Bail code civil ou résidence secondaire : est-ce légal ?

On les voit partout dorénavant : Bail code civil, bail sociétés, bail résidence secondaire

Ces mots clés ont fleuri dans les annonces de location, mais que signifient-ils ?

Le Bailleur a-t-il intérêt à conclure de tels baux ? Et le locataire, doit-il se voir imposer ces baux qui sont bien souvent à son désavantage ?

Qu’est-ce qu’un contrat de bail ?

Le contrat de bail (ou son synonyme le contrat de location), est régi par les articles 1708 à 1778 du Code civil, dans le chapitre II du titre VIII intitulé « Du louage des choses ».

Tous ces contrats (Bail code civil, bail sociétés, bail résidence secondaire) constituent ce qu’on appelle des contrats de baux / contrat de bail.

Le contrat de bail, aussi appelé louage de chose, est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix proportionnel à ce temps que celle-ci s’oblige à lui payer (Article 1709 du Code civil).

Le bail se caractérise donc comme le contrat par lequel une personne, le bailleur, va conférer la jouissance temporaire sur une chose à une autre personne, le preneur, en contrepartie d’un prix, appelé généralement loyer.

Le droit commun du bail , issu de 1804 sans modification significative, est toutefois devenu quasiment résiduel, en raison de la multiplicité de lois spéciales qui se sont ensuite développées pour régir des baux particuliers, et notamment immobiliers : l’on peut citer les baux emphytéotiques, à construction, ou à réhabilitation conférant un droit réel au preneur. Surtout, quatre baux spéciaux principaux s’appliquent en fonction de la destination de l’immeuble :

  • tout d’abord, le bail d’habitation porte sur un logement. De nombreuses lois se sont succédées et le droit positif est principalement constitué par la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, et surtout par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
  • les baux commerciaux concernent les locaux destinés à l’exploitation d’une clientèle commerciale ou artisanale, dont les règles sont aujourd’hui codifiées dans le Code de commerce (C. com., art. L. 145-1 s.) ;
  • les baux professionnels sont régis par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, et concernent principalement les professions libérales ;
  • enfin, les baux ruraux, dont les dispositions sont codifiées dans le Code rural et de la pêche maritime (C. rur., art. L. 411-1 s.), s’appliquent à tout immeuble à usage agricole en vue d’une exploitation du même type.

Malgré l’existence de statuts spéciaux, les règles du Code civil relatives au bail demeurent nécessaires en ce qu’elles constituent le droit commun du bail . Il s’agit de disposer de règles mobilisables dès lors que le statut spécial n’apporte pas de réponse différente. Les règles de ce droit commun peuvent ainsi trouver à s’appliquer à un bail néanmoins soumis à un statut spécial, dans la mesure où ces statuts ne régissent pas tout. Les législations spéciales sur le bail d’habitation ou le bail commercial notamment, laissent des pans de leur régime sans dispositions spécifiques, justifiant l’application du droit commun du bail . Tel est le cas, par exemple, des règles relatives à la responsabilité en cas d’incendie (C. civ., art. 1733). De même, l’article 1722 du Code civil relatif à la perte de la chose louée, a été au cœur de l’argumentation opposant bailleurs et locataires quant à l’obligation de payer les loyers pendant la période de confinement dû à la pandémie de Covid-19 (conflit tranché par Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127 et 21-20.190).

Remarque : Certaines locations ne sont pas soumises à un droit spécial (telles que la plupart des locations de meubles) et par conséquent, le droit commun du bail est le cadre normatif de référence.

La plupart des règles concernant le bail dans le Code civil sont supplétives de volonté. Par conséquent, les aménagements conventionnels sont possibles, dès lors qu’ils ne privent pas de leur substance les obligations essentielles des parties (la jurisprudence s’est prononcée principalement en ce sens à propos de l’obligation de délivrance et de jouissance paisible pesant sur le bailleur).

