Travaux supplémentaires de l’entrepreneur : quelle preuve fournir ou comment s’y opposer ?

Il est fréquent, voire systématique, qu’un entrepreneur réclame au maître d’ouvrage le paiement de travaux supplémentaires.
Ces situations surviennent souvent en l’absence de devis signé ou d’accord écrit, notamment lorsque les relations entre les parties sont empreintes de confiance, d’oralité ou d’amitié.

Dès lors, deux questions se posent :

  • Comment, inversement, s’opposer à une telle demande lorsque l’entrepreneur ne peut en justifier le fondement ?
  • Comment obtenir la condamnation du maître d’ouvrage à régler à l’entrepreneur le prix des travaux supplémentaires ?

Un arrêt de principe du 18 janvier 2024 (Cass. 3e civ. 18-1-2024 no 22-14.705 F-D, Sté Les jardins du fort c/ Sté Ferreira construction façade rénovation) est venu clarifier le régime juridique applicable en faveur du maitre de l’ouvrage puisque ni le silence ni le paiement partiel ne prouvent son accord.

Rappel des fondements juridiques

Article 1793 du code civil «  Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.« 

La charge de la preuve repose sur l’entrepreneur

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (C. civ. art. 1353, al. 1). 

L’entrepreneur doit établir, en plus de la preuve qu’il a effectivement réalisé les travaux, que le maître d’ouvrage a

  1. accepté ces travaux 
  2. a consenti au prix réclamé.

Celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de l’autre partie à l’exécution de ceux-ci au prix demandé. 

Cass. 3e civ. 18-1-2024 no 22-14.705 F-D, Sté Les jardins du fort c/ Sté Ferreira construction façade rénovation

Les éléments pris en compte

 Le juge doit constater que les travaux supplémentaires ont été commandés par le maître d’ouvrage avant leur exécution ou qu’il les a acceptés sans équivoque après leur exécution (Cass. 3e civ. 27-9-2006 no 05-13.808 FS-PB).

Une acceptation tacite des travaux par le maître d’ouvrage ne peut résulter que d’actes manifestant de manière non équivoque sa volonté de les accepter (Cass. 3e civ. 19-2-2002 no 99-19.449 F-D).

Ne vaut pas acceptation :

  • Le seul silence gardé à réception d’une facture ni le paiement partiel de travaux dont la facturation litigieuse ne constitue pas la suite nécessaire (Cass. 3e civ. 18-1-2024 no 22-14.705 F-D, Sté Les jardins du fort c/ Sté Ferreira construction façade rénovation)
  • Le silence du maître d’ouvrage opposé à une demande de paiement de travaux supplémentaires (Cass. 3e civ. 26-9-2006 no 05-18.070 F-D),
  • le paiement partiel de travaux dont la facturation litigieuse ne serait pas la suite nécessaire (Cass. 3e civ. 9-7-2020 no 19-16.371 F-D).

L’entrepreneur qui réclame au maître d’ouvrage le paiement de travaux supplémentaires doit prouver que ce dernier a consenti à leur exécution au prix demandé ; cette preuve ne peut pas résulter du seul silence gardé à réception d’une facture ni d’un paiement partiel.

Cass. 3e civ. 18-1-2024 no 22-14.705 F-D, Sté Les jardins du fort c/ Sté Ferreira construction façade rénovation

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