Fraude fiscale et blanchiment : comment s’en sortir ?

La fraude fiscale est un sujet aussi sensible que complexe. Entre les erreurs involontaires et les manœuvres délibérées d’évasion, la frontière est parfois floue. Pourtant, les conséquences peuvent être lourdes : redressements, sanctions pénales, voire peines de prison. 📉

Mais qu’est-ce que la fraude fiscale au sens du droit français ? Quels sont les risques encourus et comment l’administration fiscale la détecte-t-elle ? Cet article vous explique tout, en s’appuyant sur la législation en vigueur et la jurisprudence récente.

La fraude fiscale est une infraction de droit pénal des affaires

Droit pénal des affaires / Infractions pénales économiques et financières (ECOFI): tout comprendre

Cumul des poursuites administratif et pénal

Cons.Const. 30 mars 2016 : objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale. Cour de Cassation : nécessité de fraude « grave » pour qu’il puisse y avoir poursuites pénales en plus des poursuites fiscales.

Conventionnalité des doubles poursuites fiscales et pénales

Compétences concurrentes du PNF (fraudes complexes) et des parquets locaux (fraudes simples)

L’élément préalable : soit l’administration fiscale dénonce au parquet les procédures, soit elle dépose une plainte préalable sur avis conforme de la CIF.

Fraude fiscale commise par une personne : physique (ex : IR…) ; ou morale et son dirigeant (ex : TVA, IS…)

L’élément matériel est apporté par le Fisc (ex : absence de déclarations fiscales).

L’élément moral va résulter de la connaissance notoire de ses obligations par le mis en cause

Possibilité de poursuites du parquet sur des faits connexes : travail dissimulé, blanchiment de fraude fiscale, etc…

Des échanges réguliers d’informations existent entre l’autorité judiciaire et l’administration fiscale (art. L.82 & L.101 & L.142A LPF, art. 40 )

Quel est le but de la fraude fiscale ?

Faire des économies d’impôt pour être utilisées soit pour les besoins personnels du dirigeant soit pour la survie de l’entreprise.

Quel cumul fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale ?

Il y a toujours blanchiment de fraude fiscale quand il y a fraude fiscale. Mais ce ne sera pas doublement poursuivi car sans intérêt si même période.

Comment se défendre ?

Les arguments en défense qui ne fonctionnent pas

Le prévenu (ou son avocat non spécialisé…) fait parfois valoir des moyens inopérants :

  • La contestation des éléments techniques apportés par le Fisc ;
  • Une absence de mauvaise volonté dans un contexte de non-paiement du comptable qui a retenu des documents ou mal fait son travail ;
  • La responsabilité du dirigeant de droit alors que le prévenu apparaît comme dirigeant de fait. La simple absence de comptabilité est un délit
La comptabilité en droit

Les arguments qui fonctionnent

Essentiellement les arguments pour obtenir la clémence du tribunal. SI le prévenu voulait contester le raisonnement et les calculs de l’administration fiscale, c’était devant le juge administratif qu’il fallait le faire !

Le positionnement du mis en cause sur les faits et son comportement ‘post-contrôle’ (régularisations…) peuvent lui être favorables.

Il faut partir du présupposé que le magistrat pénaliste n’y connait rien au droit fiscal.

Si le raisonnement de l’administration est contesté, il faut se mettre à la portée du juge (pas de conclusions longues et de jp). Proposer un raisonnement simple.

En cas de doute, le magistrat va suivre l’Administration Fiscale (AF)

Comment se déroule l’audience de fraude fiscale ?

Le FISC sera dans la salle. Le Fisc à l’audience va en général :

  • Se constituer partie civile, mais sans « doublonnage » avec la procédure fiscale… sauf cas d’escroquerie poursuivie en tant que telle
  • Demander la solidarité fiscale entre le dirigeant et la personne morale

Les principales peines :

  • Emprisonnement, amende, peines complémentaires obligatoires d’affichage et de publication, interdiction de profession libérale, interdiction de gérer
  • Confiscation de biens saisis
  • Exclusion de plein droit des marchés publics

La Commission Départementale des Impôts Directs et des Taxes sur le Chiffre d’Affaires : un piège procédural ?

