L’indemnité d’immobilisation

Principe

 Lorsque, exerçant son option, le bénéficiaire choisit de ne pas acquérir le bien promis et, donc, de ne pas conclure le contrat de vente, il doit payer au promettant l’indemnité d’immobilisation qui avait été stipulée dans le contrat de promesse.

L’indemnité d’immobilisation reste acquise au promettant en cas de non-réalisation de la promesse de la vente seulement si cette non-réalisation est imputable au bénéficiaire (Cass. 3e civ. 15-12-2010 no 09-15.211 FS-PB : RJDA 4/11 no 297).

Devoir de conseil du Notaire

A l’égard du vendeur/promettant

L’indemnité d’ immobilisation constitue le prix de l’option octroyée au bénéficiaire et d’une certaine manière, la garantie du promettant. L’absence d’indemnité d’ immobilisation , ou son versement entre d’autres mains que celles du notaire font courir des risques qui sont parfaitement compréhensibles pour un client normalement averti. Le vendeur accepte parfois que l’indemnité ne soit pas versée mais fasse l’objet d’un cautionnement bancaire ou d’une lettre d’intention. Il a été jugé que le notaire ayant omis d’attirer l’attention de ses clients sur le fait que la lettre d’intention de la caution n’émanait pas d’une banque, mais d’un établissement inconnu installé en Italie, avait, sur ce point particulier, manqué à son devoir de conseil ( Cass. 1re civ., 13 janv. 2004, n° 00-18.051 : JurisData n° 2004-021927 ). Cette décision sévère justifie le recours à une reconnaissance de conseils donnés suffisamment explicite.
Le notaire peut être responsable pour défaut de séquestre des sommes versées à l’occasion de l’avant-contrat de vente ( Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-17.267, F-D : . – Cass. 1re civ., n° 18-24.580, D).

Le versement effectif de l’indemnité d’ immobilisation en l’étude doit être contrôlé. Lorsque le versement a lieu au moyen d’un chèque bancaire, une vérification de l’existence de la provision ne présente pas de difficulté. Cette vérification est d’autant plus indispensable lorsque la remise du chèque est de nature à attirer les soupçons, et le notaire commet une imprudence en n’y procédant pas ( Cass. 1re civ., 12 juill. 1989 : JCP N 1990, II, 152 ).

Comment ne pas payer l’indemnité d’immobilisation ?

La faute du Vendeur

Il existe certaines hypothèses où l’indemnité d’immobilisation devra être restituée au bénéficiaire, même si ce dernier n’a pas levé l’option. Hormis le jeu des conditions suspensives, tel est le cas en raison de l’attitude du promettant.

Lorsque l’absence de levée de l’option ne résulte pas de la volonté délibérée du bénéficiaire mais a pour conséquence un manquement du promettant. Il est parfaitement logique qu’il ne puisse pas bénéficier de l’indemnité d’immobilisation.

Dans un arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 2024 ( Cass. 3e civ., 3 oct. 2024, n° 21-24.480 ). En l’espèce, après la signature d’une promesse unilatérale de vente, le candidat acquéreur avait constaté des nuisances sonores dans les lieux lors de l’utilisation d’appareils sanitaires par les occupants des logements contigus. Le vendeur avait alors effectué des travaux d’isolation. Mais compte tenu de la persistance de ces bruits, le bénéficiaire avait renoncé à son acquisition. Le vendeur avait alors assigné son co-contractant en paiement de l’indemnité d’immobilisation. Les juges du fond refusent cette demande, ce qu’approuve la Cour de cassation. L’article 6.3.c) de la promesse stipulait que le montant partiel de l’indemnité d’immobilisation versé par la bénéficiaire au notaire lui serait restitué si la non-réalisation de la vente était imputable au seul promettant. Or, les juges du fond avaient souverainement apprécié qu’en dépit de travaux d’isolation réalisés dans les lieux à l’initiative du promettant, les nuisances sonores constatées par la bénéficiaire subsistaient. De là, ils en concluaient que la non-réalisation de la vente était imputable au seul promettant.

Formalisme

Mais encore faut-il que les modalités convenues par les parties pour que l’indemnité revienne au promettant, si elles existent, aient été respectées. En l’espèce, le bénéfice de l’indemnité d’immobilisation était conditionné à la sommation de l’acheteur par le promettant d’avoir à régulariser la vente par acte authentique. Peu importe que le refus de l’acheteur de réitérer ait été caractérisé par un jugement irrévocable à l’occasion d’une procédure antérieure.  la promesse de vente conditionnait l’acquisition de la somme séquestrée au profit du promettant, à titre d’indemnité d’immobilisation, à la délivrance d’une sommation de signer l’acte authentique de vente, sans possibilité d’y déroger. Cass. 3e civ. 7-3-2024 no 22-10.119 F-D, Sté Vitec c/ X

Si une promesse de vente prévoit qu’en cas de non-réitération devant notaire l’indemnité d’immobilisation est acquise au promettant après sommation de l’acheteur, la somme ne lui est pas due, faute de sommation, même si le refus fautif de l’acheteur de réitérer est établi.

Cass. 3e civ. 7-3-2024 no 22-10.119 F-D, Sté Vitec c/ X

A propos d’une promesse de vente soumettant le paiement de la clause pénale à une mise en demeure préalable de l’acheteur d’avoir à régulariser l’acte devant notaire, la Cour de cassation a également jugé que cette mise en demeure est obligatoire même si elle se révèle inopérante, l’acheteur ayant renoncé à acheter (Cass. 3e civ. 2-2-2022 no 20-21.705 F-D : BPIM 2/22 inf. 137).

Le cas particulier du refus de prêt

Une condition suspensive de financement peut être prévue dans la promesse de vente.

