Premier président (assignation, exécution provisoire, sursis, arrêt) : tout comprendre

Le sous-titre II du titre VI du deuxième livre du Code de procédure civile établit, en deux chapitres, les pouvoirs spécifiques du premier président de la cour d’appel. Ces pouvoirs s’exercent principalement par le biais des référés ou des ordonnances sur requête.

Les pouvoirs du premier président en matière de référé présentent des caractéristiques distinctes de ceux du conseiller de la mise en état ou de la cour statuant en formation collégiale. L’article 956 du Code de procédure civile lui confère une compétence générale pour ordonner, en cas d’appel et dans toutes les situations d’urgence, des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. De son côté, l’article 957 de ce même code permet au premier président de prononcer en référé toutes mesures utiles, en particulier concernant l’exécution provisoire des jugements frappés d’appel.

Par ailleurs, au cours de l’instance d’appel, le premier président peut, par voie d’ordonnance sur requête, adopter toutes mesures urgentes nécessaires à la sauvegarde des droits d’une partie ou d’un tiers lorsque les circonstances imposent qu’elles soient prises sans débat contradictoire.

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C’est qui le premier président de la cour d’appel ?

La juridiction du premier président (PP) de la cour d’appel, qui connaît en urgence des incidents liés à la procédure d’appel, est distincte de la chambre saisie de l’appel. Elle obéit à une procédure propre, orale et sans représentation obligatoire, sauf en cas de présentation d’une ordonnance sur requête sur le fondement de l’article 959 du code de procédure civile.

Le premier président, saisi par voie d’assignation ou de requête, statue en urgence, soit selon « la procédure accélérée au fond » créée par l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 et le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019, soit en référé. Il est appelé également à prendre des mesures d’administration judiciaire.

Les procédures d’urgence (référés, requêtes, accélérées au fond) introduites devant le premier président de la cour d’appel (sauf en matière de funérailles) ne sont pas des appels : il convient dès lors d’éviter toute référence aux qualités d’appelant ou intimé, inopérantes en la matière et de faire état de la qualité de demandeur (ou requérant) ou de défendeur.

La juridiction du premier président dispose d’un greffe autonome qui audience les affaires. Concrètement, il est nécessaire d’obtenir auprès du greffe une date d’audience avant de délivrer une assignation devant le premier président

Exécution provisoire de droit

Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire de la loi ou de la décision rendue (C. pr. civ., art. 514).

En cas d’appel, le Premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire dans les situations suivantes :

  • Moyen sérieux d’annulation ou de réformation, et
  • Risque de conséquences manifestement excessives de l’exécution (C. pr. civ., art. 514-3, al. 1er).

Pour les parties qui n’ont pas soulevé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance, leur demande n’est recevable que si les conséquences manifestement excessives sont apparues postérieurement à la décision de première instance (C. pr. civ., art. 514-3, al. 2).

En cas d’opposition, le juge ayant rendu la décision peut d’office ou à la demande d’une partie arrêter l’exécution provisoire lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (C. pr. civ., art. 514-3, al. 3).

Le rejet de la demande visant à arrêter l’exécution provisoire peut être conditionné à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle (C. pr. civ., art. 514-5).

Exécution provisoire facultative

Arrêt ou aménagement de l’exécution provisoire facultative (C. pr. civ., art. 515, 517 et 517-1)

Lorsque l’exécution provisoire est facultative :

  • Elle peut être ordonnée d’office ou à la demande d’une partie si le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire (art. 515).

En cas d’appel, elle ne peut être arrêtée par le Premier président que dans les cas suivants (C. pr. civ., art. 517-1) :

  1. Lorsque la loi interdit l’exécution provisoire ;
  2. Lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Dans ce dernier cas, le Premier président peut appliquer les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.

En cas d’opposition, le juge ayant rendu la décision dispose du même pouvoir lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle peut être subordonnée à une garantie suffisante pour couvrir les restitutions ou réparations (C. pr. civ., art. 517).

Arrêt, sursis ou suspension de l’exécution provisoire : que demander ?