🔍 Un avis non contraignant… mais stratégique
La Commission Départementale des Impôts Directs et des Taxes sur le Chiffre d’Affaires (CDIDTCA) a pour mission de rendre un avis en cas de désaccord entre un contribuable et l’administration fiscale. Bien que cet avis ne lie pas l’AF, il peut avoir un impact majeur sur la procédure.

⚖️ Le renversement de la charge de la preuve : un tournant décisif
Si l’avis de la Commission est favorable à l’administration fiscale, il entraîne une conséquence procédurale redoutable : le renversement de la charge de la preuve. Autrement dit, c’est au contribuable de démontrer que l’imposition est infondée, et non plus à l’AF de justifier son redressement.

💡 L’intérêt du désistement avant la Commission
Face à ce risque, certains contribuables – ou leurs avocats – préfèrent se désister avant que la Commission ne rende son avis. Cette décision peut être perçue comme une reconnaissance implicite de faiblesse, mais elle est souvent une stratégie pragmatique : éviter un avis défavorable qui compliquerait la défense devant le Tribunal Administratif (TA).

En contournant la Commission, le contribuable conserve l’initiative dans le contentieux et peut plaider son dossier sans le fardeau du renversement de la charge de la preuve.

Contentieux fiscal : les principaux enjeux

Dans un litige fiscal, deux grands types de contestations peuvent être soulevés :

  • La question probatoire 🔍 : Le contribuable doit apporter la preuve des dépenses ou des éléments contestés afin de les soumettre à l’appréciation du juge. L’absence de justificatifs solides peut compromettre la défense.
  • La contestation technique ou juridique ⚖️ : Elle vise à remettre en cause la régularité de la procédure, indépendamment du fond ou des éléments probatoires. Une irrégularité substantielle, notamment si elle porte atteinte aux droits de la défense, peut entraîner l’annulation de la procédure, rendant toute discussion sur le fond inutile.

Pourquoi l’administration fiscale recherche-t-elle le cumul des sanctions pénales et administratives ?

Un objectif clair : garantir le paiement par la solidarité

L’objectif principal de l’administration fiscale est simple : assurer le recouvrement des sommes dues. C’est à dire se faire payer.

Lorsqu’elle saisit le tribunal correctionnel, que ce soit directement ou par l’intermédiaire du procureur de la République, son intention est d’engager la responsabilité solidaire de la personne physique pour les dettes de la personne morale. Ainsi, en cas de faillite et d’insolvabilité de la société, cette dernière ne bénéficiera pas de la protection de la procédure collective, et la personne physique devra assumer le règlement des dettes fiscales.

Pour contrer cet argument, il est essentiel de démontrer que la société a bien acquitté ses obligations fiscales et demeure in bonis.

L’opposabilité des constatations de fait : Les faits constatés par les tribunaux répressifs s’imposent au juge de l’impôt

Le principe d’opposabilité des constatations de fait

🔫 L’administration fiscale (AF) dispose d’une arme redoutable : le principe de l’opposabilité des constatations de fait établies dans un jugement pénal.

Lorsqu’un tribunal pénal statue sur une affaire de fraude fiscale, il émet des constatations de fait qui, une fois la décision définitive, deviennent opposables au prévenu… mais aussi à l’AF.

En vertu de l’autorité de la chose jugée, la décision juridictionnelle est considérée comme l’expression du droit. L’autorité de la chose jugée s’attache aux constatations de fait effectuées par la juridiction pénale et lesdites constatations s’imposent au juge de l’impôt.

Il en résulte, que le contribuable n’est pas recevable à contester devant le juge de l’impôt, l’exactitude des faits constatés par le juge pénal.

