Le référé rétractation d’une ordonnance sur requête

L’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour but de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. C’est l’unique voie qui existe pour contester une ordonnance sur requête (c’est-à-dire une ordonnance obtenue de manière non contradictoire).

Qui peut demander la rétractation (qualité à agir) ?

En cas d’admission de la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance (CPC art. 496, al. 2).

Seuls les tiers peuvent demander au juge de rétracter l’ordonnance qu’il a rendue. Naturellement, encore faut-il qu’ils aient intérêt à solliciter cette rétractation ; en somme, sans aller jusqu’à établir le bien-fondé de la demande de rétractation (Cass. civ. 2, 22 mars 2018, n° 17-10.235, F-D ), il faut qu’ils démontrent l’existence d’un intérêt à agir (CPC, art. 31).

  • La personne à laquelle a été opposée l’ordonnance a sans doute intérêt à en demander la rétractation. 
  • Le défendeur potentiel au procès envisagé a lui aussi un intérêt certain à solliciter la rétractation de cette ordonnance ; les éléments recueillis grâce à la mesure pourraient, en effet, lui être opposés. La Cour de cassation a même jugé qu’il est « nécessairement une personne intéressée […] même si cette ordonnance ne lui est pas opposée au sens du troisième de ces textes » (Cass. civ. 2, 1er septembre 2016, n° 15-19.799, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8821RYD) ; son intérêt est alors déduit de sa qualité de potentiel défendeur au procès envisagé.

Quel délai pour former le recours ?

Le référé aux fins de rétractation  :

  • n’est pas soumis à un quelconque délai particulier (Cass. 2e civ., 17 oct. 2002, n° 01-11.536 ) ;
  • est possible, alors même que le juge du fond est pourtant saisi de l’affaire (CPC, art. 497).

Quel est le juge de la rétractation ?

Le juge compétent est donc le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection qui a pris la mesure.

Tout tiers intéressé peut en « référer au juge qui a rendu l’ordonnance » (CPC, art. 496, al. 2).

Le terme de juge doit naturellement être entendu comme désignant la juridiction qui a rendu l’ordonnance sur requête et non la personne physique qui l’a effectivement rédigée et signée (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-66.338, F-P+B N° ). Il demeure que le président de la juridiction, appelé à statuer sur requête, est également généralement compétent pour statuer en référé, d’où certaines hésitations quant à l’identité du magistrat qu’il convient de saisir. Il faut considérer que la demande de rétractation de l’ordonnance donne naissance à une procédure de référé originale puisque son unique objet est de déterminer s’il y a lieu de rétracter ou de modifier l’ordonnance qui a été rendue.

C’est la juridiction qui a rendu la décision, statuant en référé, qui est appelée à connaître de la demande de rétractation (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Droit commun et droit spécial du procès civil, MARD, arbitrage, 35e éd., Dalloz, 2020, n° 1918 et 1955). Le tiers peut donc valablement saisir le juge des requêtes en référé d’une demande de rétractation (Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-21.925, F-B N° Lexbase : A27717R3) ; en revanche, parce qu’il s’agit d’un cas d’ouverture de référé autonome et original, un juge des référés, saisi ordinairement d’une demande relevant de ses pouvoirs juridictionnels, n’a pas le pouvoir de statuer incidemment sur une demande tendant à la rétractation d’une ordonnance sur requête (Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-11.323, F-P+B+I N° Lexbase : A05473M9).

Quelle est la procédure devant le juge de la rétractation ?

Devant le juge de la rétractation est suivie une procédure de référé ; il s’agit d’un référé original dont l’unique objet est de déterminer si la décision ordonnée par le juge doit ou non être maintenue dans l’ordonnancement juridique.

La procédure relève alors de la procédure contentieuse : « le référé tendant à la rétractation ou à l’annulation de l’ordonnance sur requête relève de la matière contentieuse, tant en première instance qu’en appel » (Cass. civ. 2, 30 janvier 2003, n° 01-01.128, FS-P+B) et se déroule comme en matière de référé ; la décision rendue par le juge sur la demande de rétractation demeure toutefois de nature provisoire et n’a pas autorité de la chose jugée au principal.

Quels sont les pouvoirs du juge de la rétractation (office) ?

Dans le cadre de ce recours en rétractation, le juge dispose des mêmes pouvoirs que ceux dont il disposait lorsqu’il a rendu l’ordonnance objet de la contestation.

Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est déjà saisi de l’affaire (CPC art. 497). Il doit rechercher, cette fois dans le cadre d’un débat contradictoire, si la requête était ou non fondée (Cass. 2e civ. 7-1-2010 n° 08-16.486).

