Comment homologuer judiciairement une transaction ?

Une transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, mettent fin à un litige ou préviennent un litige à naître. La transaction présente plusieurs avantages : elle permet d’éviter les aléas et les frais d’un procès, elle a une autorité de chose jugée, et elle fait obstacle à toute action en justice ayant le même objet.

Toutefois, la transaction peut être contestée pour les mêmes causes que les autres contrats, comme le dol, l’erreur, la violence ou le défaut de capacité. Elle peut aussi être annulée si elle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par ailleurs, la transaction n’est pas exécutoire par elle-même, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être forcée par des mesures comme la saisie ou l’astreinte.

C’est pourquoi les parties peuvent avoir intérêt à faire homologuer la transaction par le juge. L’homologation consiste à demander au juge de conférer à la transaction la force exécutoire, c’est-à-dire de lui donner la même valeur qu’un jugement. Ainsi, en cas de non-respect de la transaction par l’une des parties, l’autre pourra la faire exécuter par la force publique.

L’homologation d’une transaction par le juge a pour effet de lui conférer force exécutoire. Une fois homologuée, elle peut donner lieu à des mesures d’exécution forcée par un commissaire de justice.

MISE A JOUR

Attention, cet article doit être mis à jour avec la réforme de septembre 2025

(articles 1543 à 1545-1 du Code de procédure civile, issus du décret n°2025-660 du 18 juillet 2025).

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070716/LEGISCTA000051929173

L’accord des parties

Le décret du 18 juillet 2025 a consacré, dans le code de procédure civile, un véritable droit commun de l’accord amiable.
L’article 1541 fixe les principes généraux applicables à tout accord destiné à résoudre un différend, tandis que l’article 1541-1 distingue selon son origine – mode amiable réglementé ou non – les conditions de son homologation.

Le principe général

L’article 1541 du code de procédure civile dispose que :

« L’accord destiné à la résolution amiable du différend est négocié et conclu conformément au droit commun des contrats ».

Cette précision, bien que redondante, rappelle que l’accord amiable demeure avant tout un contrat, soumis aux règles de formation de droit commun :
– consentement libre et éclairé,
– capacité des parties,
– contenu licite et certain.

L’alinéa 2 ajoute :

« À moins qu’il n’en soit disposé autrement, [l’accord] est parfait par le seul échange des consentements ».

Autrement dit, le principe consensualiste gouverne sa formation, conformément à l’article 1172 du code civil.
Il n’est donc pas nécessaire, en principe, d’un écrit pour que l’accord soit parfait – sauf disposition contraire ou volonté des parties.

Les accords concernés par l’homologation

L’article 1541-1 du code de procédure civile introduit une distinction essentielle :

« L’accord qui met un terme à tout ou partie du différend […] ne peut être homologué dans les conditions du présent titre que s’il constitue une transaction au sens de l’article 2044 du code civil ».

Ce texte trace une frontière nette entre deux types d’accords :

  1. Les accords issus d’un mode amiable encadré, tels que :
    – la conciliation,
    – la médiation,
    – la procédure participative.
    → Ces accords peuvent toujours être homologués par le juge.
  2. Les accords non issus d’un mode amiable structuré :
    → Ils ne peuvent être homologués que s’ils constituent une transaction, c’est-à-dire :
    – un contrat écrit,
    – comportant des concessions réciproques,
    – mettant fin à une contestation née ou prévenant une contestation à naître (C. civ., art. 2044).

Le critère déterminant : les concessions réciproques

L’existence de concessions réciproques est le critère déterminant.
Sans elles, l’accord ne peut être qualifié de transaction et ne peut donc pas faire l’objet d’une homologation judiciaire.

Quelques illustrations :
– un engagement unilatéral ou une simple renonciation ne suffisent pas ;
– un accord équilibré, où chaque partie fait un pas vers l’autre, pourra en revanche être homologué.