Ainsi, dans une instance en matière de fraude fiscale, une société n’est pas recevable à contester devant le juge de l’impôt, l’exactitude des faits constatés par le juge pénal dont la décision est passée en force de chose jugée, alors même que les condamnations prononcées viseraient le président-directeur général et son adjoint et non la société (CE, arrêt du 22 novembre 1972, n° 77490). De même, un contribuable ayant été déclaré coupable de fraudes fiscales pour avoir volontairement dissimulé une partie des sommes sujettes aux taxes sur le chiffre d’affaires, l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux constatations ainsi effectuées par la juridiction répressive fait obstacle à ce que l’intéressé puisse utilement soutenir devant le juge de l’impôt qu’il n’aurait commis aucune dissimulation (CE, arrêt du 7 janvier 1973, n° 85064, RJ, n°IV, p. 19).

Par ailleurs, le juge de l’impôt doit valablement tenir pour établie la matérialité des constatations effectuées par la juridiction pénale.

Lorsque, par un arrêt devenu définitif, la Cour d’appel a constaté qu’un contribuable avait perçu à l’occasion de ses ventes, des suppléments de prix non portés en recettes dans sa comptabilité, l’autorité de la chose jugée par la juridiction pénale s’attache à ladite constatation et c’est dès lors à bon droit que le tribunal administratif tenant pour établie l’existence des recettes occultes, a ordonné une expertise aux fins d’en déterminer le montant (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 67559, RJ, 2e partie, p. 182).

Il en va de même en matière de contributions indirectes relevant de la compétence de la DGFiP.

Ainsi il a été jugé qu’un excédent constaté chez un fabricant de vinaigres doit être tenu pour constant au civil s’il a été reconnu exact par un jugement correctionnel passé en chose jugée (Cass. Ch., req. 19 janvier 1914).

Pourquoi c’est dangereux pour le mis en cause

Ce mécanisme offre un avantage stratégique à l’administration, qui peut ensuite s’appuyer sur ces éléments devant le juge fiscal pour verrouiller le débat.

⚖️ Le problème ? Les juges pénaux, moins familiers avec les subtilités de la procédure administrative fiscale, prennent parfois des raccourcis favorables à l’AF. Une fois devant le juge de l’impôt, l’administration brandit ces constatations pour empêcher toute discussion sur le fond.

📌 Mais il reste un levier de défense : la régularité de la procédure.
Même si le tribunal pénal a qualifié le contribuable de fraudeur, cela ne signifie pas que l’imposition a été correctement établie. Si la procédure fiscale a violé les droits du contribuable, il est toujours possible d’en demander la nullité.

Comment obtenir un sursis à statuer devant le juge pénal ?

  • La dette des sociétés a été payée, la solidarité n’a donc aucun intérêt, la personne physique ne peut pas être solidaire d’elle-même
  • Eviter la contrariété de décisions entre le juge fiscal et le juge correctionnel : Laissez la justice se faire et lui permettre de juger convenablement le prévenu
  • Taper sur l’AF en disant qu’elle a DEJA les poches pleines
  • Si une décision de première instance a déjà été rendue, préciser que l’appel est en cours et que les sommes dues par les personnes morales ont été payées

Blanchiment de fraude fiscale

Absence de nécessité de poursuite de la fraude fiscale sous-jacente pour qu’il y ait poursuite du blanchiment de fraude fiscale. En pratique, ce blanchiment est souvent poursuivi à l’occasion par exemple de la découverte de travail dissimulé par dissimulation d’activité.

L’élément matériel est apporté par l’enquête (ex: absence de déclarations fiscales+ utilisation des impôts éludés), l’élément moral va résulter de la connaissance notoire de ses obligations par le mis en cause.

Contrairement à la fraude fiscale, où le préjudice fiscal est calculé par le Fisc, en matière de blanchiment de fraude fiscale, il appartient aux parties (Parquet & Défense) de calculer le manque à gagner fiscal

Le Fisc ne sera quasi-jamais présent dans la salle d’audience ni se constituera partie civile.

Exemple : poursuite sur fraude fiscale après procédure fiscale pour la période 2019-2021, et poursuite sur blanchiment de fraude fiscale pour l période 2022-2023

Il faut évaluer précisément le préjudice : c’est là que la contestation se fait par l’avocat du prévenu.

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