Frais d’expertise et provision : qui doit payer et combien ?

L’expertise judiciaire est une mesure d’instruction ordonnée par le juge, qui consiste à confier à un expert la mission de donner son avis sur des faits ou des questions techniques nécessitant des connaissances spécialisées.

L’expertise de partie est une expertise réalisée à l’initiative d’une partie au litige, sans intervention du juge, par un expert de son choix.

Ces deux types d’expertise engendrent des frais, qui doivent être répartis entre les parties selon des règles spécifiques.

Qui doit payer les frais d’expertise ?l

Quels sont les critères de répartition ?

Expertise judiciaire : quelle répartition des frais d’expertise ?

Les frais d’expertise comprennent les honoraires de l’expert, les frais de déplacement, les frais de laboratoire, les frais de secrétariat, etc. Ils sont fixés par le juge, en fonction de la complexité de la mission, du temps passé, du tarif horaire de l’expert, etc. Ils sont soumis à la TVA. Ils sont distincts des dépens, qui sont les frais engagés par les parties pour la procédure judiciaire (frais d’huissier, de greffe, de timbre, etc.).

Comment le juge fixe-t-il la provision initiale ?

Art. 269. – Le juge qui ordonne l’expertise ou le juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l’expert ou dès qu’il est en mesure de le faire, le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de l’expert aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction dans le délai qu’il détermine ; si plusieurs parties sont désignées, il indique dans quelles proportions chacune des parties devra consigner. (…)

Art. 270. – Le greffier invite les parties qui en ont la charge, en leur rappelant les dispositions de l’article 271, à consigner la provision au greffe dans le délai et selon les modalités impartis.
Il informe l’expert de la consignation.

Il ne faut pas oublier que « le concours que chacun doit apporter à la justice en vue de la manifestation de la vérité ne doit pas nécessairement être gratuit » (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-18.487).

Il en résulte qu’il ne faut jamais fixer de provision d’un montant symbolique ou insuffisant. Cela donne aux parties l’illusion que l’expertise sera peu coûteuse et conduit inéluctablement à des ordonnances de provisions complémentaires qui ne peuvent que retarder l’issue de l’expertise. Au demeurant, la provision ne se limite pas aux seuls débours (dépenses qui ne sont pas incluses dans les honoraires, comme les frais de copie, de transport, de secrétariat, etc.) et comprend nécessairement une avance sur les honoraires de l’expert (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-18.487).

La partie qui sollicite l’expertise doit avoir conscience de son coût afin d’éviter, tant des demandes mal évaluées dans leurs conséquences financières, que des risques d’impayés à la charge de l’expert à l’issue du dépôt du rapport. Au demeurant, le juge chargé du contrôle peut autoriser des paiements fractionnés sur justificatif du requérant, aménageant ainsi le règlement de la consignation sans remettre en cause la décision fixant le montant de la provision (cf. infra, 6°, Peut-on aménager le versement de la provision ?). À cet égard, le décret du 20 juillet 1989 a réformé l’article 269 en imposant au juge de fixer un montant de provision initiale aussi proche que possible de la rémunération prévisible de l’expert. Cette disposition doit permettre à la partie qui a obtenu la désignation d’un expert d’apprécier si la mesure d’instruction est compatible avec l’intérêt du litige, et éventuellement d’y renoncer.

À ce titre, on observe une très nette évolution dans les pratiques puisque les sommes consignées au greffe au titre de l’expertise judiciaire civile sont passées de 80 millions en 2011 à 240 millions en 2017, pour un nombre d’affaires identiques. De même, le montant moyen consigné par expertise s’élève à 5 600 € en 2017 (1 700 € en 2011), même si ce chiffre masque d’importantes disparités selon la nature des contentieux (source : Ministère de la Justice, Les expertises judiciaires civiles devant les tribunaux de grande instance et les cours d’appel, 2010–2017).

Dans de nombreuses hypothèses (expertise médicale, examen sanguin, etc.), le juge fixe la rémunération définitive de l’expert au moment où il ordonne l’expertise. Il s’appuie pour cela sur des éléments d’appréciation diffusés par les cours d’appel et sur sa propre expérience, si la profession n’est pas liée à une convention de rémunération applicable aux experts. À cet égard, il est recommandé de fixer la provision à au moins 80 % de la valeur finale de la rémunération du technicien.

