Le mandat de dépôt est une décision judiciaire qui ordonne l’incarcération d’une personne dans une maison d’arrêt. Il ne s’agit pas d’une simple mesure de police mais d’un acte juridictionnel, qui place l’intéressé sous la garde de l’administration pénitentiaire. Le chef d’établissement doit alors recevoir et détenir le condamné. Cette mesure peut intervenir à plusieurs moments de la procédure : en cours d’instruction, pendant le procès ou à l’issue du jugement.
Le principe : une peine immédiatement exécutoire malgré l’appel
L’exécution provisoire signifie que la peine décidée par le tribunal est immédiatement exécutoire, même si le prévenu forme un appel. L’appel n’a donc pas d’effet suspensif sur la détention.
Cette possibilité découle des articles 464-2 et suivants du Code de procédure pénale, qui permettent au tribunal de :
- décerner un mandat de dépôt à la barre, entraînant l’incarcération immédiate ;
- ou décerner un mandat de dépôt à effet différé, et ce mandat peut être assorti de l’exécution provisoire.
Le condamné est alors incarcéré non pas à titre préventif, mais au titre d’une peine devenue exécutoire par la décision du premier juge.
Une mesure encadrée mais fréquente
Contrairement à une idée répandue, l’exécution provisoire n’est pas exceptionnelle. Elle est prononcée très fréquemment, notamment :
- en comparution immédiate, y compris pour des peines courtes ;
- pour les condamnations supérieures à cinq ans, où le mandat de dépôt (immédiat ou différé) est quasi systématique.
Toutefois, le cadre légal impose des conditions strictes pour l’assortiment de l’exécution provisoire à un mandat de dépôt à effet différé : l’article D 45-2-1-1 du Code de procédure pénale prévoit que ce mandat peut être assorti d’exécution provisoire seulement si :
1° le tribunal est saisi selon la procédure de comparution immédiate ou différée ;
2° il prononce une peine d’emprisonnement ferme d’au moins un an ;
3° quelle que soit la durée de la peine, si les faits ont été commis en état de récidive légale. Légifrance+1
Cela confirme que la mesure est encadrée : elle n’est possible que dans ces hypothèses.
Par ailleurs, le mandat de dépôt à effet différé peut être prononcé (sans exécution provisoire) dès qu’il y a une peine ferme d’au moins un an ou selon les conditions de l’article D 45-2-2. Ministère de la justice+1
Le paradoxe apparent avec la présomption d’innocence
L’exécution provisoire semble heurter la présomption d’innocence : comment incarcérer un justiciable dont la condamnation n’est pas définitive ? La jurisprudence rappelle que cette mesure ne remet pas en cause ce principe, car elle ne préjuge pas de la décision d’appel. Elle repose sur des considérations de sûreté, de prévention ou de bon ordre judiciaire.
L’équilibre est délicat : le condamné demeure présumé innocent au regard de l’appel, mais la société peut, pour un temps limité, faire exécuter la peine dans l’intérêt public.
Les motifs justifiant l’exécution provisoire
Les tribunaux disposent d’une marge d’appréciation, mais la pratique judiciaire révèle plusieurs critères récurrents.
Le risque de fuite
C’est le motif le plus classique. Plus la peine est lourde, plus le risque que le condamné tente de se soustraire à la justice est élevé. Les juges apprécient notamment :
- l’absence de garanties de représentation (emploi, domicile, liens familiaux) ;
- la présence d’attaches à l’étranger ;
- la capacité financière du condamné à organiser sa fuite.
Autrement dit, plus la personne est mobile ou solvable, plus le risque est grand.
La protection des victimes
L’exécution provisoire peut viser à protéger les victimes, surtout lorsque celles-ci connaissent personnellement le condamné. Dans les affaires de violences intrafamiliales, de harcèlement ou d’agressions, la mesure permet de prévenir toute pression, menace ou représailles. L’incarcération rapide rend immédiatement effectives les interdictions de contact et préserve la sécurité des plaignants.
