Compétence territoriale : quel juge choisir ?

Le principe est que la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur (CPC, art. 42, al. 1).

Toutefois, cet article prévoit des exceptions. Pour certains litiges, il existe des options permettant de saisir soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur, soit un autre tribunal. Pour d’autres, des règles spéciales s’appliquent. Il faut également tenir compte du cas particulier de l’intervention forcée dans un litige.

Enfin, par dérogation aux règles de compétence de droit commun, les conventions conclues entre commerçants peuvent, sous certaines conditions, prévoir des clauses attributives de compétence territoriale.

Domicile du défendeur

La juridiction territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le défendeur a sa demeure au jour où l’assignation est délivrée (Cass. 1e civ. 17-6-2003 n° 02-19.733 : Bull. civ. I n° 143).

Les changements de domicile ultérieurs sont sans effet (Cass. 2e civ. 18-6-1975 n° 74-10.656 : Bull. civ. II n° 187).

Mais à quoi correspond le domicile ? Et que faire s’il y a plusieurs parties ? Et si le défendeur est à l’étranger ?

Personnes physiques

Le lieu où demeure le défendeur s’entend, s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence (CPC art. 43).

Le domicile est déterminé par les règles du Code civil (C. civ. art. 102 s.). Il s’agit du lieu où la personne a son principal établissement et où elle habite effectivement en permanence, ou encore du lieu où se trouve le centre de ses activités, si elle exerce une profession à titre individuel.

À défaut de domicile connu, le défendeur peut être assigné au lieu de sa résidence. Il s’agit ici d’un établissement temporaire occupé, par exemple, dans le cadre des loisirs.

Personnes morales

Le lieu où demeure le défendeur s’entend, pour une personne morale, de celui où elle est établie (CPC art. 43). Pour une société, il s’agit en principe du lieu du siège social mais il est aussi possible, sous certaines conditions, de l’assigner en d’autres lieux (n° 47350 s.).

S’il y a plusieurs défendeurs

En cas de pluralité de défendeurs, le demandeur saisit à son choix la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux (CPC art. 42, al. 2).

Il suffit que le demandeur exerce une action directe et personnelle contre chacune des parties assignées et que la question à juger soit la même pour tous (Cass. 2e civ. 10-3-2004 n° 01-15.725 : RJDA 7/04 n° 925). Ainsi un salarié peut-il assigner au même lieu ses deux anciens employeurs dont il demande la condamnation in solidum (Cass. soc. 16-2-2011 n° 10-16.423 et 10-16.534 : RJS 5/11 n° 449).

Il se déduit de l’article 42, al. 2 du Code de procédure civile, applicable dans l’ordre international, la possibilité de poursuivre devant une juridiction française un défendeur demeurant à l’étranger lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France présente, à l’égard de ce dernier, un caractère sérieux et que les diverses demandes, dirigées contre les défendeurs différents, présentent un lien étroit de connexité (Cass. 1e civ. 24-2-1998 n° 95-19.442 et n° 95-20.627 : RJDA 6/98 n° 819 ; voir aussi Cass. 1e civ. 5-12-2012 n° 11-18.169 FS-PBI : RJDA 4/13 n° 373 ; CA Paris 14-1-2020 n° 19/17906).

Défendeur n’ayant ni domicile ni résidence connus

Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure (CPC art. 42, al. 3). La solution est subsidiaire. Si le litige peut être rattaché à une juridiction en vertu des critères définis par l’article 46 du CPC en matières contractuelle, délictuelle, mixte, immobilière ou d’aliments, c’est cette juridiction qui doit être saisie.

Lorsque le demandeur demeure à l’étranger, il peut saisir la juridiction de son choix (CPC art. 42, al. 3). Il y a lieu néanmoins de respecter les critères définis par les règlements européens et les conventions internationales, notamment le règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit « règlement Bruxelles I » et la convention de Lugano du 30 octobre 2007.

Incompétence territoriale soulevée d’office (non) ?

En principe, la compétence territoriale relève de l’intérêt privé des parties. Contrairement à la compétence d’attribution, elle ne touche pas directement à l’ordre public. C’est pourquoi le juge ne peut, sauf exceptions prévues par la loi, relever d’office son incompétence territoriale.

Principe

Il ressort de l’article 76 du Code de procédure civile que l’incompétence territoriale ne peut jamais être relevée d’office en matière contentieuse. Seule la partie défenderesse peut l’invoquer, et encore doit-elle le faire in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. À défaut, la compétence du tribunal saisi est considérée comme acceptée.

En matière gracieuse, la règle diffère : l’article 77 du Code de procédure civile autorise le juge à relever d’office son incompétence territoriale. Cette prérogative n’est toutefois qu’une faculté. Si ni le juge ni les parties ne la soulèvent, la compétence de la juridiction saisie est tacitement prorogée.

Exceptions

Le juge peut néanmoins relever d’office son incompétence territoriale dans certaines hypothèses limitativement prévues par la loi. Tel est le cas :

  • pour les litiges relatifs à l’état des personnes,
  • lorsqu’un texte confère une compétence territoriale exclusive à une juridiction déterminée,
  • ou encore si le défendeur ne comparaît pas.

Ainsi, la règle générale demeure celle de l’initiative des parties, mais certaines matières bénéficient d’un régime dérogatoire, à la fois protecteur et d’ordre public, imposant au juge d’intervenir même sans contestation.

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