Dirigeant : quelle obligation de loyauté (non-concurrence) envers la société ?

En droit des sociétés, le dirigeant n’est pas seulement le représentant légal de la société. Parce qu’il exerce un mandat social, il est tenu à un devoir de loyauté et de fidélité qui dépasse largement le simple respect de la loi et des statuts. Ce devoir, forgé par la jurisprudence, l’empêche d’exercer une activité concurrente, de détourner des opportunités d’affaires, d’induire en erreur ses organes de gouvernance, ou encore de fragiliser la stratégie et la réputation de l’entreprise.

La loyauté est donc devenue une exigence cardinale, considérée comme un véritable devoir fonctionnel du dirigeant.

Le principe et le fondement du devoir de loyauté

La Cour de cassation a posé dès 1996, avec l’arrêt Beley, que le dirigeant est tenu d’une obligation de loyauté à l’égard des associés. Cette exigence a été prolongée dans ses relations avec la société elle-même.

Dans un arrêt du 15 novembre 2011 (Cass. com. 15-11-2011, n° 10-15.049), la chambre commerciale précise que c’est « en raison de sa qualité de gérant » que pèse sur lui une obligation de loyauté et de fidélité. Le devoir de loyauté découle donc de la fonction, indépendamment de tout texte. La doctrine y a vu l’émergence d’un devoir fonctionnel applicable au mandataire social (L. Godon, Rev. sociétés 2012, n° 27).

Ce devoir irrigue désormais l’ensemble des actes du dirigeant :

  • Non-concurrence : interdiction d’exercer une activité concurrente sauf accord unanime des associés (Cass. com. 15-11-2011 ; Cass. com. 18-3-2020).
  • Opportunités sociales : interdiction de s’approprier une affaire qui devait revenir à la société (Cass. com. 18-12-2012).
  • Démission et information loyale : obligation d’informer les organes sociaux de toutes les marges de manœuvre de la société (Cass. com. 20-3-2024).
  • Communication externe : interdiction de nuire à la réputation ou aux intérêts de la société par des déclarations ou négociations trompeuses (Cass. com. 5-7-2016).
  • Conflits d’intérêts : obligation de révéler les situations dans lesquelles l’intérêt personnel du dirigeant interfère avec celui de la société (Cass. com. 22-5-2019).

La loyauté apparaît donc comme une norme transversale, dont le contenu se précise au gré des décisions.

Dirigeants tenus du devoir de loyauté à l’égard de la société

1. La consécration jurisprudentielle du devoir fonctionnel

L’arrêt du 15 novembre 2011 (Cass. com., 15-11-2011, n° 10-15.049, Sté DL Finances c/ Albiac) marque une étape décisive : la Cour de cassation y précise que c’est « en raison de sa qualité de gérant » que pèse sur celui-ci une obligation de loyauté et de fidélité envers la société. Cette affirmation rattache directement l’obligation à la fonction exercée et non à un texte particulier. La doctrine a pu en déduire que le devoir de loyauté du dirigeant constitue un devoir fonctionnel, inhérent à l’exercice du mandat social (L. Godon, Rev. sociétés 2012, n° 27).

Cette approche fait écho à l’arrêt Beley (Cass. com., 27-2-1996, n° 94-11.241), qui avait déjà consacré une obligation de loyauté du dirigeant envers les associés. Le pas franchi en 2011 consiste à reconnaître que cette loyauté vaut aussi directement envers la société, indépendamment des relations inter-associés.

2. Les dirigeants concernés

La solution rendue à propos d’un gérant de SARL a vocation à s’appliquer à l’ensemble des dirigeants sociaux dotés d’un pouvoir de gestion :

  • gérants de SARL,
  • gérants de sociétés civiles,
  • gérants de SNC,
  • président de SAS,
  • directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SAS (C. com., art. L. 227-6, al. 3),
  • gérant de SCA,
  • directeur général de SA et directeurs généraux délégués,
  • membres du directoire de SA.

Tous ces mandataires exercent, à des degrés divers, la direction effective de la société et sont donc soumis au devoir de loyauté.

3. Les organes de contrôle exclus

En revanche, les membres du conseil de surveillance, qui n’exercent pas de pouvoir de représentation au nom et pour le compte de la société, ne sont pas tenus de la même manière par ce devoir (B. Saintourens). Leur rôle de contrôle les place dans une position distincte, centrée sur la surveillance de la gestion, et non sur l’action directe.