La prévention de la récidive ou de la réitération
Le tribunal peut également craindre une réitération des faits. La distinction est importante :
- la récidive légale (condamnation antérieure définitive pour faits similaires) ;
- la réitération (antécédent judiciaire sans récidive au sens strict).
Dans les deux cas, la mesure poursuit un but de protection de la société et de prévention du risque criminologique. Plus le profil du condamné apparaît inquiétant (antécédents, comportement, mépris de la loi), plus l’exécution provisoire s’impose comme une mesure de prudence.
Le pragmatisme de la justice
La logique n’est pas seulement pénale, elle est aussi administrative. Lorsqu’une peine ferme supérieure à un an est prononcée, aucun aménagement ab initio (modification directe) n’est possible. L’exécution provisoire évite ainsi des procédures ultérieures, souvent longues, pour organiser l’incarcération.
De plus, un condamné détenu qui fait appel sera rejugé beaucoup plus rapidement. La présence d’un détenu crée des délais impératifs pour la Cour ; à l’inverse, un appelant libre peut repousser l’audience pendant plusieurs années. Cette différence de traitement justifie parfois le choix de l’exécution immédiate : elle accélère la procédure d’appel et permet de clore plus vite le contentieux.
Enfin, certains condamnés âgés ou gravement malades peuvent bénéficier, avec le temps, de conditions de détention plus favorables (libération conditionnelle, suspension de peine). L’exécution provisoire permet d’éviter que le temps devienne un facteur d’impunité.
Le message de réprobation sociale
Enfin, les magistrats peuvent souhaiter affirmer un message symbolique fort. Dans les affaires particulièrement graves ou marquées par une forte résonance sociale, l’exécution immédiate d’une peine ferme exprime la réprobation de la société et la volonté de faire cesser rapidement un trouble à l’ordre public.
Cette dimension n’est pas purement morale : elle participe de la fonction pédagogique et dissuasive de la sanction pénale. La gravité des faits, le retentissement médiatique ou l’atteinte aux valeurs fondamentales peuvent ainsi justifier un recours à l’exécution provisoire.
Fondement juridique
Mandat de dépot (immédiat) art 465 CPP
S’agissant de ses modalités d’exécution, l’article 465 du Code de procédure pénale prévoit que « si la peine prononcée est d’au moins un an d’emprisonnement sans sursis, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, lorsque les éléments de l’espèce justifient d’une mesure particulière de sûreté, décerner mandat de dépôt ou d’arrêt ».
Le critère, c’est donc quand « les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté« . La Cour de cassation rappelle que le prononcé d’un mandat de dépôt doit être motivé. Il peut l’être notamment (Cass. crim., 24 août 2016, n° 16-83.609). :
- au regard de la gravité des faits reprochés,
- du quantum de la peine infligée
- ou encore de la description des éléments propres à l’espèce.
C’est donc laissé totalement à l’appréciation du juge qui peut le décerner assez aisément.
Mandat de dépôt à effet différé art 464-2 CPP
Le mandat de dépôt peut également être décerné à effet différé. Dans cette hypothèse, le tribunal peut l’assortir de l’exécution provisoire, notamment lorsque la peine retenue excède une année (C. pr. pén., art. 464-2, IV et D. 45-2-1-1).
Il est rappelé que « le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée. »
Autrement dit, pour justifier un mandat de dépôt à effet différé, le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée.
Il s’agit de critères particulièrement souples.
Qui peut l’ordonner
Le mandat de dépôt peut être délivré par le juge d’instruction, le tribunal correctionnel, la cour d’assises ou le juge des libertés et de la détention. Dans tous les cas, la décision doit être motivée et les droits de la défense respectés. Le mandat accompagne soit une détention provisoire, soit une condamnation à une peine ferme d’emprisonnement.
Quel est le but d’un mandat de dépôt ?
Le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme et sa mise à exécution mobilisent trois acteurs.
- Le tribunal correctionnel, d’abord, qui prononce la peine ;
- Le ministère public, ensuite, qui, selon la formule de l’article 707 du Code de procédure pénale, « poursuit l’exécution de la sentence » ;
- Enfin, le juge de l’application des peines, « chargé de fixer les principales modalités de l’exécution des peines privatives de liberté » (CPP, art. 712-1) — ou, diront certains, de leur non-exécution.
