Depuis 2019, les banques libanaises ont imposé à leurs clients des restrictions sans précédent : retraits limités, blocage de comptes en devises, propositions de remboursement en livres libanaises dévaluées ou consignées à Beyrouth. Résultat : des milliers de déposants, qu’ils soient Libanais, Français ou ressortissants étrangers, se retrouvent privés de leurs économies.
Ces blocages, décidés unilatéralement par les banques, ne reposent sur aucune base légale solide. Pour les épargnants domiciliés en France, une voie de recours existe désormais : saisir les juridictions françaises pour contraindre la banque libanaise à restituer les fonds.
La justice française compétente pour les résidents en France
La Cour d’appel de Paris (23 novembre 2022, n° 21/22505) et la Cour de cassation (18 septembre 2024, n° 23-13.732) ont posé des principes clairs :
- tout déposant domicilié en France est considéré comme consommateur, quel que soit son passeport ;
- les juridictions françaises sont compétentes, même si le contrat bancaire prévoyait la compétence exclusive des tribunaux de Beyrouth ;
- la banque doit restituer les fonds en France, et non au Liban ;
- les offres de remboursement par consignation locale ou chèques tirés sur la Banque du Liban ne constituent pas un paiement effectif ;
- la clause attributive de juridiction figurant dans les contrats libanais est inopposable aux consommateurs domiciliés en France.
En clair : ce n’est pas votre nationalité qui compte, mais votre résidence en France.
Quelle procédure engager ?
La démarche consiste à assigner la banque libanaise devant le tribunal judiciaire de Paris. Le juge pourra alors :
- constater votre qualité de consommateur domicilié en France ;
- écarter la clause de compétence au profit de Beyrouth ;
- condamner la banque à restituer vos dépôts, convertis en euros, majorés des intérêts ;
- accorder des dommages-intérêts si vous prouvez un préjudice spécifique (perte d’une opportunité d’investissement, opération immobilière annulée, etc.).
Comment exécuter la décision ?
Obtenir un jugement n’est que la première étape. L’exécution nécessite d’identifier des actifs de la banque en dehors du Liban. Plusieurs leviers existent :
- saisie des comptes détenus par la banque libanaise dans d’autres établissements ;
- saisie de ses participations dans des filiales étrangères ;
- gel de biens immobiliers ou de valeurs mobilières détenus en Europe ou ailleurs.
Quels documents préparer ?
Pour constituer un dossier solide, il est essentiel de rassembler :
- justificatif de domicile en France ;
- pièce d’identité ;
- relevés de compte et preuves de dépôts ;
- contrat d’ouverture de compte et conditions générales ;
- échanges avec la banque (courriers, emails, offres de remboursement) ;
- preuves du préjudice subi le cas échéant (contrats avortés, projets bloqués).
Quelles banques sont concernées ?
La plupart des grandes banques libanaises sont visées par des actions judiciaires : Saradar Bank, Bank Audi, BLOM Bank, Byblos Bank, Fransabank, Bank of Beirut, SGBL, Crédit Libanais, LGB Bank, Lebanon & Gulf Bank, NECB.
Et si votre argent n’était pas déclaré en France ?
Beaucoup d’épargnants hésitent à agir par peur d’attirer l’attention de l’administration fiscale française. Il faut distinguer deux situations :
- Si vos avoirs étaient régulièrement déclarés : vous n’avez aucune inquiétude à avoir. Vous pouvez engager la procédure sans crainte, vos droits sont protégés.
- Si vos avoirs n’ont pas été déclarés : il existe des solutions. Vous pouvez régulariser votre situation auprès du fisc français, même a posteriori. La jurisprudence a déjà montré que des dépôts au Liban pouvaient être restitués en France, puis déclarés. Mieux vaut rapatrier vos fonds légalement que de les laisser bloqués sans perspective au Liban.
Dans tous les cas, le juge français ne s’intéresse pas à la fiscalité de vos avoirs : son rôle est de trancher le litige contractuel qui vous oppose à votre banque. L’administration fiscale, elle, peut être régularisée à part. Ce sont deux démarches distinctes.
En résumé : ne laissez pas la peur vous paralyser. Votre argent reste votre argent. Vous avez des droits, et les tribunaux français peuvent vous aider à les faire respecter.
Conclusion
Que vous soyez Libanais, Français ou étranger, si vous résidez en France et que vos avoirs sont bloqués au Liban, vous pouvez agir en justice en France pour récupérer vos fonds. La jurisprudence est désormais claire : les tribunaux français se déclarent compétents et condamnent les banques libanaises à payer en France, dans une devise stable.
Notre cabinet accompagne les résidents français dans ce type de démarches : analyse de votre dossier, rédaction de l’assignation, représentation devant le tribunal et mise en œuvre des mesures d’exécution pour sécuriser vos avoirs.