Qu’est-ce qu’un contrat de bail code civil ou bail résidence secondaire ?

Un contrat de bail code civil est donc tout simplement le contrat de bail de droit commun tel qu’il est prévu dans le code civil.

Il faut comprendre que, afin de protéger le locataire, le législateur a créé un droit dérogatoire (droit spécial) pour les baux d’habitation constituant la résidence principale du locataire : c’est le régime issu de la “Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986”. Ce régime est d’ordre public (article 2), c’est à dire que les parties, même si elles sont d’accord, ne peuvent pas déroger à son application. Ainsi, si les conditions d’application de ce régime sont réunies, et alors même que le contrat dit une chose, ce sera la loi de 1989 qui aura la primauté et s’appliquera en cas de contradiction avec les stipulations du bail. Bien entendu, ces dispositions de la loi de 1989 sont très très favorables aux locataires. Par exemples, elles :

  • Limitent à un ou deux mois le dépôt de garantie
  • Interdit de payer en avance des mois de loyers
  • Encadrent le prix du loyer, que ce soit à l’entrée dans les lieux, au renouvellement, entre deux locataires
  • Détermine strictement les cas dans lesquels le bailleur peut donner congé à son locataire
  • Permet au locataire de partir à tout moment avec seulement un ou deux mois de préavis.

Le régime de la loi de 1989 constitue plus de 95% des baux d’habitation qui sont signés. Alors qu’il constitue un régime dérogatoire, il est devenu en quelque sorte le droit commun.

Pourquoi recourir à un bail de résidence secondaire/code civil ?

Le propriétaire bailleur a tout intérêt à recourir à un bail code civil, aussi appelé bail de droit commun ou bail résidence secondaire.

Pourquoi ?

  • les loyers ne sont pas encadrés,
  • le Diagnostic de performance énergétique n’est pas obligatoire, *
  • le préavis est fixé librement
  • la durée du bail est entièrement libre
  • le propriétaire n’est pas obligé d’adresser un courrier au locataire pour lui signifier son congé : le bail peut contenir une clause de résiliation de plein droit qui permet au propriétaire de mettre fin au bail de manière automatique à une date précisée en amont, sans congés et sans préavis.
  • Le propriétaire peut réclamer plusieurs loyers à l’avance au locataire

Dans l’océan de réglementation que constitue la location de locaux d’habitation, revenir au consensualisme (libre choix des parties sur le contenu du leur contrat) fait office de paradis perdu pour les bailleurs.

Dans quels cas la loi de 1989 s’applique-t-elle ?

Pour savoir si une loi s’applique, il faut s’intéresser à son champ d’application : ce sont les conditions nécessaires à l’application de ce régime.

Il faut que les conditions cumulatives suivantes soient remplies (article 2) :

  1. Le contrat est un contrat de bail, c’est à dire de louage de chose
  2. Le preneur/locataire est une personne physique. Cela exclut les personnes morales/sociétés de la loi de 1989 (sauf si les deux parties y adhèrent volontairement)
  3. Le local loué est à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation. Cela exclut les locaux commerciaux
  4. Le local loué constitue la résidence principale du preneur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

Dans quel cas la loi de 1989 ne s’applique-t-elle pas ?

Normalement, il n’est pas concevable de déterminer le domaine d’application du droit commun. Sa définition même s’y oppose. Parce qu’il concerne l’ensemble des situations sauf celles qui sont expressément régies par des textes particuliers, le droit commun a une vocation résiduelle, c’est-à-dire illimitée. Il est donc vain d’essayer de fixer les logements qui relèvent de son domaine d’application. Et, jusqu’à présent, la démarche consistait uniquement à délimiter le champ d’action des législations spécifiques, des textes particuliers. Mais l’on peut se demander ce qui subsiste de nos jours des dispositions de droit commun contenues dans le Code civil , en raison de la multiplication des législations spécifiques. L’analyse du domaine d’application de la loi du 23 décembre 1986 , maintenant abrogée, et de l

La loi du 6 juillet 1989 couvre aujourd’hui un tel large domaine qu’il est possible d’affirmer que le droit commun, c’est à dire le droit du code civil, est devenu un droit exceptionnel. Il est incontestable que les articles 1708 à 1762 font figure d’exception par rapport à la loi du 6 juillet 1989 .

