Le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle (CPC art. 25).
Fondements juridiques
Article 25
« Le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle. »
Article 26
« Le juge peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y compris ceux qui n’auraient pas été allégués. »
Article 27
« Le juge procède, même d’office, à toutes les investigations utiles.
Il a la faculté d’entendre sans formalités les personnes qui peuvent l’éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d’être affectés par sa décision. »
Article 28
« Le juge peut se prononcer sans débat. »
Article 29
« Un tiers peut être autorisé par le juge à consulter le dossier de l’affaire et à s’en faire délivrer copie, s’il justifie d’un intérêt légitime. »
- Code de procédure civile
- Livre II : Dispositions particulières à chaque juridiction. (Articles 750 à 1037-1)
Article 808
« La demande est formée par un avocat, ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. »
Article 809
« Le ministère public doit avoir communication des affaires gracieuses.
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. »
Article 810
« Un juge rapporteur est désigné par le président de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire est distribuée.
Il dispose, pour instruire l’affaire, des mêmes pouvoirs que le tribunal.
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. »
Article 811
« Le ministère public, s’il y a des débats, est tenu d’y assister ou de faire connaître son avis.
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date. »
Article 950
« L’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. »
Article 952
« Le juge peut, sur cette déclaration, modifier ou rétracter sa décision.
Dans le cas contraire, le greffier de la juridiction transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l’affaire avec la déclaration et une copie de la décision.
Le juge informe la partie dans le délai d’un mois de sa décision d’examiner à nouveau l’affaire ou de la transmettre à la cour. »
Article 953
« L’appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal judiciaire. »
Qu’est-ce que l’appel en matière gracieuse ?
L’appel en matière gracieuse est un recours qui permet de contester une décision rendue par un juge sans qu’il y ait de litige entre des parties. Il s’agit d’une procédure spéciale qui concerne des affaires où la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du demandeur, que la demande soit soumise au contrôle du juge. Par exemple, l’adoption, le changement de régime matrimonial, la déclaration d’absence, la rectification des actes d’état civil sont des affaires qui relèvent de la matière gracieuse.
Le juge est saisi en matière gracieuse lorsqu’il n’y a pas de litige, mais qu’une demande doit être soumise à son contrôle en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du demandeur (CPC, art. 25).
Qui peut faire appel en matière gracieuse ?
Le droit d’appel en matière gracieuse appartient :
- à la partie requérante en cas de rejet de la demande (CPC, art. 543) c’est-à-dire celle qui a formulé la demande initiale devant le juge, en cas de rejet de sa demande. ;
- aux tiers à qui le jugement de première instance a été notifié. Seule la voie de l’ appel est ouverte et non la tierce opposition (CPC, art. 583) ;
Le tiers auquel une ordonnance sur requête fait grief (et non un jugement au fond) ne dispose pas du droit d’ appel . Mais il peut s’adresser au premier juge pour demander la rétractation (CPC, art. 496).
S’il s’agit d’un jugement qui n’a pas été notifié, le tiers pourra former une tierce opposition (CPC, art. 583).
- au ministère public car il a pour mission de veiller au respect de l’ordre public et à la protection des intérêts généraux.. Attention : L’opposition du ministère public à une demande de rectification des actes de l’état civil donne à la procédure un caractère contentieux (Cass. 1re civ., 23 nov. 1976, n° 73-10.582).
Assistance et représentation
Ministère obligatoire
La procédure d’appel débute par la déclaration d’appel, acte auquel s’appliquent immédiatement les règles de la représentation. Lorsque la représentation est obligatoire, cette déclaration doit impérativement être établie par un avocat (CPC, art. 950). À défaut, l’appel encourt l’irrecevabilité, solution constamment affirmée par la jurisprudence (Cass. 2e civ., 5 janv. 1983 ; v. aussi JCP 1983. II. 20043, note Le Ninivin).
L’avocat rédigeant la déclaration d’appel doit être un avocat postulant devant la cour d’appel saisie. Cette exigence vise l’ensemble des avocats inscrits auprès d’un barreau du ressort de cette cour, et non les seuls avocats du barreau du tribunal ayant rendu la décision frappée d’appel (CPC, art. 808 ; Cass. 2e civ., 13 nov. 1985, n° 84-11.077 : Bull. civ. II, n° 171).
