La révocation du dirigeant (ad nutum, abusive, vexatoire)

Les fonctions des dirigeants de société peuvent prendre fin par leur révocation, qui est organisée par le Code de commerce pour chaque type de société. Dans certaines sociétés, la révocation n’est possible qu’en raison d’un juste motif. Dans tous les cas, elle ne doit pas intervenir dans des conditions abusives, sous peine d’ouvrir droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le dirigeant.

Principe de liberté de révocation des dirigeants

La révocation des dirigeants de société est libre, sous réserve d’en respecter les conditions et modalités, lesquelles diffèrent selon le type de société.

Ce principe de libre révocation est d’ordre public. Ainsi, toute disposition contraire à la libre révocation du président du conseil d’administration est réputée non écrite (art. L 225-47, al. 3 ; Cass. com. 3-5-1995 ).

Sauf pour les SAS et SCA, la sanction est la nullité pour les dispositions contraires à la libre révocation des administrateurs (Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845), des membres du conseil de surveillance, comme pour celle des directeurs généraux (Cass. soc. 30-3-1999 n° 1503), des directeurs généraux délégués, des membres du directoire de SA, des gérants de SARL (Cass. com. 2-6-1987 n° 85-16.467 : Bull. civ. IV n° 131 ; Cass. com. 6-11-2012 n° 11-20.582 :  RJDA 2/13 n° 135), de SNC ou de SCS pour lesquels ces dispositions sont transposables.

En revanche, ne sont pas concernés les gérants de SCA et les dirigeants de SAS dont les conditions de révocation sont déterminées par les statuts.

Le principe de libre révocation étant le même pour tous ces dirigeants, les décisions de justice déclarant des conventions contraires à la libre révocation sont transposables d’une société à l’autre.

Le principe s’applique à la convention conclue avec le dirigeant aussi bien par la société (Cass. com. 14-6-2005 n° 905 :  RJDA 11/05 n° 1237 ; Cass. com. 15-11-2011 n° 09-10.893 :  RJDA 2/12 n° 174) que par les associés (Cass. com. 2-6-1992 n° 90-17.873 : RJDA 11/92 n° 1034 ; Cass. com. 4-6-1996 n° 1069 :  RJDA 2/97 n° 224). En revanche, pourrait être valable une promesse souscrite par un tiers n’ayant pas de pouvoir de révocation (CA Versailles 1-12-1988 : Bull. Joly 1989 p. 172).

Il importe d’établir, dans chaque cas particulier, en quoi la convention peut influer sur la décision de révocation (Cass. com. 12-3-1996 : RJDA 8-9/96 n° 1064).

Constituent des conventions contraires à la libre révocation celles prévoyant :

  • la subordination de la révocation à l’attribution d’un contrat de travail dans la société (CA Rouen 25-11-1993 : RJDA 3/94 n° 290) ;
  • à l’occasion d’un changement de majorité, le maintien du président dans ses fonctions ou le bénéfice d’un emploi salarié au sein de la société jusqu’à l’âge de 65 ans (Cass. com. 3-5-1995 :  RJDA 10/95 n° 1113) ;
  • l’engagement de racheter les actions du dirigeant à une valeur très élevée (CA Versailles 11-7-1991 : RJDA 12/91 n° 1040 ; dans le même sens, CA Paris 28-3-1995 : RJDA 6/95 n° 726) ;
  • en cas de cession de droits sociaux, la promesse faite par un actionnaire devenu majoritaire de nommer dirigeant la personne qui lui a permis de prendre le contrôle de la société sans possibilité de le révoquer ultérieurement (Cass. com. 17-5-1971 : Bull. civ. IV n° 132) ou lui garantissant son maintien en fonctions jusqu’à une date déterminée, à moins de lui verser une indemnité pouvant avoir des conséquences financières importantes pour cet actionnaire majoritaire (Cass. com. 2-6-1992 n° 960 :  RJDA 11/92 n° 1034) ;
  • la clause d’un pacte d’actionnaires selon laquelle la révocation d’un administrateur doit être préalablement autorisée par le conseil d’administration, cette clause ayant pour effet de limiter le droit de l’assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur (Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845 :  RJDA 11/13 n° 899) ou celle prévoyant de choisir les administrateurs à parité entre deux groupes d’actionnaires, le représentant du premier groupe étant président du conseil d’administration, celui du second groupe directeur général (Cass. com. 26-4-2017 n° 15-12.888 F-D :  RJDA 7/17 n° 463) ;
  • le versement au dirigeant d’une indemnité dont le montant est dissuasif au regard de la situation financière de la société (Cass. com. 14-6-2005 n° 905 :  RJDA 11/05 n° 1237 ; Cass. com. 6-11-2012 n° 11-20.582).

C’est quoi une révocation à tout moment ou « ad nutum » ?

