Vous êtes locataire d’un bail d’habitation et vous avez reçu un congé de la part de votre bailleur pour quitter les lieux.
Cependant, vous avez de bonnes raisons de penser qu’il est frauduleux.
Comment se défendre ? Comment faire valoir ses droits ?
Pour quel motif le bailleur peut-il donner congé ?
Que le bail soit vide (nu) ou meublé, le bailleur d’un bien à usage d’habitation est en mesure de donner congé au preneur pour trois motifs limitativement énumérés par la loi :
- la reprise pour habiter
- la reprise pour vendre
- La reprise pour motif légitime et sérieux (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15).
Le congé pour vente a un objet dual et même indivisible (Cass. 3e civ., 18 janv. 1989 : Bull. civ. III, n° 13), il entraîne à la fois la déchéance du titre d’occupation sur le local et ouvre un droit de préemption au locataire. L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 impose l’insertion audit congé de plusieurs mentions outre le respect de certains délais, à peine de nullité. Le preneur destinataire d’un congé pour vente comportant donc une offre de vente est en mesure d’accepter cette dernière, de la refuser ou de contester sa validité.
La justification du motif dans le congé
Le bailleur donnant congé à son locataire afin de reprendre le logement doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15).
La justification formelle dans le congé du caractère réel et sérieux de cette reprise n’est pas prescrite à peine de nullité. La solution retenue est conforme à l’article 114 du Code de procédure civile et, plus généralement, à l’adage « pas de nullité sans texte » (Cass. 3e civ. 14-3-1990 no 88-18.536 : D. 1990 IR 90 ; Cass. 3e civ. 21-2-1990 no 88-16.788 ; Cass. 3e civ. 15-5-2008 no 07-10.243 : RJDA 8-9/08 inf. 893).
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir énoncé, à bon droit, que la prescription de la justification dans le congé du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, à titre de condition de forme, n’est pas édictée à peine de nullité. Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 22-18.580
Comment apprécier le caractère frauduleux du congé ?
Le contrôle a posteriori
Il n’appartient pas aux tribunaux d’exercer un quelconque contrôle sur les motifs ou les mobiles de la reprise ; la reprise s’exerce sur la simple déclaration de l’intention du bailleur, que le locataire n’est pas admis à contester.
Seule est possible une contestation sur la réalité de la reprise, ce qui signifie un contrôle a posteriori sur le caractère frauduleux, ou non, de la reprise à la suite de l’inoccupation des lieux par le bénéficiaire (Cass. 3e civ. 6-3-1996 : RJDA 6/96 n° 760 ; CA Paris 7-5-2002 : Rev. loyers 2002 p. 456) ou de la mise en vente des lieux loués après le départ du locataire (Cass. 3e civ. 12-10-2004 : Administrer juin 2005 p. 41). Le droit de reprise du bailleur suppose l’habitation des locaux à titre principal et non comme résidence secondaire (Cass. 3e civ. 31-1-2001 : RJDA 4/01 n° 432 ; Cass. 3e civ. 22-10-2003 : RJDA 1/04 n° 27 ; Cass. 3e civ. 13-11-2008 n° 05-19.722 : RJDA 2/09 n° 82).
Le défaut d’occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise ouvre au profit du locataire une action fondée sur sa responsabilité contractuelle (Cass. 3e civ. 19-6-1991 : RJDA 11/91 n° 902 ; Cass. 3e civ. 19-4-2000 : RJDA 6/00 n° 638 ; Cass. 3e civ. 7-5-2002 : RJDA 7/02 n° 741).
Pour apprécier, au jour de la délivrance du congé, le caractère réel et sérieux de l’intention du bailleur de reprendre le logement pour l’habiter à titre de résidence principale, le juge peut tenir compte d’éléments postérieurs, dès lors qu’ils sont de nature à établir cette intention (Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 22-18.580).
L’obligation de justifier dans le congé du caractère réel et sérieux de la décision de reprendre le logement n’est pas édictée à peine de nullité. Le juge du fond peut tenir compte d’éléments postérieurs à la date de délivrance du congé dès lors qu’ils sont de nature à établir cette intention de reprise pour habiter.
Cass. 3e civ. 12-10-2023 n° 22-18.580 FS-B
Il reste que l’article 15 de la loi de 1989 indique également que le juge peut déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes. La contradiction avec la solution retenue n’est qu’apparente car il faut distinguer le contrôle a priori de la reprise (le bailleur a-t-il, formellement dans son congé, justifié sa décision de reprise ?) du contrôle a posteriori (le bailleur a-t-il effectivement repris les lieux pour les habiter ?).