À titre d’exemple, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, à la suite de réunions de travail avec les membres du bureau de l’Union des Compagnies d’Experts près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (UCECAAP), a diffusé aux magistrats du ressort des éléments d’appréciation pour la fixation des consignations initiales applicables aux opérations d’expertise non tarifées. C’est ainsi qu’il est suggéré de fixer en 2014 et 2015 les montants selon les spécialités, dans les termes suivants :

  • Expertise médicale (hors problème de responsabilité) : 500 €
  • Architecte : 4 000 €
  • Géomètre : 2 000 €
  • Expertise comptable : 4 000 €
  • Expertise maritime : 2 000 €
  • Expertise automobile : 2 000 €
  • Objets d’art : 1 000 €

Disposant d’une vision d’ensemble du coût de l’expertise, le juge chargé du contrôle est à même d’évaluer leur coût moyen, selon leur typologie et leur degré de technicité et de diffuser cette information à ses collègues afin de leur permettre de fixer la provision initiale la plus proche possible du coût prévisible de l’expertise.

En pratique, le montant de la provision initiale est souvent insuffisant parce qu’il est difficile d’évaluer, au jour de la décision ordonnant la mesure d’instruction, le coût des opérations à réaliser (nombre de réunions, recours éventuel à un sapiteur, investigations techniques…). De plus, l’appel en cause de nouvelles parties en cours d’expertise augmente le coût initialement prévisible. Dans cette hypothèse, il appartient au technicien de préciser aux parties, le plus rapidement possible, le coût réel de son intervention.

Dans le cours de l’expertise, lorsque l’affaire s’avère complexe, il est recommandé de demander à l’expert d’évaluer le montant de sa rémunération prévisible. Il est souhaitable de le préciser dans l’ordonnance selon le modèle de dispositif suivant :

Il convient de préciser que la désignation d’un expert ou son remplacement ne saurait être subordonné au versement préalable de la provision mise à charge de la partie qui sollicite l’expertise (voir : Cass. soc., 12 mai 1993, n° 89-45.797). Enfin, la décision du juge fixant la consignation, à titre initial ou complémentaire, est obligatoire. Ainsi, est censurée la décision qui énonce qu’à défaut de consignation du délai dans lequel s’effectuera la consignation complémentaire, il y aurait dessaisissement de l’expert et absence d’obligation pour ce dernier d’exécuter sa mission (voir : Cass. 2e civ., 15 févr. 2001, n° 97-12.497). À défaut, l’expert devait être invité à déposer son rapport en l’état.

Comment le juge fixe-t-il la provision complémentaire ?

Art. 280 al. 2 – « En cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l’expert en fait sans délai rapport au juge qui, s’il y a lieu, ordonne la consignation d’une provision complémentaire à la charge de la partie qu’il détermine. »

Pour renforcer la sécurité financière de l’expert, le décret du 24 décembre 2012 a modifié l’article 280, alinéa 2 du Code de procédure civile. Il insiste sur le devoir de l’expert de saisir « sans délai » le juge d’une telle demande lorsque les circonstances, dûment motivées, l’exigent.

En pratique, le technicien saisit le juge d’une demande écrite récapitulant l’état de ses diligences et leur coût ainsi que le détail de ses diligences futures et leur coût prévisible. La provision complémentaire réclamée sera égale à la différence entre le montant de la provision initiale et le coût prévisible de la mesure. Il ne peut être reproché à un expert de s’être abstenu de demander en cours d’expertise une provision complémentaire s’il n’est pas soutenu et démontré qu’il a commis de ce chef une faute (Cass. 1re civ., 29 févr. 2000, n° 97-13.506).

Le décret du 24 décembre 2012 introduit la notion d’« insuffisance manifeste ». Celle-ci doit donc être démontrée par l’expert. En revanche, si cette démonstration est apportée, le juge doit désormais ordonner la consignation d’une provision complémentaire.

Ces dispositions sont de nature à sécuriser le règlement final des frais et honoraires de l’expert tout en responsabilisant la partie qui devra en assurer le paiement en l’alertant sur le coût de la mesure dont elle est à l’origine.

La loi n’impose pas à l’expert de communiquer aux parties sa demande de provision complémentaire afin de leur permettre d’adresser au juge leurs observations. En tout état de cause, le juge prend sa décision sans entendre préalablement l’expert et les parties et sa décision n’est pas susceptible de recours.