4. La question des administrateurs de SA

Le cas des administrateurs de société anonyme est plus délicat. La jurisprudence rappelle qu’ils sont des dirigeants de droit (Cass. com., 31-5-2011, n° 09-13.975, 09-14.026, 09-16.522 et 09-67.661). Une partie de la doctrine estime donc qu’ils devraient être, par principe, débiteurs de la même obligation de loyauté que les autres dirigeants (A. Couret et B. Dondero).

Un auteur (K. Grévain-Lemercier, Gaz. Pal.) propose d’ailleurs d’étendre ce devoir aux administrateurs, individuellement (devoir d’agir dans l’intérêt de la société au regard des informations dont ils disposent) et collégialement (en tant qu’organe statutaire). Elle relève aussi que les règles de déontologie des administrateurs de sociétés cotées et non cotées incluent aujourd’hui le devoir de loyauté (IFA, rapport 2010).

Mais cette extension n’est pas unanimement acceptée. Laurent Godon observe que l’obligation de non-concurrence doit être appréciée en fonction de la nature des fonctions exercées. Or, les administrateurs, qui n’exercent pas de gestion quotidienne, représentent une menace moindre pour l’intérêt social qu’un gérant ou un président de SAS. B. Saintourens ajoute que les administrateurs peuvent, par principe, cumuler des mandats dans plusieurs sociétés, y compris concurrentes, ce qui serait difficilement compatible avec une obligation stricte de non-concurrence.

L’argument doit toutefois être relativisé : les gérants de SARL eux-mêmes peuvent cumuler plusieurs mandats sans limitation, sans que cela écarte le devoir de loyauté.

5. Les dirigeants de fait

La question reste ouverte pour les dirigeants de fait. Rien ne justifie cependant de les dispenser du devoir de loyauté. Dans la mesure où ils assument la gestion effective d’une société, il paraît logique de les soumettre aux mêmes obligations que les dirigeants de droit, y compris en matière de loyauté et de non-concurrence.

Actes inclus dans l’obligation de loyauté du dirigeant à l’égard de la société

1. L’arrêt du 15 novembre 2011 : un tournant jurisprudentiel

Jusqu’à l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 15 novembre 2011, l’obligation de loyauté du dirigeant vis-à-vis de la société se traduisait essentiellement par une exigence de loyauté inter-associés (arrêt Beley) et par la prohibition de certains actes de concurrence déloyale.

Avec cette décision, la Cour de cassation franchit un pas supplémentaire : elle affirme que le gérant manque à son obligation de loyauté lorsqu’il négocie, en qualité de dirigeant d’une autre société, un marché dans le même domaine d’activité (Cass. com., 15-11-2011, n° 10-15.049).
Autrement dit, la Cour érige une obligation de non-concurrence de plein droit, indépendante de la démonstration d’un acte de concurrence déloyale ou d’une violation contractuelle.

2. La portée des termes employés par la Cour

  • La notion de marché : l’affaire concernait la négociation d’un programme immobilier avec la gendarmerie. Le terme utilisé par la Cour ne doit pas être compris de manière restrictive comme renvoyant aux seuls marchés publics. La doctrine considère qu’il vise tout contrat, à condition qu’il présente une certaine importance économique (A. Couret et B. Dondero).
  • La notion de négociation : il faut adopter une conception large. Le dirigeant engage sa responsabilité dès lors qu’il a joué un rôle dans l’opération en cause, même si ce n’est pas lui qui a directement conduit la conclusion du contrat (B. Saintourens).
  • Le critère du même domaine d’activité : il doit s’apprécier in concreto. Ce qui compte, ce n’est pas l’objet social déclaré dans les statuts, mais la réalité des activités exercées. La question est de savoir si le dirigeant a utilisé, pour une autre société qu’il dirige, des relations ou des opportunités qu’il devait à son premier mandat.

3. La captation d’opportunités d’affaires

Au-delà de l’arrêt de 2011, la jurisprudence a généralisé l’idée que l’obligation de loyauté interdit au dirigeant de détourner une opportunité d’affaires revenant normalement à la société.