En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues par la loi (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15) et déterminer le moment auquel il convient de se placer pour apprécier la bonne foi du bailleur dans son intention de reprendre les lieux. En l’espèce, le bailleur, devenu veuf, souhaitait retourner vivre dans sa région d’origine auprès de ses proches en établissant sa résidence principale dans le logement loué, tout en conservant une résidence secondaire dans le Sud. Le refus des locataires de quitter les lieux et la contrainte d’intenter une action en justice ont retardé d’autant le moment pour le bailleur de s’inscrire sur les listes électorales de sa nouvelle commune, ce qu’il a fait un an après la délivrance du congé, de réaliser des travaux importants dans son logement et de souscrire des contrats d’eau, de gaz et d’électricité et un abonnement internet. En approuvant la décision des juges du fond, la Cour de cassation valide leur raisonnement d’appeler à la rescousse des évènements postérieurs à la délivrance du congé et de s’adapter à la situation de fait, qui nécessite une certaine souplesse d’analyse.
Le contrôle a priori du juge
La loi ALUR du 24 mars 2014 a décidé de renforcer la lutte contre les congés frauduleux. Elle a modifié l’article 15, I de la loi du 6 juillet 1989 qui impose ainsi au bailleur, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici, de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise pour permettre au juge, en cas de contestation, de vérifier la réalité de la situation. Le texte prévoit en effet qu'” en cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes “. En conséquence, le bailleur devra motiver précisément le congé, préciser les raisons qui justifient que la reprise n’est pas un vague projet, mais une certitude au jour de sa notification (pour une reprise au profit d’un étudiant devant faire des stages à Paris, CA Paris, 3e ch., 27 sept. 2018, n° 16/07116 : JurisData n° 2018-017025 ; Loyers et copr. 2018, comm. 241 ). L’obligation de la justification dans le congé du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, à titre de condition de forme, n’est cependant pas édictée à peine de nullité ( Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 22-18.580 : JurisData n° 2023-017256 ; Loyers et copr. 2023, comm. 180 ).
Du fait de ce renforcement du pouvoir de contrôle, le juge pourra effectuer un contrôle a priori, ce qui lui était jusqu’à présent refusé, sauf cas d’intention frauduleuse manifeste. La loi lui permettant de ne pas valider un congé qui ne serait pas justifié par des ” éléments sérieux et légitimes ” (V. pour un arrêt estimant que le bailleur ne démontre pas la nécessité pour sa fille de venir s’installer dans un logement plus spacieux, CA Toulouse, 3e ch., 14 juin 2021, n° 20/02954 : JurisData n° 2021-011815 ; Loyers et copr. 2021, comm. 128 ) la question se posera sans doute de savoir si le contrôle judiciaire se limite à un contrôle de la réalité du motif ou s’il pourra aller jusqu’à un contrôle d’opportunité. Jugé à ce propos que si les juges ont le pouvoir de vérifier le caractère réel et sérieux de la décision du bailleur, ils n’exercent pas pour autant un contrôle d’opportunité. Ainsi, un bailleur a le droit de priver le locataire de son logement alors qu’il est lui-même logé par ailleurs en qualité de propriétaire ( CA Nîmes, 2e ch., sect. A, 19 mai 2022, n° 20/00507 : JurisData n° 2022-009286 ; Loyers et copr. 2022, comm. 117 ).
Le congé pour vente
Le congé pour vendre comportant une distorsion avec la réalité des intentions du bailleur est frauduleux. Il en est ainsi lorsque le propriétaire souhaite mettre fin au bail pour un motif tiré par exemple d’une mésentente avec son locataire, de la volonté de relouer avec un loyer plus onéreux ou à une personne non bénéficiaire d’un droit de reprise. Pour ce faire, le bailleur propose régulièrement un prix d’achat dissuasif. La difficulté pour le juge est alors de déterminer le seuil au-delà duquel le prix est considéré comme manifestement exagéré en regard de la valorisation du bien. Ainsi, la formulation d’une offre correspondant à 112 pour cent de l’estimation expertale n’est pas exorbitante (Cass. 3e civ., 19 avr. 2000, n° 98-18.123 :).
