Vous êtes actionnaire ou associé d’une société. Vous estimez que les dirigeants ont commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice à la société ou à vous-même. Quels sont vos droits et vos recours pour obtenir réparation ? Vous pouvez agir en justice contre les dirigeants en engageant deux types d’actions : l’action sociale et l’action individuelle. Quelles sont les différences entre ces deux actions ? Quelles sont les conditions et les conséquences de chacune d’elles ?
Voici quelques éléments de réponse.
Qu’est ce que l’action sociale ?
Il existe un régime de responsabilité propre aux dirigeants de droit qu’on appelle l’action sociale : Action en responsabilité exercée au nom et pour le compte de la société contre un dirigeant de droit qui par ses fautes lui a causé un dommage.
Cette action peut être intentée par le représentant légal de la société : on parle alors d’action ut universi.
Elle peut également être intentée pour le compte de la société par ses actionnaires : on parle alors d’action ut singuli.
L’action sociale ut singuli a été créée en oppotion à l'”action ut universi” que la société exerce par ses dirigeants sociaux.
L’action sociale en responsabilité ut singuli
L’action sociale ut singuli est une action menée par les associés/actionnaires exercée au nom et pour le compte de la personne morale pour obtenir la réparation de l’entier préjudice subi par la société du fait des fautes du dirigeant de droit
Qu’est-ce que l’action sociale en responsabilité ut singuli ?
L’action sociale est l’action en responsabilité civile des associés ou des actionnaires contre les dirigeants qui ont commis des fautes de gestion ayant causé un préjudice à la société. L’action sociale vise à réparer le préjudice social, c’est-à-dire la diminution de l’actif ou l’augmentation du passif de la société.
L’action sociale ut singuli a pour fondement l’existence, au moins potentielle d’un conflit d’intérêts entre le dirigeant et la société : l’action en responsabilité est dirigée contre le dirigeant qui est en même temps le représentant légal de la société.
Le fondement juridique de l’action sociale ut singuli
L’action sociale est fondée sur , qui dispose que “les dirigeants sont responsables, envers la société, des fautes qu’ils commettent dans leur gestion”.
Article du code | Société | Contenu du texte de loi |
Article 1843-5 du code civil | Société civile | “les dirigeants sont responsables, envers la société, des fautes qu’ils commettent dans leur gestion”. |
Article L. 223-22 du Code de commerce art. R. 223-31 | Société à responsabilité limitée (SARL) | “Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.” |
Article L225-252 du code de commerce | Société Anonyme (SA) | “Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, intenter l’action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.” |
Article L. 227-8 du code de commerce | Société par actions simplifiée (SAS) | “Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.” |
Le caractère dérogatoire de l’action sociale
Par principe, sauf pouvoir spécial, un associé ne peut pas agir au nom de la société (Cass. com., 6 déc. 1977, n° 76-11.061 – CA Paris 14-5-1991: Bull. Joly 1991 p. 728).
De nature dérogatoire, le législateur a créé l’action sociale ut singuli, strictement encadrée.
Le caractère exclusif de l’action sociale
L’action sociale est la seule action ouverte à l’actionnaire d’une société qui agit en réparation du préjudice subi par la société à l’exclusion de toute action prévue dans la loi.
Un associé ou un actionnaire ne peut agir au nom de la société qu’en responsabilité contre les dirigeants et uniquement surle fondement des textes régissant l’action ut singuli (C. com. art. L 223-22, al. 3 pour la SARL ; art. L 225-252 pour les sociétés par actions; C. civ. art. 1843-5, al. 1 pour les autres sociétés), à l’exclusion de tout autre, tel l’article L 225-41 du Code de commerce.
Par exemple, les actionnaires d’une SA ne peuvent pas exercer l’action sociale en responsabilité contre les personnes intéressées au sens des articles L 225-38 et L 225-41 du Code de commerce dès lors qu’elles ne sont pas dirigeantes de droit la société pour le compte de laquelle l’action est exercée. (Cass. com., 11 oct. 2023, n° 22-10.271, Publié au bulletin).
Ce qu’on peut demander par l’action sociale ut singuli
L’action ut singuli est limitée au domaine des actions en responsabilité contre les dirigeants sociaux.
Un actionnaire/associé ne peut exercer une action ut singuli
- en nullité (Cass. com., 16 octobre 1972, n° 70-13.691 ).