Toutefois, cette communication paraît utile pour l’information des parties et pour éviter les difficultés ultérieures, surtout lorsque des opérations particulières sont prévues, telles que l’appel à un sapiteur. Même si l’expert a préalablement discuté avec les parties et les a informées des opérations projetées, de la communication du détail de ses opérations, et éventuellement de devis, cela permet au juge d’en apprécier l’opportunité et le coût par rapport à l’intérêt du litige et éventuellement d’ordonner une consignation complémentaire. Le juge transmet alors la demande aux parties en leur indiquant qu’elles disposent d’un délai pour faire valoir leurs observations au juge. Par « parties », il faut entendre essentiellement celle qui a la charge de la consignation initiale et de la consignation complémentaire.

En aucun cas, le juge n’est tenu de limiter les honoraires de l’expert à la somme que celui-ci aurait portée à la connaissance des parties au cours du déroulement des opérations d’expertise pour leur faire connaître le montant prévisible de sa rémunération (Cass. 2e civ., 14 sept. 2006, n° 05-12.143 ; Cass. 1re civ., 5 juill. 1989, n° 87-15.288).

Qui supporte la charge de la provision des frais d’expertise ?

Le juge est libre du choix de la partie sur laquelle il fait porter le poids de la consignation initiale et sa décision n’a pas à être motivée (Cass. 2e civ., 14 sept. 2006, n° 05-12.143). Il s’agit d’une décision relevant de son pouvoir discrétionnaire, y compris pour la provision complémentaire (Cass. 2e civ., 16 mai 2013, n° 11-28.060).

Elle n’est pas susceptible de recours. La désignation de la partie qui devra consigner s’impose au juge chargé du contrôle et au juge chargé d’apprécier le coût définitif de l’intervention du technicien.

En effet, le juge taxateur pourra difficilement mettre à la charge d’une partie qui n’a jamais été consignataire le règlement de la rémunération de l’expert. Ce n’est que lorsqu’il aura été statué sur les dépens à l’occasion de la décision au fond, et plus exceptionnellement en référé, après validation du rapport d’expertise, que la partie condamnée de ce chef sera tenue de payer les frais de l’expertise (article 695 du Code de procédure civile).

A priori, la partie qui sollicite l’expertise en supporte la charge. En pratique, sauf très fort consensus sur la demande d’expertise, il est recommandé de faire supporter la charge de la provision exclusivement par la partie qui sollicite l’expertise. À défaut, on risque de devoir gérer de graves difficultés résultant du refus de l’une des parties de verser sa quote-part de provision initiale et surtout complémentaire lorsque les opérations d’expertise s’orientent vers le rejet de l’une des prétentions. Néanmoins, il est important de souligner que la mise à la charge d’une partie de la provision ne constitue pas une inversion de la charge de la preuve (Cass. 3e civ., 17 juillet 1997, n° 96-11.200), pas plus qu’elle n’accepte de la verser (Cass. 2e civ., 20 juin 1996, n° 94-15.948), que les expertises sont ordonnées d’instruction ordonnée par celui qui en accepte les conséquences.

On sait par ailleurs que des décisions existent aux termes desquelles le juge répartit les frais. S’agissant d’une décision qui ordonne une expertise, cela se justifie lorsqu’il rend sa décision, in limine litis, sur une question qui doit supprimer ou modifier la charge de la provision de celui qui supporte les frais d’expertise, sauf mention expresse insérée en fin d’attendu, par le demandeur sollicité qui entend faire toutes protestations et réserves.

Il est alors opportun de faire insérer en fine dans la motivation l’attendu suivant : « attendu que l’expertise étant ordonnée à la demande de X et dans son intérêt exclusif, il convient de mettre à sa charge les dépens ».

Toutefois, il est très fréquent que la demande d’expertise soit accompagnée d’une demande de condamnation provisionnelle à valoir sur l’attribution de dommages-intérêts, le plus souvent consécutifs à un accident de la circulation dont la responsabilité n’est pas sérieusement contestée par le défendeur. Dans cette hypothèse, il est recommandé d’introduire la mention suivante dans le dispositif de la décision : « condamnons X (défendeur) aux dépens, à l’exclusion des frais d’expertise qui resteront à la charge de Y (demandeur) ». Une telle précision permet d’assurer un versement rapide de la provision due à l’expert par le demandeur qui a intérêt à l’expertise, tout en marquant symboliquement son « bon droit ».

La motivation précisera utilement : « attendu que le défendeur succombant, il y a lieu de mettre à sa charge les dépens, à l’exclusion des frais de l’expertise, ordonnée à la demande de X et dans son intérêt exclusif ».