Le Code de commerce dispose que les administrateurs, le président du conseil d’administration et les membres du conseil de surveillance sont révocables « à tout moment ».

Pendant longtemps, la révocation « à tout moment » a été considérée comme synonyme de révocation « ad nutum » (littéralement : « d’un signe de tête »), ce qui signifiait, selon une jurisprudence aujourd’hui en grande partie révolue, que la révocation pouvait intervenir à tout moment, sans préavis, sans précision de motifs ni indemnité (Cass. com. 21-6-1988 n° 86-19.166 : Bull. civ. IV n° 214 ; Cass. com. 9-10-1990 n° 89-15.245 :  RJDA 1/91 n° 31). Cette assimilation était devenue inexacte depuis la loi 2001-420 du 15 mai 2001 qui, en modifiant l’article L 225-55, al. 1, a introduit la possibilité pour le directeur général d’être indemnisé en cas de révocation sans juste motif tout en laissant posé le principe de sa révocation « à tout moment » (en ce sens, Cass. com. 26-11-2013 n° 12-25.004 :  RJDA 3/14 n° 244).

La possibilité d’une révocation « à tout moment » signifie uniquement aujourd’hui que l’organe qui décide de la révocation peut y procéder même si celle-ci ne figure pas à l’ordre du jour.

Quant à l’expression « révocation ad nutum », elle ne devrait plus être utilisée que pour qualifier la situation des dirigeants qui n’ont pas droit à des indemnités en cas de révocation sans juste motif. En effet, l’absence totale de préavis et de précision de motifs n’est plus compatible avec l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation.

Les limites au principe de liberté de révocation

Le principe de liberté de révocation rencontre deux limites :

  • elle ne doit pas être abusive
  • Selon les sociétés, la révocation sans juste motif donne lieu à dommages-intérêts, étant précisé que, même pour ces dirigeants, le principe de libre révocabilité doit être respecté (Cass. com. 17-3-2021 n° 19-10.350 F-D :  RJDA 6/21 n° 390),

Par exemple, la Cour de justice de l’UE a estimé que la révocation d’un membre d’un comité de direction pour cause de grossesse ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe, contraire à la directive 76/207 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes et au principe de l’égalité entre femmes et hommes consacré à l’article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CJUE 11-11-2010 aff. 232/09).

Quelle source consulter ?

En matière de droit des sociétés, pour savoir quelles sont les règles applicables, il faut regarder la loi mais aussi la documentation sociale : les statuts, les PV d’AG, les décisions collectives.

Mais que se passe-t-il quand il y a une contrariété entre les statuts (qui prévoient par exemple une révocation ad nutum) et la décision de désignation du gérant qui prévoit d’autres modalités (motif et indemnisation) ? Qui faire primer ?

La réponse ici :

Contradiction entre les statuts et un acte extra-statutaire ou une décision d’AG : qui prime ?

Long story short : les statuts de la SAS priment sur absolument tout, donc l’acte de désignation du gérant, les termes de son mandat, et mêmes les décisions prises à l’unanimité. (Cass. com. 9-7-2025 no 24-10.428 FS-B, Sté Ile-de-France démolition c/ L. V.).

La libre révocation du dirigeant sans juste motif/ad nutum

Le principe de révocation ad nutum

La révocation libre du dirigeant, aussi appelée révocation ad nutum, signifie que le dirigeant peut être révoqué à tout moment, sans avoir à justifier d’un motif, ni à respecter un préavis, ni à verser une indemnité. Il s’agit du principe général qui s’applique à la plupart des dirigeants de société, sauf exception.

La révocation libre du dirigeant concerne notamment :

  • Le président du conseil d’administration, les administrateurs et les membres du conseil de surveillance des sociétés anonymes (SA) ;
  • Le directeur général, les directeurs généraux délégués et les membres du directoire des SA, sauf si le directeur général est également président du conseil d’administration (PDG) ;
  • Le gérant des sociétés à responsabilité limitée (SARL) et des sociétés en nom collectif (SNC) ;
  • Le président, le directeur général et les autres dirigeants des sociétés par actions simplifiées (SAS), sauf si les statuts prévoient un mode de révocation différent.

La révocation libre du dirigeant doit être décidée par l’organe compétent de la société, qui peut être :

  • Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, pour les dirigeants des SA ;
  • L’assemblée générale des associés, pour les gérants des SARL et des SNC ;
  • L’assemblée générale des actionnaires ou tout autre organe prévu par les statuts, pour les dirigeants des SAS.

La révocation libre du dirigeant doit être notifiée au dirigeant révoqué, par tout moyen permettant d’en rapporter la preuve, comme une lettre recommandée avec accusé de réception. La révocation libre du dirigeant prend effet immédiatement, sauf si les statuts ou le mandat prévoient un délai.

Quel dirigeant a droit à des dommages intérêts ?