- en rescision pour lésion d’une vente d’immeuble préjudiciable à la société, quand bien même celle-ci serait en liquidation (Cass. com., 12 octobre 1954 , D. 1955, jurispr., p. 697, note J. Copper-Royer)
- ou bien encore interjeter appel d’une décision, au seul motif qu’elle causerait un grief à la société (Cass. com., 6 décembre 1977, n° 76-11.061).
Qui peut l’engager l’action sociale ?
L’action ut singuli est une action attitrée, action sociale, qui appartient aux associés en vue de la réparation du préjudice causé à la société dont ils sont directement associés.
L’action sociale est ouverte à un associé ou actionnaire quelle que soit la fraction du capital social qu’il possède. Lorsque l’associé ou actionnaire est une personne morale, c’est son représentant légal qui agit pour son compte.
L’action sociale ut singuli peut être exercée :
- Par un ou plusieurs associés ou actionnaires, individuellement ou collectivement. Il n’y a pas de condition de détention d’un pourcentage minimum du capital social pour agir. L’action sociale peut également être exercée par le liquidateur judiciaire en cas de liquidation de la société, ou par le ministère public en cas d’intérêt général.
- Par la société de gestion d’un fonds commun de placement (FCP) qui agit au nom des poteurs de parts du fonds pour faire valoir les droits attachés aux actions qu’il détient contre les dirigeants de la société dont le fonds est associé (Cass. com., 11 oct. 2023, n° 21-24.776)
Les associés de la société soumise à un plan ont qualité à agir en responsabilité contre les dirigeants de la société, l’indemnisation sollicitée ne pouvant être confondue avec une insuffisance d’actif. L’action ut singuli, qui tend à la réparation du préjudice subi par la société, échappe au monopole du commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde, lequel n’a qualité à agir qu’au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, qui est satisfait par l’adoption de ce plan. (Cass. com., 12 nov. 2020, n° 19-11.972, FS-P+B)
A l’inverse, les personnes suivantes ne peuvent pas engager l’action sociale ut singuli :
- L’actionnaire de la société mère pour la responsabilité des dirigeants des sociétés filles : Les dispositions de l’article L. 225-252 du Code de commerce n’autorisent les actionnaires à exercer l’action sociale ut singuli qu’à l’encontre des dirigeants de droit de la société dont ils détiennent les actions. Ayant constaté que les demandeurs n’étaient actionnaires que de la société mère et non de sa filiale, la cour d’appel en a déduit à bon droit que leur action sociale ut singuli formée contre les dirigeants de cette dernière était irrecevable. (Cass. com., 13 mars 2019, no 17-22128)
- Tout tiers
Qui récupère le profit tiré du procès ut singuli ?
Les dommages-intérêts obtenus profitent à la société.
Si l’action sociale aboutit, le tribunal peut condamner les dirigeants fautifs à verser des dommages-intérêts à la société. Les dommages-intérêts sont calculés en fonction du préjudice social effectivement subi par la société. Le tribunal peut tenir compte de la gravité de la faute, du rôle respectif des dirigeants, ou encore du bénéfice éventuel retiré par les dirigeants de leur faute.
Contre qui engager l’action sociale ?
La Cour de cassation a une lecture restrictive des textes régissant l’action ut singuli, justifiée par leur précision dans la désignation des personnes visées par l’action et son caractère dérogatoire.
Uniquement contre le dirigeant de droit et jamais le dirigeant de fait.
Le dirigeant de droit
Ainsi, ne peuvent être visées par l’action sociale ut singuli que les personnes suivantes faisant office de dirigeant de droit :
- gérant de société civile, de société en nom collectif et de société en commandite simple : C. civ. art. 1843-5, al. 1 ;
- gérant de SARL : C. com. art. L 223-22;
- administrateur, directeur général et membre du directoire de SA, gérant de société en commandite par actions, dirigeant de société par actions simplifiée et de société européenne : C. com. art. L 225-252
La prohibition contre toute autre personne que le dirigeant de droit de la société visée
A l’inverse, cette action ne peut pas être intentée contre des personnes qui ne sont pas visées par le texte, telles que
- un dirigeant de fait (Cass. corn. 21-3-1995 n° 93-13.721 P; Cass. com. 29-3-2017 n° 16-10.016 F-D)
- les dirigeants de la société mère qui sont ni administrateurs ni directeurs généraux de la société fille dont est actionnaire le demandeur (Cass. com., 11 oct. 2023, n° 22-10.271, Publié au bulletin).
