Opération de police et scellé : quelle indemnisation ?

Si un immeuble loué est placé sous scellés pour les besoins d’une instruction, son propriétaire peut demander à certaines conditions (notamment : être tiers à la procédure, avoir subi un préjudice spécial et anormal) un dédommagement de la part de l’État pour la perte de loyers à laquelle il est confronté (Rép. min. n° 32570 : JOAN 14 oct. 2010). Ainsi, tant que l’instruction n’est pas terminée, il peut être judicieux de demander cette indemnisation plutôt que la restitution de l’immeuble qui risque de ne pas être accordée.

Si vous souhaitez obtenir la résitution du scellé, l’article est ici :

Comment obtenir la restitution des scellés et l’indemnisation du préjudice ?

Victime d’une infraction pénale classique

Mise en cause de la responsabilité de l’Etat : les 2 conditions

Il faut engager la responsabilité de l’Etat au titre de l’indemnisation des suites d’une opération de police judiciaire. Les services du Ministère de la Justice sont en charge de cette procédure (Question écrite n° 3378) (rép. min. n°32570, JOAN du 19.1.10 p.625)

Le propriétaire d’un bien placé sous scellés pour les besoins d’une enquête pénale peut obtenir de l’État, à certaines conditions, l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison de ce placement sous main de justice. La responsabilité de l’État pour rupture d’égalité devant les charges publiques est en effet engagée à l’égard d’une personne qui subit les conséquences d’une opération de police judiciaire, alors même qu’aucune faute ne peut être reprochée au service de la justice. C’est le cas lorsqu’un particulier voit son bien mis sous scellés dans le cadre d’une instruction, puisque, dans cette hypothèse, le fonctionnement de l’institution judiciaire fait peser sur lui une charge qui excède ce que l’on est en droit d’exiger d’un citoyen dans le cadre de la vie en société. Cette indemnisation est soumise à des conditions, qui sont celles que les jurisprudences du Conseil d’État et de le Cour de cassation ont dégagées concernant l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État.

  1. La personne qui sollicite l’indemnisation doit être tierce à la procédure judiciaire justifiant la mise sous scellés, c’est-à-dire qu’elle ne doit être ni mise en cause ni, en théorie, partie civile. C’est en règle générale le cas des propriétaires dont le bien immobilier placé sous main de justice était loué, puisque ce sont très souvent les locataires qui sont victimes ou mis en cause dans le cadre de l’information. Dans le cas d’un bien en location, évoqué dans la question, le préjudice est constitué principalement par les pertes de loyers dues à l’impossibilité de louer le logement placé sous scellés. L’indemnisation est calculée à partir du montant du loyer hors charges, puisque le logement n’est pas occupé, et peut prendre en compte les revalorisations légales de ce loyer. Le propriétaire peut également prétendre au remboursement des sommes qu’il aura dû engager pour remettre en état son bien si celui-ci a subi des dégradations pendant son placement sous main de justice.
  2. Enfin, comme pour tout engagement de la responsabilité sans faute à raison de la rupture d’égalité devant les charges publiques, le préjudice doit être spécial c’est-à-dire ne concerner qu’un petit nombre de citoyens, et anormal, c’est-à-dire excéder par sa gravité les charges qui doivent être normalement supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant du service public de la justice.
    • La condition de spécialité est systématiquement remplie, ce type de dommages ne concernant que peu de citoyens.
    • Pour satisfaire à la condition d’anormalité, une partie de la durée pendant laquelle le bien a été placé sous scellés ne donnera pas lieu à indemnisation. La jurisprudence judiciaire retient en règle générale une durée de deux mois, qui correspond au délai de placement sous scellés nécessaire au bon déroulement de l’instruction (CA Paris, 21 février 2000, n° 1999/18055).

Le cas du propriétaire non occupant : À noter que si votre locataire fait l’objet d’une perquisition ayant entrainé des dégâts à votre logement, en qualité de bailleur et propriétaire du logement, vous êtes considéré comme un tiers à la procédure policière en cours.

Quel préjudice indemnisable ?