Lorsque la révocation de certains dirigeants est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts :

  • le gérant de SNC (art. L 221-12, al. 4),
  • le gérant de SCS (art. L 222-2)
  • le gérant de SARL (art. L 223-25, al. 1) ;
  • le directeur général de SA (sauf si la direction générale est exercée par le président du conseil d’administration : art. L 225-55, al. 1),
  • les directeurs généraux délégués (art. L 225-55, al. 1)
  • les membres du directoire (art. L 225-61, al. 1).

Toutefois, les statuts peuvent déroger à cette règle en prévoyant que le dirigeant révoqué sans juste motif ne pourra en aucun cas réclamer de dommages-intérêts à la société. En effet, les articles L 221-12, L 223-25, L 225-55 et L 225-61 précités n’ont pas une tournure impérative : les dommages-intérêts y sont présentés, non comme une conséquence inéluctable de l’absence d’un juste motif, mais comme une faculté lorsqu’aucun juste motif n’est constaté. La Cour de cassation a d’ailleurs admis en matière de société civile que l’article 1851 du Code civil, dont la rédaction est presque identique à celle des articles précités du Code de commerce, autorise les statuts à refuser toute indemnité au dirigeant révoqué (Cass. 3e civ. 6-1-1999 n° 22). Il ne nous paraît pas interdit de prévoir, à l’inverse, que le dirigeant pourra réclamer des dommages-intérêts dans tous les cas de révocation (donc même en cas de juste motif). Précisons que si le montant de l’indemnité due à ce titre est déjà prévu, celui-ci ne doit pas être de nature à dissuader l’organe compétent de prononcer la révocation.

A l’inverse, n’ouvre pas droit à indemnité La révocation sans juste motif :

  • des administrateurs (art. L 225-18, al. 2)
  • du président du conseil d’administration (art. L 225-47, al. 3) d’une SA classique
  • des membres du conseil de surveillance d’une SA à directoire (art. L 225-75, al. 2)
  • du président du directoire de SA pris en cette seule qualité (CA Paris 26-5-2016 n° 14/20147 :  RJDA 11/16 n° 798).

Le motif de la révocation doit cependant leur être communiqué au titre de l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation

Les gérants de SCA et les dirigeants de SAS peuvent être révoqués sans qu’il y ait lieu de fournir un juste motif, sauf stipulation contraire des statuts (ceux-ci fixant librement les conditions de révocation de ces dirigeants).

L’absence de motif justifiant l’allocation de dommages-intérêts

Dans certaines sociétés telles que les SARL, les SNC ou les SCS, la révocation du dirigeant peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsqu’elle est décidée sans juste motif (C. com. art. L 223-25, al. 1 pour les SARL, art. L 221-12, al. 4 pour les SNC, art. L 222-2 pour les SCS). 

Autrement dit, le gérant dont la révocation a été décidée sans juste motif peut prétendre à des dommages-intérêts. 

Qu’est-ce qu’un juste motif ?

Cas général

 Le juste motif peut consister en :

  • une faute du gérant, telle une violation de la loi ou des statuts,
  • un manquement aux obligations lui incombant en sa qualité de gérant, présentant un caractère objectif de gravité, mais également en la nécessité de mettre un terme par la révocation du gérant concerné à une situation de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant précisé qu’une situation contraire à l’intérêt social suffit à constituer un juste motif, sans qu’il soit nécessaire d’établir son imputabilité au gérant.

En cas de cogérance

Lorsque les statuts ne définissent pas les missions de chacun des cogérants, les associés ne peuvent pas révoquer l’un d’entre eux sur le fondement de l’inexécution d’obligations qui auraient pu être accomplies par les autres cogérants, maintenus dans leurs fonctions. En cas de cogérance sans que les statuts ou un acte extrastatutaire ne fixent les missions de chacun des cogérants, il ne peut pas être reproché à l’un d’entre eux l’inexécution d’une obligation qui incombait à la société alors qu’aucun obstacle juridique ou matériel n’empêchait les autres d’agir.  (Cour d’appel de Riom, Chambre commerciale, 26 avril 2023, n° 21/01106)

Un cogérant pourrait donc en revanche être révoqué sur les fondements suivants :

  • un manquement à une obligation qu’il était le seul à pouvoir accomplir ;
  • un manquement à une obligation, si ses cogérants qui avaient le pouvoir d’agir sont eux aussi révoqués ;
  • un acte positif de sa part constituant une faute de gestion, comme le licenciement abusif d’une salariée enceinte (Cass. com. 15-1-2020 n°18-12.009 F-D : RJDA 4/20 n° 220), une opposition aux changements de stratégie souhaités par les associés (CA Paris 20-2-2007 n° 05-23812 : RJDA 11/07 n° 1120) et, plus généralement, toute situation liée à l’organisation de la société – telle une mésentente avec ses cogérants ou les actionnaires – de nature à compromettre l’intérêt social (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-27.967 F-D : RJDA 7/15 n° 505).