Cette pratique est rendue possible par l’article 696 du Code de procédure civile qui dispose : « La partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

La Cour de cassation confirme cette analyse lorsqu’elle énonce que la partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l’article 700 du même code et sanctionne le juge des référés qui désigne un expert médical au profit du demandeur et condamne le défendeur aux frais irrépétibles et aux dépens (Cass. 2e civ., 10 févr. 2011, n° 10-11.774).

Plus généralement, si l’on fait supporter la charge de la provision par la partie qui ne demande pas l’expertise ou qui n’y a pas intérêt, celle-ci sera encline à ne pas la verser et la décision ordonnant l’expertise sera caduque (article 271 du CPC) sans autre sanction pour le défaillant. À cet égard, il convient de résister à la tentation de faire supporter la charge de la provision par une partie qui paraîtrait a priori dans une situation économique plus forte (particulier/entreprise ; situation sociale du demandeur ; caractère apparemment évident du bien-fondé de la demande, etc.). L’aide juridictionnelle totale ou partielle permet une prise en charge de la provision de la personne économiquement la plus faible. Un rejetement de la provision par acomptes est par ailleurs toujours possible (article 269 du CPC).

L’appréciation de la partie amenée à consigner est nécessaire dans l’hypothèse d’une décision de la mission donnée au technicien. Lorsqu’une demande d’extension de la mission initiale ou de la demande d’extension des opérations d’expertise introduit de nouvelles parties, il convient de faire supporter ce coût à la partie demanderesse si l’extension est demandée et ordonnée au seul bénéfice de celui qui la demande. Dans cette hypothèse, il peut être utile de fixer une provision à la charge de celui qui demande l’extension au moins égale à l’organisation d’un accédit supplémentaire.

En aucun cas, le greffe ne doit accepter une offre de consignation qui n’émanerait pas de celui qui a été désigné pour la supporter par l’ordonnance ou le jugement, même si la partie qui souhaite consigner par défaut s’engage à régler les frais d’expertise. Cet engagement n’a en effet pas de valeur juridique au regard de la décision désignant la partie qui doit supporter la consignation et qui s’impose aux parties.

Il reste cependant toujours possible de rendre une ordonnance de consignation complémentaire à la charge d’une autre partie que celle initialement désignée, en cas d’accord de celle-ci. Cela peut permettre la poursuite de l’expertise (par ex., lorsqu’une compagnie d’assurances accepte de régler les frais d’études de sol). Cette consignation n’a bien sûr aucun effet sur la charge définitive des dépens.

En tout état de cause, ni le versement ou la consignation des frais relatifs à la mesure d’instruction, ni la participation à l’exécution de cette mesure, n’emportent à eux seuls acquiescement à cette décision (Cass. 2e civ., 22 mars 2001, n° 99-17.802).

Exception : il résulte des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-5 du Code de la sécurité sociale que la caisse primaire d’assurance maladie, tenue de servir à la victime d’une faute inexcusable ou d’une faute intentionnelle les prestations et indemnités mentionnées par le livre IV du même code, est admise à en récupérer le montant contre l’auteur d’une telle faute. Dans les deux cas, cette caisse doit faire l’avance de la provision allouée à la victime, cette mesure d’instruction et cette expertise visant à réparer, au moins pour partie, les préjudices couverts par le livre IV (voir : Cass. 2e civ., 14 févr. 2013, n° 12-13.775).

Nota : il arrive très fréquemment en référé que l’expertise, notamment médicale, soit ordonnée en même temps qu’est allouée une ordonnance de provision « à valoir sur la réparation de son préjudice ». Or, l’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, lesquels, conformément à l’article 695, incluent la rémunération des techniciens. Afin d’éviter toute difficulté, il est recommandé d’user d’une précision de pur formalisme matériel au motif que les dépens mis à la charge du perdant ne comprendraient pas l’avance des frais d’expertise, il est recommandé d’insérer une motivation spécifique dans l’ordonnance ainsi libellée : « Attendu que l’expertise étant ordonnée à la demande de X et dans son intérêt exclusif, et que ce dernier n’a pas attendu l’ordonnance pour engager une instance judiciaire, il y a lieu de mettre à sa charge les frais d’expertise » … « Condamnons Y aux dépens qui ne sauraient comprendre la provision due au titre des frais et honoraires de l’expert qui sera consignée au greffe par X. »

L’avance des frais d’expertise par la partie demanderesse

Le juge impute en général la charge de la provision à celui qui demande l’expertise ; mais il dispose à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire. Le choix du montant de la provision et de la partie chargée de la verser relève de son pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire que le magistrat n’est pas tenu de motiver sa décision.

