Le Conseil constitutionnel vient de rappeler une exigence fondamentale du droit à un procès équitable : toute personne poursuivie par l’Autorité des marchés financiers (AMF) doit être informée de son droit de se taire avant toute audition par la commission des sanctions.
Décision n° 2025-1164 QPC du 26 septembre 2025 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20251164QPC.htm
Une QPC décisive sur la procédure de sanction de l’AMF
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article L. 621-15, IV du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2023, au motif qu’elles ne prévoyaient pas l’information du mis en cause sur son droit de se taire.
Ces dispositions prévoyaient seulement qu’aucune sanction ne pouvait être prononcée sans que la personne concernée ait été entendue ou, à défaut, régulièrement convoquée. Mais rien n’indiquait qu’elle pouvait garder le silence.
Or, selon le Conseil constitutionnel, le simple fait d’être entendue peut amener la personne mise en cause à penser qu’elle est tenue de répondre, et donc à s’incriminer par ses propres déclarations.
Le droit de se taire : une garantie constitutionnelle
Le Conseil rappelle que le droit de se taire découle directement du principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, lui-même fondé sur la présomption d’innocence garantie par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Ce droit s’applique dès lors que la personne encourt une sanction ayant le caractère d’une punition, même si la procédure n’est pas pénale au sens strict. Il concerne donc également les procédures de sanction administrative, comme celles engagées par la Cnil, l’Autorité de la concurrence, ou encore l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.
Une inconstitutionnalité à effet immédiat pour les procédures en cours
La décision (Cons. const., 26 septembre 2025, n° 2025-1164 QPC) précise que, bien que la version censurée de l’article L. 621-15 ne soit plus en vigueur, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances en cours à la date de publication de la décision (27 septembre 2025) et non encore jugées définitivement.
En pratique, cela signifie qu’une personne actuellement poursuivie devant la commission des sanctions de l’AMF pourra utilement invoquer cette décision, si elle n’a pas été expressément informée de son droit de se taire lors de son audition.
Une exigence désormais incontournable pour l’AMF
Même si la version actuelle de l’article L. 621-15 ne prévoit toujours pas explicitement cette notification, il paraît évident, à la lumière de cette décision, que l’AMF doit désormais informer systématiquement toute personne mise en cause de son droit au silence.
Cette obligation découle directement des exigences constitutionnelles dégagées par le Conseil. Elle s’impose donc dès maintenant, sans attendre une modification législative.
Le parallèle avec la décision du 8 août 2025 concernant la Cnil (Cons. const. n° 2025-1154 QPC) est éclairant : le Conseil y avait déjà jugé que, pour faire cesser immédiatement une inconstitutionnalité, les personnes mises en cause doivent être informées de leur droit de se taire, même avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi.
Une portée pratique encore à préciser
Reste une incertitude : la décision du 26 septembre 2025 vise une version abrogée de l’article L. 621-15. Faut-il en déduire que les procédures menées sur le fondement de la version actuelle échappent à cette censure ?
Rien n’est moins sûr. Dans la mesure où le grief porte sur l’absence de notification du droit au silence, et non sur la rédaction précise du texte, il est probable que le Conseil d’État et les juridictions du fond en déduisent une obligation générale d’information applicable à toutes les procédures de sanction menées par l’AMF.
En résumé
Le Conseil constitutionnel impose désormais que toute personne mise en cause devant la commission des sanctions de l’AMF soit informée de son droit de se taire.
Cette décision, fondée sur le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel plus large qui tend à aligner les garanties procédurales des autorités administratives indépendantes sur celles du procès pénal.
Les autorités de régulation devront en tenir compte immédiatement, faute de quoi leurs décisions encourront la censure.