Au niveau de la première instance : écartement et rétablissement

  • Ecartement de l’exécution provisoire : prononcée uniquement par le juge de première instance (article 514-1 CPC)
  • Rétablissement de l’exécution provisoire de droit : demandée au premier président ou au conseiller de la mise en état lorsque l’écartement a été prononcé en première instance (514-4 CPC)

Au niveau de l’appel pour la plupart des décision : arrêt ou aménagement

  • Arrêt de l’exécution provisoire (articles 514 CPC) : prononcée par le premier président de la cour d’appel (514-3 CPC)
  • Aménagement : si l’arrêt n’est pas possible, on demande un aménagement. Par exemple remplacer une saisie de cash par une hypothèque sur un immeuble

Au niveau de l’appel pour les décisions du JEX : sursis

  • Sursis de l’exécution provisoire : pour les décisions du juge de l’exécution (Article R121-22) ; en cas de « moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la Cour », moins restrictif que l’arrêt de l’exécution provisoire

Jamais : la suspension

  • Suspension de l’exécution provisoire : ça n’existe pas, ne jamais la demander ! La suspension de l’exécution provisoire n’existe pas : c’est une grave erreur de droit de parler de « suspension » de l’exécution provisoire. Le droit français ne connait que son arrêt. Certains auteurs, par méconnaissance ou volonté de ne pas trop se répéter, utilisent de manière indifférente suspension et arrêt : il faut s’en garder. L’écriture juridique n’a pas pour but d’être littéreraire. Tous les mots ne se valent pas, la résolution n’est pas exactement la résiliation, l’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas sa suspension qui impliquerait qu’elle pourrait être remise en oeuvre alors que les décisions du 1er président sont insusceptibles de recours et que ce sera ensuite l’arrêt d’appel qui sera exécutoire.

Forme de la demande (CPC art 485, 486, 514-6, 517-4 et 957)

Le Premier président statue en référé par une décision non susceptible de pourvoi (C. pr. civ., art. 514-6 et 517-4).

Modalités de la saisine :

  • La demande est formulée par assignation à une audience prévue à cet effet (C. pr. civ., art. 485 et 957).
  • Les parties doivent comparaître, mais peuvent se faire assister ou représenter par un avocat.
  • Le juge veille à ce que la partie assignée dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense (C. pr. civ., art. 486).

Aucun délai de comparution n’étant précisé, les articles 643 et 645 du CPC, qui augmentent certains délais, ne s’appliquent pas (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 06-10.714).

La procédure orale devant le Premier président : principes, portée et spécificités

Certaines procédures portées devant le Premier président relèvent d’un régime oral, sans représentation obligatoire. Dans ce cadre, les règles issues de l’article 468 du Code de procédure civile jouent un rôle déterminant. Leur méconnaissance entraîne des erreurs courantes, notamment en matière de contestation d’honoraires d’avocat, où les parties pensent, à tort, que l’échange d’écritures suffit.

Pourtant, en procédure orale, les prétentions doivent être soutenues à l’audience. Cette exigence, constante et ancienne, est solidement ancrée dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

Les matières soumises à la procédure orale devant le Premier président

La procédure orale devant le Premier président n’est pas générale : elle résulte du renvoi opéré par certains textes spéciaux.
L’exemple le plus structurant est celui de la contestation des honoraires d’avocat, régie par l’article 277 du décret du 27 novembre 1991, qui renvoie aux règles de la procédure orale du tribunal judiciaire.

D’autres matières peuvent relever de l’oralité lorsque :

  • aucun ministère obligatoire n’est prévu,
  • un texte vise spécifiquement la procédure orale,
  • ou la procédure se rattache à un contentieux traditionnellement oral (par exemple, certains incidents en matière d’exécution).

Dans ces hypothèses, le Premier président statue comme une juridiction d’oralité, non comme une chambre de procédure écrite.

La portée du principe d’oralité : la nécessité de soutenir ses prétentions à l’audience

En procédure orale, seule la comparution ou la représentation à l’audience permet de soutenir valablement les prétentions.

La jurisprudence est constante :

  • La confirmation de la décision attaquée ne peut être prononcée que si elle est demandée à l’audience.

Cette règle a été affirmée et réaffirmée par la Cour de cassation depuis plus de quarante ans, notamment :

  • Cass. 2e civ., 10 mars 1988, n° 86-17.968 ;
  • Cass. 2e civ., 10 mars 1988, n° 86-11.144 ;
  • Cass. 2e civ., 4 juillet 2007, n° 06-15.933 ;
  • Cass. 2e civ., 21 mars 2013, n° 11-28.757 ;
  • Cass. 2e civ., 19 novembre 2015, n° 14-11.350 (premier président – contestation d’honoraires).

La logique est simple :

en procédure orale, aucune prétention n’existe si elle n’est pas soutenue à l’audience.

Les écritures déposées n’ont qu’un rôle préparatoire et ne valent pas conclusions au sens de la procédure écrite.

Absence du demandeur : une décision au fond possible seulement à la demande du défendeur

L’article 468 du Code de procédure civile, applicable en procédure orale, pose une règle impérative :

  • si le demandeur ne comparaît pas,
  • seul le défendeur peut requérir qu’il soit statué au fond.