Trois acteurs donc, mais un aléa : l’appel, en principe suspensif, que le prévenu condamné peut former. Ainsi, pour certaines peines d’emprisonnement ferme, le tribunal correctionnel peut redouter que ce qu’il a délibéré — souvent en formation collégiale —, motivé et prononcé, ne soit jamais exécuté.
C’est précisément pour prévenir ce risque qu’a été institué le mandat de dépôt, permettant de garantir l’effectivité de la décision rendue. Le mandat de dépôt, simple ou à effet différé, empêche tout aménagement – voire conversion – de peine ab initio par le juge de l’application des peines (CPP, art. 464-2, I, 3° et CPP, art. 723-15).
Mandat de dépôt immédiat
Le mandat de dépôt immédiat entraîne une incarcération sans délai. Le condamné est menotté et conduit à la maison d’arrêt directement depuis l’audience. Aucun aménagement de peine ab initio n’est possible : la prison est immédiate et inéluctable.
De manière habituelle, quand un mandat de dépôt est prononcé, c’est un mandat de dépot immédiat ce qui signifie que les menottes sont passées à la barre.
Il convient cependant de préciser que si en théorie le mandat de dépôt n’implique nullement le menottage, qui est même en principe proscrit par l’article 803 du code de procédure pénale, il est quasi systématique.
Mandat de dépôt à effet différé
Le mandat de dépôt à effet différé est une création de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, complétée par le décret n° 2020-81 du 3 février 2020. Constatant le faible taux d’exécution des courtes peines d’emprisonnement, le législateur a imaginé ce mécanisme comme une solution intermédiaire entre la convocation devant le juge de l’application des peines et le mandat de dépôt immédiat.
Pour les peines d’emprisonnement ferme inférieures à un an, le principe demeure l’aménagement ab initio directement par le tribunal correctionnel (C. pr. pén., art. 464-2, I, 1°). Si la juridiction de jugement ne peut déterminer la mesure d’aménagement la plus adaptée, elle ordonne la convocation du condamné devant le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (C. pr. pén., art. 464-2, I, 2° et art. 474). Elle peut également décider la mise à exécution immédiate de la peine d’emprisonnement au moyen d’un mandat de dépôt, à condition que la peine prononcée soit d’au moins un an (C. pr. pén., art. 465), sauf en cas de récidive légale (C. pr. pén., art. 465-1) ou de comparution immédiate (C. pr. pén., art. 397-4).
Le mandat de dépôt à effet différé constitue une mesure plus clémente que le mandat de dépôt classique. Il vise à atténuer la brutalité d’une incarcération immédiate, en permettant au condamné de se préparer à son emprisonnement, de s’organiser sur les plans personnel et professionnel, tout en garantissant que l’exécution de la peine n’est pas indéfiniment différée.
Le fonctionnement du mandat de dépôt à effet différé
Le mandat de dépôt à effet différé offre une voie médiane : il permet la mise à exécution de la peine d’emprisonnement sans aménagement, mais à une date différée. Le condamné ressort libre à l’issue de l’audience, mais il sera convoqué ultérieurement par le parquet pour être incarcéré. Là encore, aucun aménagement n’est envisageable. Le mandat est prononcé lorsque les circonstances particulières du condamné le justifient, notamment sa situation professionnelle.
Concrètement, la date d’incarcération est fixée par le procureur de la République, soit à l’issue de l’audience, soit lors d’une convocation devant lui dans un délai d’un mois (C. pr. pén., art. 464-2, I, 3°). Elle doit intervenir dans les quatre mois suivant la notification de ce mandat (C. pr. pén., art. D. 45-2-4). Contrairement au mandat de dépôt classique et au mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire, le mandat de dépôt à effet différé peut être ordonné dès lors que la peine d’emprisonnement ferme atteint six mois (C. pr. pén., art. 464-2, I, 3° et III) et non 12 mois comme le mandat de dépôt (simple).
