L’opposition au prix de vente du syndic

L’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu’à compter de la notification de l’avis de mutation au syndic de l’immeuble, ce dernier a quinze jours pour former opposition au versement des fonds par l’acquéreur du lot au vendeur afin d’obtenir le paiement des sommes restant dues par ce dernier .

Lors de la mutation à titre onéreux d’un lot, le syndic auquel est adressé par le notaire l’avis de la mutation peut, dans les 15 jours de la réception de cet avis, former opposition au versement des fonds au vendeur pour obtenir le paiement des sommes restant dues par celui-ci (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 20).

L’opposition au prix de vente d’un lot de copropriété a pour double objet de mettre en œuvre le privilège immobilier spécial (devenu, depuis la réforme du droit des sûretés, une hypothèque légale spéciale) et de bloquer le paiement du prix de vente en le rendant alors inopposable au syndicat.

Le droit d’opposition du Syndic

Le syndic peut faire opposition sur le prix de vente, lors de la mutation d’un lot à titre onéreux (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 20). La doctrine et la jurisprudence considèrent que l’opposition constitue le premier acte d’une procédure de saisie simplifiée, permettant au syndicat d’être payé de sa créance sur le prix de vente du lot, tout paiement effectué au mépris de l’opposition lui étant inopposable.

Le contenu de l’opposition

A peine de nullité, l’opposition énonce le montant et les causes de la créance.

Cette opposition doit énoncer de manière précise (Décret 67-223 du 17-3-1967 art. 5-1) :

  1. Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l’année courante et des deux dernières années échues ;
  2. Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat des deux années antérieures aux deux dernières années échues ;
  3. Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat garanties par une hypothèque légale et non comprises dans les créances privilégiées, visées aux 1° et 2° ci-dessus ;
  4. Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat non comprises dans les créances visées aux 1°, 2° et 3° ci-dessus.

L’opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre du privilège mentionné à l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1965.
C’est pourquoi l’opposition formée par le syndicat doit préciser l’origine de la créance permettant une ventilation entre les différents chefs de créances du point de vue des garanties de paiement.
Elle doit énoncer d’une manière précise le montant et les causes des créances afférentes aux charges et aux travaux de l’année courante et des deux dernières années échues, des deux années antérieures aux deux dernières années échues, les créances garanties par une hypothèque légale non comprises dans les créances privilégiées qui précèdent et les autres créances (D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 5-1).
Pratiquement, l’opposition doit être chiffrée et mentionner le montant et les causes de la créance. Le syndic doit communiquer un décompte précis, faisant ressortir la nature des créances (provisions, solde, charges générales ou spéciales, annuités de l’article 33 de la loi du 10 juillet 1965 restant à régler), leur date d’exigibilité et leur caractère de créance privilégiée le cas échéant. Il doit préciser le lot concerné, si du moins l’on admet que l’opposition puisse porter sur des créances afférentes à d’autres lots (Cass. 3e civ., 14 avr. 1982 : JCP éd. G 1982, IV, n° 218) (v. n° 252).
Toutefois, la Cour de cassation juge que l’absence de distinction dans l’opposition formée par le syndic, entre les quatre types de créances du syndicat prévue à l’article 5-1 du décret de 1967, n’affecte pas la validité de cette opposition, mais constitue un manquement à une condition de forme de nature à faire perdre au syndicat le bénéfice de l’hypothèque légale spéciale prévue à l’article 2402 du code civil (Cass. 3e civ., 12 oct. 2023, n° 22-18.723).

La forme de l’opposition

L’opposition doit :

  • être obligatoirement notifiée par acte de commissaire de justice, une lettre étant dépourvue d’effet (Cass. 3e civ., 18 déc. 1996, n° 94-18.754, n° 1997 P + B).
  • contenir élection de domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de la situation de l’immeuble
  • intervenir dans le délai de quinzaine de l’avis de mutation, donné, conformément à l’article 6 du décret du 17 mars 1967, par les professionnels qui concourent à l’acte constatant la mutation.

Le délai et son calcul

Le syndic doit formaliser l’opposition du syndicat avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la réception de l’avis de mutation(1).

La computation de ce délai semble pouvoir s’opérer comme en matière d’acte de procédure, bien que l’opposition n’ait pas cette qualification ; il commence donc à courir le lendemain du jour de la réception de l’avis en observant, quant à son expiration, les dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile.

On se pose cependant la question de savoir si les nouvelles dispositions réglementaires de l’article 64 du décret du 17 mars 1967 résultant du décret du 4 avril 2000(2), n’ont pas pour effet de substituer à la réception de l’avis le jour de la première présentation ; l’avis de mutation, donné par LRAR, constitue, en effet une « notification » au sens de cet article. L’exigence de la formulation de l’opposition par acte extrajudiciaire paraît constituer un obstacle à cette substitution.