Le juge saisi d’une demande en vue d’obtenir la rétractation d’une ordonnance rendue sur requête ne peut statuer qu’en exerçant les pouvoirs du juge des référés que lui confère l’article 496, al. 2 du CPC, et ce peu important l’intitulé de l’assignation par laquelle il est saisi (Cass. 2e civ. 19-2-2015 n° 13-28.223 F-PB : Bull. civ. II n° 42).

Toutefois, le contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du CPC, qui n’affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation (Cass. 2e civ. 17-3-2016 n° 15-12.456 F-PB : Bull. civ. II n° 79).

 Le juge, saisi d’une demande de rétractation, dispose d’un office limité : « l’instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet » (Cass. civ. 2, 9 septembre 2010, n° 09-69.936, FS-P+B ).

Il doit d’office rechercher « si la requête et l’ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement » (Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 19-20.801, FS-P . V. également Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 08-15.421, FS-P+B ). Il doit également apprécier le mérite de la requête au jour où il statue (Cass. civ. 2e, 17 septembre 2020, n° 18-25.946, F-D  ; Cass. com., 4 mars 2020, n° 17-28.598, FS-D N ; Cass. civ. 2, 15 mai 2014, n° 13-11.136, F-D  ; Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B  ; Cass. civ. 3, 2 octobre 2001, n° 99-12.382, inédit N ; Cass. civ. 2, 12 janvier 1994, n° 92-14.605, publié au bulletin) ; il peut alors prendre en considération des circonstances postérieures au dépôt de la requête (Cass. civ. 2, 12 janvier 1994, n° 92-14.605, publié au bulletin ).

En revanche, les conditions de recevabilité de la requête doivent être appréciées au moment du dépôt de cette dernière (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-66.338, F-P+B ). Ces solutions conduisent à penser que la nécessité de déroger au principe du contradictoire, qui constitue une condition de recevabilité de la requête, doit être appréciée au moment du dépôt de la requête : il en découle que le juge saisi d’une demande en rétractation ne peut se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l’ordonnance pour justifier qu’’il est dérogé au principe de la contradiction (Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-22.349, F-B  V. également Cass. civ. 2, 14 janvier 2021, n° 19-25.206, F-D).

Mais, dans tous les cas, le juge ne peut porter son regard au-delà du prononcé de la mesure sur requête ; il ne lui appartient pas de déterminer si la mesure a bien ou mal été exécutée. À propos des mesures d’instruction ordonnées avant tout procès, il a ainsi été jugé que « le contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, qui n’affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation » (Cass. civ. 2, 17 mars 2016, n° 15-12.456, F-P+B ; v. également : Cass. civ. 2, 8 février 2006, n° 05-14.198, FS-P+B+R).

Effets de l’ordonnance contradictoire du juge de la rétractation

Si le juge des requêtes rétracte l’ordonnance, les mesures qui avaient été ordonnées sont alors privées de tout fondement juridique : « le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle » (Cass. civ. 2, 5 janvier 2017, n° 15-25.035, FS-P+B) ; la production des éléments recueillis grâce à l’ordonnance rétractée heurterait le principe de loyauté dans l’administration de la preuve (Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-18.088, F-D).

Jugé que lorsque l’ordonnance ayant ordonné la mesure d’instruction est rétractée, le rapport du technicien établi en exécution de cette décision ne peut produire aucun effet (en ce sens, en contentieux commercial, mais solution transposable, Cass. 2e civ. 4-6-2015 n° 14-17.699 F-PB : Bull. civ. II n° 144).

Le juge qui prononce la rétractation d’une ordonnance sur requête doit nécessairement constater la perte de fondement juridique des mesures d’instruction exécutées sur le fondement de cette ordonnance, et la nullité qui en découle (Cass. 2e civ. 5-1-2017 n° 15-25.035 F-PB : Bull. civ. II n° 2).

Voies de recours contre l’ordonnance contradictoire du juge de la rétractation

La décision rendue, à l’issue de ce débat contradictoire, est une ordonnance de référé contradictoire. La décision modifiant ou rétractant l’ordonnance initiale présente une nature contentieuse et peut, à son tour, faire l’objet d’un appel.

Si le juge rejette la demande de rétractation de l’ordonnance, le tiers qui a exercé le référé-rétractation peut interjeter appel (Cass. civ. 2, 4 juillet 2007, n° 05-20.075, FS-D  ; Cass. civ. 2, 17 février 1998, n° 94-13.183, inédit  ; Cass. civ. 2, 24 avril 1989, n° 88-10.941, publié au bulletin ).

Si l’ordonnance sur requête est rétractée, Le requérant peut interjeter appel de cette décision de rétractation dans les quinze jours de la notification de l’ordonnance en application de l’article 490 du Code de procédure civile.

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