Une distinction critiquée

Cette différence de régime suscite des interrogations.
On comprend mal ce qui justifie de priver un accord amiable valable en droit des contrats de la possibilité d’être homologué, au seul motif :
– qu’il n’est pas issu d’un mode amiable encadré,
– et qu’il ne présente pas de concessions réciproques.

La circulaire d’application du décret n’apporte aucune explication à cette distinction.
Ce silence entretient une certaine incohérence et risque de priver certains accords de la force exécutoire attachée à l’homologation judiciaire.

L’accord non transactionnel : un contrat toujours valable

Même sans homologation, un accord non transactionnel demeure un contrat valable.
Il conserve :

– sa force obligatoire (C. civ., art. 1103),
– et la possibilité d’obtenir la force exécutoire autrement, notamment :
– par la rédaction d’un acte authentique,
– ou par une exécution volontaire des parties.

L’absence d’homologation ne remet donc pas en cause la validité du contrat, mais seulement son caractère exécutoire.

L’acquisition de la force exécutoire

Le décret du 18 juillet 2025, qualifié d’« amiable décret », organise désormais de manière complète l’acquisition de la force exécutoire des accords conclus entre les parties.

Trois voies sont désormais ouvertes :

  1. la délivrance d’un procès-verbal de conciliation judiciaire par le juge (art. 1542 CPC) ;
  2. l’homologation judiciaire de l’accord (art. 1543 à 1545-1 CPC) ;
  3. l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, également appelée « homologation-greffe » (art. 1546 à 1549 CPC).

Le procès-verbal de conciliation judiciaire

Lorsque la conciliation est menée par le juge – que ce soit dans le cadre d’une conciliation judiciaire stricto sensu ou d’une audience de règlement amiable – celui-ci peut dresser un procès-verbal d’accord.
Sur demande des parties, il délivre des extraits de ce procès-verbal, lesquels valent titre exécutoire (C. pr. civ., art. 1542 ; C. pr. exéc., art. L. 111-3, 3°).

Ce premier mode d’acquisition est réservé aux accords constatés directement par le juge conciliateur.

L’homologation judiciaire

L’homologation judiciaire demeure la voie classique d’attribution de la force exécutoire.

Champ d’application

L’article 1543 nouveau du code de procédure civile prévoit que :

« Toute partie souhaitant conférer force exécutoire à une transaction ou à un accord, même non transactionnel, issu d’une conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une médiation ou d’une convention de procédure participative, peut demander son homologation au juge. »

Cette disposition permet :
– une saisine conjointe ou unilatérale du juge (art. 1545 CPC) ;
– et une demande formée par toute partie intéressée, la plus diligente pouvant agir seule.

L’office du juge

Le contrôle du juge demeure limité.
Selon l’article 1544, alinéa 1er, du code de procédure civile :

« Le juge n’homologue l’accord des parties que si son objet est licite et s’il ne contrevient pas à l’ordre public. »

Ainsi :
– le juge ne peut pas modifier les termes de l’accord ;
– il se borne à un contrôle de licéité et de conformité à l’ordre public ;
– il ne procède à aucun examen approfondi du consentement ou du contenu économique de l’accord.

Le décret n’apporte donc aucune innovation majeure par rapport au droit antérieur : l’homologation ne produit pas d’effet de purge.
Un accord homologué pourra toujours être contesté pour vice du consentement, erreur ou dol.

La procédure d’homologation

– La demande est formée par requête, conjointe ou unilatérale (art. 1545 CPC).
– Si l’accord intervient en cours d’instance, la requête est adressée au juge déjà saisi.
– En dehors de toute instance, elle est portée devant le juge compétent pour connaître du litige.
– Le texte (art. 1545, al. 2) permet une prorogation de compétence : le juge initialement saisi conserve compétence pour homologuer, même si sa compétence matérielle pourrait être discutée, sauf hypothèse de compétence exclusive d’une autre juridiction.

Les voies de recours

– En cas de refus d’homologation, la décision doit être motivée et peut être appelée (sauf si elle émane de la cour d’appel) (art. 1545-1, al. 2).
– En cas d’homologation, tout intéressé peut exercer un référé-rétractation (art. 1545-1, al. 3).