A noter également qu’en matière de responsabilité civile des dirigeants, même lorsqu’il faut retenir la responsabilité solidaire de dirigeants fautifs (C. com. art. L 223-22 pour les gérants de SARL), la part contributive de chacun doit être proportionnelle à la gravité de sa faute (CA Limoges 17-1-2013 n° 11/01356 : RJDA 8-9/13 n° 727 ; CA Paris 17-2-2015 n° 10/04697 : RJDA 5/15 n° 353).

Absence de dommages-intérêts (sauf si révocation abusive)

La révocation libre du dirigeant n’ouvre pas droit à une indemnité pour le dirigeant révoqué, sauf si les statuts ou le mandat en disposent autrement. Toutefois, le dirigeant révoqué peut demander des dommages et intérêts si la révocation est abusive, c’est-à-dire si elle est faite dans des conditions vexatoires, injurieuses ou de mauvaise foi, ou si elle cause un préjudice anormal au dirigeant.

La révocation abusive du dirigeant

Le dirigeant victime d’une révocation abusive peut, y compris s’il s’agit d’une personne morale dirigeante (Cass. com. 30-3-2022 n° 19-25.794 F-D), réclamer des dommages-intérêts à la société et, dans certains cas, aux associés.

La révocation est abusive lorsqu’elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant ou lorsqu’elle est décidée brutalement, sans respecter l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation (Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845 : RJDA 11/13 n° 899 ; Cass. com. 25-11-2014 n° 13-21.460 F-D : RJDA 3/15 n° 189).

Seules les circonstances entourant la révocation permettent d’en apprécier le caractère abusif ; il n’y a donc pas lieu de tenir compte des griefs formulés contre l’intéressé pour déterminer si l’abus est établi (Cass. com. 26-11-1996 n° 1738 : RJDA 2/97 n° 222 ; CA Chambéry 8-2-2022 n° 19/02215 : RJDA 10/22 n° 564).

Sanctionnée même ad nutum

Quelle que soit la forme sociale, le dirigeant révoqué abusivement a droit à réparation, même s’il est révocable ad nutum (Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845 FS-PB).

La révocation est abusive :

  • si elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant 
  • ou si elle est décidée brutalement, sans respecter l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation (Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845 ; Cass. com. 25-11-2014 n° 13-21.460 F-D : RJDA 3/15 n° 189).

Seules les circonstances qui entourent la révocation sont prises en compte pour caractériser l’abus. Ainsi, le dirigeant évincé ne peut pas obtenir réparation en avançant le fait que sa révocation est fondée sur des arguments fallacieux (CA Chambéry 8-2-2022 n° 19/02215) ; réciproquement, la société ne peut pas échapper à une condamnation en invoquant un juste motif (Cass. com. 25-11-2014 n° 13-21.460 F-D : RJDA 3/15 n° 189) ou une faute grave du dirigeant (Cass. com. 26-4-1994 n° 92-15.884 P ; Cass. com. 25-11-2014 n° 13-21.460 ). Et pour cause : la révocation est possible sans juste motif. C’est comme dans un couple : vous avez tout à fait le droit de vous séparer de votre conjointe de 20 ans pour vous mettre avec une fille bien plus jeune, mais il faut y mettre les formes pour ne pas passer pour un goujat et ne pas manquer de respect à la femme qui a partagé votre vie.

Caractérisation de l’abus dans l’exercice du droit de révocation

La révocation du dirigeant est considérée comme abusive dans deux cas, qui peuvent se cumuler : quand elle a lieu dans des circonstances vexatoires ou injurieuses, et en cas de méconnaissance de l’obligation de loyauté due au dirigeant.

La révocation intervient dans des circonstances vexatoires ou injurieuses lorsqu’elle porte atteinte à la réputation ou à l’honorabilité du dirigeant, ce qui résulte le plus souvent de la publicité malveillante ayant suivi la révocation, ou de circonstances laissant supposer que le dirigeant a commis des fautes graves.

Par exemple, constituent des circonstances vexatoires ou injurieuses/l’abus est caractérisé lorsque :

