Quel est le nom du juge chargé du contrôle des expertises ?
Il n’y a pas de nom consacré. Plusieurs formes se retrouvent :
- juge chargé du contrôle des expertises
- juge du contrôle
- juge chargé du contrôle des mesures d’instruction
Historique
Le Code de procédure civile pose le principe que la mesure d’instruction est contrôlée par le juge qui l’a ordonnée lorsqu’il n’y procède pas lui-même:
Art. 155, al. 1. La mesure d’instruction est exécutée sous le contrôle du juge qui l’a ordonnée lorsqu’il n’y procède pas lui-même.
Art. 155, al. 2 (D. n° 98-1231, 28 déc. 1998). Lorsque la mesure est ordonnée par une formation collégiale, le contrôle est exercé par le juge qui était chargé de l’instruction. À défaut, il l’est par le président de la formation collégiale s’il n’a pas été confié à un membre de celle-ci.
Dans cette configuration, on mesure combien s’avère difficile la mise en pratique d’un véritable contrôle de l’expertise à l’occasion de chaque affaire. Les risques de dispersion, de manque de cohérence dans les jurisprudences d’un magistrat ou d’une chambre à l’autre, l’absence d’interlocuteur judiciaire reconnu pour les experts, ont conduit de nom- breux présidents de tribunaux judiciaires à créer de façon prétorienne la fonction de juge chargé du contrôle des expertises, fonction justifiée par l’augmentation importante du nombre d’expertises ordonnées dans le cadre du procès civil (Sur cette question, cf. F. Ruellan, L’office du juge dans le contrôle des expertises: l’expé- rience du tribunal de grande instance d’Albertville: Gaz. Pal. 12 juin 1997, п 162, р. 6. ).
Concomitamment à la désignation de ce magistrat, dont les attributions étaient précisées dans l’ordonnance annuelle dite de « roulement », organisant le service des juges pour l’année, a été créé dans de nom- breux tribunaux, et en particulier dans les plus grands, un véritable service des expertises confié à un greffier, centralisant l’ensemble des dossiers d’expertise en cours.
Après avoir encouragé cette pratique par voie de circulaire, la chan- cellerie l’a officialisée dans une première réforme du 28 décembre 1998 en modifiant l’article 155 du Code de procédure civile, en ajoutant deux alinéas à l’article 155 et en créant un article 155-1 ainsi libellés :
Art. 155, al. 3 (D. n° 2012-1451, 24 déc. 2012). Le contrôle de l’exécution de cette mesure peut également être assuré par le juge désigné dans les conditions de l’article 155-1.
Art. 155-1 (D. nº 98-1231, 28 déc. 1998). Le président de la juridiction peut dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice désigner un juge spécialement chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien en application de l’article 232.
La réforme du 28 décembre 1998 crée la fonction de juge chargé du contrôle de l’instruction sans toutefois retirer au juge qui l’ordonne ses prérogatives de contrôle. Simplement, celui-ci a désormais une option: se réserver le contrôle ou le déléguer au magistrat désigné par le pré- sident de la juridiction.
La pratique a montré les limites de cette réforme; trop souvent, la fonction de juge chargé du contrôle des expertises est restée ignorée ou insuffisamment développée, sans véritable reconnaissance et sans vision d’ensemble permettant d’en assurer la généralisation.
Aussi, dans son rapport du 30 mars 2011, la commission de réflexion sur l’expertise suggère de rendre obligatoire la désignation du juge chargé du contrôle des expertises avec un greffe en soutien. Elle fait justement remarquer que « les expertises prescrites pour liquider les dommages et intérêts [sur décision du tribunal correctionnel] font rare- ment, dans les juridictions, l’objet d’un suivi rigoureux, ce qui constitue une atteinte grave aux droits des victimes d’infractions ». La commission recommande en conséquence de confier le suivi de ces expertises à un service centralisé placé sous l’autorité d’un magistrat désigné pour contrôler les expertises.