L’article 950 du CPC ouvre toutefois une faculté complémentaire : un officier public ou ministériel peut être habilité par un texte spécial à établir la déclaration d’appel.
Là encore, la sanction est radicale : une déclaration d’appel déposée au greffe sans ministère d’avocat (anciennement, sans avoué) est irrecevable (Civ. 2e, 5 janv. 1983, préc.).
La représentation par avocat est-elle obligatoire ?
Il est permis de répondre par l’affirmative.
La déclaration d’appel doit être faite soit par un avocat, soit par un officier public ou ministériel spécialement habilité, et aucun texte ne précise un régime dérogatoire quant au déroulement ultérieur de la procédure.
Une seule exception résulte d’un texte particulier : l’article R. 611-42 du Code de commerce prévoit que l’appel d’un jugement refusant l’homologation d’un accord de conciliation relève de la procédure gracieuse et dispense les parties du ministère d’avocat.
Interprétation a contrario — avec les limites classiques attachées à ce raisonnement — permet alors de soutenir que, pour toutes les autres matières, le ministère d’avocat demeure obligatoire.
Exception au ministère obligatoire ?
En principe, les parties sont assistées et représentées par un avocat postulant ; chaque partie ne peut se faire représenter que par l’une des personnes habilitées par la loi (CPC, art. 414).
Par dérogation, le ministère d’avocat n’est pas requis pour certains appels, notamment contre :
- les ordonnances du juge chargé de la surveillance du RCS (C. com., art. R. 123-141) ;
- les jugements refusant d’ouvrir une procédure de conciliation ou de proroger la mission du conciliateur (C. com., art. R. 611-26) ;
- les jugements refusant d’homologuer un accord de conciliation (C. com., art. R. 611-42).
Dans ces hypothèses, l’appelant peut se défendre seul ou se faire représenter par l’avocat de son choix, y compris un avocat n’appartenant pas au ressort de la cour d’appel.
La représentation par avocat est-elle obligatoire ?
Il serait permis de répondre par l’affirmative, dès lors que la déclaration devrait être faite par un avocat ou par un officier public ou ministériel habilité, et qu’aucun autre texte n’apporterait de précision sur le déroulement de la procédure. Seul l’article R. 611-42 du code de commerce préciserait que l’appel du jugement rejetant l’homologation en matière de procédure de conciliation relèverait de la procédure gracieuse et que les parties y seraient dispensées du ministère d’avocat. En interprétant ce texte a contrario — avec les aléas inhérents à une telle méthode — il serait possible de soutenir que le ministère d’avocat serait obligatoire dans toutes les autres matières.
Mon analyse divergente : la postulation ne s’applique pas
Selon moi, les règles classiques de postulation ne doivent pas s’appliquer dans ces matières.
La raison en est simple : la cour d’appel n’est pas directement saisie. L’appel est interjeté devant le tribunal dont l’ordonnance est contestée.
Dès lors, doivent s’appliquer les règles propres à la première instance.
C’est d’ailleurs ce que confirme l’article 953 CPC, selon lequel :
« L’appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal judiciaire. »
Cette formulation, rarement commentée, emporte des conséquences importantes :
- si, en première instance, l’avocat de n’importe quel barreau peut déposer la requête aux fins de mesures conservatoires ;
- alors, il peut également interjeter appel de la décision ayant rejeté cette requête ;
- les règles de postulation propres à la procédure ordinaire devant la cour d’appel ne sauraient donc s’appliquer mécaniquement à ces appels en matière gracieuse.
Cette dualité — interjeter appel devant le tribunal et suivre ensuite la procédure devant la cour — crée un régime hybride mais cohérent, qui échappe partiellement aux règles de postulation.
Cette interprétation n’est pas théorique : elle est validée par la pratique juridictionnelle.
J’ai moi-même obtenu, en tant qu’avocat au barreau de Paris, une décision favorable rendue par la cour d’appel d’Amiens dans une procédure de saisie conservatoire introduite via la procédure gracieuse, sans que ne soit opposée la moindre objection de postulation.