L’appel est formé par déclaration au greffe et jugé comme en matière gracieuse.

L’apposition de la formule exécutoire (« homologation-greffe »)

Aux côtés de la voie judiciaire subsiste une procédure plus simple : l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, anciennement appelée « homologation-greffe ».

Champ d’application

Le décret en redéfinit le périmètre (art. 1546 CPC).
Elle est ouverte aux accords prenant la forme d’un acte d’avocat, dans deux hypothèses :

  1. l’acte constatant un accord conclu dans le cadre d’une conciliation, d’une médiation ou d’une procédure participative (art. 1546, 1°) ;
  2. l’accord transactionnel, même non issu d’un mode amiable encadré (art. 1546, 2°).

Le champ de cette procédure est donc élargi, puisqu’il englobe désormais toute transaction d’avocats, qu’elle soit ou non issue d’un processus amiable formalisé (art. 1549 CPC).

Procédure

– La demande d’apposition de la formule exécutoire est portée au greffe de la juridiction du domicile du demandeur, compétente pour connaître du contentieux correspondant (art. 1546, al. 4).
– Le greffier vérifie uniquement :
– sa compétence territoriale et matérielle ;
– la nature de l’acte (acte d’avocat).
– S’il estime les conditions réunies, il appose la formule exécutoire (art. 1546, al. 5).

Recours

– Si la formule est apposée, toute personne intéressée peut en demander la suppression devant la juridiction compétente, selon la procédure accélérée au fond (art. 1548 CPC).
– Si le greffe refuse d’apposer la formule, aucun recours spécifique n’est prévu : il faut alors recourir à la voie de l’homologation judiciaire.

Appréciation

L’acte d’avocat, encore peu utilisé, et la procédure d’apposition de la formule exécutoire demeurent peu connues et rarement mobilisées.
En pratique, ce mécanisme, pourtant simple et rapide, reste marginal : il ne substitue pas au contrôle juridictionnel et risque de connaître, comme le souligne la doctrine, « une fortune timide ».

Mon avis personnel : c’est une usine à gaz.

L’homologation judiciaire d’une transaction : procédure et effets

La procédure d’homologation

Requête

La procédure d’homologation est régie par les articles 1565 à 1567 du Code de procédure civile.

Elle prend la forme d’une requête présentée au juge sans débat contradictoire, par la partie la plus diligente ou conjointement par toutes les parties à la transaction (CPC, art. 1567, al. 2). La requête, définie à l’article 57 du CPC, est l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que l’adversaire en soit informé. Contrairement à l’assignation, elle est adressée au juge et non à la partie adverse, mais elle produit le même effet : elle introduit l’instance.

Juge compétent

Le juge compétent est celui qui aurait eu compétence pour connaître du contentieux dans la matière considérée (CPC, art. 1565). Il peut, s’il l’estime utile, entendre les parties avant de statuer (CPC, art. 1566).

Son pouvoir est limité : il ne peut modifier les termes de la transaction. Il doit soit homologuer l’accord, soit rejeter la demande s’il estime que la transaction ne respecte pas les exigences légales ou porte atteinte à l’ordre public.

Les issues possibles de la demande d’homologation

Le juge dispose de deux options.

  • S’il fait droit à la requête, il rend une ordonnance d’homologation conférant à la transaction force exécutoire. L’article 1566, alinéa 2, prévoit que tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision : un tiers dont les droits seraient affectés peut donc demander la rétractation de l’ordonnance.
  • S’il rejette la requête, la transaction reste dépourvue de force exécutoire. Cette décision peut faire l’objet d’un appel formé par déclaration au greffe de la cour d’appel, la procédure demeurant gracieuse (CPC, art. 1566, al. 3).