  • la désignation du nouveau dirigeant est intervenue avant la révocation du dirigeant en place, ce qui montre que celle-ci a été en réalité préalablement décidée sans que l’intéressé ait été invité à s’expliquer ou à se justifier (CA Rouen 16-12-2004 n° 04-746) ;
  • un directeur général n’a pas été informé, même de manière informelle, avant la tenue du conseil d’administration l’ayant révoqué, que la question de cette révocation pourrait être débattue (CA Versailles 4-10-2001 n° 98-5192 :  RJDA 2/02 n° 166 ; CA Paris 9-3-2010 n° 08/23637 :  RJDA 10/10 n° 970) ;
  • l’ordre du jour de l’assemblée ayant révoqué un gérant de SARL a comporté seulement la mention du litige l’opposant aux autres gérants sans envisager expressément sa révocation et que d’autres griefs lui ont été reprochés au cours de l’assemblée, ce qui ne lui a pas permis de préparer ses moyens de défense avant l’assemblée (CA Paris 10-10-2006 n° 05/17037 :  RJDA 2/07 n° 168).
  • le fait de demander au dirigeant de remettre les clés de l’entreprise dès la fin de l’assemblée l’ayant révoqué (Cass. com. 9-11-2010 n° 09-71.284 ; pour un autre exemple, Cass. com. 1-2-1994 n° 265 1e esp.) ;
  • le fait de supprimer les outils de travail du dirigeant, dès la révocation de son seul mandat de président-directeur général d’une des sociétés du groupe, ce qui l’a privé de la possibilité d’exercer dans les mêmes locaux ses autres mandats sociaux dont il était toujours investi (Cass. com. 15-5-2012 n° 11-15.497 🙂 ;
  • le dénigrement dont le dirigeant a fait l’objet auprès des salariés avant d’être révoqué (Cass. com. 13-11-2003 n° 1519 ) ;
  • le fait que, avant que la décision ne soit prise par l’organe compétent, la société ait informé le personnel ou une partie de celui-ci de cette révocation et que l’intéressé ait été privé immédiatement de toute fonction (CA Paris 13-10-2000 ; CA Paris 23-6-2015 n° 14-16892) ;
  • le dépôt du procès-verbal de la décision de révocation in extenso, et donc sa publication au RCS, mentionnant que la révocation du président était prononcée pour faute grave (CA Paris 30-4-2014 n° 13/12230) ;
  • la suspension provisoire des fonctions du dirigeant avec effet immédiat, dans l’attente de sa révocation, non prévue par la loi ou les statuts, d’autant qu’elle était motivée par un risque de dénigrement avec les salariés et la clientèle de la société, alors qu’aucune difficulté de cet ordre n’avait été relevée précédemment (CA Reims 14-6-2022 n° 20/01366 ) ; –  le fait de publier, le jour même de la convocation du dirigeant à l’assemblée des associés ayant pour objet sa révocation, une offre d’emploi sur le poste qu’il occupe, ce qui laisse présumer, de surcroît publiquement, la décision qui sera prise (CA Poitiers 25-4-2023 n° 22/00108 :).
  • le fait de révoquer le dirigeant brutalement, au su et à la vue du personnel, en faisant appel à un huissier de justice et à la police et en l’ébruitant dans le milieu professionnel ;
  • le fait de supprimer les outils de travail du dirigeant dès la révocation de son seul mandat de président-directeur général d’une des sociétés du groupe, ce qui l’a privé de la possibilité d’exercer dans les mêmes locaux ses autres mandats sociaux dont il était toujours investi ;
  • le fait d’interdire au dirigeant révoqué de se présenter dans l’entreprise ;
  • le fait de publier au RCS l’intégralité du procès-verbal de révocation mentionnant le fait que celle-ci est prononcée pour faute grave du dirigeant.

En revanche, ne constituent pas des circonstances vexatoires / la révocation n’est pas abusive lorsque :