- le liquidateur amiable de la société (Cass. com 21-6-2016 n° 14-26.370 FS-PB ; Cass. 3• civ. 5-12-2019 n° 18-26.102 FS-PBI)
- Les personnes intéressées au sens des articles L 225-38 et L 225-41 du Code de commerce, seules susceptibles de prendre en charge les conséquences préjudiciables à une SA d’une convention désapprouvée (Cass. com., 11 oct. 2023, n° 22-10.271, Publié au bulletin) comme les actionnaires, personnes physiques ou morales, disposant de plus de 10% des droits de vote toute société controlant une société actionnaire qui détient plus de 10 % des droits de vote ;
- des tiers (Cass. com 19-3-2013 n° 12-14.213 F-PB)
L’exception : le complice pénal
Un associé peut, par exception, intenter une action ut singuli contre les complices et receleurs d’un délit commis par le dirigeant social. Cette action est possible si le dirigeant a commis une faute qui lui est imputable et qui est liée aux délits de complicité et de recel. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 novembre 2019 (Cass. crim. 6-11-2019 n° 17-87.150 F-D).
Ce cas de figure découle du principe de la solidarité entre les personnes condamnées au pénal pour un même délit (CPP art. 480-1, al. 1).
L’action sociale ut singuli intentée par les actionnaires d’une société anonyme (SA) contre les complices et receleurs est ainsi recevable. Cette action peut être intentée même si l’action publique est éteinte à l’égard des auteurs principaux. Selon la chambre criminelle, cette exception est fondée sur l’article 480-1 du Code de procédure pénale.
L’action sociale ut singuli et les procédures collectives
La situation diffère selon qu’il existe ou non une insuffisance d’actif qui s’apprécie tout au long de la procédure.
L’action sociale ut singuli irrecevable en cas d’insuffisance d’actif
La Cour de Cassation a posé un principe clair de non-cumul de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et de la responsabilité des dirigeants sociaux pour violation des règles du droit des sociétés ou mauvaise gestion (Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-14.271 ; Cass. com., 17 nov. 2015, n° 14-13.421 .
Les conditions du principe de non-cumul des actions en responsabilité civile et en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre du dirigeant social sont :
- Une insuffisance d’actif ;
- L’existence d’une liquidation judiciaire ;
- Une action contre les seuls dirigeants ;
- Des fautes antérieures au jugement d’ouverture.
Dès lors qu’une insuffisance d’actif existe, peu importe qu’elle se soit déclarée après l’assignation, l’action ut singuli ne peut se poursuivre et doit être rejetée (CA Paris, 4 févr. 2021, n° 19/15149 ).
En cas d’insuffisance d’actif c’est exclusivement l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif qui est ouverte, à l’exclusion de l’action ut singuli.
Il s’agit de faire primer le monopole d’ordre public de la responsabilité pour insuffisance d’actif prévu à l’article L. 651-2 du Code de commerce.
Cette règle du non-cumul est hautement critiquable : l’action sociale qui répare le préjudice causé à la société devrait pouvoir être exercée aussi bien lorsque la société est in bonis que sous procédure collective avec une insuffisance d’actif.
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif étant attitrée (qualité exclusive du liquidateur), s’il décide de ne pas l’exercer, l’actionnaire se retrouve démuni (Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-16.126).
L’action sociale ut singuli recevable en cas de redressement ou liquidation judiciaire sans insuffisance d’actif
Une action en responsabilité ut singuli est possible même en cas de liquidation judiciaire dès lors qu’aucune insuffisance d’actif n’est apparue (Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-14.271) ou n’est alléguée (Cass. com., 28 mars 2000, n° 97-11.533 : Bull. civ. IV, n° 70, p. 58).
Une société avait engagé une action en responsabilité à l’encontre de l’un de ses anciens dirigeants, cette action a pu être reprise par le liquidateur dès lors que celui-ci n’invoquait aucune insuffisance d’actif (Cass. com., 28 mai 2002, n° 98-20.333, FS-D).
Plus récemment, un arrêt affirme que seule l’absence d’une insuffisance d’actif autorise le liquidateur à poursuivre l’action introduite sur le fondement du droit commun (Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-13.421 ; Rev. proc. coll. 2016, comm. 94, note A. Martin-Serf ; RJDA 2015/10, n° 669, p. 678, 2e esp.).