Un exemple marquant est donné par l’arrêt du 18 décembre 2012 (Cass. com., 18-12-2012, n° 11-24.305), qui a sanctionné un dirigeant pour avoir acquis, à titre personnel, l’immeuble où la société exerçait son activité, alors qu’il savait que les associés projetaient de l’acquérir collectivement.
De même, la doctrine a souligné que le critère pertinent est celui du détournement d’une chance ou d’une opportunité sociale, notion désormais reconnue en droit français (B. Dondero, Gaz. Pal. 11 févr. 2012, p. 13 et s.).

4. L’extension matérielle du devoir de loyauté

L’obligation de loyauté et de fidélité qui pèse sur le dirigeant ne se limite donc pas à interdire la concurrence manifeste. Elle couvre :

  • les actes positifs de concurrence (exercice d’une activité concurrente, conclusion de contrats dans le même domaine d’activité),
  • l’appropriation d’opportunités d’affaires au détriment de la société,
  • l’utilisation des relations établies grâce au mandat pour en faire bénéficier une autre entité.

Le dirigeant se voit ainsi interdire d’exploiter, pour une société concurrente ou pour son compte, les occasions qu’il a rencontrées grâce à ses fonctions.

Limites au devoir de loyauté du dirigeant envers la société

Si le devoir de loyauté et de non-concurrence du dirigeant est large, il n’est pas absolu. Plusieurs limites ont été identifiées par la jurisprudence et la doctrine.

1. Les libertés fondamentales

Le premier frein réside dans les libertés fondamentales, et en particulier :

  • la liberté contractuelle, qui inclut le droit de s’associer,
  • la liberté du commerce et de l’industrie, qui inclut la liberté de concurrencer.

De là découle l’idée que l’interdiction de faire concurrence à la société doit rester proportionnée dans le temps et dans l’espace (M. Roussille, Dr. sociétés 2012, n° 33).

Ainsi, le devoir de loyauté ne saurait être interprété comme une obligation générale d’exclusivité qui interdirait au dirigeant de cumuler toute autre fonction de direction.

2. Le cumul de mandats sociaux

Le Code de commerce autorise expressément le cumul de mandats dans certaines formes de sociétés (C. com., art. L. 225-21, L. 225-54-1, L. 225-67, L. 225-77, L. 225-94 et L. 225-94-1). Le devoir de loyauté vient limiter les effets de ce cumul mais ne saurait remettre en cause sa légalité.

La difficulté se rencontre notamment dans les groupes de sociétés, lorsqu’un même dirigeant représente à la fois la société mère et sa filiale. L’appréciation du respect du devoir de loyauté doit alors se faire au regard de la communauté d’intérêts du groupe.

3. L’acceptation d’un emploi salarié concurrent

Le simple fait pour un gérant d’accepter un emploi dans une société concurrente ne suffit pas, en soi, à caractériser un manquement à son obligation de loyauté (Cass. com., 8-2-2017, n° 15-17.904). La Cour a tenu compte des relations particulières existant entre les sociétés en cause pour justifier cette solution.

Il faut donc manier cette jurisprudence avec prudence : elle ne saurait constituer une autorisation générale pour un dirigeant d’occuper un poste salarié dans une société concurrente.

4. La fin du mandat social

L’obligation de non-concurrence est directement liée à l’exercice des fonctions de dirigeant. Par conséquent, elle prend fin avec la cessation du mandat.

La jurisprudence est constante :

  • Cass. com., 12-2-2002, n° 00-11.602 (Darrès c/ Sté Locam) : l’obligation cesse avec les fonctions ;
  • Cass. com., 17-3-2015, n° 14-11.463 : à compter de la cessation, le dirigeant ne peut plus se voir interdire d’exercer une activité concurrente, il doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux.

Une partie de la doctrine (K. Grévain-Lemercier, auteurs québécois cités par Y. Lauzon, Martel et Martel) propose cependant d’étendre le devoir de loyauté pendant un délai raisonnable, par exemple deux ans après la fin du mandat, afin d’éviter qu’un ancien dirigeant n’exploite une opportunité connue grâce à ses fonctions.

5. Les clauses de non-concurrence statutaires ou contractuelles

Rien n’interdit aux statuts ou à un contrat distinct de prévoir une clause de non-concurrence valable. La Cour exige toutefois que cette clause soit acceptée expressément par le dirigeant : elle ne peut pas résulter de manière implicite de la simple signature du procès-verbal de nomination (Cass. com., 10-7-2012, n° 11-20.268, SARL Messagerie transports Islais).

