notamment les éléments corporels et incorporels. Le même résultat est atteint en cas de bail consenti sans contrepartie synallagmatique, dans une intention libérale, à un futur héritier d’une exploitation agricole, aux dépens de la masse partageable (Civ. 1re, 17 mars 1987, no 85-15.700

 Donations indirectes réalisées par un acte neutre ou abstrait

  • La renonciation à un acte ou à un droit, par exemple la renonciation à succession La stipulation pour autrui : Ainsi, la souscription, par le défunt, d’un contrat dit « d’assurance viager », désignant un de ses fils comme bénéficiaire en cas de décès de l’assuré, constitue une donation indirecte rapportable à la succession, car un tel contrat réalise la transmission d’une épargne en vertu d’une intention libérale (Rouen, 10 sept. 1997, Juris-Data no 056448).
  • Assurance vie : En principe, la garantie versée à un bénéficiaire en exécution d’un contrat d’assurance-vie n’est pas considérée comme étant une donation entre vifs. Elle est même expressément exclue du rapport successoral et de la réduction (C. assur., art. L. 132-13 ). Cependant, la Cour de cassation admet qu’une assurance-vie soit requalifiée de donation indirecte lorsque les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. Tel est le cas notamment lorsque, en raison de la différence d’âge et d’état de santé entre le souscripteur et le bénéficiaire, l’exercice de la faculté de rachat est illusoire, notamment car le souscripteur se sait condamné à brève échéance (Cass., ch. mixte, 21 déc. 2007, no 06-12.769 
  • Prise en charge des droits de mutation à titre gratuit
  • Le financement sans contrepartie d’améliorations et d’installations qui deviendront la propriété du donataire
  • La résiliation transactionnelle d’un bail sans indemnité
  • Actes de gestion d’affaires ou d’enrichissement
  • Lettre de change ou billet à ordre
  •  Actes translatifs Endossement Transferts de titres.
  • Opérations sur obligations : Cession de créance, Cession de dette. Cession de contrat. Délégation
  • L’utilisation de personnes interposées

Les exemples de donation indirecte :

À titre d’illustration des actes susceptibles d’être qualifiés de donation indirecte par l’administration fiscale, on peut citer :

  • les renonciations à usufruit. Jugé par exemple que l’existence de la donation est démontrée par les éléments suivants : les enfants qui n’étaient donataires que de la nue-propriété ont vendu les titres et perçu et conservé l’intégralité du prix de vente ; la mère donatrice n’a pas perçu les revenus des titres entre l’acte de donation de la nue-propriété et la revente (Cass. com. 20-11-2007 F-D n° 06-19.294 et 06-19.295 : RJF 4/08 n° 515) ;
  • les prêts suivis d’une remise de dette (pour un exemple, Cass. com. 17-10-1995 n° 94-10.196 P : RJF 1/96 n° 140) ;
  • les acquisitions de biens par des époux séparés de biens lorsque l’un d’eux finance en réalité seul l’opération (notamment, Cass. com. 15-3-2011 n° 10-14.886 F-PB : RJF 6/11 n° 751 ; CA Paris 29-6-2007 n° 05/17124, 1e ch. sect. B : RJF 1/08 n° 87).

Preuve de la donation indirecte

Contrairement à ce qui passe en matière de donation déguisée, il n’y a pas, dans le cas de la donation indirecte, d’apparence trompeuse à détruire. L’acte qui soutient la libéralité est muet, il ne dit pas si sa cause est onéreuse ou gratuite. On n’a donc pas à prouver contre un écrit, mais seulement à déterminer le sens de l’accord des volontés.

La donation déguisée

Définition

La donation déguisée repose sur une simulation, autrement dit sur la création volontaire d’une apparence trompeuse : la libéralité est masquée par un acte à titre onéreux. Par exemple, une vente d’immeuble est conclue à des conditions normales, mais il est convenu secrètement que l’acquéreur ne paiera pas le prix.

Lorsqu’elles ont pour objet de contourner l’incapacité de jouissance du gratifié, les donations déguisées sont nulles (C. civ. art. 911, al. 1).