Le droit commun du contrat de louage est devenu exceptionnel. La loi du 6 juillet 1989 , remet sérieusement en cause la notion de droit commun

  1. Baux consentis à des personnes morales (Cass. 3e civ., C, 23 mai 1995, n° 93-12.789)
  2. Baux sur résidences secondaires (Cass. civ. 3e, 14 mai 2003, Administrer, janv. 2004, p. 33, obs. Beddeleem; Cass. 3e civ., 6 nov. 1991, n° 90-15.923 : JurisData n° 1991-002953 ; JCP N 1992, II, p. 158. – CA Paris, 6e ch. B, 7 mars 1990 )
  3. Baux professionnels
  4. Locations de garages, places de stationnement, jardins et locaux non accessoires à un bail principal
  5. Logements de fonction (logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi)
  6. Locations saisonnières remplacées par le bail mobilité
  7. Sous-locations
  8. Conventions de jouissance précaire

Jusqu’en 2014 et la modification de l’article 6 de la loi de 1989, les logements meublés n’étaient pas soumis à la loi de 1989. Ce n’est désormais plus le cas.

Qu’est-ce qu’une résidence secondaire ?

L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 précise que la résidence principale s’entend comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

On peut en déduire que, sauf à évoquer l’une de ces raisons, l’occupation d’un logement pour une durée inférieure à 8 mois entraîne la qualification de résidence secondaire .

Chaque citoyen ne peut avoir qu’une habitation principale, laquelle peut être définie par des critères tirés de la jurisprudence civile et fiscale. De la combinaison de ces critères, il ressort que l’habitation principale s’entend du logement où le locataire habite de manière effective et habituelle, qui constitue le siège des intérêts familiaux et le centre de ses activités. Si tel n’est pas le cas, le logement sera régi par le droit commun en tant que résidence secondaire.

Lorsqu’une personne loue un local à usage d’habitation pour y établir sa résidence secondaire, la loi du 6 juillet 1989 n’est pas applicable, ce en application de l’article 2 de ladite loi qui vise le locataire établissant sa résidence principale dans le local loué (Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n° 06-11.843  – Cass. 3e civ., 29 nov. 1983, n° 83-10.063 ),

Quelles sont les conditions pour pouvoir signer un bail code civil ?

Il faut en fait prendre la question à l’envers : les parties pourront signer un bail de droit commun uniquement si les conditions d’application de la loi de 1989 ne sont pas remplies, à savoir le plus fréquemment :

  1. SOIT Le logement à louer est la résidence secondaire du futur locataire
  2. SOIT Le logement est signé par une personne morale (société) et non une personne physique (un particulier)

Les désavantages du bail code civil

Comme le bail loi de 1989, si le locataire ne paye pas ses loyers ou ne respecte pas les clauses du contrat de bail vous serez obligatoirement tenus d’obtenir en justice un titre exécutoire pour condamner le locataire et/ou obtenir son expulsion.

Une telle procédure dure entre 6 mois et deux ans à Paris.

La requalification du bail résidence secondaire : compliquée

Le bailleur qui fait signer un bail code civil à son locataire s’expose à une action en requalification : c’est l’action par laquelle le locataire va demander au juge de requalifier le bail initialement appelé “code civil” ou “résidence secondaire” en bail soumis à la loi de 1989, notamment parce qu’il constitue sa résidence principale.

Pour ce faire, le juge doit se replacer à la date de signature du bail et rechercher la commune intention des parties lors de la conclusion de ce bail.