Le respect de ce délai est capital ; l’opposition tardive est privée de tout effet ; le paiement du prix de vente est opposable au syndicat(4) et l’opposition ne vaut plus mise en œuvre du privilège immobilier spécial du syndicat. La responsabilité du syndic est engagée.

Mais le fait pour le syndic, auquel un avis de mutation a été délivré, de ne pas faire opposition, n’a pas pour effet d’éteindre la dette du vendeur résultant du non-paiement des charges(5).

Uniquement des créances liquides et exigibles

L’opposition formée par le syndic doit porter sur des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation. Les charges étant exigibles lorsqu’elles ont été approuvées par l’assemblée générale, la cour d’appel ne pouvait pas déclarer valable l’opposition sans s’être assurée que les charges y mentionnées avaient fait l’objet d’une approbation par l’assemblée générale des copropriétaires. L’arrêt est donc censuré de ce chef également. (Cass. 3e civ. 12-10-2023 n° 22-18.723 F-D, X c/ Synd. copr. de la résidence Le Cœlacanthe)

Les quatre types de créances au sens de l’article 5-1 du décret de 1967

Selon une jurisprudence constante, l’absence de distinction entre les 4 types de créances prévues à l’article 5-1 ne fait pas cesser d’exister ces créances mais leur fait perdre leur caractère de créances occultes privilégiées ou superprivilégiées, celles-ci ne pouvant alors valoir que comme créances hypothécaires ou chirographaires (Cass. 3e civ. 15-12-2004 n° 03-15.174 : Bull. civ. III n° 244 ; Cass. 3e civ. 25-10-2006 n° 05-16.835 : BPIM 6/06 inf. 458 ; Cass. 3e civ. 27-11-2013 n° 12-27.385 : Bull. civ. III n° 152).

Exemple : si l’opposition formée par le syndic mentionnait seulement le montant total de la créance du syndicat et comportait un extrait du compte de ces copropriétaires. Mais si elle ne distinguait pas entre les 4 types de créances. Cette opposition n’était donc pas régulière en la forme. Ce manquement n’affectait certes pas la validité de l’opposition mais il était de nature à faire perdre au syndicat le bénéfice de l’hypothèque légale spéciale prévue à l’article 2402 du Code civil.

Effets de l’opposition

L’opposition a tout d’abord pour effet de rendre indisponible la part du prix, représentant la créance du syndicat. L’opposition, régulièrement formée, rend inopposable au syndicat tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix. L’article 20 précise également que les effets de l’opposition sont limités au montant mentionné dans l’acte, ce qui rend inutile la procédure de cantonnement qui était la règle avant l’intervention de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994. L’opposition se trouve cantonnée de plein droit au montant de la créance, sans qu’il soit besoin d’une quelconque intervention de justice.

Mais l’effet essentiel de l’opposition de l’article 20 réside dans la mise en oeuvre du privilège spécial immobilier dont bénéficie le syndicat. Cependant, le créancier ne peut obtenir la remise des fonds s’il y a contestation, aussi longtemps que l’opposition n’aura pas été validée. Il peut y avoir contestation de la part du copropriétaire ou de ses créanciers, sur la régularité de l’opposition, condition de sa validité, sur les comptes du syndic ou sur le rang des privilèges. Dans ce cas, le syndic doit saisir le juge de l’exécution pour faire statuer sur les mérites de l’opposition, sans toutefois qu’aucun délai ne lui soit imposé (CA Paris, 8e ch. A, 15 avr. 1986 : D. 1986, IR, p. 297Cass. 3e civ., 16 juin 1995, inédit).

Contestation de l’opposition

Causes des contestations

Les contestations relatives à l’opposition, en général soulevées lors de l’élaboration du projet de distribution du prix, peuvent tenir à plusieurs causes, les unes de forme, les autres de fond.

Relativement à la forme, il résulte notamment des développements précédents que la nullité (ou l’inefficacité de l’opposition) peut être invoquée si elle a été faite par lettre(1) ou si elle n’indique pas de manière précise le montant et les causes de la créance.

On estime même que si l’opposition a été donnée par lettre, il y aurait faute de la part du notaire à en tenir compte et qu’il doit déférer à la demande du vendeur et lui remettre la totalité du prix sans en informer préalablement le syndic.

L’opposition peut aussi être contestée pour des raisons de fond, par exemple parce que le vendeur prétend ne pas être débiteur des sommes réclamées ou parce qu’il considère que la créance du syndicat n’est ni liquide, ni exigible ou encore parce que l’opposition a été faite par une personne non habilitée.