Cette règle a été réaffirmée dans de nombreuses décisions, notamment :

  • Cass. 2e civ., 28 juin 2012, n° 11-21.051 (absence du demandeur et motifs légitimes de non-comparution) ;
  • Cass. 2e civ., 3 février 2022, n° 20-18.715 (effet de la première comparution et absence au renvoi).

À défaut de demande du défendeur présent, le juge ne peut pas statuer sur le fond.
Il ne peut que :

ou constater la caducité de la citation.

renvoyer l’affaire,

Double absence des parties : impossibilité de statuer au fond

Lorsque aucune partie ne comparaît, le Premier président ne peut ni confirmer, ni réformer la décision attaquée.

La confirmation est une prétention, elle ne peut donc jamais être prononcée :

  • en l’absence du défendeur,
  • ou lorsque personne ne sollicite la confirmation.

Cette règle a été rappelée de manière constante :

  • Cass. 2e civ., 10 mars 1988, n° 86-17.968 ;
  • Cass. 2e civ., 10 mars 1988, n° 86-11.144 ;
  • Cass. 2e civ., 4 juillet 2007, n° 06-15.933 ;
  • Cass. 2e civ., 21 mars 2013, n° 11-28.757 ;
  • Cass. 2e civ., 19 novembre 2015, n° 14-11.350.

Ces décisions, toutes rendues au visa de l’article 468, rappellent que le juge ne peut se substituer aux parties.

La confirmation : une prétention qui ne peut être exprimée que par une partie présente

Contrairement à la procédure écrite, où la confirmation peut résulter d’une absence de conclusions, en procédure orale elle doit être sollicitée à l’audience.

Aucune confirmation d’office n’est possible.

La Cour de cassation a jugé à maintes reprises que la simple absence du demandeur ne permet pas de confirmer la décision entreprise :
l’intimé doit être présent ou représenté pour en faire la demande.

Les arrêts suivants le rappellent expressément :

Cass. 2e civ., 19 novembre 2015, n° 14-11.350.

Cass. 2e civ., 4 juillet 2007, n° 06-15.933 ;

Cass. 2e civ., 21 mars 2013, n° 11-28.757 ;

Synthèse

La procédure orale devant le Premier président repose sur des principes stables :

  1. Elle ne s’applique que dans les matières où un texte spécial la prévoit.
  2. Les prétentions doivent être soutenues à l’audience.
  3. Le juge ne peut statuer au fond qu’à la demande d’une partie présente.
  4. En cas de double absence, aucune décision au fond n’est possible.
  5. La confirmation est une prétention, et non un automatisme.

Ces principes, fermement établis et régulièrement confirmés par la Cour de cassation, structurent encore aujourd’hui la pratique des contestations d’honoraires et plus généralement des contentieux soumis à l’oralité devant le Premier président.

Mentions obligatoires assignation référé et sursis premier président exécution provisoire

Elles sont très concises:

Article 56 du code de procédure civile : "faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire."

Article 56 du code de procédure civile : "L'indication des modalités de comparution devant la juridiction"
: vous devez vous présenter personnellement à cette audience et à toutes audiences ultérieures, ou être représenté par un avocat que vous mandaterez à cet effet (absence de représentation obligatoire).

Modèle Assignation afin d’arrêter ou d’aménager l’exécution provisoire (C. pr. civ., art. 514-3)

Assignation en référé devant le Premier président de la Cour d’appel de [Ville]

L’an [Année], le [Date]

À la demande de :

Cas d’un requérant physique :
  • [Nom, prénoms], [profession], demeurant [adresse], de nationalité [nationalité], né(e) le [date] à [lieu].
Cas d’un requérant moral :
  • [Dénomination], [forme juridique], ayant son siège social [adresse], immatriculée au RCS sous le n° [numéro], représentée par [représentant].

Représenté par :

  • Me [Nom, prénoms], avocat au barreau de [Ville], [adresse professionnelle].

Donne assignation en référé à :

Cas d’un destinataire physique :
  • [Nom, prénoms], demeurant [adresse].
Cas d’un destinataire moral :
  • [Dénomination], [forme juridique], ayant son siège social [adresse].

Devant Monsieur/Madame le Premier président de la Cour d’appel de [Ville], à l’audience du [date] à [heure], au Palais de justice [adresse].

Objet de la demande :

  • Préciser l’objet (arrêt ou aménagement de l’exécution provisoire).
  • Présenter les moyens en fait et en droit, justifiant de l’existence de conséquences manifestement excessives.

Bordereau des pièces :

  1. Pièce n°1 : [Nom de la pièce].
  2. Pièce n°2 : [Nom de la pièce].

Par ces motifs, il est demandé :

  • D’arrêter ou d’aménager l’exécution provisoire de la décision contestée.
  • De condamner [partie adverse] aux dépens.

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