Comment déposer une requête auprès du juge de l’exécution (JEX) ?
Les matières concernées par l’appel gracieux
La procédure gracieuse s’applique à un ensemble déterminé de matières dont le point commun est l’absence d’adversaire et de litige actuel.
Elle intervient notamment :
– dans les affaires gracieuses stricto sensu, telles que l’adoption, le changement de régime matrimonial ou, plus largement, toutes les décisions que la loi soustrait au champ contentieux ;
– dans les demandes présentées par simple requête, notamment en matière de mesures conservatoires (par exemple sur le fondement de l’article 493 du CPC), ou encore en cas de refus d’homologation d’un accord amiable — domaine dans lequel l’appel relève expressément de la procédure gracieuse.
Relèvent également de cette matière :
– les ordonnances sur requête (CPC, art. 493 s.) ;
– la rectification des actes de l’état civil (CPC, art. 1048 s.) ;
– les requêtes aux fins d’adoption (CPC, art. 1165 s.) ;
– l’homologation d’un changement de régime matrimonial (CPC, art. 1301 s.) ;
– la désignation d’un administrateur ad hoc pour un mineur (CPC, art. 1210-2) ;
– la décision refusant la désignation d’un mandataire ad hoc pour le traitement des difficultés de l’entreprise (C. com., art. R. 611-20).
Comment distinguer procédure gracieuse et procédure contentieuse ?
La procédure gracieuse se caractérise par trois éléments structurants, qui la distinguent radicalement de la procédure contentieuse :
• l’absence de litige actuel :
L’existence d’un différend est incompatible avec la matière gracieuse. Lorsque survient un conflit — qu’il préexiste en réalité à la décision attaquée ou qu’il apparaît postérieurement — la procédure d’appel bascule dans le contentieux. La Cour de cassation l’a rappelé avec netteté : la découverte d’un litige, même après la décision, fait perdre à la procédure son caractère gracieux (Cass. 2e civ., 28 janv. 2016, n° 15-10.182) ;
• l’absence de contradicteur :
Le juge est saisi par une seule partie et statue sans débat contradictoire préalable, ce qui constitue l’essence même de la procédure gracieuse ;
• une saisine unilatérale du juge :
Le recours à la matière gracieuse découle soit directement des textes, qui la prescrivent (par ex. en matière de refus d’homologation d’accord), soit de la jurisprudence, laquelle peut imposer l’application de la procédure gracieuse pour certaines décisions, y compris en appel.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que les décisions rendues par le bâtonnier en matière de suppléance doivent être frappées d’appel selon la procédure gracieuse (Cass. 3e civ., 16 nov. 2017, n° 16-24.642 ; Cass. 1re civ., 3 mai 2018, n° 17-16.454, P+B).
Comment faire appel en matière gracieuse ?
L’appel est formé par une déclaration faite ou adressée par lettre recommandée au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision par un avocat ou officier ministériel habilité (CPC, art. 950).
L’appel doit être motivé, même sommairement, car le premier juge peut, sur la déclaration d’appel, modifier ou rétracter sa décision.
Me Valentin SIMONNET
Le délai pour faire appel en matière gracieuse est de quinze jours à compter de la notification de la décision.
Le premier juge peut modifier ou rétracter sa décision sur la déclaration d’ appel .
Sinon, le dossier est transmis sans délai par le secrétaire de la juridiction à la cour (CPC, art. 952).
Si le premier juge refuse de modifier ou de rétracter sa décision, le dossier est transmis à la cour d’appel. La cour d’appel compétente est celle du ressort dont dépend le tribunal ayant rendu la première décision.
Forme et destinataire de la déclaration
La déclaration d’appel doit être faite verbalement ou adressée par lettre recommandée au greffe de la juridiction qui a rendu la décision (CPC art. 950) et non, comme en matière contentieuse, au greffe de la cour.
En cas de déclaration verbale, le greffier établit un procès-verbal et il délivre un récépissé.
Sur la forme, sont prohibés les appels :
- lettre simple : L’appel formé par lettre simple d’une partie est irrecevable (CA Grenoble 3-1-2011 n° 10/02219, 1e ch. civ.).
