Arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur en procédure collective 

Voici un des principes classiques du droit des procédures collectives.

La prohibition des nouvelles instances à compter de l’ouverture

Le jugement ouvrant la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaires d’une entreprise interdit aux créanciers d’agir individuellement contre celle-ci, notamment pour obtenir le paiement d’une créance antérieure (C. com. art. L 622-21, L 631-14, al. 1 et L 641-3, al. 1).

L’interruption des instances en cours à compter de l’ouverture

Si une instance en paiement est en cours à la date du jugement d’ouverture, elle est interrompue jusqu’à ce que le créancier poursuivant déclare sa créance et appelle les organes de la procédure à participer à l’instance, mais elle ne tend plus alors qu’à la constatation de la créance et à la fixation de son montant (C. com. art. L 622-22, L 631-14, al. 1 et L 641-3, al. 1). En d’autres termes, l’instance reprise ne peut pas aboutir à la condamnation de l’entreprise débitrice à payer la créance (Cass. com. 11-5-1993 no 91-11.951 P : Bull. civ. IV no 182 ; Cass. com. 7-9-2022 no 20-20.404 F-D  ; Cass. com. 18-10-2023 no 21-14.513 F-D : ).

La liberté limitée après l’arrêté du plan selon la date de naissance de la créance

Créances antérieurs à l’arrêt du plan

La décision arrêtant le plan de redressement ne met pas un terme à la suspension des poursuites individuelles engagées contre l’entreprise. Cette protection demeure applicable, y compris lorsque l’instance est reprise et que l’entreprise bénéficie d’un plan de sauvegarde ou de redressement.

En effet, bien que l’adoption du plan ait pour effet de replacer l’entreprise à la tête de ses biens, lui conférant ainsi la qualité d’« in bonis » (Cass. com., 21 févr. 2006, n° 04-10.187, FS-PB), cela ne signifie pas pour autant que les créanciers retrouvent immédiatement leur droit de poursuivre individuellement le recouvrement de leurs créances. Le principe de l’arrêt des poursuites individuelles demeure en vigueur, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans plusieurs décisions récentes (Cass. com., 7 sept. 2022, n° 20-20.404, F-D : RJDA 1/23 n° 42 ; Cass. com., 18 oct. 2023, n° 21-14.513, F-D).

Créances postérieures à l’arrêt du plan

Les créances nouvelles nées après l’arrêté du plan sont recouvrées selon le droit commun (Cass. com. 26-10-2022 no 21-13.474 F-B : RJDA 1/23 no 4 ; Cass. 3e civ. 25-1-2023 no 21-12.930 F-D), et donc sans immixtion des règles de la procédure collective.

Autrement dit, l’arrêté du plan de redressement ne met pas fin à la suspension des poursuites contre le débiteur mais les actions en paiement des nouvelles créances de celui-ci ne tombent pas sous le coup de cette suspension.

Question centrale : la date de naissance de chacune des créances invoquées

En cas de vice caché et procédure collective

La créance de l’acheteur au titre de la garantie des vices cachés naît au jour de la vente (notamment, rendus sous l’empire de la loi du 25-1-1985 mais transposables au régime actuel, Cass. com. 8-6-1999 no 96-18.840 P : RJDA 8-9/99 no 908 ; Cass. com. 18-2-2003 no 00-13.257 F-D). Si la vente a été conclue avant que le vendeur soit mis en procédure collective, la créance de l’acheteur afférente à la réduction du prix et à l’indemnisation de sa perte de jouissance est une créance antérieure et l’action en paiement tombe sous le coup de la règle de la suspension des poursuites (Cass. com. 18-2-2003).

En cas de condamnation à l’article 700 CPC

Le raisonnement est tout autre pour la créance relative aux frais de l’article 700 du CPC, qui naît de la décision qui statue sur ces frais (Cass. 3e civ. du 12-6-2002 no 00-19.038 FS-PB et Cass. com. 11-6-2002 no 00-12.289 FS-PB : RJDA 11/02 no 1171). Dans l’affaire Cass. com. 15-1-2025 no 23-21.768 F-D, Sté De Widehem automobiles c/ X, la condamnation du vendeur en application de l’article 700 du CPC était intervenue non seulement après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, mais surtout après l’arrêté du plan de redressement.

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