Le juge a le pouvoir discrétionnaire de mettre à la partie qu’il souhaite la charge de la provision d’expertise ( Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 Juillet 1989 – n° 87-15.288). Ainsi, le juge peut condamner au paiement de la provision de l’expert judiciaire le demandeur (le plus fréquent) mais aussi le défendeur, voire répartir entre eux à parts égales.

« C’est en vertu de son pouvoir discretionnaire qu’une cour d’appel a mis a la charge d’un notaire la provision a valoir sur le montant des frais de l’expert charge de chiffrer le prejudice subi par sa cliente, ce notaire ayant mis plus de 2 ans pour etablir et faire publier l’acte de liquidation partage consecutif au changement de regime matrimonial des epoux, ce qui a eu pour consequence l’inopposabilite aux creanciers de l’epoux mis dans l’intervalle en reglement judiciaire, du partage, et la vente par le syndic d’un immeuble devant etre place dans le lot de l’epouse. »  Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 Juillet 1989 – n° 87-15.288

les juges du fond ont bien intégré cette jurisprudence : « Enfin, il est rappelé que c’est en vertu de son pouvoir discrétionnaire que le juge met la provision à valoir sur la rémunération de l’expert à la charge d’une des parties. (Civ. 1, 05 juillet 1989, 8715.288 ; Com., 16 mai 2000, 98-15.638). Il serait inopportun de mettre l’avance des frais induits par la mission de l’expert à la charge de la Défenderesse, qui pourrait, par son inertie, entraîner la caducité de la mesure ordonnée et faire obstacle à l’expertise. » (Tribunal judiciaire de Lyon – Référés civils 17 décembre 2024 / n° 24/01156)

Le principe est que le demandeur aux opérations d’expertise avance les frais. Il s’agit généralement de la partie qui a sollicité l’expertise, mais le juge peut aussi désigner d’office la partie qui doit avancer les frais. La partie demanderesse doit consigner une provision au greffe de la juridiction compétente, dans le délai fixé par le juge. La provision correspond à une estimation des frais d’expertise, qui peut être révisée en cours de mission. Si la partie demanderesse ne consigne pas la provision, le juge peut annuler l’expertise ou la faire exécuter aux frais de cette partie.

Il existe des rares exceptions à ce principe. Par exemple, en matière de référé, le juge peut ordonner la consignation par une autre partie ou par les deux parties. Le juge peut aussi dispenser une partie de consigner la provision, si elle bénéficie de l’aide juridictionnelle ou si elle justifie de son indigence.

Cette solution est justifiée par le fait que Le défaut de consignation par la partie désignée rend caduque la décision d’expertise à moins que le juge, à la demande d’une des parties se prévalant d’un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité (C. pr. civ., art. 271). Le défendeur à l’expertise aura simplement à ne pas payer pour faire rendre la procédure caduque.

Le remboursement des frais d’expertise par la partie perdante

Le principe est que les frais d’expertise font partie des dépens et sont mis à la charge de la partie succombante. Il s’agit généralement de la partie qui a perdu le procès, mais le juge peut aussi tenir compte de l’équité ou de la situation économique des parties. La partie gagnante peut demander le remboursement de la provision qu’elle a consignée, en présentant le certificat de consignation au greffe. Si la provision est insuffisante, elle peut demander le complément à la partie perdante. Si la provision est supérieure, elle peut demander la restitution du trop-perçu au greffe.

Il existe des exceptions à ce principe. Par exemple, en cas de partage des torts, le juge peut répartir les frais d’expertise entre les parties, proportionnellement à leur responsabilité. Le juge peut aussi mettre les frais d’expertise hors dépens, s’il estime qu’ils n’étaient pas nécessaires ou qu’ils ont été occasionnés par la faute d’une partie.

Le juge contrôle-t-il vraiment les frais d’expertise judiciaire ?

En droit, il faut toujours faire la différence entre une contrôle formel et un contrôle réel. La meilleure façon de le savoir est de regarder le taux d’échec/réussite ou le taux de modification d’un recours. Par exemple, si vous souhaitez obtenir une dérogation pour inscrire votre enfant dans telle école, votre dossier ne sera pas construit de la même manière selon que 1% ou 99% des demandes sont acceptées : dans un cas le contrôle est un couperet dans un autre il est quasiment inexistant.