Si tel n’est pas le cas, une donation déguisée est valable dès lors qu’elle remplit les conditions de fond posées pour la validité des donations : dessaisissement irrévocable du donateur, intention libérale, acceptation du donataire, etc.

Bien souvent, le motif du recours à la donation déguisée est d’ordre fiscal, le droit de vente étant beaucoup moins élevé que les droits de donation. La donation déguisée peut également avoir pour objectif d’avantager discrètement un héritier au détriment d’un autre, ou de priver ses héritiers de leurs droits.

Formes du déguisement

En général, n’importe quel acte pouvant opérer transfert de droit ou de propriété peut, s’il est commandé par une intention libérale prouvée, quoique cachée, et s’il présente une inéquivalence matérielle, réaliser une donation déguisée.

Ventes fictives avec un prix jamais acquitté

 La vente se prête particulièrement bien à la réalisation d’une donation déguisée, car, comme la donation, elle est un contrat irrévocable translatif de biens et valeurs.

La simulation porte alors sur Le prix (la contrepartie) qui n’est pas versé, ou restitué directement après (prix payé « hors la vue du notaire ») , ou le vendeur rembourse le prêt contracté par les acquéreurs pour l’achat du bien (Rouen, 2 avr. 1997, Juris-Data no 042628)

Prix lésionnaire dérisoire : la nullité de la vente est possible mais rare

L’échange avec un bien de moindre valeur

Promesse de contrat

La promesse de vente avec faculté de dédit peut parfois masquer un prêt assorti d’un pacte commissoire (Com. 8 févr. 1982, D. 1983. 57, note I. Najjar)

Paiements, achats ou ventes pour autrui

 À la différence du déguisement résultant de la fictivité ou de la modicité du prix, le paiement, l’achat ou la vente pour autrui se traduisent par un prix effectivement payé. La simulation résulte, ici, de ce que le paiement a été effectué soit par les soins d’un tiers, le donateur, soit par le donataire lui-même avec des fonds provenant du donateur, soit par le donateur, avec ses propres fonds, mais en se faisant passer pour le représentant ou le mandataire du donataire ou agissant pour le compte de ce dernier.  Il y a bien alors donation si le solvens s’appauvrit dans une intention libérale et si le bien acquis entre dans le patrimoine du donataire.

Rreconnaissance de dette fictive

Les donations déguisées sous forme de reconnaissance de dette ou de billet consistent, de la part du donateur, à reconnaître à sa charge, envers le donataire, une dette fictive ou imaginaire qu’il promet de payer (rembourser un prêt, rémunérer des services, etc.). Le déguisement provient ainsi du fait que le donateur se présente faussement comme débiteur de la somme dont il veut gratifier le donataire (Req. 6 déc. 1854, DP 1854. 1. 411. – Civ. 11 juill. 1888, DP 1889. 1. 479 ; S. 1888. 1. 409. – Civ. 28 janv. 1903, DP 1903. 1. 238. – Req. 11 juin 1925, S. 1927. 1. 15). La reconnaissance de dette constate ainsi l’existence d’une obligation et en retarde l’exécution. Quelquefois, la reconnaissance de dette est enserrée dans un billet, sans indication de la cause de la promesse de payer : « Je reconnais devoir telle somme à telle personne » (Civ. 11 juill. 1888, préc.). L’indication de la cause n’est d’ailleurs pas nécessaire quoique le billet soit présumé avoir une cause, ou une cause ignorée (C. civ., anc. art. 1132 . – M. VIVANT, art. préc. [D. 1978. Chron. 39]. – Civ. 1re, 25 oct. 1967, Bull. civ. I, no 312).

S’il est prouvé que le billet contient un engagement gratuit, celui-ci constitue une donation. Cette disqualification de l’acte apparent et sa qualification d’acte à titre gratuit entraîneront les conséquences qui s’attachent au régime juridique de l’acte substantiel : rapport, réduction, etc.