La signification de l’ordonnance

Faute de prévision spécifique sur ce point dans les articles 1565 et suivants, l’ordonnance d’homologation, rendue à la requête de l’une seule des parties, n’est pas exécutoire au seul vu de la minute et il faut, en conséquence, la notifier préalablement à la partie contre laquelle l’exécution est poursuivie (CPC, art. 503).

Existence d’une mesure amiable ou non

Transaction conclue dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends

Lorsqu’une transaction intervient à la suite d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, elle peut être soumise à homologation judiciaire sur le fondement des articles 1565 et 1566 du CPC. Cette homologation sécurise l’accord trouvé entre les parties et le rend immédiatement exécutoire, évitant tout nouveau contentieux en cas de défaillance.
La demande d’homologation s’inscrit dans la continuité du processus amiable : elle intervient à la fin de la procédure, une fois l’accord définitif obtenu.

Transaction conclue en dehors d’une procédure de résolution amiable des différends

Par principe, une transaction sous seing privé conclue en dehors de tout cadre judiciaire ou amiable n’a pas de force exécutoire.

Cependant, l’article 1567, alinéa 1er du CPC, permet d’en demander l’homologation judiciaire même lorsqu’elle n’a pas été précédée d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative.

Les articles 1565 et 1566 s’appliquent également à cette hypothèse : la procédure est non contradictoire, sur requête, et bien plus simple qu’une action au fond.

L’intérêt est majeur : les parties peuvent donner à leur accord force exécutoire immédiate, sans attendre une inexécution et sans engager une nouvelle procédure. Autrement dit, même hors de tout processus amiable, les parties peuvent judiciariser préventivement leur transaction pour la sécuriser.

Homologuer une transaction au cours d’une instance déjà entamée

Au cours d’un procès, les parties transigent sur une partie ou sur l’ensemble des différends et entendent faire constater leur accord par le juge saisi.

Motifs

1° À TITRE PRINCIPAL :

[ ......identification du concluant ] a conclu avec [ ......identification de l'autre partie au litige ] une transaction en date du [ ......date ]  ;

Il y a alors lieu pour [ ......juridiction ] de conférer force exécutoire à cette transaction, conformément aux dispositions de l' article 384, alinéa 3, du Code de procédure civile  ;  ([ajouter, si la transaction règle l'ensemble du litige]– de constater l'extinction de la présente instance, la transaction réglant l'ensemble du litige, et de se déclarer dessaisi du litige)

2° À TITRE SUBSIDIAIRE :

Si [ ......juridiction ] n'entend pas conférer force exécutoire à la transaction, il y aura alors lieu d'adjuger au concluant le bénéfice de ses écritures précédentes écritures pour les points restant en litige, non compris dans la transaction.

Dispositif

1° À TITRE PRINCIPAL :

– conférer force exécutoire à la transaction intervenue entre les parties le [ ......date ]  ;  ([ajouter, si la transaction règle l'ensemble du litige]– constater l'extinction de l'instance et se déclarer dessaisi de l'entier litige)

2° À TITRE SUBSIDIAIRE :

– allouer au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures pour les points restant en litige, non compris dans la transaction.

Homologuer une transaction par voie de requête

Pour homologuer une transaction intervenue en dehors d’une instance préalable.

Article 384 du Code de procédure civile

REQUÊTE

À [ ......juridiction ]

[ ......identification complète du demandeur ]

Ayant pour avocat [ ......identification de l’avocat ]

À L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER QUE :

[ ......identification des parties ] ont conclu une transaction le [ ......date de la transaction ] .

Les conditions prévues par les articles 1565 et 1567 du Code de procédure civile sont donc remplies, en l'espèce ;

Le requérant a le plus grand intérêt à obtenir que la force exécutoire soit conférée à cette transaction.

C'EST POURQUOI :

[ ......demandeur ] sollicite que la force exécutoire soit conférée à la transaction conclue entre [ ......identification des parties ] , le [ ......date de la transaction ]  ;

Fait à [ ......lieu ] ,

Le [ ......date ]

Signature

BORDEREAU DES PIÈCES PRODUITES

[ ......liste des pièces ]

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