Si la requalification est théoriquement possible, elle est très rarement admise par les tribunaux, sans doute parce que les cas qui lui sont proposés sont particuliers et ne reflètent pas la situation que l’on voit actuellement, à savoir des baux résidence secondaire “subis”, souvent pas des locataires sans pouvoir de négociation. Les affaires portées devant les tribunaux étaient souvent des cas exceptionnels, concernant de très baux appartements, avec des locataires très riches.

Jurisprudence pro bailleur

Le tribunal judiciaire de Paris (Tribunal judiciaire, Paris, 28 Décembre 2023 – n° 22/00041) a jugé sur ce point là que [cas particulier puisque le bail initial de 25 000 € par mois était une résidence secondaire suivi d’un nouveau bail résidence secondaire par les mêmes locataires qui lui était contesté] :

il convient de rappeler à toutes fins utiles que quand bien même ils auraient apporté la preuve d’une occupation à titre de résidence principale, encore fallait-il qu’ils en alertent le bailleur et sollicitent son accord pour requalifier le contrat de bail . Ils ne pouvaient unilatéralement changer l’objet du contrat ou la destination de cette location sans l’en alerter. En effet, un contrat de bail , conclu à titre de résidence secondaire , sans fraude et conformément à l’usage réel envisagé par les parties et appliqué en début de bail , ne peut pas ensuite être requalifié par la seule volonté unilatérale et discrétionnaire d’une des parties au contrat pour être soumis à un régime juridique différent, notamment celui d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989.

Echouant à prouver que la location à titre de résidence secondaire ne ressortait pas de la commune intention des parties, échouant à prouver l’existence d’une quelconque fraude, et au surplus échouant même à prouver l’occupation à titre de résidence principale du logement litigieux, Monsieur [C] [L] et Mademoiselle [X] [Z] seront déboutés de leur demande de requalification du bail et d’application des dispositions de la loi du 6 juillet 1989.”

Nul doute que la jurisprudence reste à faire s’agissant de studios et deux pièces loués à moins de 1 000 € par mois !

Tribunal judiciaire, Paris, 27 Septembre 2024 – n° 24/00226

“En application de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les baux portant sur un lieu de résidence secondaire ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, ce à quoi le bail se réfère expressément.

Le caractère d’une location est déterminé par la destination que les parties ont entendu lui donner initialement, par l’expression de leur volonté commune de contracter. La réalisation d’un bail à titre de résidence secondaire , non-soumis aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 n’est pas en soi frauduleux, un tel bail demeurant autorisé et les dispositions du code civil en matière de baux n’étant aucunement abrogée.

En l’espèce, il est clairement établi par le contrat produit que la manifestation expresse et apparente de volonté des parties a été de conclure un tel bail à usage de résidence secondaire , non-soumis à la loi du 6 juillet 1989. Le preneur à bail ne verse aux débats aucun élément relatifs à la période précontractuelle. Elle verse aux débats une attestation de « The American University Of [Localité 7] » du 12 septembre 2023 certifiant qu’elle était inscrite dans l’établissement pour les deux semestres de l’année universitaire 2021/2022 et les deux semestres de l’année universitaire 2023/2023 du 5 septembre au 16 décembre 2022 puis du 16 janvier au 15 mai 2023. Il ne s’agit toutefois pas d’une attestation de présence au sein de l’établissement et la demanderesse ne présente pas plus la preuve de la validation de ces années d’études au sein de l’établissement en question et ce qui n’atteste en rien de sa présence en France de manière continue à ces périodes.

En outre il sera constaté que le contrat de bail a été résilié à compter du 31 mai 2023 soit 9 mois après sa conclusion et il résulte des pièces versées aux débats que Mme [R] [J] indique à son bailleur s’être absentée « un mois entier » et avoir « beaucoup voyagé » ce qui explique que les prestations de ménage n’ont pas pu se faire durant au moins deux mois consécutifs.