L’appel est en principe suspensif : si la personne fait appel, la mesure ne s’exécute pas tant que la cour d’appel n’a pas rendu son arrêt.
Le mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire
Fondement juridique du mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire
Art 464-2 IV CPP « IV.-Lorsqu’il décerne un mandat de dépôt à effet différé, le tribunal correctionnel peut, dans les cas prévus aux articles 397-4,465 et 465-1, assortir ce mandat de l’exécution provisoire. »
Pour quelle peine l’exécution provisoire peut-elle être prononcée pour un mandat de dépôt à effet différé ?
Article D45-2-1-1 « Le mandat de dépôt à effet différé décerné par le tribunal correctionnel en application du 3° du I ou du III de l’article 464-2 est immédiatement signé par le président du tribunal correctionnel à l’issue de l’audience et revêtu de son sceau.
Le tribunal ne peut assortir ce mandat de l’exécution provisoire en application du IV de l’article 464-2 que :
1° S’il est saisi selon la procédure de comparution immédiate ou de comparution différée ;
2° S’il prononce une peine d’emprisonnement ferme d’une durée d’au moins un an ;
3° Quelle que soit la durée de la peine d’emprisonnement prononcée, si les faits sont commis en état de récidive légale. »
Ainsi, un mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire peut être décerné alors même que la peine de prison prononcée peut être de moins de 6 mois.
Prononcé
Une variante du mandat de dépot existe : c’est le mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire. Dans ce cas, le condamné sort libre de la salle d’audience, mais l’incarcération est certaine malgré l’appel. Le recours n’a plus d’effet suspensif : le condamné sera obligatoirement détenu, même si la cour d’appel est saisie. Le tribunal évite ainsi l’image d’un menottage public à la barre, mais la prison reste inéluctable, simplement repoussée de quelques jours ou semaines.
Ce dispositif est souvent employé lorsque le tribunal souhaite maintenir un équilibre entre la sévérité de la peine et la dignité de son exécution : il ménage un court délai avant l’incarcération, permettant au condamné d’organiser sa vie personnelle et professionnelle, tout en assurant que la peine sera effectivement exécutée.
Cette exécution provisoire n’est possible que dans les cas où le tribunal aurait pu délivrer un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt. Elle permet l’exécution immédiate de la peine d’emprisonnement, nonobstant l’exercice du droit d’appel. Dans cette hypothèse, même en cas d’appel, le condamné doit être incarcéré, l’appel ne produisant aucun effet suspensif.
« le mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire a pour conséquence l’incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu’à ce que la décision de condamnation soit exécutoire [et] s’effectue sous le régime de la détention provisoire » (Cass. crim., 22 nov. 2023, n° 23-81.085, B, pts 12 et 13).
La convocation devant le Procureur de la République
Le condamné sera convoqué dans un délai qui ne peut excéder un mois devant le procureur de la République afin que ce dernier fixe la date à laquelle il sera incarcéré dans un établissement pénitentiaire. Le procureur de la République peut également donner connaissance au condamné de la date d’incarcération à l’issue de l’audience.
L’incarcération
L’incarcération devra intervenir dans un délai maximum de quatre mois entre la date à laquelle la personne est informée de la date et de l’horaire de son incarcération et la date à laquelle elle doit être incarcérée. Le condamné pourra, dans le temps qui lui est donné, organiser son absence dans sa vie professionnelle et personnelle afin de faciliter sa réinsertion.
Cette incarcération s’exécutera toutefois sous le régime de la détention provisoire, aussi longtemps que la peine ne sera pas définitive.
Comment contester le mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire ?
La Cour de cassation a jugé qu’il résulte des articles 464-2 et 465 du Code de procédure pénale que le mandat de dépôt à effet différé n’est pas soumis au même régime que les mandats de dépôt et d’arrêt, les juges du fond n’ont donc pas la faculté de prononcer la mainlevée du mandat de dépôt à effet différé. (Cass. crim., 27 mai 2025, n° 25-81.970, FS-B ; Cass. crim., 22 nov. 2023, no 23-81085, FS-B.)
