La qualification juridique des combles en copropriété – autrement dit, déterminer s’ils constituent des parties communes ou des parties privatives – soulève des difficultés récurrentes et génère un contentieux abondant. En effet, la loi du 10 juillet 1965, pourtant fondement du régime de la copropriété, ne mentionne pas expressément les combles parmi les éléments réputés communs. Cette absence ouvre un champ d’incertitude qui se manifeste dès que l’un des copropriétaires entreprend d’y accéder, de les aménager ou d’en revendiquer la propriété.
Or, les combles occupent une place singulière : ils sont situés sous la toiture, souvent inaccessibles autrement que depuis le lot inférieur, et ne présentent généralement aucune utilité pour la collectivité. Leur qualification conditionne la propriété du volume, la possibilité d’y réaliser des travaux, la répartition des charges et, plus largement, l’équilibre des droits entre les copropriétaires.
La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2024 (n° 22-22.649, publié au Bulletin), invite à une lecture réaliste du droit de la copropriété : les combles, lorsqu’ils existent, ne participent pas à l’usage collectif et doivent être regardés comme des volumes privatifs rattachés au lot inférieur. Cet arrêt, en inversant la charge de la preuve et en exigeant que soit démontrée l’existence même du comble avant toute discussion sur son appropriation, confirme la logique matérielle du texte légal : ce qui n’est pas utile à plusieurs appartient à celui qui seul peut en jouir.
Dès lors, l’étude de la question des combles en copropriété conduit à articuler les textes de la loi de 1965, la définition technique donnée par la Cour de cassation et la pratique constante des juridictions du fond, pour aboutir à une conclusion claire : dans les faits comme en droit, les combles sont presque toujours des parties privatives.
Fondements législatifs de la distinction entre parties communes et privatives
Le statut de la copropriété des immeubles bâtis est fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
L’article 2 dispose que « Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. »
Cette disposition consacre le principe selon lequel la privativité découle d’un usage exclusif.
L’article 3 énonce à l’inverse que « Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux. »
Cet article ajoute une liste indicative des éléments réputés communs : le sol, les voies d’accès, le gros œuvre, les équipements collectifs, etc. Les combles n’y figurent pas.
L’article 6-4 précise que « L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété. »
Ainsi, sauf stipulation contraire, tout espace n’ayant pas d’usage collectif doit être présumé privatif.
L’article 8 rappelle enfin que le règlement de copropriété « détermine la destination des parties tant privatives que communes ».
Autrement dit, en cas de silence des titres, la nature du bien se déduit de son usage et de sa configuration.
Définition juridique du comble : un espace rattaché au lot inférieur
La Cour de cassation a défini le comble comme « un espace situé sous la toiture séparé des lots par un plancher » (Cass. 3e civ., 10 oct. 2024, n° 22-22.649, publié au Bulletin).
Cette définition est capitale, car elle rattache le comble matériellement au plancher du lot inférieur, dont il constitue un prolongement naturel.
Le comble ne forme donc pas une entité autonome : il dépend physiquement du lot qu’il surplombe.
Dès lors, lorsqu’il n’abrite aucun équipement commun et qu’il n’est accessible que depuis un seul appartement, il doit être qualifié de partie privative.
Cette lecture conforme à la réalité matérielle est aujourd’hui dominante, les juridictions privilégiant une approche pragmatique et non formaliste.
L’arrêt du 10 octobre 2024 : la preuve de l’existence des combles incombe à celui qui les invoque
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 octobre 2024 (Cass. 3e civ., n° 22-22.649, publié au Bulletin) illustre parfaitement la rigueur du raisonnement à tenir lorsque la réalité même du comble est discutée.
La Cour approuve les juges du fond d’avoir constaté que l’état descriptif de division ne mentionnait aucun comble et que, selon l’expert, « il n’existait pas de combles au sens technique du terme avant les travaux réalisés en 1986 par Mme [O], puisqu’il n’y avait alors pas d’espace situé sous la toiture séparé des lots de cette dernière par un plancher, lequel n’existait que depuis qu’elle avait installé des mezzanines dans ses lots. »
Elle relève ensuite que « Mme [O] ne s’était pas appropriée le palier du dernier étage puisqu’il n’était pas démontré qu’il existait, avant la réalisation des travaux, des poutres et un faux-plancher au-dessus du palier et que le châssis préexistant d’accès à la toiture n’avait pas été incorporé à la coursive reliant les deux lots. »
La Cour en déduit enfin que « qu’aucune partie commune n’avait fait l’objet d’une appropriation par un copropriétaire » et confirme le rejet de l’action des demandeurs.
L’enseignement essentiel de cette décision tient à la charge de la preuve : c’est à celui qui invoque l’existence d’un comble – généralement le syndicat des copropriétaires ou un copropriétaire adverse – de démontrer que cet espace existait réellement avant les travaux et qu’il avait le caractère de partie commune.
À défaut, la demande est vouée à l’échec. Ce renversement de perspective protège les propriétaires d’accusations d’appropriation infondées et conforte l’idée que la présomption de communauté ne s’applique qu’à des volumes dont l’existence et l’utilité collectives sont établies.