Ainsi il doit être retenu que le preneur a accepté un bail à titre de résidence secondaire , sans que sa volonté apparente, ni celle de son contractant ne soit contredite par d’autres éléments permettant de considérer que le bailleur avait conscience et donné son accord pour qu’en réalité le régime juridique du bail soit distinct. Par là, la qualification de bail à usage de résidence secondaire et exclu du champ d’application de la loi du 6 juillet 1989 doit être retenue.

Il s’ensuit nécessairement que l’argumentation du demandeur quant aux dispositions sur l’encadrement des loyers d’une part et quant au trop perçu de dépôt de garantie d’autre part est sans objet puisqu’applicable uniquement pour une location à titre de résidence principale.”

Cour d’appel de Paris, Pôle 4 chambre 3, 25 avril 2024, n° 21/22499

“Sur la demande de requalification du bail

Mme [I] [X] invoque l’irrecevabilité des demandes adverses en se prévalant des dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs applicable lorsque les locaux loués constituent la résidence principale du preneur.

La qualification du bail est donc préalable à l’examen de l’irrecevabilité des demandes adverses soulevée par l’appelante.

Aux termes de l’article 1103 du code civil « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

L’article 1192 du même code dispose que « On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. »

Selon l’article 1193 « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. » ; l’article 1194 dispose que « Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. »

En l’espèce, c’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu en substance que :

— toutes les stipulations contractuelles du bail indiquent sans aucune ambiguïté que le logement loué l’est à titre de résidence secondaire, et qu’à ce titre il n’est pas soumis à la loi du 6 juillet 1989, que le bail prévoit en outre que le non-respect de cet usage est une cause de résiliation,

— l’intéressée, francophone, n’a pu se méprendre sur la portée du bail ; qu’aucun élément ne démontre que la commune intention des parties était autre que celle indiquée clairement par le bail, étant souligné que ce contrat mentionne que la locataire réside principalement à Genève, en Suisse ; qu’aucun élément ne vient démontrer qu’un changement de qualification ait pu être accepté par le bailleur ni même invoqué entre les parties ;

 le fait que la locataire ait en réalité occupé les lieux à titre de résidence principale ne saurait, au regard des circonstances de l’espèce, entraîner une modification unilatérale de sa part de la qualification du contrat ; la cour ajoute que l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui réserve l’application de celle-ci « aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur » ne déroge pas aux dispositions légales relatives à la force obligatoire des contrats et à la bonne foi contractuelle et que la locataire ne saurait l’invoquer pour justifier ce qui constitue son propre manquement contractuel ;

— qu’il en résulte que le bail n’est pas soumis aux dispositions de la loi de 1989.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du bail.”

Tribunal Judiciaire de Paris, Pcp jcp requetes, 11 janvier 2024, n° 23/07790

En l’espèce, M. [F] soutient que le logement constitue sa résidence principale de sorte que la législation sur le plafonnement du loyer devrait s’appliquer. Néanmoins, il apparaît que l’annonce à laquelle il a répondu précisait que le logement était destiné soit à une société, soit à constituer la résidence secondaire du locataire, ce point ayant été rappelé dans un courrier électronique adressé à M. [F] le 30 août 2022. Par ailleurs, M. [F] ne produit aucun élément de nature à justifier d’une part que le logement constitue sa résidence principale, d’autre part qu’il en a informé le bailleur.

Dans ces conditions rien ne permet de requalifier le bail et de dire qu’il est soumis à la loi du 6 juillet 1989 ainsi qu’au plafonnement des loyers.

Jurisprudence pro locataire

CA Aix-en-Provence, ch. 1 7, 9 juin 2022, n° 20/13033. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2022/CAPD2464531893D70593F9F

Sur la qualification du bail liant les parties :

L’article 2 dispose que les dispositions du présent titre sont d’ordre public.

Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

Toutefois, ce titre ne s’applique pas (…) aux logements meublés, régis par le titre Ier bis.

En l’espèce, selon acte sous seing privé du 31 juillet 2017, M. [Z] [T] et Mme [P] [T] ont donné à bail à M. [G] [W] et Mme [E] [W] une résidence secondaire meublée sise 06250 MOUGINS pour une durée de cinq ans prenant effet le 1er décembre 2017, moyennant un loyer mensuel initial de 8500 euros, hors charges.

Le contrat prévoit expressément qu’il s’agit d’un ‘bail de droit commun -Résidence secondaire- article 1714 et suivants du code civil, exclu de la loi du 6 juillet 1989 modifiée, du décret du 30 janvier 2002 et de la loi du 1er septembre 1948″.

Cependant, les locataires sollicitent la requalification du bail en bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, invoquant qu’ils ont toujours eu le souhait de s’installer définitivement en France.

Il résulte des débats que si le contrat est expressément soumis aux dispositions du code civil et évoque les lieux loués comme résidence secondaire, M. [W], de nationalité irlandaise, et travaillant pour une société située à Singapour, a échangé deux mails avec M. [T] en date du 31 juillet 2017, soit le jour de la signature du bail, et en date du 2 août 2017 où il évoque explicitement son intention de déménager en France avec sa famille et d’y scolariser ses fils.

D’ailleurs, par mail du 2 août 2017, M. [T], professionnel de l’immobilier, répond avec précision à ses questions en écrivant ‘nous serions ravis de vous accueillir dans votre nouvelle maison’, ‘déménager ici, vivre, commencer l’école, etc, est vraiment facile et extrêmement simple si vous avez un passeport européen. Pour la banque, c’est aussi très facile. Ils chercheront des passeports et une copie du contrat de bail. J’ai vu que vous êtes avec HSBC, ils ont un bureau local à Cannes’.

Or, déjà par mail du 23 juillet 2017, M. [W] avait indiqué à M. [T] : ‘Comme nous en avons discuté au téléphone, ma famille et moi avons l’intention de nous installer en France de façon permanente, pour nous rapprocher de nos familles irlandaises.(…) Un bail à long terme convient à ma famille et nous donne la certitude dont nous avons besoin dans un nouveau pays. La stabilité est essentielle pour nous’.

Il résulte également d’un courriel du 28 juillet 2017 de Mme [T] que celle-ci a aidé les époux [W] à obtenir une réponse pour la scolarisation des enfants de ces derniers à l’école de MOUGINS.

D’ailleurs, il est établi aux débats que les deux fils du couple [W], âgés de 8 et de 5 ans, ont été scolarisés dès le 1er janvier 2018 à la MOUGINS SCHOOL.

En outre, il résulte également des débats que dès la signature du contrat, M. [W] s’est enquis auprès de M. [T] de savoir comment détenir un visa pour vivre et travailler en France, la procédure à suivre pour faire venir leur nounou en France aux fins qu’elle réside avec eux et celle pour rapatrier leur chien.

Si M. [W] travaille pour une société singapourienne, agence immobilière en Asie, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas négocié seul le contrat de bail puisqu’il a accepté l’assistance d’un mandataire, la société LIVEONRIVIERA.

Dans un mail du 27 juillet 2017, M. [W] explique qu’il a beaucoup d’expérience dans le domaine immobilier tout en reconnaissant qu’il ne connaît pas très bien comment fonctionne le système immobilier français.

D’ailleurs, la société LIVEONRIVIRA expose, dans sa réponse à ce mail le lendemain, qu’elle est en train de préparer le bail locatif et que leurs frais sont inclus dans celui-ci. C’est d’ailleurs cette société qui a traduit le bail en anglais avant sa signature.