À cet égard, on doit pleinement approuver les termes du rapport au Premier ministre figurant en exergue du projet de décret initial qui devait conduire à la désignation d’un juge à compétence exclusive : « une telle disposition vise à réduire les effets néfastes attachés à la démulti- plication des prescripteurs d’expertise en matière civile et introduire un véritable suivi des mesures d’instruction ordonnées ». Dans le prolongement de la proposition du groupe de travail, le juge chargé du contrôle des expertises sera, au sein de la juridiction, l’interlocuteur unique des experts. Il aura pour rôle, notamment d’informer l’expert de sa dési- gnation, de recueillir son acceptation ou de remplacer celui commis ini- tialement. Parallèlement, il lui reviendra de vérifier le versement de la consignation et de fixer une consignation complémentaire, de prononcer, le cas échéant, la caducité de la mesure ordonnée, de vérifier le respect du délai imparti pour l’exercice de la mission, de régler les éventuels incidents et, enfin, de taxer la rémunération de l’expert. Le décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction des affaires devant les juridictions judiciaires a pour l’essen- tiel retenu cette proposition. Il renforce la fonction et lui confère un véri- table statut en créant la fonction de « juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction au sein de chaque juridiction ». Les nouveaux articles du Code de procédure civile et du Code de l’organisation judiciaire, issus de ce décret, sont manifestement le fruit d’un compromis entre les tenants d’un contrôle exclusif des mesures d’instruction par un ou plusieurs magistrats et les traditions judiciaires, encore très attachées à l’idée d’un contrôle par le magistrat qui ordonne la mesure d’instruction. Ils marquent toutefois clairement la volonté d’unifier le traitement de l’expertise civile en le confiant dans toute la mesure du possible à un interlocuteur unique. Mais le souci de ménager les situations actuelles tout en offrant la possibilité d’un véritable contrôle généralisé a conduit à la définition d’un juge dont les pouvoirs vont dépendre d’un certain nombre de fac- teurs internes aux juridictions, parfois quelque peu byzantins pour les justiciables comme pour les experts, qu’il importe cependant d’analy- ser afin de mieux appréhender le champ des possibles ouvert par cette réforme.
Quel est le statut du juge chargé du contrôle de l’exécution des mesures de l’instruction défini par le décret du 24 décembre 2012?
Art. 155, al. 3 nouveau. Le contrôle de l’exécution de cette mesure peut également être assuré par le juge désigné dans les conditions de l’article 155-1. La transformation de cet alinéa a une fonction sémantique.
Désormais, ce n’est plus le juge auteur de la mesure d’instruction qui peut avoir recours au juge chargé du contrôle, mais la mesure d’instruction qui peut être assurée par le juge spécialement désigné à cet effet. La nuance est certes symbolique, mais elle permet de mesurer la portée de la réforme. Rappelons que les dispositions des articles 155 et 155-1 sont contenues dans la section II (« Exécution des mesures d’instruction ») du chapitre I (« Dispositions générales ») du sous-titre II (« Les mesures d’instruc- tion ») du titre VII (« L’administration judiciaire de la preuve ») du livre premier du Code de procédure civile intitulé « Dispositions communes à toutes les juridictions ». Il en résulte que chaque président de juridiction peut désigner un juge spécialement chargé du contrôle des mesures d’instruction (cour d’appel, tribunal judiciaire, conseil de prud’hommes, tribunal de commerce, etc.). Dans cette hypothèse, la formation collégiale ou à juge unique qui a ordonné une mesure d’instruction peut en confier le contrôle au magistrat dési- gné à cet effet par le président de la juridiction. Il existe cependant des dispositions procédurales particulières pour la désignation du juge chargé du contrôle des mesures d’instruction du tribunal judiciaire. Elles s’expliquent par la complexité structurelle de cette juridiction qui comprend, outre le juge des référés, le juge du fond ou de l’exécution, une autorité juridictionnelle spécifique, le juge de la mise en état dont l’existence est consubstantielle au caractère écrit de la procédure.
Qui est le juge chargé du contrôle de l’expertise du tribunal judiciaire ?
Chaque année, le président du tribunal prend une ordonnance, dite de « roulement », prévue par l’article L. 121-3 du Code de l’organisa- tion judiciaire. Dans ce code, après les sous-sections consacrées au président du tri- bunal judiciaire, au juge de la mise en état, au juge aux affaires familiales et au juge de l’exécution, est créée une sous-section 5 intitulée « Le juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction ».
COJ, art. R. 213-12-1. Le président du tribunal judiciaire désigne un ou plu- sieurs juges chargés de contrôler l’exécution des mesures d’instruction conformément aux dispositions de l’article L. 121-3.