Donation déguisée en vertu d’un apport en société (déclaration d’apports fictifs dans un contrat de société)

Par un apport déséquilibré, inéquivalent ou fictif, un associé dans une société valide peut transférer à un autre associé une part du capital, un apport en numéraire, alors que le donataire n’aurait versé qu’un apport fictif totalement ou partiellement 

Donation déguisée sous forme de bail

Le bail est un contrat en vertu duquel le bailleur permet au locataire ou au preneur de jouir de la chose louée moyennant un loyer ou un fermage, le prix du bail. La simulation peut provenir de la conclusion d’un contrat apparemment à titre onéreux, moyennant un prix, alors que celui-ci peut n’être, comme pour la vente déguisant une donation, que fictif, symbolique, modique, dérisoire, etc. La donation portera donc en réalité soit sur l’usage et la jouissance de la chose (prêt à usage valant donation déguisée), soit sur le prix (donation déguisée ou don manuel, selon les cas).

Donation déguisée sous un acte déclaratif

La transaction est une convention synallagmatique et, en principe, à titre onéreux, qui concrétise la stipulation d’un accord où chaque partie consent des sacrifices par rapport aux chances estimées de gain du procès et aux avantages d’une clôture immédiate du litige.

La simulation d’un litige pour conclure une « transaction », afin d’y mettre apparemment un terme par des « concessions », peut enserrer une donation. Le fait que l’apparence soit fictive et trompeuse fait alors ranger la transaction parmi les donations déguisées.

Quelle est la différence entre une donation déguisée et une donation indirecte ?

La distinction entre donation déguisée et donation indirecte est mise à rude épreuve d’autant plus que les mêmes procédés de simulation ou de réalisation de la libéralité sont utilisés dans l’un ou l’autre cas. Ainsi, selon que l’apparence est totalement ou partiellement fictive, l’acte caché sera considéré, par la jurisprudence, comme déguisé totalement ou seulement indirect. Si l’acte apparent est véritable sans indiquer une intention libérale, la contre-lettre produira effet en tant que donation indirecte. Un bail peut être à prix fictif, modique ou symbolique. Il en va de même de nombreux actes à titre onéreux (vente, promesse de vente, etc.), voire gratuits (cautionnement, etc.), mettant en jeu plusieurs personnes (stipulation pour autrui, virement bancaire, endossement d’une lettre de change…), etc. Les confusions ne pourront être dissipées que si l’on s’en tient à deux idées directrices : 1/ la fictivité de l’acte apparent est un élément nécessaire à la découverte d’une donation déguisée ; 2/ l’absence d’indication de l’intention libérale dans l’acte ostensible est nécessaire afin d’éviter la qualification de donation directe, en cas d’inéquivalence des prestations.

L’un est apparent, alors que l’autre n’est pas avoué

  • Donation déguisée : Ils peuvent mentir, dans l’acte instrumentaire, sur la catégorie de l’opération ; ils présentent comme étant onéreux un transfert patrimonial qui, en fait, est gratuit. On est en présence d’une 
  • Donation indirecte : Ils peuvent également emprunter un mécanisme translatif, dont ils taisent la coloration véritable, c’est-à-dire gratuite. La 

En d’autres termes, la donation déguisée se singularise par l’élaboration d’un mensonge ; alors que la donation indirecte n’exige qu’une simple réticence.

Par exemple, sur une vente d’un tableau, une donation déguisée c’est lorsque le contrat de vente prévoit un prix qui ne sera jamais versé, la donation indirecte quand le prix spécifié a été versé mais est manifestement sous évalué.

En réalité, cette distinction n’a plus d’intérêt aujourd’hui, les conséquences étant les mêmes.

Quelle est la différence entre un don manuel et une donation déguisée ou indirecte ?

A la différence du don manuel qui est réalisé par le transfert matériel du bien, les donations indirectes et les donationsdéguiséesreposent sur un acte, réel dans le premier cas, simulé dans le second.

La preuve de la donation

La charge de la preuve sur le demandeur à la réduction

La preuve de la donation incombe aux héritiers qui veulent en obtenir le rapport ou la réduction.

Ces derniers devront ainsi démontrer :

  1. l’appauvrissement du donateur (et l’enrichissement corrélatif du donataire)
  2. mais également l’intention libérale du donateur, qui n’est jamais présumée.

