Le développement des locations touristiques via des plateformes électroniques, telle Airbnb, a multiplié les litiges entre propriétaires et bailleurs. Il est en effet fréquent qu’un locataire sous-loue irrégulièrement sans avoir obtenu l’accord de son propriétaire.
Vous être propriétaire bailleur et vous louez un logement à un loyer “modeste”, que ce soit à cause de l’encadrement des loyers ou d’une vocation sociale, et vous apprenez que votre locataire loue l’appartement à la nuitée ce qu’il paye le mois.
Vous avez des raisons de sentir un dégoût voire une frustration, et c’est normal.
Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas sans défense !
Rappel : la sous-location est interdite
Par principe, la sous location sans l’accord exprès du bailleur est interdite (article 8 de la loi du 6 juillet 1989)
C’est important parce que tout le reste en découle : c’est ce caractère illicite qui va fonder la restituer des profits Airbnb.
Après avoir réaffirmé que le loyer constitue un fruit civil de la propriété, la Cour considère qu’il résulte de l’article 549 que « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi », ce que ne peut être un locataire, auteur de sous-locations interdites.
À défaut d’autorisation, le locataire est en effet un possesseur de mauvaise foi qui ne peut, en application de l’ article 549 du Code civil , prétendre faire siens les fruits de sous-locations illicites.
Attention : le bailleur ne doit pas avoir été informé et avoir accepté, même implicitement, cette sous location.
Le profit tiré de la sous location illicite revient entièrement au bailleur
Par deux arrêts ( Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727 : – Cass. 3e civ., 15 févr. 2023, n° 21-25.542; Cass. 3e civ., 21 sept. 2023, n° 22-18.251), la Cour de Cassation a jugé que les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire.
Les sous-loyers que le locataire perçoit d’une sous location non autorisée sont illicites et le propriétaire est en droit d’en réclamer le remboursement intégral parce qu’ils constituent des fruits civils qui lui appartiennent par accession. Tous les fruits perçus doivent donc être restitués au propriétaire
Il s’agit donc d’une méthode facile pour un bailleur de récupérer un profit sans exercer aucun travail de mise à disposition touristique.
L’étendue de la restitution
La Cour de Cassation (Cass. 3e civ., 21 sept. 2023, n° 22-18.251) refuse d’imputer le prix du loyer sur le montant des fruits, refusant la position de la cour d’appel de Paris (Plus précisément, le loyer principal payé au bailleur n’entre-t-il pas dans la catégorie des frais déductibles des fruits civils soumis à restitution. Cette thèse, défendue par certains auteurs (V. en particulier D. Richard et E. Taleb, art. préc.) avait été retenue par la cour d’appel de Paris dans cette affaire (CA Paris, pôle 4, ch. 4, 18 janv. 2022, n° 20/03672 : JurisData n° 2022-000584)
C’est donc l’intégralité des loyers airbnb qui doit être reversée au bailleur, peu importe le montant du loyer payé.
La cour d’appel de Paris s’est finalement pliée :
Sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire en application de l’article 548 du Code civil (Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727). Le loyer constitue un fruit civil de la propriété et le preneur, auteur de la sous-location illicite, ne peut être un possesseur de bonne foi. Il en résulte que les fruits de la sous-location appartiennent par accession au bailleur, et que le preneur, qui n’est pas un possesseur de bonne foi, ne peut prétendre à voir déduire du montant des fruits de la sous-location celui des loyers encaissés par le bailleur. Cour d’appel, Paris, Pôle 4, chambre 3, 25 Mai 2023 – n° 22/12455
La question se pose en revanche des frais engagés par le locataire :
- Agence de location
- Blanchisserie, prestations hotelieres, etc.
- Taxes et impots payés
Quelle preuve se constituer ?
Le bailleur doit démontrer l’existence d’une sous-location.
Les captures d’écran ne sont généralement pas admises, il faut faire un constat internet par un huissier.
Une telle preuve est d’autant plus facile à rapporter que les locataires imprudents passent par des plateformes en ligne pour proposer leur logement à la location. Il suffit alors au bailleur d’utiliser les données de cette plateforme pour démontrer une sous-location illicite (sur les conditions de recevabilité de cette preuve, V. CA Paris, ch. 3, 13 sept. 2019, n° 17/04038 : JurisData n° 2019-015960 ; Loyers et copr. 2019, comm. 191 ).
Cette demande se fait soit par référé contradictoire contre Airbnb soit par requête non contradictoire en cas de risque de disparition.
Contactez votre avocat spécialisé en recherche de preuves qui vous expliquera quelle preuve se constituer.
Quelle action judiciaire pour le bailleur ?
Le Bailleur peut engager une action judiciaire contre le Locataire en :
- Résiliation du bail
- Restitution des fruits
Et dans le futur, ça risque de changer ?
Non, l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux prévoit, dans un nouvel article 1711 du Code civil que « le locataire fait les fruits siens, sauf clause contraire ou sous-location interdite ». Une confirmation en somme du principe posé par la Cour de cassation.