La possibilité de désigner plusieurs magistrats contrôleurs est particu- lièrement utile pour les grandes juridictions. Elle permet de répartir les charges de travail, selon la taille de la juridiction, en fonction notamment des critères d’attribution des magistrats et des chambres auxquelles ils sont affectés (par ex. référés, contentieux civil général, affaires familiales, construction, etc.). Désormais, ce magistrat tient sa légitimité de l’ordonnance de roulement, dont les modalités d’élaboration sont prévues par l’article R. 212-37 du Code de l’organisation judiciaire. Le projet d’ordon- nance préparé par le président, tendant à répartir dans les chambres et services de la juridiction les magistrats dont elle est composée, fait l’objet d’un avis de l’assemblée des magistrats du siège. Il est ainsi complété:
COJ, art. R. 212-37, 10. Le projet d’ordonnance préparé par le président du tribunal désignant le magistrat chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruc- tion conformément à l’article 155-1 du Code de procédure civile.
Toutes ces mesures tendent à légitimer la place du juge chargé du contrôle de l’expertise dans le tribunal. Elles sont complétées par des dispositions permettant de mieux situer les champs de compétence de ce magistrat avec le juge du référé, le juge de la mise en état et la cour d’appel.
Juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire et juge des référés
Art. 819, al. 1 (D. n° 2012-1451, 24 déc. 2012). Le juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction, désigné dans les conditions de l’article 155-1, est compétent pour assurer le contrôle des mesures d’instruction ordonnées en référé, sauf s’il en est décidé autrement lors de la répartition des juges entre les dif- férentes chambres et services du tribunal…
Cette disposition assoit la légitimité du juge chargé du contrôle puisque sa compétence pour contrôler les expertises ordonnées en référé doit être formellement écartée par l’ordonnance prise par le président du tribunal judiciaire fixant le service juridictionnel pour l’année (COJ, art. L. 121-3). Le juge des référés ne peut donc réserver sa compétence pour le suivi des expertises si l’ordonnance du président qui désigne le juge chargé du contrôle ne l’a pas expressément prévu. Cette mesure ne concerne que le juge des référés du tribunal judiciaire puisque l’article 819 du Code de procédure civile est inséré dans les dis- positions relatives à cette juridiction. La différence de traitement juridique de l’option de compétence entre le juge chargé du contrôle et le juge des référés n’est pas anodine. Dans la pratique, au tribunal judiciaire, la très grande majorité des expertises est ordonnée en référé (environ 80%). Le nouvel article 819 crée donc un principe de compétence d’attribution au profit du juge chargé du contrôle. L’article 155 qui postule que la mesure d’instruction est exé- cutée sous contrôle du juge qui l’a ordonnée devient donc subsidiaire chaque fois qu’il est fait application de l’article 819 du Code de procé- dure civile. Il ne peut y être dérogé que par une mention spécifique dans l’ordonnance de roulement.
Juge chargé du contrôle des expertises et juge de la mise en état
Depuis la réforme du Code de procédure civile, le juge de la mise en état instruit les affaires complexes de la chambre auxquelles elles sont distribuées. À ce titre, il contrôle l’exécution des mesures d’instruc- tion qu’il ordonne. Pour tenir compte de l’existence du juge chargé du contrôle des mesures d’instruction, l’article 796 du Code de procédure civile a été modifié en 1998.
Art. 777 (D. n° 98-1231, 28 déc. 1998) Le juge de la mise en état contrôle l’exécution des mesures d’instruction qu’il ordonne, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 155.
Cette disposition a été introduite pour tenir compte de la création concomitante du juge chargé du contrôle des mesures d’instruction. L’option prévue par l’article 155, alinéa 3 reste le principe: contrôle des expertises par le juge de la mise en état ou par le juge chargé du contrôle. Toutefois, pour exercer cette option, le juge de la mise en état doit désormais le préciser dans la décision ordonnant l’expertise lorsque le juge chargé du contrôle de l’expertise a été désigné par le président du tribunal dans les conditions de l’article 819 du Code de procédure civile.
Art. 819, al. 2 (D. n° 2012-1451, 24 déc. 2012). – [Le juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’exécution, désigné dans les conditions de l’article 155-1,] est (…) également compétent pour les mesures ordonnées par le juge de la mise en état en application de l’article 771, sauf si ce dernier s’en réserve le contrôle.