- Par télécopie/fax : « Les dispositions de l’article 950 du Code de procédure civile prévoient que l’appel contre une décision gracieuse est formé par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel, dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. La Cour de cassation a jugé qu’un appel formé par télécopie ne répond pas aux conditions de formation de l’appel contre une décision gracieuse (Cass. 2e civ. 8-6-1995 n° 93-10.775).
- RPVA /ebarreau : Cour d’appel, Toulouse, 4e chambre sociale, 1re section, 16 Novembre 2018 – n° 15/05154. Cependant, l’adoption de l‘arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel permettrait éventuellement de remettre en cause cette jurisprudence. Il pourrait cependant être objecté que l’appel est formé au greffe de première instance.
Sur le destinataire, toute déclaration d’appel formée au greffe de la cour d’appel est irrecevable, le juge relevant d’office cette fin de non-recevoir (Versailles, 9 juil/. 1980, Gaz. Pal. 1982. 1. Somm. 91). » (R. LAFFLY répertoire DALLOZ, procédure civile, Appel, procédure matière gracieuse, n°393).
La déclaration d’appel doit être signée par la personne qui conteste la décision ; à défaut, elle serait entachée d’un simple vice de forme et non d’une irrecevabilité (Cass. 2e civ. 23-5-2013 n° 12-16.933 : RJS 8-9/13 n° 639).
Le formalisme habituel concernant la déclaration d’appel en matière de procédure écrite n’a pas lieu de s’appliquer en cas de procédure sans représentation, et ce, même si les parties sont représentées ou assistées par un avocat (Cass. 2e civ. 29-9-2022 n° 21-23.456).
Contenu de la déclaration
La déclaration doit permettre d’identifier l’appelant, les autres parties s’il y en a, la décision dont il est fait appel et doit comporter la constitution d’avocat devant la cour. Peuvent, éventuellement, servir de modèle les éléments requis pour la déclaration d’appel dans les procédures contentieuses, avec et sans représentation obligatoire (CPC art. 901). En matière gracieuse, l’appel est recevable même en l’absence d’autres parties (CPC art. 547, al. 2). Dans ce cas, il ne sera pas dirigé contre un intimé.
La ré analyse par le jude de première instance
En cas de décision de rejet, la déclaration d’appel est faite par déclaration ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision et non au greffe de la cour d’appel puisque le juge de première instance peut alors « modifier ou rétracter sa décision ».
Même si généralement, le juge est d’accord avec lui-même, le fait d’attirer son attention sur certains points peut inverser la décision !
L’envoi par le greffe de la déclaration d’appel (15 jours)
Dans un délai d’environ 15 jours après l’envoi de la LRAR interjetant appel, le BOC du tribunal judiciaire adresse à l’avocat via sa toque la déclaration d’appel :
« DÉCLARATION D’APPEL N° XXX
Art. 950 et suivants du Code de Procédure Civile
l’an deux mil vingt trois et le XXXX
Nous, Directeur des services de greffe judiciaires au Tribunal judiciaire de
PARIS, constatons la réception d’une lettre datée du XXXX
émanant de : Me Valentin SIMONNET, vestiaire qui au nom de son·
client:
déclare interjeter APPEL
de la décision rendue le : – Chambre des requêtes par Monsieur Vice-président, statuant par délégation du président du Tribunal de céans.
Cette décision a rejeté la requête
DONT ACTE.
P/Le Directeur des services de greffe judiciaires »
Article 952 du Code de Procédure Civile :
« Le juge peut, sur cette déclaration, modifier ou rétracter sa décision.
Dans le cas contraire, le secrétaire de la juridiction transmet sans délai au secrétariat-greffe de la
cour le dossier de l’affaire avec la déclaration et une copie de la décision.
Le juge informe la partie dans le délai d’un mois de sa décision d’examiner à nouveau l’affaire ou de
la transmettre à la cour.«
L’enrôlement devant la cour d’appel (3 mois)
Dans les trois mois suivant l’acte de saisine, la cour d’appel adresse à l’appelant un courrier via RPVA l’informant de l’enrôlement de l’affaire et communiquant le numéro de RG :
« Maître,
Je vous informe que votre déclaration d’appel a été enrôlée sous le n° RG 23/XXX. Une date
d’audience en chambre du conseil vous sera communiquée ultérieurement.