6. Le cumul mandat social et contrat de travail

Lorsqu’un dirigeant cumule ses fonctions avec un contrat de travail, il reste tenu, même après avoir quitté ses fonctions de dirigeant, de l’obligation de non-concurrence résultant de son statut de salarié (CA Aix-en-Provence, 4-3-2005, RG 04/05066).

7. L’autorisation unanime des associés

Enfin, le dirigeant peut être dispensé de son devoir de loyauté si les associés donnent un consentement unanime.

La Cour de cassation l’a jugé dans deux arrêts importants :

  • Cass. com., 18-3-2020 : le gérant d’une SARL qui exerce une activité concurrente ne manque pas à son devoir de loyauté si l’unanimité des associés l’y a autorisé, même sans décision formelle d’assemblée.
  • Cass. com., 29-1-2020, n° 18-16.179 : la Cour admet que ce consentement puisse résulter d’échanges de courriers ou du quitus donné en assemblée.

Cette autorisation doit toutefois :

  • être antérieure à l’activité concurrente,
  • être interprétée strictement,
  • ne viser que le dirigeant concerné et l’activité expressément mentionnée.

Il ne s’agit donc pas d’une renonciation générale au devoir de loyauté mais d’une dérogation ciblée, analysée comme une renonciation des associés à agir en responsabilité.

V. Suites du devoir de loyauté du dirigeant à l’égard de la société

1. Le lien avec les conflits d’intérêts

L’obligation faite au dirigeant, sur le fondement de son devoir de loyauté, de ne pas négocier en qualité de dirigeant d’une autre société un marché dans le même domaine d’activité, ouvre la question plus large des conflits d’intérêts (B. Dondero, Le traitement juridique des conflits d’intérêts : entre droit commun et dispositifs spéciaux, D. 2012, p. 1686).

Si la loyauté n’impose pas une transparence totale, elle entraîne néanmoins l’obligation de révéler tout conflit d’intérêts. Cette obligation de révélation procède déjà de plusieurs textes spécifiques :

  • C. com., art. L. 225-38 sur les conventions réglementées,
  • C. com., art. L. 225-101 sur l’acquisition par une société d’un bien appartenant à un actionnaire.

La jurisprudence et la doctrine tendent à étendre ce devoir à toute opportunité d’affaires que le dirigeant envisage de s’approprier pour lui-même ou pour une autre société qu’il dirige.

2. Le devoir de loyauté dans les groupes de sociétés

La problématique est particulièrement sensible dans les groupes, où un même dirigeant peut exercer des fonctions dans plusieurs entités liées.

Dans un arrêt du 22 mai 2019 (Cass. com., n° 17-13.565), la Cour de cassation a affirmé que l’administrateur d’une société mère, également administrateur de sa filiale, est tenu de voter au sein de la filiale dans le sens qui donne effet aux décisions de la société mère.

La règle connaît une exception : l’administrateur retrouve sa liberté de vote si la décision adoptée par la société mère est contraire à l’intérêt propre de la filiale.

Cet arrêt consacre ainsi un devoir de loyauté renforcé de l’administrateur envers la société mère, ce qui marque une extension notable de la notion. En pratique, il revient à admettre indirectement la primauté de l’intérêt du groupe, alors même que celui-ci n’a pas de personnalité morale reconnue.

La sanction du manquement est la responsabilité civile de l’administrateur : la décision prise par la filiale ne peut pas être annulée, faute d’irrégularité formelle, mais l’administrateur engage sa responsabilité personnelle envers la société mère.

3. Un devoir de loyauté aux contours mouvants

On observe ainsi que le devoir de loyauté :

  • s’applique à la fois aux actes positifs (non-concurrence, opportunités d’affaires, communication externe) et aux omissions (absence d’information des organes sociaux, dissimulation d’une faculté de renonciation),
  • se déploie dans des contextes variés : relations internes, gouvernance, relations externes, fonctionnement des groupes,
  • se combine avec des obligations spéciales de révélation et des règles de déontologie.

Le sort du devoir de loyauté à la fin du mandat social

Le dirigeant social est placé dans une situation singulière. Son mandat peut cesser du jour au lendemain, souvent sans préavis ni indemnité. Contrairement à un salarié, il n’a droit à aucune allocation chômage et voit sa rémunération disparaître brutalement. Dans ces conditions, il lui est presque naturel d’anticiper son avenir professionnel et de préparer une reconversion avant même la fin de son mandat.