  • un échange de propos désagréables au cours de l’assemblée ayant révoqué le dirigeant dès lors que ces propos n’ont pas dégénéré en dispute et qu’aucune publicité externe ne leur a donné un caractère diffamatoire (CA Rennes 25-2-1972 : JCP G 1972 II n° 17220) ;
  • la communication de la société sur la révocation de son dirigeant, rendue nécessaire par la nature de ses activités et sa notoriété (CA Paris 5-3-2009 n° 08-8682 :  RJDA 6/09 n° 558) ;
  • le fait de supprimer son accès au serveur et à son adresse électronique, de couper sa ligne téléphonique, de lui demander de restituer immédiatement les clés de son véhicule et de libérer son logement de fonction dans un délai d’un mois (Cass. com. 24-5-2017 n° 15-21.633 F-D :  RJDA 8-9/17 n° 552).
  • le dirigeant s’est lui-même exclu de tout débat en ne se rendant pas à l’assemblée générale appelée à décider de sa révocation (CA Paris 30-10-2007 n° 06/14260 : RJDA 3/08 n° 296 ; Cass. com. 10-7-2012 n° 11-23.280 : RJDA 11/12 n° 964) ;
  • le dirigeant a été averti en temps utile des reproches formulés au soutien de la proposition de révocation présentée à l’assemblée générale, ce dont il résulte que la société a fait le nécessaire pour lui permettre de présenter ses observations avant la décision de révocation, même si l’intéressé, en arrêt maladie lors de l’assemblée qui a décidé sa révocation, n’a pas pu se faire entendre (Cass. com. 15-5-2007 n° 05-19.464 : RJDA 11/07 n° 1102) ;
  • la question n’avait pas été mise à l’ordre du jour de l’assemblée qui l’a prononcée, s’agissant d’un administrateur, dès lors que l’assemblée a fait l’objet de nombreuses suspensions de séance à la demande de l’intéressé qui a ainsi été mis en mesure de présenter ses observations (CA Paris 31-5-2011 n° 10/16540 : RJDA 10/11 n° 806, 1e esp.) ou, s’agissant d’un gérant de SARL, dès lors que les questions inscrites à l’ordre du jour étaient susceptibles de déboucher sur une révocation (Cass. com. 14-10-2020 n° 18-12.183 F-D : RJDA 1/21 n° 29) ;
  • le président a quitté l’assemblée sans donner de procuration avant que la question de sa révocation ne soit abordée (CA Toulouse 22-1-2008 n° 07-1632 ; en sens contraire, CA Paris 17-1-2003 n° 02-3317 ) ;
  • un directeur général délégué d’une SAS a été révoqué au cours d’une assemblée générale à laquelle il n’avait pas été convoqué, dès lors que, préalablement à la décision de révocation, il avait fait connaître au président ses points de désaccord et posé des conditions à la continuation de ses fonctions (Cass. com. 10-7-2012 n° 11-19.563 : RJDA 12/12 n° 1075) ;
  • un gérant d’une SCA n’a pas été informé des motifs de sa révocation avant l’entretien auquel il a été convoqué, dès lors qu’il a eu connaissance de ces motifs pendant son entretien, qu’il a pu s’expliquer à leur sujet et a donc été mis en mesure de présenter ses observations (Cass. com. 23-10-2019 n° 17-27.659 F-D : RJDA 1/20 n° 18).

Indemnisation du dirigeant révoqué abusivement : quel montant ?

La révocation du gérant de SARL décidée sans juste motif peut donner lieu à dommages-intérêts (C. com. L 223-25, al. 1).

Cette disposition n’est pas impérative : un arrêt a en effet admis que les statuts puissent prévoir que la révocation du gérant sans juste motif ne donne pas lieu à indemnité (Cass. 3e civ. 6-1-1999 no 22, à propos d’une société civile mais transposable). En tout état de cause, l’article L 223-25 ne rend pas impérative l’existence d’un juste motif – la révocation injustifiée restant valable – et ne laisse pas aux statuts la possibilité de prévoir une autre sanction du défaut de juste motif que l’octroi de dommages-intérêts. Par ailleurs, aucune disposition du Code de commerce n’impose expressément que le motif de révocation soit consigné dans le procès-verbal d’assemblée des associés. En effet, l’article R 223-24 du Code de commerce (ou, en l’espèce, l’article 42 du décret 67-236 du 23-3-1967, applicable en Polynésie française) relatif au procès-verbal des assemblées de SARL ne comporte aucune obligation en ce sens. Il aurait été du reste paradoxal que l’absence de mention du motif de révocation soit plus sévèrement sanctionnée que l’absence de juste motif.

Les juges accordent généralement des indemnités notamment en réparation du préjudice moral subi par les dirigeants qui ont été privés du droit de présenter leurs observations avant leur révocation (CA Paris 17-1-2003 n° 02-3317 ; Cass. com. 29-3-2011 n° 10-17.667 ).

Préjudice réparé

L’indemnité à laquelle le dirigeant révoqué peut prétendre est destinée à réparer uniquement le préjudice moral causé par les circonstances entourant la révocation.

Les dommages-intérêts alloués au dirigeant en cas de révocation abusive sont destinés à réparer le préjudice subi par celui-ci non pas du fait de la perte de ses fonctions mais du fait des circonstances qui ont entouré la révocation (CA Paris 24-10-2013 n° 12/15029 ; Cass. com. 3-3-2015 n° 14-12.036).

N’ont pas à être prises en compte dans l’évaluation du préjudice subi par le dirigeant révoqué :

  • la perte d’une chance de conserver ses fonctions pendant plusieurs années (Cass. com. 13-11-2003 n° 1519 : RJDA 3/04 n° 308)
  • les répercussions de la révocation sur la situation personnelle de l’intéressé notamment au regard de ses revenus (Cass. com. 15-5-2007 n° 05-19.464 : RJDA 11/07 n° 1102).

Calcul de l’indemnité

Le préjudice doit être apprécié concrètement au regard des éléments en cause. Il ne peut donc pas être réparé par une allocation forfaitaire.

Les éléments pris en compte pour réparer le préjudice matériel causé au dirigeant et fixer les dommages-intérêts sont notamment (CA Paris 15-4-2010 n° 08/24496 : RJDA 10/10 n° 956) :

  • la durée des fonctions,
  • la rémunération
  • l’âge de l’intéressé

Le préjudice doit être apprécié concrètement au regard des éléments en cause et ne peut donc pas être réparé par une allocation forfaitaire (Cass. com. 23-10-2007 n° 06-16.264).