Ainsi, en cas de redressement judiciaire, l’action sociale ut singuli devient recevable (Cass. com., 26 juin 2006, n° 05-14.271).
Cependant, si au cours de la procédure la société se retrouve en liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, la procédure devient rétroactivement irrecevable. En effet, si la recevabilité d’une action s’apprécie au jour où elle est introduite, l’ouverture de la procédure collective a une incidence sur l’action sociale. En effet, si cette dernière prospère la condamnation pécuniaire que le dirigeant aura à payer reviendra à la société, en l’espèce au liquidateur qui représente la société et, en cas d’insuffisance d’actif, les sommes payées viendront combler cette insuffisance. De fait, si le liquidateur constate une insuffisance d’actif il devra introduire une action en responsabilité sur ce fondement sauf à considérer qu’il dispose d’un choix sur le fondement de son action, ce qui serait contraire aux principes d’ordre public qui régissent les procédures collectives. Ainsi, dès lors qu’il existe une insuffisance d’actif l’action ut singuli ne peut se poursuivre et doit être rejetée.
Prescription de l’action sociale ut singuli
L’action sociale doit être intentée dans les trois ans suivant le fait dommageable ou sa révélation si celle-ci est postérieure.
Quel est le tribunal compétent ?
L’action sociale relève de la compétence du tribunal de commerce.
Qu’est-ce que l’action individuelle ?
L’action individuelle est l’action en responsabilité civile des associés ou des actionnaires contre les dirigeants qui ont commis des fautes de gestion ayant causé un préjudice personnel et distinct à l’un ou plusieurs d’entre eux.
L’action individuelle vise à réparer le préjudice individuel, c’est-à-dire la perte subie par l’associé ou l’actionnaire du fait de la faute du dirigeant.
L’action individuelle est fondée sur l’article 1240 du code civil, qui dispose que “tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.
Le caractère personnel du préjudice de l’actionnaire associé
L’action individuelle peut être exercée par tout associé ou actionnaire qui justifie d’un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société. Il faut donc démontrer que la faute du dirigeant a porté atteinte aux droits propres de l’associé ou de l’actionnaire, et non pas seulement à ses intérêts patrimoniaux liés à sa qualité d’associé ou d’actionnaire.
Lorsqu’un tiers a commis une faute envers une société (généralement, il s’agit d’tm cocontractant de celle-ci), un associé ou actionnaire n’est recevable à exercer une action en responsabilité contre le tiers que s’il est en mesure de prouver qu’il a subi un préjudice personnel distinct de celui de la société (notamment, Cass. com. 8-2-2011 n° 09-17.034 F-PB: RJDA 5/11 n° 421; Cass. corn. 30-5-2018 n° 17-10.393 F-D)
Le préjudice non personnel de l’actionnaire
Tel n’est pas le cas du préjudice résultant de la perte de valeur des titres consécutive à l’amoindrissement du patrimoine social (Cass. corn. 8-10-2013 n° 12-18.252 F-D: RJDA 1/14 n° 37; Cass. com. 26-4-2017 n° 15-20.054 F-D : RJDA 7/17 n° 461). Ainsi, l’actionnaire d’une société victime d’agissements parasitaires commis par une autre société ne peut pas obtenir de cette dernière, à titre d’indemnisation, une quotepart du manque à gagner subi par la société (Cass. com. 30-5- 2018 n° 17-30.393).
Le préjudice personnel et distinct doit être distinct de celui subi par la société elle-même (Cass. com., 9 déc. 2014, no 13-21557).
Le préjudice personnel de l’actionnaire
Les préjudices individuels de l’actionnaire sont :
- La perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ou d’avoir obtenu un meilleur investissement (Cass.com. 5 juin 2019, n° 16-10391)
- Rétention, détournements de fonds appartenant à l’associé (Cass. civ., 26 nov. 1912)
- Détournement de titres appartenant à l’associé (Cass. req., 22 juin 1936)
- Aucun dividende n’a été distribué durant plusieurs années (CA Paris, 15 déc. 1995)
- Augmentation de capital obtenue par des allégations mensongères (Cass. com., 9 mars 2010, no 08-21.547)
- Diffamation par un dirigeant au sein d’une assemblée générale (CA Montpellier, 31 mars 1966)
Même en cas d’insuffisance d’actif
La Cour de cassation a admis la recevabilité de l’action exercée par un associé à l’encontre des dirigeants d’une société faisant l’objet d’une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture. La chambre commerciale subordonne la recevabilité de l’action « à l’allégation d’un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure collective fasse apparaître une insuffisance d’actif ». Il n’y a pas dans ce cas à démontrer l’existence d’une faute séparable des fonctions, ce qui rend possible, par exemple, l’indemnisation des associés victimes de la dissimulation par les dirigeants de la situation financière de la société.