Ainsi, le financement par une mère de la plus grande partie d’un bien immobilier acquis par l’un de ses enfants est exclusif de toute intention libérale dans la mesure où elle a bénéficié sur ce bien d’un droit d’usage illimité de fait ayant occupé le bien jusqu’à son départ en maison de retraite, soit pendant 32 ans (Cass. 1e civ. 14-10-2020 n° 19-13.770 F-D : BPAT 6/20 inf. 223-2). La preuve peut être apportée par tous moyens et notamment avec des présomptions graves, précises et concordantes.

Concernant la preuve du déguisement, il est de jurisprudence constante et mainte fois rappelée que la charge de la preuve appartient à celui qui invoque l’existence de la donation déguisée (V. not. Com. 4 mars 1986, n° 84-16.099 ; 22 mars 1988, n° 87-10.317 ; Civ. 1re, 2 avr. 2008, n° 07-12.376 ; 16 avr. 2008, n° 06-21.260 ; 11 mars 2009, n° 07-20.132, Bull. civ. I, n° 58 ; D. 2009. 872  ; ibid. 2714, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur  ; AJ fam. 2009. 222, obs. A. Tisserand-Martin  ; RTD civ. 2009. 339, obs. P.-Y. Gautier  ; ibid. 563, obs. M. Grimaldi ). Dès lors, le déguisement ne peut être retenu du simple fait que l’acquéreur ne justifie pas la manière dont il a payé le prix d’acquisition du bien (Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-10.960, Bull. civ. I, n° 189 ; D. 2012. 2308  ; AJDI 2012. 777  ; AJ fam. 2012. 559, obs. C. Vernières  ; RJPF 2012. 11/48, obs. J. Casey).

En revanche, les héritiers réservataires étant des tiers à l’acte et le déguisement n’étant pour eux qu’un simple fait, ils peuvent rapporter cette preuve par tout moyen (Civ. 10 mai 1905, DP 1908. 1. 276 ; 22 oct. 1930, DH 1930. 553) notamment à l’aide de présomptions (Civ. 1re, 5 janv. 1983, n° 81-16.655, Bull. civ. I, n° 10 ; R., p. 44 ; RTD civ. 19

Jugé que c’est sans inverser la charge de la preuve qu’une cour d’appel décide, s’agissant de la partie du prix payé hors la vue du notaire, que l’acquéreur, qui conserve la charge d’établir qu’il s’est effectivement libéré, doit être considéré comme n’ayant pas réglé cette partie du prix dès lors qu’il ne verse aucune pièce à ce sujet ; mais il n’est pas possible d’en conclure que la vente est fictive et s’analyse en une donation déguisée sans rechercher si les vendeurs avaient agi dans une intention libérale (Civ. 1re, 3 juill. 1996, no 94-13.154 , inédit).

La présomption en cas de donation déguisée

La vente consentie à un enfant à charge de rente viagère ou à fonds perdus ou encore avec réserve d’usufruit est présumée constituer une donation déguisée, ce qui dispense les cohéritiers du donataire d’en rapporter la preuve (C. civ. art. 918). Cette présomption, irréfragable, a été déclarée conforme à la Constitution (Cons. const. 1-8-2013 n° 2013-337 QPC : BPAT 5/13 inf. 180 ; Cass. 1e civ. 29-1-2014 n° 12-14.509 F-PB ; décisions rendues en application de l’art. 918 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23-6-2006 mais transposables). Il est toutefois possible d’éviter le jeu de la présomption par le consentement des autres successibles en ligne directe du défunt à l’acte d’aliénation suspecté de fraude. Il vaut reconnaissance de la sincérité de l’opération et de son caractère gratuit (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les successions. Les libéralités, Dalloz 4e éd. 2014, n° 1175). Le consentement à aliénation peut intervenir au moment de la cession ou postérieurement (Cons. const. 1-8-2013 n° 2013-337 QPC n° 8), voire après le décès du vendeur (en ce sens, voir J.-Cl. Notarial Formulaire, v° Vente d’immeuble fasc. 310 n° 29 par D. Montoux). Il peut être constaté dans l’acte d’aliénation lui-même ou bien par acte séparé. Si, dans ces derniers cas de figure, le consentement est exprès, ce dernier peut tout aussi bien résulter d’un accord tacite entre héritiers présomptifs (Cass. 1e civ. 26-1-2022 n° 20-14.155 FS-B : SNH 5/22 inf. 3). La preuve du consentement à aliénation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (pour un précédent jurisprudentiel, Cass. 1e civ. 28-4-1965 n° 62-11.637 : Bull. civ. I n° 270).