Le jugement au fond en appel
Article 509-1 Cpp
Le prévenu doit comparaître devant la chambre des appels correctionnels dans un délai de quatre mois à compter soit de l’appel, si le prévenu est détenu, soit de la date à laquelle le prévenu a été ultérieurement placé en détention provisoire, en application de la décision rendue en premier ressort.
Toutefois, si l’audience sur le fond ne peut se tenir avant l’expiration de ce délai, le président de la chambre peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de quatre mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette décision peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes.
(…)
Si le prévenu n’a pas comparu devant la cour d’appel avant l’expiration des délais prévus au présent article, il est remis immédiatement en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.
Quid de l’effet suspensif de l’appel ?
L’exécution provisoire a ici pour effet d’entraîner une privation de liberté alors que la décision définitive sur la culpabilité n’a pas encore été rendue.
Toutes ces modalités de mise à exécution de la peine d’emprisonnement doivent s’articuler avec le caractère suspensif des voies de recours. En principe, un condamné ne peut être incarcéré tant que l’appel est possible ou en cours (C. pr. pén., art. 506). Toutefois, cet effet suspensif ne s’applique pas lorsqu’un mandat de dépôt a été décerné : dans ce cas, la détention s’exécute immédiatement.
Le régime est différent pour le mandat de dépôt à effet différé. Celui-ci ne peut être mis à exécution tant que la condamnation n’est pas devenue définitive, sauf si le tribunal correctionnel décide de l’assortir de l’exécution provisoire (C. pr. pén., art. D. 45-2-4, al. 2). Une telle décision n’est possible que dans les cas où la juridiction aurait pu ordonner un mandat de dépôt classique (C. pr. pén., art. 464-2, IV et art. D. 45-2-1-1).
Il existe ainsi une réelle proximité entre le mandat de dépôt et le mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire, tant dans leurs conditions de prononcé que dans leur finalité. Pour autant, ils ne doivent pas être confondus : la Cour de cassation veille à distinguer clairement leurs régimes respectifs.
Conditions légales
Le mandat de dépôt ne peut être prononcé qu’à des conditions strictes. En détention provisoire c’est à dire avant la condamnation au fond (délibéré), il doit répondre à des motifs sérieux : éviter une fuite, prévenir des pressions sur des témoins, empêcher la concertation avec des complices, maintenir l’ordre public.
Après une condamnation, il suppose l’existence d’une peine ferme.
Le Code de procédure pénale encadre également la durée de la détention provisoire : quatre mois renouvelables en correctionnel, délais plus longs en criminel, toujours sous contrôle du juge.
Conséquences concrètes
Le mandat de dépôt entraîne un placement en maison d’arrêt, réservée aux prévenus et aux condamnés non définitifs. Le condamné ne peut pas demander d’aménagement de peine avant d’être incarcéré : la prison est certaine. En pratique, seul l’effet suspensif de l’appel, lorsqu’il existe, peut retarder l’exécution. Dès lors qu’une exécution provisoire est attachée, aucune échappatoire n’est possible : l’incarcération aura lieu.
Exemple d’actualité
La condamnation récente de Nicolas Sarkozy illustre parfaitement le mécanisme. L’ancien président a été condamné à cinq ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire. Il est ressorti libre de l’audience, mais son incarcération est inéluctable malgré l’appel. Le tribunal a donc choisi de lui éviter l’image du menottage à la barre, tout en rendant certaine sa future détention.
Ne pas confondre mandat de dépôt et détention provisoire
Ce n’est pas la même motivation avant et après le jugement.
Les critères relatifs au risque de récidive, risque pour la sécurité, risque de fuite, risque de pression s’appliquent uniquement avant le jugement (article 144 CPP).
Après le jugement, ces critères précités ne sont plus pertinents et c’est uniquement la question de la gravité exceptionnelle des faits qui va justifier ou non le mandat de dépôt.
Comment contester un mandat de dépôt (à effet immédiat) ?