Ainsi, dans les tribunaux judiciaires où un juge chargé du contrôle a été institué, le juge de la mise en état doit préciser dans son ordonnance qu’il se réserve le contrôle de la mesure d’instruction. À défaut, on peut en déduire que celui-ci incombe au magistrat désigné à cet effet.
Juge chargé du contrôle des expertises et cour d’appel
Art. 964-2 (D. n° 2012-1451, 24 déc. 2012). La cour d’appel qui infirme une ordonnance de référé ayant refusé une mesure d’instruction peut confier le contrôle de la mesure d’instruction qu’elle ordonne au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction de la juridiction dont émane l’ordonnance.
Toujours dans un souci d’efficacité du contrôle, l’article 964-2 nouveau du Code de procédure civile permet à la cour d’appel qui infirme une ordonnance de référé ayant refusé une mesure d’instruction, de confier le contrôle de la mesure qu’elle ordonne au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction de la juridiction dont émane l’ordonnance. Encore faut-il qu’au moment de sa décision, la cour soit informée de l’existence de ce juge. Cette disposition est particulièrement utile, car elle permet d’assurer un suivi du contrôle des expertises au plus près des réalités du terrain. La réforme du 24 décembre 2012 ne va pas jusqu’au bout de la logique induite par les préconisations de la commission de réflexion sur l’expertise et plus en amont, par la conférence de consensus organisée sous l’égide de la Cour de cassation. Les dispositions retenues peuvent donner l’impression d’une architecture complexe, mais elles ont l’avan- tage de permettre un aménagement souple du champ de compétence du juge chargé du contrôle des expertises en fonction de la situation de chaque juridiction et de l’état d’avancement de sa réflexion sur ce sujet. Elle doit être saluée puisqu’elle renforce symboliquement le statut de ce magistrat. Elle oblige désormais chaque président de tribunal judi- ciaire à proposer à l’assemblée générale des magistrats du siège la dési- gnation de ce juge chargé du contrôle dont l’existence est reconnue en tant que tel dans une sous-section spécifique et dont le périmètre de compétence est, au minimum, celui des mesures d’instruction ordonnées en référé, sauf volonté contraire expressément formulée par l’assemblée générale. À coup sûr, cette réforme constitue une étape importante vers la généralisation du juge chargé du contrôle des mesures d’instruction dans l’ensemble des juridictions.
Juge chargé du contrôle des expertises et jugement des affaires sur intérêts civils
CPP, art. 10, al. 2. Lorsqu’il a été statué sur l’action publique, les mesures d’instruction ordonnées par le juge pénal sur les seuls intérêts civils obéissent aux règles de la procédure civile. (8)
En application de cet article, l’expertise ordonnée par la juridiction correctionnelle ou de police à la suite d’une condamnation pénale, obéit donc au régime des articles 155 et suivants et 232 et suivants du Code de procédure civile. Cette disposition est trop souvent ignorée des pra- ticiens de la procédure. C’est ainsi que les frais et honoraires de l’expert sont inclus dans les dépens civils en application des articles 695 et 696 de ce code (Cass. crim., 19 juin 2007, nº 06-87.417. Cass. crim., 20 oct. 2010, nº 09-87.125. – Cass. crim., 13 déc. 1990, п° 87-83.532). De même, les dispositions de l’article 160 relatives aux modalités de convocation s’appliquent ( Cass. 2 civ., 23 mars 2010, nº 09-82.385. Cass. crim., 3 mai 1988, n° 86-90.372.). Tout comme sont exclus les articles 97 et 163 du Code de procédure pénale qui prévoient l’établisse- ment préalable d’un inventaire des scellés par le juge, avant de les trans- mettre à l’expert (Cass. crim., 20 oct. 2010, nº 09-87.125. ). Comme le fait très justement remarquer la commission de réflexion sur l’expertise dans son rapport du 30 mars 2011, « les expertises pres- crites pour liquider les dommages et intérêts [sur décision du tribunal correctionnel] font rarement, dans les juridictions, l’objet d’un suivi rigoureux, ce qui constitue une atteinte grave aux droits des victimes d’infractions ». La commission recommande en conséquence de confier le suivi de ces expertises à un service centralisé placé sous l’autorité d’un magistrat désigné pour contrôler les expertises. Aux termes de la réforme du 24 décembre 2012, ce magistrat est donc naturellement compétent, sauf dispositions dérogatoires, pour assurer ce suivi.