Débiteur de l’indemnité : qui doit payer ?

Le débiteur de l’indemnité est en principe, la société. En cas de révocation sans juste motif ou de révocation abusive, c’est en principe la société seule qui doit indemniser le gérant pour le préjudice occasionné. La décision de révocation adoptée par l’assemblée générale est celle de la société et non celle de ses membres pris individuellement.

Toutefois, lorsque les associés ont commis une faute personnelle à l’égard du dirigeant, l’indemnité peut être mise à leur charge sur le fondement du droit commun de la responsabilité, soit seuls, soit solidairement avec la société. Dans certains cas, la jurisprudence va jusqu’à exiger une intention de nuire de leur part pour retenir leur responsabilité. Autrement dit, lorsqu’un ou plusieurs associés ont commis une faute personnelle insusceptible d’être rattachée à l’expression de la volonté sociale, faute généralement induite de l’existence d’une volonté de nuire, ils peuvent être condamnés sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (C. civ. art. 1240, ex-art. 1382) à indemniser le gérant soit seuls (Cass. com. 13-3-2001 no 98-16.197 F-P :), soit in solidum avec la société (Cass. com. 1-2-1994 no 92-11.171 P ; Cass. com. 12-2-2013 no 11-23.610 F-D : ).

Traitement fiscal

Les sommes versées à titre de dommages-intérêts aux mandataires sociaux soumis au régime des salariés au regard des cotisations de sécurité sociale et de l’impôt sont exonérées, dans la limite d’un plafond :

  • d’impôt sur le revenu ;
  • et des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS ; par exception, elles y sont intégralement assujetties si elles excèdent cinq fois le montant annuel du plafond de sécurité sociale.

Comment respecter l’obligation de loyauté ?

L’obligation de loyauté qui incombe à la société lors de la révocation implique un respect peu rigoureux du contradictoire.

En effet, le dirigeant doit seulement :

  1. être informé, même de manière informelle (CA Versailles 4-10-2001 n° 98-5192 :  RJDA 2/02 n° 166 ; CA Paris 9-3-2010 n° 08/23637 :  RJDA 10/10 n° 970), des motifs de la révocation envisagée ;
  2. être mis en mesure de présenter ses observations ;
  3. Dans un délai qui lui est accordé pour préparer sa défense même très court : la révocation peut être décidée au cours d’une assemblée convoquée le matin pour l’après-midi, dès lors que le dirigeant a eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés dès sa convocation (Cass. com. 6-11-2012 n° 11-20.582 F-PB :  RJDA 2/13 n° 135 ; dans le même sens, Cass. com. 10-2-2015 n° 13-27.967 F-D :  RJDA 7/15 n° 505). Il a même été jugé qu’un dirigeant, informé par l’associé unique de la société qu’il envisageait de le révoquer et convoqué à un entretien trois semaines à l’avance, n’avait pas à être informé avant l’entretien des motifs pour lesquels sa révocation était envisagée (Cass. com. 23-10-2019 n° 17-27.659 F-D : RJDA 1/20 n° 18).

Peu importe que la révocation sans juste motif ne donne pas droit à indemnisation.

Quelle exception en cas de loyauté et de risque du vol potentiel de données ?

Le risque pour la société d’un détournement des données essentielles au développement de ses produits que lui fait courir le maintien en fonction de son dirigeant ne l’autorise pas à révoquer celui-ci sans lui permettre de présenter ses observations.  Est abusive la révocation, fût-ce pour faute lourde, du président d’une SAS décidée sans que celui-ci ait été préalablement informé des motifs de la décision prise à son encontre et mis en mesure de présenter ses observations.(Cass. com., 11 oct. 2023, n° 22-12.361., X c/ SAS AXS Medical). Dans cette affaire, non seulement le dirigeant avait commis une faute grave en projetant de s’approprier des données essentielles de la société, mais le risque que ce projet aboutisse croissait à mesure que le dirigeant restait en fonction. Étant donné le préjudice encouru par la société, une révocation immédiate pouvait sembler légitime. Ce n’est toutefois pas ce que retient la Cour de cassation.

La violation du pacte d’associés (gérant SAS)

Les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (C. com. art. L 227-5).