Le rôle du notaire

Quelle que soit la nature du vice invoqué, fond ou forme, le notaire n’est pas juge de la validité ; il doit, pour libérer les fonds, exiger du vendeur la production d’une mainlevée amiable ou judiciaire. Toutefois, un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 1995, a admis le refus de condamner un notaire qui avait libéré le prix malgré une opposition après constatation faite que le syndic ne fournissait aucun document justifiant l’existence et le montant des charges restant dues par le vendeur(Civ. 3e, 8 mars 1995, no93-15.320 , NP, Aff. Syndicat copr. 99 rue Émile Cossoneau à Neuilly-sur-Marne c/Ferreira,).

En d’autres termes, le notaire pourrait se faire juge de la validité de l’opposition dans tous les cas où la nullité de celle-ci est manifeste.

En revanche, si la contestation porte sur une raison de fond, le principe selon lequel le notaire n’est pas juge de la validité de l’opposition, ne souffre aucune restriction ; il doit en tenir compte tant que le vendeur ne lui en aura pas rapporté la mainlevée amiable ou judiciaire(7).

Les suites

Afin de faciliter le recouvrement des sommes dues au syndicat à la suite d’une opposition, la loi du 24 mars 2014, dite loi Alur, a amendé le premier alinéa de l’article 20, I de la manière suivante.

Tout d’abord, le notaire qui a reçu l’opposition peut libérer les fonds signalés par le syndic dès qu’intervient l’accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues.

En cas d’inaction du copropriétaire

Les professionnels, qui prêtent leur concours à l’acte constatant une mutation, doivent informer les créanciers inscrits de l’opposition formée par le syndic et sur leur demande, leur en adresser copie. Le notaire libère les fonds dès l’accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. A défaut d’accord, dans un délai de 3 mois après la constitution par le syndic de l’opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l’opposition devant les tribunaux par une des parties. Les effets de l’opposition sont limités au montant ainsi énoncé (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 20).

Par ailleurs, à défaut d’accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le syndic de l’opposition régulière, le notaire verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l’opposition devant les tribunaux par l’une des parties. À ce propos, on peut faire trois remarques. La première suppose que le refus exprimé par le vendeur n’aura aucun effet s’il n’engage pas une procédure judiciaire dans le délai de trois mois imparti. La deuxième est que l’on voit mal le syndicat des copropriétaires contester l’opposition qu’il a lui-même faite par l’intermédiaire de son syndic. La troisième implique que le notaire verse les sommes dès la fin du délai de trois mois dans la mesure où la loi lui en donne la possibilité, voire l’ordre.

Demande de mainlevée de l’opposition et Juge compétent

L’article 57 du décret du 17 mars 1967, modifié par le décret du 31 juillet 1992 attribuait compétence au JEX pour statuer sur l’opposition formée par le syndic de copropriété ; cet article a été abrogé par le décret du 15 février 1995 et n’a été remplacé par aucun texte.

L’opposition, présentant un caractère autonome par rapport aux procédures civiles d’exécution, il faut en déduire que la compétence appartient au tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble que le syndic devra saisir au fond s’il veut faire valider l’opposition ; si le vendeur veut en obtenir la mainlevée il doit s’adresser au président de ce tribunal statuant en référé.

Le JEX est donc incompétent depuis 1992.

Responsabilité du Syndic

L’application des dispositions de l’article 20, I impose donc au syndic un certain nombre d’initiatives, qui peuvent engager sa responsabilité tant vis-à-vis du syndicat que des parties à la vente du lot.

Il en est ainsi lorsqu’il :

  • néglige de faire opposition au paiement du prix de vente( Paris, 21 juin 1991, Loyers et copr. 1991. 400 – Paris, 13 sept. 2017, IRC avr. 2018. 13, obs. M.‑F. Ritschy)
  • ou s’il fait opposition en méconnaissance des dispositions légales(Paris, 14 juin 1993, RG no92/6959, JurisData 022179, Loyers et copr. 1993. 405.

Inversement, sa responsabilité est engagée s’il forme opposition alors que le syndicat ne peut invoquer une créance exigible et liquide( Paris, 12 janv. 1979, D. 1980. IR 154 – Civ. 3e, 27 mai 1999, no 95-14.713 , NP, AJDI 1999. 821  ; RDI 1999. 454, obs. P. Théry  ; RDI 1999. 456  et 464, obs. P. Capoulade .).

C’est généralement à propos de la contestation de l’opposition que cette responsabilité est mise en jeu.

Mon avis

Si le copropriétaire ne saisit pas le juge, la somme est automatiquement versée au Syndic. Ce régime de faveur justifie l’appelation de privilège au bénéfice du Syndic. Ce privilège est justifié par la rigueur et l’exemplarité qui doivent conduire la gestion de l’immeuble par le Syndic, malheureusement absente parfois.

Sources utiles

Dalloz action La copropriété Chapitre 232 – Cession des lots

Fasc. 107-60 : VENTE AMIABLE D’UN LOT DE COPROPRIÉTÉ. – Détention et distribution du prix

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