Il résulte clairement de ces éléments antérieurs ou concomittants à la signature du contrat de bail que les propriétaires avaient connaissance de la volonté des locataires de s’installer et de résider en France de façon permanente et qu’il était dans leur intention de faire des lieux loués leur résidence principale et non secondaire.

Le fait que le bien litigieux soit en vente depuis fin 2015 ne suffit pas à établir que les époux [T] avaient la réelle volonté de le donner à bail de façon temporaire alors que la durée du bail a été fixée à cinq années, d’un commun accord.

De plus, il importe peu que l’adresse indiquée sur le bail soit située en Irlande alors que d’ailleurs les preneurs résidaient, avant leur déménagement, à Singapour.

De même, le fait que le site internet de la société [W] CONSULTANTS GROUP PLC daté du 13 août 2019, soit postérieurement à la fin du bail, indique, de façon purement déclarative, que son directeur doit résider à Singapour et que M. [W] y vit de manière permanente ainsi que son épouse ne peut prévaloir sur la réelle volonté de ces derniers exprimée auprès des bailleurs de résider en France et d’y travailler.

En effet, M. [W] a fait explicitement savoir à M. [T] qu’il quittait son siège social à Singapour et qu’il gérerait son entreprise et son personnel de loin, souhaitant prendre une semi-retraite comme cela apparaît dans une page du site internet de sa société (ses pièces n°24 et 44).

Ainsi, même si les appelants ont donné congé suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 18 octobre 2018 à effet au 1er décembre 2018, il est établi qu’ils ont résidé plus de 8 mois dans les lieux loués dans l’année suivant la prise d’effet du bail et qu’ils s’y sont installés en en faisant leur résidence principale, avec l’intention de vivre en France sur le long terme comme d’ailleurs le montrent leurs déclarations sur les revenus 2018 et 2019 auprès du Fisc français.

Par conséquent, il convient de requalifier le contrat de bail conclu entre les parties conformément aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 en bail d’habitation de résidence principale.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Comment prouver la résidence principale ?

Le juge va recourir à la technique du faisceau d’indices :

  • Adresse sur la carte d’identité ou de séjour
  • Recencement
  • Assurance habitation mentionnant “résidence principale”

Modèle gratuit Word docx pdf de contrat de bail code civil

3 réflexions sur “Bail code civil ou résidence secondaire : est-ce légal ?”

  1. Thomas Giraud

    Maître,
    Merci d’avoir posté cet excellent article.
    Vous rappelez qu’il est possible de recourir à un bail code civil si le bien loué n’est pas la résidence principale du preneur. Y a-t-il des démarches que le bailleur peut entreprendre, avant ou au moment de la signature du bail, pour se protéger contre une éventuelle requalification du bail code civil en bail loi de 1989 ? Ou suffit-il d’indiquer dans le bail que le bien loué constituera la résidence secondaire du preneur ?
    Merci par avance de votre réponse,

  2. Cher maître,
    Merci de cet article récapitulatif intéressant.
    Un bail civil sur plus de 8 mois mais pour un particulier disposant déjà de sa résidence principale (avec justificatif) et occupant uniquement ponctuellement le logement lors de ses déplacements professionnels est il bien valable légalement des lors que tout cela est bien justifié et acté au bail ?

    2/ quels sont les documents obligatoires à joindre à ce type de bail dans ce cadre ? Je crois que cela est plus souple/leger que le bail 89.

    Grand merci par avance de votre retour
    Bien à vous

  3. Cher Maître,
    Merci pour cet article très complet.
    Je me permets de seconder le commentaire précédent, et me questionne sur le sens de mettre en annexe la notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, sachant que celle-ci donne des conditions et droits, certainement liés à la loi 89, totalement différents que ceux définis par le bail code civil ; un exemple parmi tous, le Congé délivré par le bailleur qui est alors celui de la loi 89, c’est-à-dire pour occupation, vente ou faute grave du locataire.
    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047318946
    En vous remerciant par avance pour votre retour,
    Bien cordialement

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