Les juridictions du fond consacrent également la privativité des combles
Plusieurs décisions récentes vont dans le même sens.
La Cour d’appel de Montpellier (1re ch. C, 30 octobre 2018, n° 16/01014) a jugé que « l’accès aux combles se fait par une trappe depuis le lot n° 4 et la porte d’accès située au troisième étage a été mise en place par Monsieur J. Y., qui avait seul la clé. Les combles ont depuis 1984 au moins été aménagés comme faisant partie du lot n° 4 (…). »
La cour a relevé qu’ils contenaient la chaudière, la ventilation et une partie du réseau électrique du lot, et a ainsi retenu leur nature privative.
Le Tribunal judiciaire de Nantes (4e ch., 25 septembre 2024, n° 20/02801) a adopté la même approche : « L’accès aux combles est exclusivement possible par le lot appartenant aux défendeurs (…). Aucun élément ne permet de déterminer que les combles abritent un équipement collectif ou présentent une utilité pour la copropriété. (…) Dès lors, les combles sont des parties privatives des lots des défendeurs. »
Ces décisions, comme l’arrêt du 10 octobre 2024, confirment que les combles, lorsqu’ils existent, sont le plus souvent des espaces privatifs, dès lors qu’ils ne remplissent aucune fonction collective.
La réalité matérielle : un espace sans utilité collective
Dans la grande majorité des immeubles anciens, notamment à Paris, les combles se présentent comme de simples volumes résiduels sous toiture. Leur hauteur varie entre 30 centimètres et 1,50 mètre, ils ne contiennent aucun équipement collectif et ne participent pas à la structure du gros œuvre.
Ces espaces sont le plus souvent inaccessibles autrement que depuis le lot inférieur. Ils ne servent pas à l’entretien du toit, ne constituent pas des lieux de passage, et ne comportent aucun élément affecté à l’usage commun.
Dans ces conditions, leur rattachement au lot inférieur s’impose naturellement. Les considérer comme des parties communes reviendrait à leur attribuer artificiellement une vocation collective qu’ils n’ont jamais eue.
L’économie générale de la copropriété comme la réalité physique du bâti justifient au contraire de les regarder comme des accessoires des lots qu’ils surplombent, relevant de la propriété privative.
Conséquences pratiques
Qualifier les combles de parties privatives emporte plusieurs conséquences.
Le copropriétaire du lot inférieur peut y accéder librement et les aménager, sous réserve de respecter la destination de l’immeuble et la structure de l’immeuble (article 9 de la loi de 1965).
Il supporte seul les travaux et réparations qui les concernent.
Inversement, si les combles étaient qualifiés de parties communes, toute intervention exigerait l’autorisation de l’assemblée générale à la majorité de l’article 25 b), voire 26 en cas de modification du règlement de copropriété.
Une telle rigidité serait disproportionnée pour des volumes qui, dans les faits, n’ont d’intérêt que pour un seul copropriétaire.
Conclusion
En définitive, la question de l’existence même du comble – au sens technique du terme – ne doit pas masquer la réalité la plus fréquente : lorsqu’ils existent, les combles sont presque toujours des parties privatives.
Ils ne présentent aucune utilité collective, ne contiennent pas d’élément d’équipement commun et ne sont accessibles qu’à partir d’un seul lot. Leur qualification de partie commune serait contraire à la logique de la loi de 1965, qui réserve cette catégorie aux éléments affectés à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires.
La jurisprudence récente, en particulier l’arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2024, consacre implicitement cette approche : non seulement il appartient à celui qui conteste la privativité de prouver l’existence du comble, mais encore, lorsque le volume existe et n’a pas d’utilité commune, il relève de plein droit de la propriété privative.
Autrement dit, les combles ne sont pas un espace neutre : ils sont le prolongement naturel du lot qu’ils surplombent.
Les reconnaître comme tels, c’est respecter la réalité matérielle de l’immeuble et l’équilibre voulu par la loi entre communauté et propriété individuelle.
Si cette question des combles vous intéresse, n’hésitez pas à l’indiquer en commentaire : un article complémentaire sera consacré à la régularisation des combles aménagés ou annexés sans autorisation.

Maitre, un grand merci pour ce texte très clair et instructif.
Une question : qu’en est-il des soupiraux dans des caves privatives, non mentionnés dans le règlement intérieur de la copropriété, en termes de responsabilité juridique et financière ? Sont-ils considérés comme partie privative dans la mesure où : 1) étant situés dans une cave privative ils ne sont pas accessibles sans entrer dans celle-ci : cf. article 2 de la loi de juillet 1965 modifiée ; 2) de ce fait ils ne sont d’aucun usage ni n’ont aucune utilité pour les autres copropriétaires (en réf. à l’article 3 de ladite loi)
En revanche, les soupiraux au niveau des parties communes de la cave, par exemple les couloirs de celle-ci constituent bien des parties communes ?
En vous remerciant par avance de votre réponse
Avec mes salutations distinguées