Mise en cause des organes de la procédure collective (+modèle)

Lorsqu’une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) est ouverte, le créancier en demande doit “mettre en cause les organes de la procédure”.

Cette phrase, entendue partout mais jamais vraiment définie, que veut-elle dire exactement ? Que doit faire le créancier ? Qui doit-il assigner ? Comment les assigner ?

Voici un article pour y voir plus clair.

Fondements juridiques

Sauvegarde

Article L622-22

“Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Le débiteur, partie à l’instance, informe le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.”

Redressement judiciaire

Article L631-14

“Les articles L. 622-3 à L. 622-9, à l’exception de l’article L. 622-6-1, et L. 622-13 à L. 622-33 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire, sous réserve des dispositions qui suivent. (…)
Lorsque l’administrateur a une mission de représentation, il exerce les prérogatives conférées au débiteur par le II de l’article L. 622-7 et par le troisième alinéa de l’article L. 622-8. En cas de mission d’assistance, il les exerce concurremment avec le débiteur.”

Liquidation judiciaire

Article L641-3

“Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l’article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l’article L. 622-28 et par l’article L. 622-30.

Le principe d’interruption des instances en cours

Sous réserve des instances prud’homales, les instances introduites par les créanciers avant le jugement d’ouverture – dites instances en cours – sont interrompues, mais elles peuvent être reprises seulement pour constater les créances et en fixer le montant (C. com. art. L 622-22, L 631-14, al. 1 et L 641-3, al. 1).
Cette règle est d’ordre public international (Cass. 1e civ. 5-2-1991 n° 89-14.382 : Bull. civ. I n° 44).

Ne sont pas en cours les actions :

  • à propos desquelles les débats ont été ouverts après le jugement d’ouverture (Cass. com. 10-10-1995 n° 93-18.401 D : RJDA 1/96 n° 124 ; Cass. com. 3-4-2019 n° 17-27.529 F-PB) ;
  • définitivement jugées ; il en est ainsi de l’action qui a donné lieu à une décision frappée d’un pourvoi en cassation car elle est passée en force de chose jugée (Cass. com. 14-6-1994 : RJDA 12/94 n° 1368), seuls les recours suspensifs faisant obstacle à la force de chose jugée (CPC art. 500) ;
  • formées après le jugement d’ouverture, telles une action reconventionnelle (Cass. com. 9-11-2004 n° 1596 : RJDA 3/05 n° 296 ; CA Angers 3-6-2002 n° 01-1711 : Rev. proc. coll. 2003.316 n° 6 obs. Staes) ou une requête en injonction de payer (Cass. com. 19-6-2012 n° 11-18.282, 1e esp. : Rev. proc. coll. 2013 n° 2 § 47 note Staes) ;
  • qui ont abouti à une décision exécutoire par provision, laquelle a donné lieu au paiement ordonné de la créance et ainsi à l’extinction de cette dernière (Cass. com. 15-2-2012 n° 09-71.487 : Rev. proc. coll. 2012 n° 3 § 64 note Staes).
    Ne peuvent être considérées comme étant en cours que les actions qui tendent à obtenir une décision définitive sur l’existence et le montant de la créance (Cass. com. 23-5-2000 : RJDA 11/00 n° 1018), ce qui n’est pas le cas de l’instance en référé qui tend à obtenir la condamnation provisionnelle du débiteur (Cass. com. 6-10-2009 n° 08-12.416 : RJDA 12/09 n° 1105 ; Cass. com. 2-10-2012 n° 11-21.529 : Rev. proc. coll. 2013.45 note Staes ; Cass. com. 19-9-2018 n° 17-13.210 F-PB : RJDA 12/18 n° 926).

La cour d’appel, statuant sur l’appel formé par le débiteur contre une ordonnance de référé l’ayant condamné au paiement d’une provision avant l’ouverture de la procédure collective, doit infirmer cette ordonnance et dire qu’il n’y a pas lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l’interdiction des poursuites édictée par l’article L 622-21 du Code de commerce (Cass. com. 26-6-2019 n° 18-16.777 D : RJDA 11/19 n° 701 ; Cass. com. 23-10-2019 précité).
En l’absence d’instance en cours à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective du débiteur, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu’en suivant la procédure de vérification des créances (Cass. com. 17-2-2015 n° 13-27.117 F-D : JCP G 2015 n° 563 note Y. Dagorne-Labbe ; Cass. 3e civ. 24-6-2021 n° 20-15.886 F-D : RJDA 12/21 n° 785).

