Bail code civil ou résidence secondaire : est-ce légal ?

On les voit partout dorénavant : Bail code civil, bail sociétés, bail résidence secondaire

Ces mots clés ont fleuri dans les annonces de location, mais que signifient-ils ?

Le Bailleur a-t-il intérêt à conclure de tels baux ? Et le locataire, doit-il se voir imposer ces baux qui sont bien souvent à son désavantage ?

Qu’est-ce qu’un contrat de bail ?

Tous ces contrats constituent ce qu’on appelle des contrats de baux / contrat de bail.

Le contrat de bail, aussi appelé louage de chose, est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix proportionnel à ce temps que celle-ci s’oblige à lui payer (Article 1709 du Code civil).

Qu’est-ce qu’un contrat de bail code civil ou bail résidence secondaire ?

Un contrat de bail code civil est donc tout simplement le contrat de bail de droit commun tel qu’il est prévu dans le code civil.

Il faut comprendre que, afin de protéger le locataire, le législateur a créé un droit dérogatoire (droit spécial) pour les baux d’habitation constituant la résidence principale du locataire : c’est le régime issu de la “Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986”. Ce régime est d’ordre public (article 2), c’est à dire que les parties, même si elles sont d’accord, ne peuvent pas déroger à son application. Ainsi, si les conditions d’application de ce régime sont réunies, et alors même que le contrat dit une chose, ce sera la loi de 1989 qui aura la primauté et s’appliquera en cas de contradiction avec les stipulations du bail. Bien entendu, ces dispositions de la loi de 1989 sont très très favorables aux locataires. Par exemples, elles :

  • Limitent à un ou deux mois le dépôt de garantie
  • Interdit de payer en avance des mois de loyers
  • Encadrent le prix du loyer, que ce soit à l’entrée dans les lieux, au renouvellement, entre deux locataires
  • Détermine strictement les cas dans lesquels le bailleur peut donner congé à son locataire
  • Permet au locataire de partir à tout moment avec seulement un ou deux mois de préavis.

Le régime de la loi de 1989 constitue plus de 95% des baux d’habitation qui sont signés. Alors qu’il constitue un régime dérogatoire, il est devenu en quelque sorte le droit commun.

Pourquoi recourir à un bail de résidence secondaire/code civil ?

Le propriétaire bailleur a tout intérêt à recourir à un bail code civil, aussi appelé bail de droit commun ou bail résidence secondaire.

Pourquoi ?

  • les loyers ne sont pas encadrés,
  • le Diagnostic de performance énergétique n’est pas obligatoire, *
  • le préavis est fixé librement
  • la durée du bail est entièrement libre
  • le propriétaire n’est pas obligé d’adresser un courrier au locataire pour lui signifier son congé : le bail peut contenir une clause de résiliation de plein droit qui permet au propriétaire de mettre fin au bail de manière automatique à une date précisée en amont, sans congés et sans préavis.
  • Le propriétaire peut réclamer plusieurs loyers à l’avance au locataire

Dans l’océan de réglementation que constitue la location de locaux d’habitation, revenir au consensualisme (libre choix des parties sur le contenu du leur contrat) fait office de paradis perdu pour les bailleurs.

Dans quels cas la loi de 1989 s’applique-t-elle ?

Pour savoir si une loi s’applique, il faut s’intéresser à son champ d’application : ce sont les conditions nécessaires à l’application de ce régime.

Il faut que les conditions cumulatives suivantes soient remplies (article 2) :

  1. Le contrat est un contrat de bail, c’est à dire de louage de chose
  2. Le preneur/locataire est une personne physique. Cela exclut les personnes morales/sociétés de la loi de 1989 (sauf si les deux parties y adhèrent volontairement)
  3. Le local loué est à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation. Cela exclut les locaux commerciaux
  4. Le local loué constitue la résidence principale du preneur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

Dans quel cas la loi de 1989 ne s’applique-t-elle pas ?

Normalement, il n’est pas concevable de déterminer le domaine d’application du droit commun. Sa définition même s’y oppose. Parce qu’il concerne l’ensemble des situations sauf celles qui sont expressément régies par des textes particuliers, le droit commun a une vocation résiduelle, c’est-à-dire illimitée. Il est donc vain d’essayer de fixer les logements qui relèvent de son domaine d’application. Et, jusqu’à présent, la démarche consistait uniquement à délimiter le champ d’action des législations spécifiques, des textes particuliers. Mais l’on peut se demander ce qui subsiste de nos jours des dispositions de droit commun contenues dans le Code civil , en raison de la multiplication des législations spécifiques. L’analyse du domaine d’application de la loi du 23 décembre 1986 , maintenant abrogée, et de l

La loi du 6 juillet 1989 couvre aujourd’hui un tel large domaine qu’il est possible d’affirmer que le droit commun, c’est à dire le droit du code civil, est devenu un droit exceptionnel. Il est incontestable que les articles 1708 à 1762 font figure d’exception par rapport à la loi du 6 juillet 1989 .