Quel est le champ de compétence du juge chargé du contrôle des expertises ?
Art. 166. Le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune l’exécution de celle qu’il a déjà prescrite.
Art. 167. Les difficultés auxquelles se heurterait l’exécution d’une mesure d’ins- truction sont réglées, à la demande des parties, à l’initiative du technicien commis, ou d’office, (…) par le juge chargé du contrôle de son exécution.
Art. 168. Le juge se prononce sur-le-champ si la difficulté survient au cours d’une opération à laquelle il procède ou assiste. Dans les autres cas, le juge saisi sans forme fixe la date pour laquelle les par- ties et, s’il y a lieu, le technicien commis, seront convoqués par le greffier de la juridiction.
Il en résulte que chaque fois que la décision ordonnant l’expertise mentionne l’existence du juge chargé du contrôle, celui-ci dispose alors d’une compétence exclusive pour traiter des incidents de l’expertise. Avant même la réforme de 1998, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le caractère exclusif des pouvoirs du juge chargé du contrôle de l’expertise. Dans une espèce où une partie, contestant l’ordonnance du juge chargé du contrôle prescrivant une production de documents et mentionnant qu’en cas de difficulté, il lui en serait référé, avait saisi le juge des référés pour en obtenir la rétractation, la Haute juridiction a constaté que le juge des référés ne pouvait se déclarer compétent pour connaître de cette demande en rétractation ( Cass. 2 civ., 15 janv. 1992, nº 90-17.437. Cass. 2º civ., 22 juin 1978, n° 77-12.479.
L’article 168 relatif à la gestion des difficultés de l’expertise par le juge chargé du contrôle des expertises a donné lieu à un arrêt de principe de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. La question se posait de savoir si le juge du contrôle pouvait être saisi par requête. Par sa décision du 10 décembre 2020, la Haute juridiction énonce: « Lorsque le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction exerce les pou- voirs prévus par les [articles 14, 16, 166, 167 et 168 du Code de procé- dure civile], il doit respecter le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelées » (Cass. 2 civ., 10 déc. 2020, nº 18-18.504. ).
Quelles sont les missions du juge chargé du contrôle des expertises ?
Suivant les préconisations de la conférence de consensus et de la commission de réflexion sur l’expertise, le décret du 24 décembre 2012 recommande la création d’un service des expertises confié à un ou plu- sieurs magistrats (selon la taille du tribunal), assisté d’un greffier dont la mission est de suivre tout ou partie des expertises civiles ordonnées dans la juridiction :
- gestion des provisions, des provisions complémentaires, des délais, extension à de nouvelles parties, règlement des incidents, etc. (V.infra);
- suivi de l’instruction des dossiers de candidature des experts en liaison avec le parquet;
- centralisation de toutes les informations relatives aux experts, notamment celles provenant des magistrats ayant statué sur le rapport d’expertise;
- restitution de ces informations à ses collègues;
- participation aux travaux de la commission chargée de donner son avis sur les demandes de réinscription;
- communication au service des expertises de la cour d’appel de toutes informations utiles sur les experts.
Dans un souci de rigueur, de cohérence et pour assurer une liaison harmonieuse avec les compagnies d’experts et la cour d’appel, il est opportun de confier au juge chargé du contrôle l’ensemble du suivi des expertises civiles de la juridiction, depuis la consignation de la provision précédant la saisine de l’expert jusqu’au dépôt du rapport et la taxe de ses émoluments. Il est recommandé au juge chargé du contrôle des expertises de mettre à disposition de ses collègues une fiche de renseignements leur permet- tant de porter à sa connaissance des appréciations sur la qualité des rapports d’expertise dont ils ont à connaître à l’occasion des jugements. En pratique, le juge chargé du contrôle de l’exécution de l’expertise est compétent pour intervenir à tous les stades de l’instruction.