Pour les frais d’expertise, les juges en pratique ne contrôlent absolument pas les frais d’expertise. En effet, d’après Arnault et Krief (S. Arnault et P. Krief, Le coût des expertises judiciaires civiles, enquêtes sociales et médiations familiales, spéc. p. 19) dans 98,5 % des cas, le montant demandé par l’expert ne fait l’objet d’aucune réduction de la part du juge.

C’est donc la porte ouverte à toutes les fenêtres : si le seul moyen d’éviter des honoraires excessifs est de parier sur la mesure de l’expert et sur sa mansuétude, sans aucun contre-pouvoir, sans aucun contrôle, alors c’est la porte ouverte à tous les abus. Montesquieu nous avait pourtant mis en garde : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. » En laissant l’expert seul maître de sa rémunération, on lui confère un pouvoir sans limite, fondé non sur le droit, mais sur la confiance aveugle. C’est précisément contre ce type de dérive que la pensée juridique s’est construite. Un pouvoir, aussi technique soit-il, ne peut rester sans régulation. Sinon, ce n’est plus de la justice, mais une délégation d’autorité sans garde-fou.

Le partage du paiement des frais d’expertise

Dans certains cas dans lesquels l’expertise est absolument indispensable, par exemple les évaluations immobilières pour le partage d’une succession, les frais d’expertise sont payés par l’indivision, c’est à dire tous les indivisaires (héritiers) à parts égales.

Cela ne change pas que le demandeur doit la plupart du temps avancer les frais.

L’expertise de partie

L’expertise de partie est une expertise réalisée à l’initiative d’une partie au litige, sans intervention du juge, par un expert de son choix. Elle peut être effectuée avant, pendant ou après le procès. Elle peut avoir pour objet de préparer ou de contester une expertise judiciaire, ou de renforcer les arguments de la partie qui l’a sollicitée.

La définition et les caractéristiques de l’expertise de partie

L’expertise de partie se distingue de l’expertise judiciaire par plusieurs aspects. Tout d’abord, elle est fondée sur la liberté contractuelle des parties, qui choisissent librement l’expert, le contenu et les modalités de sa mission. Ensuite, elle est soumise au secret professionnel, qui interdit à l’expert de divulguer les informations qu’il a recueillies ou les conclusions qu’il a établies, sauf autorisation de la partie qui l’a mandaté. Enfin, elle n’a pas de valeur contraignante pour le juge, qui n’est pas lié par l’avis de l’expert de partie.

L’expertise de partie présente des avantages et des inconvénients, par rapport à l’expertise judiciaire. Parmi les avantages, on peut citer la rapidité, la confidentialité, la liberté de choisir l’expert et de définir sa mission. Parmi les inconvénients, on peut citer le coût, le risque de partialité, le manque de force probante.

Les modalités et les effets de l’expertise de partie

L’expertise de partie se déroule selon les modalités convenues entre la partie et l’expert, en fonction du type de litige et du domaine du droit civil concerné. Par exemple, en matière immobilière, l’expertise de partie peut porter sur l’évaluation d’un bien, la vérification de la conformité des travaux, la recherche de la cause d’un sinistre, etc. En matière de travail, l’expertise de partie peut porter sur l’appréciation du préjudice subi par le salarié, la vérification du respect des règles de sécurité, la détermination de la responsabilité de l’employeur, etc. En matière commerciale, l’expertise de partie peut porter sur l’analyse des comptes, la vérification de la validité d’un contrat, la détermination du montant d’une indemnité, etc.

Les effets de l’expertise de partie sont limités, car elle n’a pas de valeur contraignante pour le juge, qui n’est pas lié par l’avis de l’expert de partie. Toutefois, l’expertise de partie peut être utilisée comme un moyen de preuve ou de négociation, si elle est pertinente, sérieuse et contradictoire. Elle peut aussi être contestée par l’autre partie, qui peut demander une expertise judiciaire ou produire une contre-expertise.

Les frais d’expertise de partie sont, en principe, à la charge exclusive de la partie qui l’a sollicitée, sauf convention contraire ou décision judiciaire ultérieure. La partie qui a recours à l’expertise de partie doit payer les honoraires de l’expert, qui sont fixés librement par le contrat. Elle peut aussi demander à l’autre partie de participer aux frais, si celle-ci accepte de se joindre à l’expertise ou si le juge l’y condamne.

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