Les effets de la procédure d’insolvabilité européenne sur les instances en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’État membre dans lequel une instance est en cours (Règl. UE 2015/848 du 20-5-2015 art. 18).

Modalités de reprise des actions interrompues

En réalité, les formalités sont doubles pour le créancier :

  1. Mettre en cause les organes
  2. Mais surtout déclarer sa créance

Les instances sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont reprises de plein droit à l’initiative du créancier demandeur, sur justification de cette déclaration, et mise en cause des organes de la procédure (C. com. art. L 622-22, al. 1, L 631-14, al. 1 et L 641-3, al. 1).

Déclaration de la créance

La déclaration de sa créance par le créancier poursuivant est un préalable obligatoire à la reprise de l’instance interrompue par l’ouverture de la procédure collective du débiteur.

Elle s’impose notamment au créancier qui réclame par une demande reconventionnelle une créance, peu important que la reprise de la demande principale soit régulière (Cass. com. 28-4-1998 : RJDA 8-9/98 n° 1006 ; rappr. Cass. com. 5-5-2015 n° 14-10.631 F-D : Rev. proc. coll. 2015 n° 6 § 184 note Staes).
La déclaration ne met fin à l’interruption que si elle a été faite dans le délai légal ou si le créancier retardataire a été relevé de la forclusion encourue (CA Paris 28-1-1988 : D. 1988.som.385 obs. Honorat). Le créancier peut bénéficier d’un délai pour justifier de ces conditions (CA Paris 16-3-1995 : D. 1995.IR.103).
À défaut de déclaration, les conditions de la reprise d’instance ne sont pas réunies, même si la créance du créancier forclos n’est pas éteinte ; l’instance demeure interrompue jusqu’à la clôture de la procédure collective (Cass. avis 8-6-2009 n° 0090002 P : RJDA 12/09 n° 1106 ; Cass. com. 5-5-2015, précité).
En pratique, le créancier poursuivant doit produire, auprès de la juridiction saisie de l’instance interrompue, une copie de sa déclaration de créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste des créances (C. com. art. R 622-20, R 631-20 et R 641-23).

Mise en cause des organes de la procédure

La reprise ne peut intervenir qu’après que le créancier a mis en cause dans l’instance :

  • Pour la sauvegarde :
    • le mandataire judiciaire
    • le cas échéant, l’administrateur lorsqu’il a pour mission d’assister le débiteur
    • le cas échéant, le commissaire à l’exécution du plan
  • Pour un redressement judiciaire : (C. com. art. R 622-20 et R 631-22, al. 2)
    • le mandataire judiciaire
    • l’administrateur quelle que soit sa mission
    • si le plan a été arrêté, le commissaire à l’exécution du plan ;
  • Pour la liquidation judiciaire:
    • le liquidateur judiciaire uniquement (art. R 641-23 ; Cass. 2e civ. 8-1-1997 n° 95-11.954 PB : RJDA 8-9/97 n° 1100).

En pratique, le créancier doit assigner le ou les organes précités en intervention forcée à l’instance, à moins que ceux-ci ne prennent l’initiative d’y participer par voie d’intervention volontaire.

En cas de pluralité d’organes de même nature : un seul suffit

Lorsque le jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire a désigné deux co-liquidateurs, chacun des deux co-liquidateurs dispose, en l’absence de toute disposition contraire de cette décision, de l’entier pouvoir d’exercer les droits et actions de l’entreprise en liquidation. Par suite, l’assignation délivrée à l’un seulement de ces co-liquidateurs suffit pour lier l’instance d’appel interrompue par l’ouverture de la procédure collective. Cass. 2e civ. 8 janvier 1997, n° 20 PB, Sté Stinox c/ Rambour ès qual. ;

Comment mettre en cause les organes ?

Il faut les assigner en intervention forcée

L’intervention forcée ou volontaire : tout ce qu’il faut savoir

Décision : modifier son dispositif !