Le juge chargé du contrôle peut ordonner toutes les mesures qui inté- ressent le suivi de l’expertise, notamment:
- prendre acte de l’acceptation ou du refus par l’expert de sa mission, statuer sur une demande de récusation de l’expert commis et éven- tuellement pourvoir à son remplacement (art. 234);
- remplacer l’expert en cas de manquement à ses devoirs (art. 235);
- préciser la mission et le calendrier des opérations (art. 266);
- et dans cette hypothèse, désigner un autre expert (art. 267);
- accroître ou restreindre la mission de l’expert (art. 155, 166, 236, 245). Même lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée au titre de l’article 145 du Code de procédure civile, le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction tient de l’article 236 du même code le pouvoir d’accroître ou restreindre la mission confiée au technicien (Cass. 2 civ., 18 sept. 2008, nº 07-17.640: Procédures nov. 2008, 292). Cette décision met fin au débat portant sur la légitimité de l’étendue des pouvoirs du juge chargé du contrôle après la décision ordonnant l’expertise et avant la saisine du juge du fond :
- ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune la mesure en cours (art. 166);
- régler les difficultés auxquelles se heurterait l’exécution d’une mesure d’instruction (art. 167 et 168);
- étendre la mission de l’expert (art. 279, al. 1);
- suspendre la mission de l’expert.
Cette mesure est implicitement contenue dans l’article 279 qui impose à l’expert se heurtant à des difficultés qui font obstacle à l’accomplisse- ment de sa mission, d’en faire rapport au juge. Celui-ci peut alors sus- pendre les opérations d’expertise (À propos d’un expert qui avait poursuivi sa mission alors qu’il avait été avisé par le deman- deur de l’abandon de la procédure et n’en avait pas avisé l’autorité judiciaire qui l’avait commis; cette circonstance ayant conduit le premier président à limiter sa rémunération; Cass. 2º civ., 4 févr. 1999, nº 96-15.423. (9) Cass. com., 10 mai 2006, nº 04-17.759. );
- prononcer la caducité de la décision désignant un expert si la consi- gnation initiale n’est pas versée, et le cas échéant rétracter sa décision (art. 271) (Cass. com., 10 mai 2006, n° 04-17.759.);
- proroger le délai de consignation initiale (Cass. com., 10 mai 2006, 04-17.759.) ou prononcer un relevé de caducité (art. 271);
- arbitrer les modalités de versement de la provision à valoir sur les honoraires de l’expert (art. 269 et 280, al. 1);
- apprécier la demande complémentaire de provision formulée par le technicien pour l’accomplissement de sa mission (art. 280, al. 2);
- proroger le délai de consignation de la provision complémentaire (art. 280, al. 2);
- inviter l’expert à déposer son rapport en l’état (art. 280, al. 2);
- autoriser l’expert à prélever une provision à valoir sur le montant des sommes consignées (art. 280, al. 1);
- apprécier la demande de délai complémentaire formulée par l’expert (art. 279);
- assister aux opérations de l’expert, provoquer ses explications, lui impartir des délais (art. 241 et 274);
- ordonner aux parties ou aux tiers, s’il y a lieu sous astreinte, de pro- duire des pièces et documents utiles en leur possession (art. 243, 275, 138 à 142);
- recevoir les doléances de l’expert au cas où celui-ci se heurterait à des difficultés qui font obstacle à l’exécution de sa mission (art. 279);
- proroger le délai dans lequel l’expert doit donner son avis (art. 279);
- inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer par écrit, ses constatations ou ses conclusions (art. 245);
- confier une mission complémentaire à un autre technicien (art. 245);
- constater que la mission de l’expert est devenue sans objet et don- ner force exécutoire à l’acte exprimant leur accord, à leur demande (art. 281, al. 1);
- constater la conciliation, même partielle, des parties (art. 171-1 et 281, al. 1). Il pourra, dans ce cadre, donner force exécutoire à l’acte exprimant leur accord (art. 281, al. 2);
- fixer la rémunération de l’expert (art. 284).
L’intérêt d’un service spécifique de controle des expertises
L’organisation d’un service de contrôle des expertises va permettre aux experts: d’avoir un interlocuteur unique au tribunal. L’exécu- tion de l’expertise ne se réduit pas à la censure de l’activité de l’ex- pert. Il prend la forme d’une assistance, en cas de difficulté. Le juge du contrôle intervient directement ou indirectement dans le cours de l’ex- pertise. Son rôle est important et il doit être un interlocuteur disponible pour l’expert. Celui-ci ne doit pas hésiter à faire appel à lui et doit le tenir informé de ses opérations et difficultés éventuelles; au magistrat chargé du contrôle :
- d’effectuer un véritable suivi de l’expertise et des experts,
- de connaître la disponibilité de l’expert qu’il envisage de désigner et de la communiquer à ses collègues,
- d’avoir une influence sur la nomination des experts et leur réins- cription (présentation des candidats, participation à la commission de réinscription),
- d’avoir une politique de rémunération cohérente;
aux magistrats de la juridiction:
- d’être informés sur la qualité et la disponibilité des experts lorsqu’ils doivent désigner un expert, afin de désigner un expert compétent et disponible,
- de pouvoir communiquer leur avis au juge chargé du contrôle afin qu’il effectue une évaluation des experts.