Il s’en déduit que les conditions dans lesquelles le dirigeant d’une telle société peut être révoqué sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu’il s’agisse des causes de la révocation ou de ses modalités (Cass. com. 9-3-2022 no 19-25.795 F-B : RJDA 5/22 no 287). Si la Cour de cassation a posé le principe selon lequel seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée (Cass. com. 25-1-2017 no 14-28.792 FS-PBRI : RJDA 4/17 no 261), elle a toutefois admis que des actes extrastatutaires peuvent les compléter, sans pour autant y déroger (Cass. com. 12-10-2022 no 21-15.382 F-B : RJDA 1/23 no 35). Notons néanmoins que la cour d’appel de Paris a récemment validé l’application des conditions de révocation prévues par une convention extrastatutaire approuvée par l’assemblée générale à l’unanimité et qui dérogeait aux statuts (CA Paris 16-11-2023 no 22/10344 : RJDA 6/24 no 347). À notre avis, l’arrêt sous commentaire ne remet pas en cause les principes précédemment énoncés par la Cour de cassation : la question de la conformité du pacte d’associés aux statuts n’avait simplement pas été évoquée en appel (CA Paris 29-9-2022 no 21/10150).

La révocation d’un dirigeant de SAS en violation d’un pacte d’associés est fautive. Engagent leur responsabilité à l’égard du dirigeant de SAS évincé ceux qui ont mis en œuvre sa révocation sans respecter les modalités prévues par un pacte d’associés. Cass. com. 18-9-2024 no 22-23.075 F-D, Sté Lu Azur c/ X

En vertu de l’opposabilité du contrat, a été retenue en l’espèce la responsabilité du dirigeant de la société Y, qui n’était pas personnellement partie au pacte.

https://www.simonnetavocat.fr/pacte-dassocies-tout-comprendre

Le défaut de mention du motif et la nullité de l’assemblée de révocation

Absence de mention du motif de révocation d’un gérant de SARL sur le procès-verbal d’assembléeCause de nullité de l’assemblée – Non Cass. com. 7-5-2025 n° 23-21.508 F-B, Sté Tahiti art Maohi c/ XBRDA 13/25 Inf. 2

Le défaut de mention du motif de révocation du gérant de SARL ne peut fonder la nullité de l’assemblée. Le défaut de mention du motif de révocation du gérant de SARL ne peut fonder la nullité de l’assemblée (Cass. com. 7-5-2025 no 23-21.508 F-B, Sté Tahiti art Maohi c/ X).

La nullité des actes ou délibérations autres que ceux modifiant les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du Livre II du Code de commerce relatif aux sociétés commerciales ou des lois qui régissent les contrats (C. com. art. L 235-1). Il en résulte que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations statutaires n’est pas sanctionné par la nullité. Or, aucune disposition du Livre II du Code de commerce ne prévoit que le motif de révocation doit être rapporté au procès-verbal de l’assemblée révoquant le dirigeant social. Par ailleurs, la cour d’appel n’avait pas constaté que la disposition statutaire prétendument méconnue procédait d’une faculté offerte par une disposition impérative de la loi. Les assemblées litigieuses ne pouvaient donc pas être annulées.

Cass. com. 18-5-2010 no 09-14.855 FS-PBRI : RJDA 8-9/10 no 850) : la violation des statuts n’est pas sanctionnée par la nullité, à moins que la disposition statutaire méconnue fasse usage de la faculté offerte par une loi impérative d’aménager le contenu de la règle qu’elle pose, cette réserve ne s’étendant pas aux hypothèses dans lesquelles la loi, ou bien est muette, ou bien confie exclusivement aux statuts le soin de régler la question. En effet, de tels textes ne posant aucune règle et donc ne comportant a fortiori aucune disposition impérative, la condition posée par l’article L 235-1, al. 2 du Code de commerce ne peut pas être tenue pour satisfaite. En tout état de cause, il appartient au juge d’indiquer le fondement juridique justifiant l’annulation de l’acte dont la régularité est contestée (en ce sens, Cass. com. 20-9-2017 no 15-22.735 F-D : RJDA 1/18 no 36).

La réforme des nullités en droit des sociétés, opérée par l’ordonnance 2025-229 du 12 mars 2025 et entrant en vigueur le 1er octobre 2025, abroge l’article L 235-1 du Code de commerce, les causes de nullité générales étant définies par l’article 1844-10 du Code civil modifié, qui dispose désormais que « la nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ». L’absence de mention du motif de révocation dans le procès-verbal d’assemblée ne correspondant à aucun de ces cas de figure, elle ne pourra pas davantage motiver, sous l’empire de ce nouveau texte, la nullité d’une assemblée évinçant un gérant de SARL.

Checklist du dirigeant

Toute personne sur le point d’être désignée dirigeant de SAS devra s’assurer que le droit à une indemnité de révocation qui lui est promis est compatible avec les statuts. Dans le doute, elle devra demander une modification des statuts. Idéalement, ceux-ci prévoiront non seulement le principe du droit à l’indemnité de révocation, mais également ses conditions d’obtention. Si ces conditions figurent dans un acte extrastatutaire, il sera préférable que les statuts y renvoient expressément, pour plus de clarté, même si la Cour de cassation ne semble pas conditionner l’efficacité de l’acte extrastatutaire « complémentaire » à un tel renvoi.

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