Respectueusement,
Le greffe.«
Convocation à une audience
Le Greffe envoie par RPVA la convocation à l’audience qui se tient dans les 4 mois de l’acte de saisine :
« CONVOCATION : Je vous invite à vous présenter le : XXX 2023 à 14 H 00, salle Muraire, escalier T, 1er étage, date à laquelle sera entendue l’affaire en chambre du conseil« .
Quelle est la procédure devant la cour d’appel ?
Disclaimer : pourquoi cet article n’est pas clair
La procédure d’appel gracieux est une voie de recours assez rare, dont les décisions n’ont, par nature, pas vocation à être publiées dans les bases de données jurisprudentielles. On comprend aisément pourquoi : un débiteur n’a, par exemple, aucun intérêt à voir divulgué qu’un créancier a obtenu une autorisation de saisir ses comptes. Cette discrétion explique que le régime juridique de l’appel gracieux soit à la fois fluctuant et hétérogène dans sa mise en œuvre par les juridictions.
En effet, les textes du Code de procédure civile offrent un cadre relativement limité et parfois imprécis, si bien que les pratiques diffèrent sensiblement d’une cour d’appel à l’autre. Dans la réalité du contentieux, il est souvent plus pertinent de s’aligner sur les usages propres au ressort concerné — modalités de dépôt, exigences de comparution, organisation de l’audience — que de se fier à un régime légal qui demeure imparfaitement défini.
Généralités
La procédure devant la cour d’appel obéit aux mêmes règles que celles applicables à la procédure gracieuse devant le tribunal judiciaire. Ce parallélisme des formes garantit l’unité du traitement juridictionnel des affaires gracieuses, quel que soit le degré de juridiction.
Le président de la chambre saisie peut désigner un conseiller rapporteur, lequel dispose de pouvoirs étendus : il peut mener toutes les investigations utiles, solliciter tout élément d’information éclairant la solution, et entendre les personnes susceptibles soit d’éclairer la juridiction, soit de voir leurs intérêts affectés par la décision à intervenir.
Le ministère public doit obligatoirement recevoir communication du dossier et assister aux éventuels débats, conformément au rôle qui lui est traditionnellement reconnu en matière gracieuse.
Lorsque les pièces et éléments du dossier suffisent à statuer, la cour d’appel peut rendre sa décision sans audience. À l’inverse, si des débats s’imposent, ils ont lieu en chambre du conseil, conformément au caractère non contradictoire de la matière.
L’arrêt rendu par la cour d’appel se substitue intégralement à la décision du premier juge, qu’il s’agisse d’un jugement ou d’une ordonnance, et devient la nouvelle décision régissant la situation juridique en cause.
Devant la cour d’appel, l’affaire sera instruite conformément aux règles applicables devant le TJ en matière gracieuse (C. pr. civ., art. 953 ) et, notamment, est exigée la communication au ministère public, qui est tenu d’assister aux débats (C. pr. civ., art. 811 ).
Instance d’appel
Quelle que soit l’hypothèse retenue — procédure devant le juge de première instance ou devant la cour d’appel — l’instruction et le jugement relèvent des règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal judiciaire (C. pr. civ., art. 953), à savoir les articles 808 à 811, sans préjudice de l’application du droit commun de la procédure gracieuse. Une nouvelle communication devra être faite au ministère public (C. pr. civ., art. 809), lequel, si des débats sont tenus, doit y assister ou faire connaître son avis (C. pr. civ., art. 811).
Le président de la chambre à laquelle l’affaire aura été distribuée désignera un juge rapporteur, lequel disposera, pour instruire l’affaire, des mêmes pouvoirs que le tribunal (C. pr. civ., art. 810). Ce juge peut procéder, même d’office, à toute investigation utile et entendre, sans formalités, les personnes susceptibles de l’éclairer ou dont les intérêts pourraient être affectés par la décision (C. pr. civ., art. 26 et 27). Comme en première instance, le juge peut statuer sans débats (C. pr. civ., art. 28). L’instance gracieuse, en l’occurrence, demeure donc soumise aux particularités qui lui sont propres (V. supra, nos 75 s.).