D’autres indices fondés sur le comportement du bailleur peuvent permettre de qualifier sa fraude ; tel est par exemple le cas lorsqu’il se dispense d’entreprendre des démarches sérieuses attestant de la réalité du processus de vente – absence de publication de l’offre, de mandat confié à un agent immobilier ou de visite du bien (Cass. 3e civ., 15 mars 2000, n° 98-14.372 : JurisData n° 2000-001089 ; Loyers et copr. 2000, comm. 188, obs. B. Vial-Pedroletti. – Cass. 3e civ., 9 juin 2009, n° 08-15.112 : JurisData n° 2009-048806 ; Loyers et copr. 2009, comm. 232).
Par application de l’article 9 du Code de procédure civile, la charge de la preuve de la fraude pèse sur le locataire demandeur (Cass. 3e civ., 14 juin 2006, n° 05-12.559 : JurisData n° 2006-034024 ; Bull. civ. III, n° 150 ; Loyers et copr. 2006, comm. 172, obs. B. Vial-Pedroletti).
La sanction du congé frauduleux
Un congé pour vendre ou pour reprise frauduleux est puni d’une amende pénale maximale de 6 000 € pour une personne physique et de 30 000 € pour une personne morale. Le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés. Le locataire peut se constituer partie civile et demander la réparation de son préjudice (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, IV).
Le congé annulé pour fraude permet assurément au locataire de demander des dommages-intérêts pour le préjudice causé qui est bien souvent matériel : frais et perturbations diverses causés par le déménagement, difficulté de trouver un logement équivalent, loyer plus élevé… ( CA Angers, 30 mai 1995 : JurisData n° 1995-051452 . – CA Besançon, 6 janv. 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 236 ). Des dommages-intérêts pour préjudice d’agrément sont également concevables lorsque le locataire, du fait de son éviction, a perdu d’importants aménagements réalisés par lui ( CA Paris, 14 juin 1996 : JurisData n° 1996-021724 ; Rev. Loyers 1997, p. 401 . – Pour le refus de prendre en compte un préjudice moral, CA Riom, 1re ch., 17 nov. 2011, n° 10/02655 : JurisData n° 2011-026452 ; Loyers et copr. 2012, comm. 35 . – En sens contraire, CA Amiens, 1re civ., 13 oct. 2017, n° 15/04960 : JurisData n° 2017-022241 ; Loyers et copr. 2018, comm. 13 ).
Mais les frais de stockage du mobilier pour convenance personnelle du preneur restent à sa charge ( CA Rouen, 1er mars 2005, n° 03/03762 : JurisData n° 2005-266926 ; Loyers et copr. 2005, comm. 128 ).
En revanche, la jurisprudence est très réticente à admettre la réintégration dans les lieux loués du locataire expulsé. Par principe, elle la refuse soit parce que la loi ne prévoit pas cette sanction, soit pour des raisons d’opportunité, les relations conflictuelles entre le bailleur et le locataire rendant plus que délicate la poursuite du contrat ( CA Paris, 14 oct. 1997 : JurisData n° 1997-022736 ; Loyers et copr. 1998, comm. 6 . – CA Paris, 7 janv. 1998 : Loyers et copr. 1998, comm. 92 . – CA Rouen, 1er mars 2005, n° 03/03762 : JurisData n° 2005-266926 ; Loyers et copr. 2005, comm. 128 ).
Un arrêt a cependant admis cette réintégration, après annulation d’un congé pour vendre ( CA Paris, 14e ch. B, 7 juill. 2006 : Loyers et copr. 2006, comm. 195 ).
Ce qui est certain, c’est que l’action en nullité du congé pour reprise ne devient pas sans objet du seul fait de la libération des lieux en cours de procédure ( Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 12-21.529 ).
Lire l’intervention couronnée de succès de Me Valentin SIMONNET pour un locataire
Modèle d’assignation en nullité de congé pour vente d’un bail d’habitation
À la suite des mentions obligatoires de l’assignation……juridiction, ville, date, identification du demandeur, de son avocat, de l’huissier de justice etc.,
Objet de la demande
I – Faits……description synthétique et chronologique des faits,
II – Discussion
En droit……rappeler le droit positif applicable au cas d’espèce : article 15 de la loi du 6 juillet 1989, jurisprudence sur le caractère frauduleux du congé,
En l’espèce……description du fait frauduleux/fautif : absence d’intention réelle de vendre, absence de diligences concrètes visant le processus de vente, caractère dissuasif du prix de vente proposé, intention réelle du bailleur, démonstration des autres conditions de mise en œuvre de la responsabilité du bailleur : lien de causalité et dommage, demande d’annulation du congé, réparation du dommage, relative à l’article 700 du CPC et aux dépens,
Par ces motifs……visa des textes fondamentaux, formulation des demandes de condamnations, liste des pièces,