Quelles conséquences de la qualification de donation ?

La validité de la donation

Lorsque l’artifice est découvert, la donation n’en est pas moins valable. La Cour de cassation affirme que le déguisement ne fait pas présumer l’illicéité de la cause et que la simulation démontrée n’entraîne pas la nullité de la donation, mais seulement son éventuelle réduction.

Le rapport de la donation

Sur le plan civil, une donation, qu’elle soit indirecte ou déguisée est comme toute donation présumée rapportable (et, le cas échéant, réductible).

L’acte qui dissimule une donation peut être requalifié via une action en déclaration de simulation dite encore action en requalification : Celle-ci ne vise qu’à faire établir la véritable nature de l’acte afin de le soumettre aux règles des donations

Recel successoral

Celui qui dissimule sciemment avoir bénéficié d’une donation dans le but de rompre l’égalité du partage encourt les peines du recel successoral (Cass. 1e civ. 1-2-2017 n° 16-14.323 F-PB : BPAT 2/17 inf. 64).

Prescription : quel point de départ de l’action

la prescription de l’action en déclaration de simulation en vue d’obtenir la réduction de la libéralité commence à courir à compter du jour où le demandeur a eu la faculté d’exercer l’action en réduction, c’est-à-dire au jour du décès du donateur (Cass. 1e civ. 23-3-1994 no 92-14.370 : Bull. civ. I no 113, RTD civ. 1994 p. 920 obs. J. Patarin, D. 1995 p. 333 obs. B. Vareille).

Le délai de prescription de l’action en déclaration de simulation d’une donation de biens communs en vue d’en obtenir la réduction court, pour la moitié de la libéralité, au jour du décès du premier des époux donateurs et, pour le surplus, au décès du conjoint codonateur. (Cass. 1e civ. 5-1-2023 n° 21-13.151 FS-B).  en présence d’une donation de biens communs consentie conjointement par les deux époux – en l’espèce, déguisée –, il n’y a pas un mais deux points de départ du délai de prescription de l’action en réduction et, par effet d’entraînement, de celui de l’action en déclaration de simulation. En effet, à concurrence de la quote-part des biens donnés par l’un des époux – le plus souvent de moitié –, la prescription de l’action en réduction et donc celle de l’action en déclaration de simulation courent à compter du jour de son décès. Le même raisonnement s’applique à la succession du conjoint codonateur. Cette solution s’inscrit dans la logique des textes (C. civ. art. 1438 et 1439).

Exemples de conflits fréquents posés par les donations

un père soucieux de traiter également ses deux enfants consent à chacun un don manuel de 50 000 €. L’un dilapide les fonds, l’autre investit dans un studio qui vaut 80 000 € au décès du père. Ce dernier laisse 200 000 €, à partager à égalité entre les deux frères (pas de testament). La succession s’élève à 330 000 € (200 000 € + 50 000 € + 80 000 €), soit 165 000 € pour chaque enfant. Le premier fils prendra 115 000 € dans la succession (il a déjà reçu 50 000 €), le second ne prendra que 85 000 € (il est censé avoir reçu 80 000 €). Mauvaise surprise pour le bon gestionnaire… Cette conséquence liée au caractère rapportable du don peut être évitée par l’établissement d’un acte de reconnaissance de don manuel ;

un oncle prospère est appelé au secours d’un neveu démuni. Pour l’aider, il lui remet 20 000 €, étant entendu qu’il lui donne la moitié de cette somme, l’autre moitié étant un prêt remboursable six mois plus tard. À l’échéance convenue, le neveu refuse de rembourser, prétendant avoir reçu un don manuel pour le tout. Devant les tribunaux, c’est lui qui gagnera, car c’est à l’oncle de prouver – par écrit – qu’il y a eu prêt. Ici encore, l’établissement d’un acte de reconnaissance de don manuel ou de dette aurait évité cette difficulté.

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