Reste la question de l’application de ces règles lorsque l’affaire revient devant une juridiction d’exception : cette dernière doit-elle mettre en œuvre les règles applicables devant le tribunal judiciaire en vertu du renvoi opéré par l’article 953 du code de procédure civile ? La lettre du texte ne distingue pas selon la juridiction de renvoi. En outre, ces règles comportent peu de contraintes et laissent subsister la prééminence du droit commun de la procédure gracieuse. Ces éléments conduisent à une réponse positive (V. not. dans ce sens J.-L. BERGEL, Juridiction gracieuse et matière contentieuse, préc., p. 171). La question demeure néanmoins discutée (V. not. une autre analyse : D. LE NINIVIN, thèse préc., no 452, p. 177 ; N. GERBAY, J.-Cl. Pr. civ., vo Appel – Appel en matière gracieuse, fasc. 1000-40, 25 févr. 2023, no 58).
Conclusions récapitulatives ?
Lorsque la procédure se poursuit devant la cour d’appel, faut-il appliquer les règles issues des dispositions communes et, plus particulièrement, imposer des conclusions récapitulatives au titre de l’article 954 du code de procédure civile ?
Il a été considéré que cette disposition ayant déjà été écartée en matière de procédure contentieuse sans représentation obligatoire (Civ. 2e, 30 avr. 2002, no 00-15.917), il en irait a fortiori de même lorsque la procédure est gracieuse. Cet arrêt précisait toutefois que les dispositions de l’article 954, alinéa 2, ne s’appliquent pas lorsque la procédure est orale. Mais il a également été jugé que l’article 954 était applicable à une procédure sur requête (Civ. 2e, 29 mars 2006, no 05-11.011). Ce qui a conduit un auteur à en retenir l’application, « sauf à vider de sens l’intitulé “Dispositions communes” du chapitre III dans lequel est inséré l’article 954 du code de procédure civile ».
Il est néanmoins permis de nuancer.
D’une part, l’exigence de recours à un professionnel du droit n’est posée qu’au stade de la déclaration d’appel, sans précision supplémentaire concernant la suite de l’instance. Cela laisse subsister un doute sur sa nature : relève-t-elle de la représentation obligatoire ou échappe-t-elle à ce régime ? Dans cette dernière hypothèse, la procédure étant alors orale, l’exigence de conclusions récapitulatives serait manifestement hors de propos.
D’autre part, même si l’on écarte ce raisonnement, aucune généralisation ne s’impose. Les procédures dispensées de ministère d’avocat sont relativement nombreuses : ainsi des articles R. 123-148, R. 521-27 ou encore R. 611-42 du code de commerce. La même solution vaut pour l’appel des décisions du juge des tutelles et des délibérations du conseil de famille (C. pr. civ., art. 1239, al. 4). Même en l’absence de corrélation stricte entre absence de représentation et oralité, il n’en demeure pas moins que la procédure sans représentation obligatoire est orale devant la cour d’appel en matière contentieuse. Ce qui conduit à écarter l’exigence de conclusions récapitulatives dans ces hypothèses.
Qu’en est-il en dehors de ces cas ? L’article 953 renvoie aux règles applicables devant le tribunal judiciaire. Or, si devant cette juridiction les conclusions récapitulatives figuraient autrefois dans un texte propre à la procédure contentieuse – ce qui incitait à douter de leur nécessité en matière gracieuse d’appel (C. pr. civ., anc. art. 753) –, elles relèvent désormais des dispositions communes de l’article 768, alinéa 3, dès lors qu’un avocat est constitué, ce qui sera normalement le cas au regard de l’article 808 du même code. Il y aura donc lieu de déposer des conclusions récapitulatives, mais sur le fondement de ce texte, et non en application de l’article 954. Il convient enfin de relever que l’absence de contradicteur réduit quasiment à néant l’hypothèse d’une multiplication de jeux de conclusions.