L’action individuelle doit être intentée dans les cinq ans suivant le fait dommageable ou sa révélation si celle-ci est postérieure. L’action individuelle relève de la compétence du tribunal judiciaire.
Si l’action individuelle aboutit, le tribunal peut condamner les dirigeants fautifs à verser des dommages-intérêts à l’associé ou à l’actionnaire qui a agi. Les dommages-intérêts sont calculés en fonction du préjudice individuel effectivement subi par l’associé ou l’actionnaire. Le tribunal peut tenir compte de la gravité de la faute, du rôle respectif des dirigeants, ou encore du bénéfice éventuel retiré par les dirigeants de leur faute.
Le préjudice personnel distinct de la qualité d’associé
Pour dol
L’acquisition d’actions à un prix ne correspondant pas à leur valeur réelle caractérise bien un préjudice que l’acquéreur actionnaire avait bien personnellement subi à la suite d’agissements dolosifs. L’actionnaire d’une société, qui, après avoir acheté les actions d’un autre actionnaire, lui reproche des agissements antérieurs à la cession préjudiciables à la société et ayant eu une incidence sur la valeur des actions, a un intérêt personnel à agir en responsabilité contre ce dernier (Cour de cassation, 1re chambre civile, 27 Septembre 2023 – n° 22-15.146).
C’est en qualité de cessionnaire et non d’actionnaire que le demandeur agissait.
“Sur ce, dans la mesure où les appelants invoquent non pas une dévalorisation de leurs titres, mais un prix d’acquisition ne correspondant pas à leur valeur réelle en raison d’agissements dolosifs, les intimés ne sont pas fondés à invoquer l’irrecevabilité de ces demandes, qui ne ressortissent pas directement à leur qualité d’associés.”
Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 1, 15 Février 2022 – n° 20/00253 – confirmé par Cass
Quelles sont les différences entre l’action sociale et l’action individuelle ?
L’action sociale et l’action individuelle se distinguent par plusieurs aspects :
- L’objet : l’action sociale vise à réparer le préjudice social, c’est-à-dire celui subi par la société, tandis que l’action individuelle vise à réparer le préjudice individuel, c’est-à-dire celui subi par l’associé ou l’actionnaire.
- Le bénéficiaire : l’action sociale profite à la société, qui reçoit les dommages-intérêts, tandis que l’action individuelle profite à l’associé ou à l’actionnaire, qui reçoit les dommages-intérêts.
- La condition de recevabilité : l’action sociale suppose une faute de gestion ayant causé un préjudice à la société, tandis que l’action individuelle suppose une faute de gestion ayant causé un préjudice personnel et distinct à l’associé ou à l’actionnaire.
- Le délai de prescription : l’action sociale se prescrit par trois ans, tandis que l’action individuelle se prescrit par cinq ans.
Conclusion
L’action sociale et l’action individuelle sont deux actions en responsabilité civile qui permettent aux associés ou aux actionnaires d’une société d’obtenir réparation des fautes de gestion commises par les dirigeants. Ces actions sont soumises à des conditions et des conséquences différentes. Il convient donc de choisir celle qui est la plus adaptée au cas d’espèce. Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur ces actions ou sur votre situation personnelle, n’hésitez pas à me contacter.
Action sociale | Action individuelle |
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Objet : réparer le préjudice social | Objet : réparer le préjudice individuel |
Bénéficiaire : la société | Bénéficiaire : l’associé ou l’actionnaire |
Condition : faute de gestion ayant causé un préjudice à la société | Condition : faute de gestion ayant causé un préjudice personnel et distinct à l’associé ou à l’actionnaire |
Délai : trois ans | Délai : cinq ans |
Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur ces actions ou sur votre situation personnelle, n’hésitez pas à me contacter.