Plus généralement, le juge chargé du contrôle a un rôle pédagogique auprès des experts pour les aider à respecter les règles de procédure, gage d’évitement des nullités de forme qui peuvent affecter des opéra- tions d’expertise par ailleurs irréprochables sur le fond. En tout état de cause, si le magistrat qui ordonne l’expertise veut s’en réserver expressément le contrôle, il doit le mentionner dans sa déci- sion (art. 155). D’où l’intérêt de désigner un juge chargé du contrôle de l’expertise pour établir une jurisprudence cohérente sur l’ensemble des problèmes liés à la gestion de l’expertise. En aucun cas, le juge chargé du contrôle ne saurait déléguer à l’expert ses pouvoirs, en particulier en ce qui concerne les incidents survenant en cours d’expertise (Cass. 2ª civ., 22 juin 1978, n 77-12.479. Cass. 2ª civ., 16 juill. 1979, nº 78-12.487).
Quelle est la nature des décisions du juge chargé du contrôle des expertises ?
Les décisions de ce magistrat seront de nature administrative ou juri- dictionnelle selon les cas.
Art. 170. Les décisions relatives à l’exécution d’une mesure d’instruction ne sont pas susceptibles d’opposition; elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’en même temps que le jugement sur le fond. Elles revêtent la forme soit d’une simple mention au dossier ou au registre d’audience, soit, en cas de nécessité, d’une ordonnance ou d’un jugement.
En principe, les décisions du juge chargé du contrôle des exper- tises ne sont pas susceptibles d’opposition et ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’en même temps que le juge- ment sur le fond. C’est ainsi qu’est irrecevable l’appel immédiat d’une ordonnance autorisant un huissier de justice précédemment désigné à se faire assister par un commissaire-priseur, un courtier assermenté et un expert-comptable (Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-19.549.). Même solution pour la décision du juge chargé du contrôle des expertises d’assortir d’une astreinte sa décision relative à l’exécution d’une mesure d’instruction (Cass. 2ª civ., 17 juin 1992, nº 90-22.037. ) ou l’ordonnance d’un président de conseil de prud’hommes, ordonnant le versement à la charge d’une partie d’une provision complémentaire destinée à faire face aux frais et honoraires d’un expert (14).
Quelles sont les décisions de nature juridictionnelle rendant l’appel immédiatement recevable ?
Il existe cependant des hypothèses où le juge chargé du contrôle des expertises met fin à une instance incidente et indépendante de la procé- dure principale qui l’a fait naître. Les dispositions de l’article 170 du Code de procédure civile, qui concernent l’exécution des mesures d’instruction, ne sont alors pas applicables et l’appel est immédiatement possible:
- récusation ou remplacement d’expert (art. 234 et 235) (Cass. 2 civ., 23 juin 2005, nº 03-16.627. Cass. 2 civ., 14 juin 1978, n° 77-12.084. Cass. 2ª civ., 18 oct. 2001, nº 98-17.475);
- communication de pièces par des tiers (art. 138 à 141).
La décision du juge est exécutoire par provision. Elle peut être rétrac- tée ou modifiée sans forme. Le tiers peut interjeter appel de la décision dans les quinze jours de son prononcé;
- rémunération de l’expert (art. 724);
- accroissement ou restriction de la mission lorsque celle-ci a été ordonnée en référé à titre principal avant tout procès (art. 236) (16).
Il s’agit en effet d’une demande relative à l’exécution d’une mesure d’expertise ordonnée à titre principal sur le fondement de l’article 145, avant toute instance au fond (17). Dans cette hypothèse, les articles 150 et 170 du Code de procédure civile sont inapplicables (18). Pour les différentes ordonnances ci-dessus énumérées, il est recom- mandé de mentionner dans la décision qu’elles sont rendues contra- dictoirement et en premier ressort. Par référence à l’arrêt du 17 février 2011 de la Cour de cassation (19), le juge chargé du contrôle ne peut être saisi d’une demande d’accrois- sement ou de restriction de la mission en qualité de juge des référés. De même, ses ordonnances ne peuvent être annulées ou rétractées par le juge des référés (20). On observera que la décision du juge chargé du contrôle des expertises d’assortir d’une astreinte sa décision relative à l’exécution d’une mesure d’instruction ne peut être frappée d’appel.