Contenu des conclusions
Il est important que les conclusions adressées via RPVA présentent une demande qui ne se limite pas à la simple modification (ou rétractation) de la décision de première instance :
« Cette déclaration d’appel, intitulée ‘appel gracieux’, ne comporte aucune demande adressée à la cour d’appel en ce qu’elle sollicite uniquement la modification de son ordonnance par le président du tribunal de Montauban. (…) La cour statuant dans les limites de sa saisine (…) Constate qu’elle n’est saisie d’aucune prétention. » Cour d’appel, Toulouse, 3e chambre, 17 Octobre 2025 – n° 25/00377 pour un appel de refus de saisie conservatoire. Cette décision est cependant étonnante puisque la cour, qui n’est saisie d’aucune prétention, prend cependant la liberté de « Confirme en conséquence l’ordonnance rendue le 2 janvier 2025 par le président du tribunal de commerce de Montauban. ». Elle aurait du simplement ne pas statuer sur ce point pour aller au bout de la logique.
La Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France qui n’avait pas pris de conclusions, avait tenté de sauver la mise en arguant que sa déclaration d’appel valait conclusions. La Cour d’appel de Douai répond : « En l’espèce, à défaut pour la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France d’avoir remis à la cour des conclusions contenant un dispositif récapitulant ses prétentions, la cour ne peut que confirmer l’ordonnance déférée. A supposer même qu’il faille considérer que la ‘requête en appel’ contienne les conclusions, force est de constater que cet acte ne contient aucun dispositif. » ( Cour d’appel, Douai, 8e chambre, 3e section, 12 Mai 2022 – n° 21/06493 et 21/06492 pour un refus d’hypothèque judiciaire provisoire)
Il faut donc reprendre dans le dispositif la demande faite au 1er juge in extenso.
Conclusions récapitulatives : avis contraire de Yves Strickler
Yves Strickler dans le JurisClasseur Procédure civile Fasc. 500-45 : Matière et procédure gracieuses donne l’avis suivant :
« Conclusions récapitulatives
L’ article 954 du Code de procédure civile impose, depuis le décret du 28 décembre 1998 , la reprise dans les conclusions des prétentions et moyens invoqués dans les conclusions antérieures ; à défaut, ceux-ci sont réputés abandonnés. Devant le tribunal judiciaire, cette exigence ne concerne que la procédure en matière contentieuse ; mais devant la cour d’appel, elle figure dans les dispositions communes à toutes les procédures, contentieuses ou gracieuses.
Néanmoins, en cas de procédure gracieuse devant la cour, c’est-à-dire lorsque l’appel a été formé par le requérant, on peut penser que ce n’est pas le cas : la Cour de cassation a déclaré inapplicable l’exigence de récapitulation à la procédure contentieuse sans représentation obligatoire à laquelle renvoie, au moins aussi clairement qu’en matière gracieuse , l’article 954 ( Cass. 2e civ., 30 avr. 2002, n° 00-15.917) les dispositions [de l’article 954] ne s’appliquent pas lorsque la procédure est orale).
En revanche, quand l’appel provient d’un tiers ou du ministère public, du fait de l’élévation du contentieux qui s’est produite, le respect de l’ article 954 du Code de procédure civile est plus compréhensible. »
Comment communiquer avec la cour d’appel ?
En matière gracieuse devant la cour d’appel, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique par le biais du RPVA. En conséquence, encourt la cassation l’arrêt qui, en matière gracieuse, retient que l’appelante n’a présenté aucun moyen alors qu’elle avait communiqué ses conclusions au greffe par voie électronique et qu’elle en produisait l’avis de réception. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 avril 2024. (Cass. 2e civ., 4 avr. 2024, nº 22-10.677, B+L)
Conformément à l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, une partie est recevable à communiquer ses conclusions au greffe par le biais du « réseau privé virtuel avocat » même en matière gracieuse. L’arrêté du 20 mai 2020 semble avoir mis un terme à la position très sévère de la Cour de cassation qui jugeait irrecevables des actes formalisés par voie électronique, autorisés par des textes mais sans le support d’un arrêté technique.
Quels sont les recours contre l’arrêt de la cour d’appel ?
Les décisions rendues par la cour d’appel en matière gracieuse peuvent être contestées par deux voies de recours : le pourvoi en cassation et la tierce opposition.
Le pourvoi en cassation
Les arrêts rendus en matière gracieuse sont susceptibles d’un pourvoi en cassation, dans les conditions de droit commun.