Le droit commun du contrat de louage est devenu exceptionnel. La loi du 6 juillet 1989 , remet sérieusement en cause la notion de droit commun

  1. Baux consentis à des personnes morales (Cass. 3e civ., C, 23 mai 1995, n° 93-12.789)
  2. Baux sur résidences secondaires (Cass. civ. 3e, 14 mai 2003, Administrer, janv. 2004, p. 33, obs. Beddeleem; Cass. 3e civ., 6 nov. 1991, n° 90-15.923 : JurisData n° 1991-002953 ; JCP N 1992, II, p. 158. – CA Paris, 6e ch. B, 7 mars 1990 )
  3. Baux professionnels
  4. Locations de garages, places de stationnement, jardins et locaux non accessoires à un bail principal
  5. Logements de fonction (logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi)
  6. Locations saisonnières remplacées par le bail mobilité
  7. Sous-locations
  8. Conventions de jouissance précaire

Jusqu’en 2014 et la modification de l’article 6 de la loi de 1989, les logements meublés n’étaient pas soumis à la loi de 1989. Ce n’est désormais plus le cas.

Qu’est-ce qu’une résidence secondaire ?

L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 précise que la résidence principale s’entend comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

On peut en déduire que, sauf à évoquer l’une de ces raisons, l’occupation d’un logement pour une durée inférieure à 8 mois entraîne la qualification de résidence secondaire .

Chaque citoyen ne peut avoir qu’une habitation principale, laquelle peut être définie par des critères tirés de la jurisprudence civile et fiscale. De la combinaison de ces critères, il ressort que l’habitation principale s’entend du logement où le locataire habite de manière effective et habituelle, qui constitue le siège des intérêts familiaux et le centre de ses activités. Si tel n’est pas le cas, le logement sera régi par le droit commun en tant que résidence secondaire.

Lorsqu’une personne loue un local à usage d’habitation pour y établir sa résidence secondaire, la loi du 6 juillet 1989 n’est pas applicable, ce en application de l’article 2 de ladite loi qui vise le locataire établissant sa résidence principale dans le local loué (Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n° 06-11.843 : JurisData n° 2007-038083 ; Bull. civ. III, n° 41 ; JCP N 2007, n° 27, 1207, note W. Altide ; Loyers et copr. 2007, comm. 92, note B. Vial-Pedroletti. – Cass. 3e civ., 29 nov. 1983, n° 83-10.063 : Bull. civ. III, n° 242),

Quelles sont les conditions pour pouvoir signer un bail code civil ?

Il faut en fait prendre la question à l’envers : les parties pourront signer un bail de droit commun uniquement si les conditions d’application de la loi de 1989 ne sont pas remplies, à savoir le plus fréquemment :

  1. Le logement à louer est la résidence secondaire du futur locataire
  2. Le logement est signé par une personne morale (société) et non une personne physique (un particulier)

Les désavantages du bail code civil

Comme le bail loi de 1989, si le locataire ne paye pas ses loyers ou ne respecte pas les clauses du contrat de bail vous serez obligatoirement tenus d’obtenir en justice un titre exécutoire pour condamner le locataire et/ou obtenir son expulsion.

Une telle procédure dure entre 6 mois et deux ans à Paris.

La requalification du bail résidence secondaire

Le bailleur qui fait signer un bail code civil à son locataire s’expose à une action en requalification : c’est l’action par laquelle le locataire va demander au juge de requalifier le bail initialement appelé “code civil” ou “résidence secondaire” en bail soumis à la loi de 1989, notamment parce qu’il constitue sa résidence principale.

Pour ce faire, le juge doit se replacer à la date de signature du bail et rechercher la commune intention des parties lors de la conclusion de ce bail.

Si la requalification est théoriquement possible, elle est très rarement admise par les tribunaux, sans doute parce que les cas qui lui sont proposés sont particuliers et ne reflètent pas la situation que l’on voit actuellement, à savoir des baux résidence secondaire “subis”, souvent pas des locataires sans pouvoir de négociation. Les affaires portées devant les tribunaux étaient souvent des cas exceptionnels, concernant de très baux appartements, avec des locataires très riches.

Le tribunal judiciaire de Paris (Tribunal judiciaire, Paris, 28 Décembre 2023 – n° 22/00041) a jugé sur ce point là que [cas particulier puisque le bail initial de 25 000 € par mois était une résidence secondaire suivi d’un nouveau bail résidence secondaire par les mêmes locataires qui lui était contesté] :

il convient de rappeler à toutes fins utiles que quand bien même ils auraient apporté la preuve d’une occupation à titre de résidence principale, encore fallait-il qu’ils en alertent le bailleur et sollicitent son accord pour requalifier le contrat de bail . Ils ne pouvaient unilatéralement changer l’objet du contrat ou la destination de cette location sans l’en alerter. En effet, un contrat de bail , conclu à titre de résidence secondaire , sans fraude et conformément à l’usage réel envisagé par les parties et appliqué en début de bail , ne peut pas ensuite être requalifié par la seule volonté unilatérale et discrétionnaire d’une des parties au contrat pour être soumis à un régime juridique différent, notamment celui d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989.

Echouant à prouver que la location à titre de résidence secondaire ne ressortait pas de la commune intention des parties, échouant à prouver l’existence d’une quelconque fraude, et au surplus échouant même à prouver l’occupation à titre de résidence principale du logement litigieux, Monsieur [C] [L] et Mademoiselle [X] [Z] seront déboutés de leur demande de requalification du bail et d’application des dispositions de la loi du 6 juillet 1989.”

Nul doute que la jurisprudence reste à faire s’agissant de studios et deux pièces loués à moins de 1 000 € par mois !

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