Mais à l’inverse, la société qu’il dirige ne peut pas accepter de financer – par le biais de ses rémunérations ou avantages – celui qui, dans le même temps, préparerait déjà une activité concurrente. Il serait intolérable qu’un dirigeant utilise ses fonctions pour capter des opportunités, détourner des clients ou fragiliser la stratégie de l’entreprise au profit de son avenir personnel.

C’est de cette tension que naît l’obligation de loyauté et de non-concurrence du dirigeant : un équilibre fragile entre la nécessité, pour le dirigeant, de penser à son avenir, et l’impératif, pour la société, de protéger ses intérêts. La jurisprudence a progressivement défini les contours de cette loyauté, en précisant jusqu’où le dirigeant peut aller dans la préparation de sa reconversion et dans quelles limites la société est en droit de l’empêcher.

1. Pendant le mandat et à la veille de son terme

Tant qu’il est en fonction, le dirigeant reste tenu d’une obligation de loyauté stricte. Il ne peut ni concurrencer la société, ni détourner des opportunités d’affaires à son profit.

En revanche, la jurisprudence admet qu’il puisse préparer sa reconversion professionnelle. Rien n’interdit à un dirigeant en place de réfléchir à une nouvelle activité, de sonder le marché ou même de constituer une structure destinée à accueillir ses projets futurs. La limite est claire : ces démarches ne doivent pas se traduire par des actes de concurrence effectifs ou par l’utilisation des moyens de la société tant que le mandat n’a pas pris fin.

2. Après la cessation du mandat

Le principe est bien établi : l’obligation de non-concurrence du dirigeant disparaît automatiquement avec la fin de ses fonctions (Cass. com., 12-2-2002, n° 00-11.602 ; Cass. com., 17-3-2015, n° 14-11.463). L’ancien dirigeant retrouve alors sa liberté d’entreprendre et peut créer ou rejoindre une société concurrente.

Cette liberté n’est toutefois pas absolue :

  • elle peut être limitée par une clause de non-concurrence prévue par les statuts ou un contrat distinct, à condition que cette clause soit valable (durée et périmètre proportionnés, acceptation expresse : Cass. com., 10-7-2012, n° 11-20.268) ;
  • elle est encadrée par le droit commun de la concurrence déloyale. Même libéré de son mandat, l’ancien dirigeant doit s’interdire tout comportement abusif vis-à-vis de son ancienne société. Par exemple non exhaustif :
    • il ne peut pas exploiter le fichier clients ou d’autres données confidentielles de l’entreprise,
    • il ne peut pas prospecter de façon systématique l’ensemble de l’ancienne clientèle,
    • il ne peut pas détourner frauduleusement des salariés, fournisseurs ou partenaires.

3. Une liberté surveillée

En pratique, la fin du mandat ouvre donc une liberté nouvelle au dirigeant, mais il doit rester vigilant : la frontière entre préparation légitime d’une reconversion et concurrence déloyale peut être ténue. L’ancien dirigeant est libre de se lancer dans une activité concurrente, mais cette liberté reste encadrée par des règles strictes visant à protéger son ancienne société contre des pratiques abusives.

Conclusion

L’obligation de loyauté et de non-concurrence du dirigeant, d’abord implicite, a été consacrée par la jurisprudence comme un devoir fonctionnel indissociable du mandat social. Elle s’étend désormais à toutes les dimensions de la vie des affaires :

  • interdiction de concurrencer la société, sauf accord unanime des associés,
  • interdiction de détourner une opportunité d’affaires,
  • obligation d’informer loyalement les organes de gouvernance, y compris lors de la démission,
  • interdiction de communications contraires à l’intérêt social,
  • obligation de révéler les conflits d’intérêts,
  • obligation de cohérence des votes dans les groupes de sociétés.

Des limites existent (fin du mandat, libertés fondamentales, clauses contractuelles, autorisation unanime des associés), mais elles sont strictement encadrées.

Le dirigeant doit garder à l’esprit que la loyauté n’est pas une option morale mais une exigence juridique constante, dont la violation expose à une responsabilité civile parfois lourde. En d’autres termes, le pouvoir de diriger s’accompagne d’un corollaire incontournable : l’obligation d’agir en toutes circonstances avec loyauté envers la société qu’il sert.

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