Le dispositif doit être le suivant :

  • CONSTATER la créance du requérant
  • FIXER LA CREANCE du requérant à la somme de XX

La juridiction saisie ne peut pas se déclarer incompétente et renvoyer l’affaire au juge-commissaire (Cass. com. 3-11-2009 n° 08-20.490 : RJDA 3/10 n° 263).

Le montant de la créance est arrêté par cette juridiction, dans les limites de celui déclaré (Cass. com. 13-5-2014 n° 13-11.296 F-D : RJDA 7/14 n° 624) ; il est admis tel quel au passif du débiteur, le juge-commissaire étant dessaisi de la question (Cass. com. 31-5-2016 n° 14-24.115 : RTD com. 2016.841 obs. Martin-Serf). La décision ayant eu pour seul objet de fixer le montant de la créance ne vaut pas titre exécutoire et ne peut donc pas servir de fondement à une mesure d’exécution forcée pratiquée par le créancier à l’égard du débiteur (Cass. com. 4-7-2018 n° 16-22.986 FS-D : D. 2018.1833 note Cagnoli ; Cass. com. 8-1-2020 n° 18-22.462 F-D : RJDA 3/20 n° 160).
Le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal qui a ouvert la procédure collective une expédition de cette décision ; le greffier avise le mandataire judiciaire ainsi que l’administrateur et le commissaire à l’exécution du plan, s’il y a lieu, ou le liquidateur judiciaire de toute modification ainsi apportée à l’état des créances (C. com. art. R 624-11, R 631-29 et R 641-28). Aucune disposition de la loi n’impose au créancier bénéficiaire d’une décision passée en force de chose jugée rendue après reprise d’une instance en cours de faire porter sa créance par le greffier sur l’état des créances, dans un certain délai, à peine de forclusion (Cass. com. 21-2-2006 n° 04-20.135 F-PB : Bull. civ. IV n° 44).

Défaut d’accomplissement des formalités de reprise

La procédure est toujours en cours

 “elle constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée par une partie en tout état de cause y compris en appel », (CA Amiens, 13 avr. 2023, n° 21/00548 : JurisData n° 2023-006147)

à défaut, le juge serait tenu de la relever d’office en respectant le principe du contradictoire. 

Il appartient à la juridiction saisie de vérifier la régularité de la reprise d’instance et à cette fin d’apprécier la validité de la déclaration de créance (Cass. com. 22-6-1993 : RJDA 1/94 n° 93 ; Cass. com. 3-12-2003 n° 99-12.653 FS-P : RJDA 4/04 n° 476).

Le jugement de condamnation a été rendu

Quant au jugement de condamnation rendu alors que l’instance a été interrompue par l’effet de la procédure collective, il est réputé non avenu conformément au droit de la procédure civile (CPC, art. 369 et 372), l’instance n’ayant pas été – valablement – reprise.

À défaut pour le créancier poursuivant de justifier de sa déclaration de créance, sa demande doit être rejetée et, dès lors, doit être ordonné le remboursement des sommes versées avant l’ouverture de la procédure collective au titre de l’exécution provisoire du jugement (Cass. com. 5-10-1993 : RJDA 11/93 n° 953).

Si un jugement a été prononcé sur l’instance pendante au moment du jugement d’ouverture sans que les organes de la procédure aient été mis en cause, ce jugement obtenu après interruption de l’instance, même passé en force de chose jugée, est réputé non avenu, à moins qu’il ne soit expressément ou tacitement confirmé par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue (CPC art. 369 et 372 ; Cass. com. 11-5-1993 : RJDA 1/94 n° 99 ; Cass. com. 26-1-2010 n° 09-11.288 : RJDA 6/10 n° 650 ; Cass. com. 14-9-2022 n° 21-12.235 F-D : RJDA 12/22 n° 704) ; cette ratification incombe à l’administrateur ou au liquidateur (décisions précitées). L’interruption n’étant prévue qu’au profit du débiteur, seul lui ou le liquidateur après sa mise en liquidation judiciaire peut se prévaloir du caractère non avenu de la décision, et non le créancier (Cass. com. 13-12-2017 n° 16-21.375 F-D : Rev. proc. coll. 2018 n° 2 § 71 note Staes).

Modèle d’assignation aux fins de mise en cause des organes

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