Le seul recours effectif consiste à déposer une demande de mise en liberté (article 148-1 du Code de procédure pénale). Celle-ci peut être présentée dès le premier jour de détention et à tout moment par la personne incarcérée, au titre de la détention provisoire prononcée par la juridiction de jugement. La demande est examinée par la juridiction d’appel saisie, qui statue avant même d’aborder le fond de l’affaire. Elle dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer.
Saisi d’une telle demande, le juge apprécie les critères classiques de la détention provisoire : risque de concertation avec les coauteurs, complices ou témoins ; risque de fuite ; personnalité du condamné et rapport de celui-ci à la justice. Un comportement jugé instable, contradictoire ou belliqueux peut ainsi justifier le maintien en détention.
En cas de rejet, la personne condamnée peut former un pourvoi en cassation. La Haute juridiction vérifie alors si la cour d’appel a statué dans les délais et motivé sa décision conformément aux exigences procédurales.
Enfin, une nouvelle demande de mise en liberté peut être présentée dès le rejet de la précédente, permettant ainsi un réexamen régulier de la situation de la personne détenue.
Comment contester un mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire ?
Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire soulève une question pratique essentielle : peut-on le contester avant d’être incarcéré ?
La réponse est non.
Pas de mainlevée possible avant incarcération
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mai 2025 (Crim. 27 mai 2025, n° 25-81.970, FS-B), a rappelé que le mandat de dépôt à effet différé ne doit pas être assimilé au mandat de dépôt classique.
L’appel formé par le condamné constitue un recours contre le jugement, et non contre le mandat de dépôt lui-même, dès lors que ce dernier est assorti de l’exécution provisoire. C’est là que réside toute la sévérité du dispositif : l’exécution de la peine s’impose sans attendre l’issue de l’appel, privant le condamné de toute possibilité d’échapper au choc carcéral.
En conséquence, la chambre des appels correctionnels ne peut pas ordonner la mainlevée d’un tel mandat sur le fondement de l’article 465 du Code de procédure pénale, lequel ne vise que le mandat de dépôt ordinaire, c’est-à-dire celui qui entraîne une incarcération immédiate à l’audience.
Ainsi, la requête en mainlevée d’un mandat de dépôt à effet différé présentée devant la cour d’appel est irrecevable.
Cette distinction tient à la nature même du mandat de dépôt à effet différé : tant qu’il n’a pas commencé à s’exécuter, la personne condamnée n’est pas détenue.
Il n’existe donc aucune détention à lever, et la cour d’appel ne peut intervenir qu’au stade du jugement sur le fond, non sur la mesure d’exécution provisoire elle-même.
La seule voie de recours : la demande de mise en liberté après incarcération devant la CA
Une fois la personne effectivement incarcérée, le mandat de dépôt à effet différé devient exécutoire.
« Cette incarcération [par le mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire](…) s’effectue sous le régime de la détention provisoire ». (Cass. crim., 22 nov. 2023, n° 23-81.085, B, pts 12 et 13).
C’est alors seulement incarcérée sous le régime de la détention provisoire qu’elle peut former une demande de mise en liberté, conformément à l’article 148-1 du Code de procédure pénale.
Cet article prévoit que « la personne placée en détention provisoire peut à tout moment demander sa mise en liberté ».
La demande est portée devant la juridiction saisie du fond : en cas d’appel, il s’agit de la cour d’appel (Rép. pén., v° Détention provisoire, par C. Guéry, nos 337 s.).
La cour d’appel doit statuer dans un délai maximal de deux mois à compter du dépôt de la demande (C. pr. pén., art. 148-2, al. 2).
Elle apprécie la nécessité du maintien en détention au regard des critères de l’article 144 du Code de procédure pénale, à savoir notamment :
– le risque de fuite ;
– le risque de concertation avec des complices ou témoins ;
– la nécessité d’empêcher une réitération des faits ;
– la préservation de l’ordre public ou la garantie de la représentation du prévenu devant la justice.
En cas de rejet, une nouvelle demande peut être immédiatement présentée, cette faculté offrant au détenu « provisoire » la possibilité de solliciter un réexamen régulier de sa situation pénale.