Dès lors que ces conditions sont réunies, le propriétaire d’un bien sous scellés peut obtenir l’indemnisation de son préjudice. Saisie d’une demande en ce sens, la direction des services judiciaires du ministère de la justice lui proposera un règlement amiable, comme elle l’a fait dans les 71 dossiers de ce type dont elle a été destinataire en 2008. Il convient de préciser qu’il n’est nul besoin d’attendre la levée des scellés pour présenter une telle demande et que le versement de l’indemnisation peut débuter avant même cette levée.

le Fonds de garantie des victimes d’infraction n’indemnise pas les propriétaires d’une « maison du crime » dévaluée ou impossible à occuper du fait d’un traumatisme psychologique, estimant qu’il ne s’agit pas d’un « préjudice direct » en lien avec le crime commis

Victime de terrorisme

Si vous faite l’objet d’une inscription sur une liste de victimes d’un acte de terrorisme par le Parquet de Paris vous relevez dispositions de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et êtes éligible à une indemnisation devant le Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI). 

Mise en cause de tiers reponsables

Il est évidemment possible de recourir aux règles classiques de responsabilité civile.

Par exemple en engageant la responsabilité civile de l’intermédiaire (airbnb booking agent immobilier) qui a loué votre appartement au malfaiteur : une étude plus approfondie par la plateforme ou l’agent aurait permis d’éviter cette location à risque. Les plateformes ont des politiques de garantie et d’assurance qu’il faut mettre en oeuvre.

Quelle procédure étape par étape ?

Courrier au Ministère de la justice

Le Ministère de la Justice dispose d’un service spécialisé que votre avocat doit connaitre s’il pratique habituellement ce contentieux.

Il existe une possibilité de règlement amiable avec le ministère de la Justice, qui peut être saisi par un propriétaire qui souhaite voir son préjudice réparé.

Il convient de faire parvenir au Ministère de la Justice un courrier de requête en indemnisation des préjudices subis dans lequel il conviendra de démonter les trois points précités en n’oubliant pas de joindre les éléments justificatifs disponibles.

Le Ministère de la Justice, par retour de ce courrier, fera état de ses éventuelles remarques et contre-proposition.

Assignation de l’agent judiciaire de l’Etat

Si aucun accord n’est trouvé, le justiciable doit assigner l’Agent judiciaire de l’État (représentant de l’État auprès de l’Ordre judiciaire) devant le Tribunal Judiciaire territorialement compétent

Jurisprudence intéressante : Tribunal judiciaire de Draguignan, 4 juillet 2024, 23/00033

Conseils

Le Ministère de la Justice ne conserve pas de copie des procédures en cours. Lorsqu’une demande d’indemnisation lui est adressée, il doit en conséquence en solliciter une copie. Toutefois, les délais de traitement s’avèrent souvent longs, en raison de la surcharge des tribunaux. Pour accélérer une procédure déjà chronophage, il est donc vivement recommandé de joindre directement à la demande une copie de la procédure, accompagnée d’une attestation ou d’un procès-verbal démontrant l’absence de lien entre l’action des forces de l’ordre (police ou gendarmerie) et le justiciable sollicitant l’indemnisation de son préjudice.

Par ailleurs, le Défenseur des droits s’est récemment emparé de cette problématique. Il a mis en lumière plusieurs dysfonctionnements dans le cadre de cette procédure amiable, en particulier la longueur excessive des délais et le manque de clarté concernant les voies de recours.

En outre, il a dénoncé l’illégalité de deux pratiques mises en œuvre par le Ministère :

  1. L’application d’un abattement forfaitaire de 10 % sur les dépenses engagées pour la remise en état du bien, au titre d’une prétendue « contribution aux charges publiques ».
  2. L’application systématique d’un taux de vétusté forfaitaire de 10 %, sans prise en compte des spécificités du préjudice subi.

Dans sa décision du 16 juillet 2019 (n°2019-173), le Défenseur des Droits a fermement condamné ces pratiques. Il a également émis plusieurs recommandations visant à améliorer les pratiques du Ministère de la Justice. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cette décision à l’adresse suivante : Décision du Défenseur des Droits.

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