Mais comment s’assurer que les documents de refus de prêt soient conformes à la clause ?

L’absence de taux d’intérêt

Il est très courant que les banques refusent d’indiquer un taux d’intérêt dans un refus de prêt, refusant par principe tout financement, quel que soit le montant.

Ce document est-il valable ?

J’ai plaidé personnellement un dossier et j’ai gagné, le tribunal me suivant :

« Le fait que cette lettre de refus ne précise pas le taux d’intérêt sollicité ne saurait être reproché aux bénéficiaires qui ne sont pas responsables de l’imprécision de la lettre de refus de la banque. » Tribunal Judiciaire de Paris, 2e chambre 2e section, 18 août 2025, n° 24/05753

J’ai ainsi évité une condamnation de mes clients à payer 50 400 €.

Le retard dans l’information du vendeur par l’acquéreur

Seule compte la date de la demande.

Restitution de l’indemnité

Lorsqu’il y a contestation sur la destination de l’indemnité, ce qui est en général la suite d’une contestation sur l’exécution d’une condition suspensive, le notaire ne peut disposer des fonds sans l’accord des deux parties. En aucun cas il ne doit se faire juge du litige, n’ayant ni mandat ni qualité pour trancher la difficulté. Ainsi, un notaire constitué séquestre de l’indemnité d’ immobilisation versée par le bénéficiaire d’une promesse de vente commet une faute engageant sa responsabilité en lui en restituant le montant, dès lors qu’il est établi que la condition suspensive ne s’est pas accomplie ( Cass. 1re civ., 12 nov. 1997 : JurisData n° 1997-004412 ; JCP G 1997, IV, p. 409 ). À l’inverse, commet une imprudence grave, le notaire rédacteur d’une promesse de vente qui vire immédiatement au compte du promettant les sommes déposées en garantie par le bénéficiaire de la promesse ( Cass. 1re civ., 16 avr. 1975 : Bull. civ. I, n° 133 ).

Indemnité d’immobilisation : attention danger ⚠️ ⚠️

Une bombe juridique qui explose chez l’acquéreur

Derrière le terme rassurant d’« indemnité d’immobilisation » se cache un piège redoutable. Sur le papier, cette somme — en général 5 à 10 % du prix de vente — n’est qu’une garantie donnée au vendeur pendant la durée de la promesse. En réalité, elle peut ruiner un acquéreur. Dans mon cabinet, je vois chaque année des couples en larmes, condamnés en première instance à payer 40 000 ou 50 000 euros alors qu’ils pensaient être protégés par la condition suspensive de financement.

La promesse de vente : un texte rassurant… en théorie

La logique semble simple : l’acquéreur obtient un prêt, la vente se réalise ; il n’obtient pas de prêt, la vente tombe, il récupère les sommes versées. C’est ce que prévoit l’article L. 313-41 du Code de la consommation. L’esprit du texte est clair : protéger l’acheteur.

La réalité des tribunaux : un formalisme implacable

En pratique, les juges exigent que les refus bancaires correspondent mot pour mot aux conditions prévues dans la promesse (montant exact, taux, durée). Problème : ces refus ne sont pas rédigés par l’acquéreur mais par la banque. Or, combien de fois voit-on :

  • un montant gonflé par la banque,
  • un taux non mentionné,
  • une durée passée sous silence,
  • ou un refus trop vague pour être utile.
    Résultat : le refus est déclaré « non conforme ». La condition suspensive est réputée réalisée, et l’acquéreur doit payer l’indemnité d’immobilisation. Même s’il a multiplié les démarches, même si l’échec vient de son état de santé ou de l’assurance, il est condamné.

Une sanction disproportionnée

Le vendeur a perdu quelques mois d’immobilisation. L’acquéreur, lui, perd parfois ses économies de toute une vie. L’indemnité peut atteindre 50 000 € ou plus, alors que le préjudice réel du vendeur est sans commune mesure. Le mécanisme, conçu comme une protection, devient une sanction aveugle.

Le grand absent : le notaire

On pourrait attendre du notaire qu’il guide l’acquéreur, qu’il l’alerte sur la nécessité d’obtenir des refus conformes, qu’il vérifie la rédaction des attestations bancaires. Trop souvent, il reste en retrait. Les particuliers signent en pensant être protégés, mais sont laissés seuls face à un formalisme qu’ils ne peuvent pas maîtriser.

Quels recours ?

Devant le juge, il reste des arguments, mais le chemin est étroit :

  • démontrer que même une demande « parfaite » aurait été refusée, par exemple en raison d’un problème médical rendant l’assurance impossible ;
  • plaider que l’indemnité d’immobilisation fonctionne comme une clause pénale déguisée, donc réductible si son montant est manifestement excessif (art. 1231-5 C. civ.) ;
  • rappeler que le droit de la consommation doit primer sur le formalisme contractuel.
    Mais soyons lucides : les juridictions de première instance appliquent rarement ces arguments.

Les précautions indispensables

Avant de signer une promesse avec indemnité d’immobilisation, il faut :

  • vérifier ligne par ligne la clause de financement (montant, durée, taux),
  • exiger des banques qu’elles reprennent strictement ces éléments dans leurs refus,
  • réclamer l’accompagnement du notaire,
  • et consulter un avocat dès le moindre doute.

Conclusion

L’indemnité d’immobilisation est devenue une bombe juridique. Derrière une clause présentée comme anodine, elle expose l’acquéreur à un risque financier colossal. Ce que je vois chaque semaine dans mon cabinet est sans appel : des familles qui pensaient être protégées et qui découvrent trop tard qu’elles doivent payer. La leçon est simple : attention danger. Avant de signer, mesurez les risques et faites-vous conseiller.

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