L’aménagement de peine
L’article 707-5 du code de procédure pénale ouvrirait potentiellement le droit de saisir le JAP pour demander un aménagement de peine comme une libération conditionnelle, alors même que le détenu a toujours le statut de prévenu et qu’il n’exécute pas juridiquement sa peine mais est incarcéré sous le régime de la détention provisoire.
Pourquoi le principe du mandat de dépôt est contestable ?
Une mesure d’équilibre entre efficacité et garanties fondamentales ?
L’exécution provisoire d’une peine d’emprisonnement ferme n’est ni arbitraire ni systématique. Elle résulte d’une appréciation globale des circonstances : la personnalité du condamné, la gravité des faits, la protection des victimes, l’ordre public et la charge du service judiciaire.
Elle permet à la justice pénale d’éviter l’inefficacité d’une condamnation qui resterait virtuelle pendant des années, tout en conservant les garanties essentielles du procès équitable.
Ce mécanisme incarne, à sa manière, la tension permanente entre l’exigence d’humanité et le besoin d’autorité de la chose jugée, entre le droit à un recours et l’impératif d’ordre public.
Une atteinte à la présomption d’innonce et au double degré de juridiction
Le recours au mandat de dépôt à effet différé suscite de nombreuses critiques. Beaucoup y voient une atteinte « disproportionnée » à la présomption d’innocence, principe à valeur constitutionnelle garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :
« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
Ce principe trouve son prolongement dans l’article 505 du Code de procédure pénale, qui consacre l’effet suspensif de l’appel : en principe, l’appel suspend l’exécution de la peine tant que la juridiction d’appel n’a pas statué.
Ces critiques ne sont donc pas infondées. Si l’incarcération immédiate d’un condamné n’a rien d’exceptionnel en matière correctionnelle, elle n’en demeure pas moins une mesure grave : environ 58 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées contre des majeurs s’accompagnent d’un mandat de dépôt, un taux qui atteint 85 % lorsque la peine est de cinq ans ou plus.
Le mandat de dépôt à effet différé, assorti de l’exécution provisoire, revient à neutraliser cet effet suspensif de l’appel et à priver le condamné de la protection procédurale qu’il implique. Il est ainsi incarcéré avant même que la décision ne devienne définitive, c’est-à-dire avant que sa culpabilité ne soit irrévocablement établie. Autrement dit, il commence à purger une peine susceptible d’être réformée ou annulée, au risque d’affaiblir la portée même de la présomption d’innocence.
Conclusion
Le mandat de dépôt est l’une des mesures les plus contraignantes du droit pénal. Qu’il soit immédiat, différé ou assorti de l’exécution provisoire, il a toujours pour conséquence de priver une personne de liberté sans possibilité d’aménagement avant l’incarcération. L’appel, suspensif ou non, détermine uniquement si la détention peut être retardée.
Sources
Rép. pén., v° Détention provisoire, par C. Guéry, nos 337 s.).
Ne pas confondre mandat de dépôt et mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire – Théo Scherer, Maître de conférences, Université de Caen Normandie, Institut caennais de recherche juridique (UR 967) – 17 juin 2025
https://www.leclubdesjuristes.com/observatoire-de-la-reforme-constitutionnelle/justice-observatoire-de-la-reforme-constitutionnelle/condamnation-de-nicolas-sarkozy-tout-comprendre-au-mandat-de-depot-12242/ Par Jean-Baptiste Perrier
https://www.tiktok.com/@c_a_vous/video/7557462042223955222
Mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire, ou la main lourde du tribunal correctionnel – François Fourment, professeur à l’université de Tours (IRJI François-Rabelais, UR 7496)
Le mandat de dépôt à effet différé n’est pas soumis au régime des mandats de dépôt et d’arrêt – par Honoré Clavreul, Doctorant au Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA4690)
Jurisprudences de référence
Crim. 22 nov. 2023, FS-B, n° 23-81.085
Crim. 27 mai 2025, FS-B, n° 25-81.970