Le pourvoi doit être :
- formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt ;
- motivé par un moyen de droit, c’est-à-dire par l’invocation d’une violation de la loi, d’une fausse application ou d’un refus d’application des textes par la cour d’appel ;
- déposé par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ministère obligatoire en toutes matières.
Le contrôle de la Cour de cassation se limite, comme toujours, à la légalité de la décision rendue par les juges du fond.
La tierce opposition
Les tiers auxquels l’arrêt n’a pas été notifié peuvent exercer une tierce opposition, conformément aux articles 583 et suivants du Code de procédure civile.
Ce recours est ouvert lorsque le tiers démontre que la décision :
- porte atteinte à ses droits,
- sans qu’il ait été mis en mesure de les défendre.
La tierce opposition doit être introduite :
- dans le délai d’un mois,
- à compter du jour où le tiers a eu connaissance effective de l’arrêt.
Le recours doit être motivé par tout moyen propre à établir que l’arrêt de la cour d’appel affecte directement la situation juridique du tiers.
Conclusion
L’appel en matière gracieuse est un recours permettant de contester une décision rendue par un juge en l’absence de litige entre des parties. Il s’applique aux situations dans lesquelles la loi exige que la demande soit soumise au contrôle du juge — adoption, changement de régime matrimonial, mesures conservatoires sur requête, refus d’homologation d’un accord, etc.
Ce recours doit être exercé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. L’appel est formé par une déclaration motivée, adressée au secrétariat du tribunal qui a rendu la décision, et non au greffe de la cour d’appel.
La procédure devant la cour d’appel obéit ensuite aux mêmes règles que celles applicables à la procédure gracieuse devant le tribunal judiciaire : possibilité de désignation d’un conseiller rapporteur, intervention obligatoire du ministère public, audience éventuelle en chambre du conseil et faculté pour la cour de statuer sans débats lorsque le dossier est suffisant.
L’arrêt rendu par la cour d’appel se substitue entièrement au jugement ou à l’ordonnance du premier juge. Il peut être contesté par les recours ordinaires ouverts en matière gracieuse :
• un pourvoi en cassation, dans les conditions de droit commun ;
• une tierce opposition, pour les tiers non convoqués ou non avisés qui démontrent que la décision porte atteinte à leurs droits.
Modèle de déclaration d’appel en matière gracieuse
Greffe
Tribunal judiciaire de Paris
A Paris, le 1er juin 2023
Par pli recommandé (LRAR)
Objet : Déclaration d’appel en matière gracieuse (article 950 CPC)
Madame, Monsieur le greffier en chef de la juridiction qui a rendu la décision attaquée,
J’ai l’honneur, par la présente, d’interjeter appel au nom de mon client :
De la décision suivante :
Ordonnance sur requête rendue par le Service des requêtes du pôle de l’urgence civile du tribunal judiciaire de Paris en date du et délivrée le , enregistrée sous le numéro
Je vous demande l’application de l’intégralité des dispositions de l’article 952 du code de procédure civile :
« Le juge peut, sur cette déclaration, modifier ou rétracter sa décision.
Dans le cas contraire, le greffier de la juridiction transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l’affaire avec la déclaration et une copie de la décision.
Le juge informe la partie dans le délai d’un mois de sa décision d’examiner à nouveau l’affaire ou de la transmettre à la cour. »
Je vous précise demander la réformation de l’ordonnance de première instance ayant rejeté les demandes présentées dans la requête non-contradictoire selon les moyens de droit, de fait, et le dispositif de la requête initiale.
Maître Valentin SIMONNET
Signature :
Sources
Il y a hélas très peu de sources sur le sujet.
Le Jurisclasseur « JurisClasseur Procédure civile Fasc. 1000-40 : APPEL. – Appel en matière gracieuse » est malheureusement inadapté aux praticiens.
Le JurisClasseur Procédure civile Fasc. 500-45 : Matière et procédure gracieuses de Yves Strickler existe également.
Le Mémento Procédure civile n’est pas d’une grande aide.
Il existe également le Dalloz action Droit et pratique de la procédure civile Chapitre 644 – Procédure d’appel –