Art. 171. Les décisions prises par le juge commis ou par le juge chargé du contrôle n’ont pas au principal l’autorité de la chose jugée.
Cette précision est le corollaire de l’article 482 du Code de procédure civile, qui détermine notamment que le jugement qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une mesure d’instruction, n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. Art. 284-1. Si l’expert le demande, une copie du jugement rendu au vu de son avis lui est adressée ou remise par le greffier. En pratique les experts ne formulent aucune demande (ils ne sont pas informés de l’état de la procédure et le jugement peut intervenir plusieurs années après le dépôt du rapport). De nombreux rapports ne donnent d’ailleurs pas lieu à un jugement (transaction ou abandon de procédure). En revanche, les experts sont souvent désireux de connaître l’issue de la procédure. On peut donc prévoir d’adresser systématique- ment le jugement à l’expert; mais cela impose un travail supplémentaire à des greffes parfois surchargés.
(14) Cass. 2 civ., 10 oct. 1990, n° 87-40.821. (15) (16) Cass. 2ª civ., 27 juin 2019, nº 18-12.194, Cass. 2 civ., 21 juin 1995, n° 93-19.816. (17) Cass. 2º civ., 9 sept. 2010, nº 09-69.613, à propos de l’arrêt de la cour d’appel ayant déclaré irrecevable l’appel formé contre une ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises ayant étendu une mission confiée à un expert par une ordonnance de référé. (18) Cass. 2ª civ., 8 févr. 2007, nº 06-10.198. (19) Cass. 2º civ., 17 févr. 2011, nº 10-16.419. (20) Cass. 2 civ., 22 juin 1978, n 77-12.479.
Comment saisir le juge chargé du contrôle des expertises ?
La loi est totalement muette sur ce point.
Au niveau de la forme :
- Soit par LRAR
- Soit via la boite structurelle
Ce qui est certain c’est qu’il ne faut pas utiliser le RPVA puisqu’à compter du prononcé de l’ordonnance de référé expertise, le RG est désactivé.
Sur l’intitulé du document, il semble que toutes les formes soient acceptées :
- Courrier
- Requête
- Conclusions
Spécificités locales
Service du contrôle des expertises Tribunal Judiciaire de Paris
Le Service du contrôle des expertises du Tribunal judiciaire de Paris a mis en place une boîte structurelle exclusivement destinée aux échanges du service du contrôle (magistrat et greffe) et les experts afin de fluidifier les relations (acceptation de mission de l’expert, relance du juge en l’absence de réponse, etc.) : expertises.tj-paris@justice.fr
A cet effet, :
- le service du contrôle est uniquement compétent pour suivre les mesures ordonnées en référé (pôle de l’urgence civile). Par conséquent, aucune réponse ne sera apportée aux demandes relevant d’autres services du tribunal judiciaire de Paris,
- Pour des raisons de règles de sécurité informatique, le service ne souhaite pas traiter des dossiers nominatifs via des courriels. Les experts ne peuvent donc utiliser la boîte structurelle du service pour adresser des demandes au juge du contrôle. Seule la plateforme Opalexe permettra la dématérialisation des dossiers d’expertises.
Le numéro de téléphone est le 01.44.32.58.00
Adresse postale :
Service du contrôle des expertises
Tribunal Judiciaire de Paris
Parvis du Tribunal
75859 Paris Cedex 17
Accueil du contrôle des expertises
Ouvert de 9h à 17h tous les jours de la semaine.
Téléphone : 01 44 32 58 00
Fax : 01 44 32 94 66
expertises.tj-paris@justice.fr
Locaux : bureau I35.01 (au 35ème étage de l’IGH)
Pôle de l’urgence civile (35e étage IGH)
Tribunal Judiciaire de Paris
Parvis du Tribunal
75859 Paris Cedex 17
Karim GAAMOUNE Françoise SANSOT
Greffier, responsable du contrôle Vice-Présidente chargée du contrôle
tél : 01.44.32.50.47 tél : 01.44.32.53.01
mail :karim.gaamoune@justice.fr mail : francoise.sansot@justice.fr