Indivision (successorale ou non) : comment en sortir rapidement ?

Qu’est-ce qu’une indivision ?

L’indivision est la situation résultant de la concurrence de droits de même nature sur un même bien ou sur une même masse de biens exercés par plusieurs personnes, sans que leurs parts soient matériellement divisées.

Comment l’indivision arrive-t-elle (causes) ?

L’indivision peut résulter de la loi ou de la volonté des personnes concernées. Il y a indivision lorsque les indivisaires :

  • disposent chacun d’une quote-part des droits, sans pouvoir exercer de droit privatif sur une partie déterminée ;
  • exercent des droits concurrents sur les mêmes biens ;
  • disposent de droits de même nature. Si c’est le cas, l’indivision peut porter sur la pleine propriété, la nue-propriété, l’usufruit ou un droit d’usage et d’habitation.

Quelles sont les indivisions les plus fréquentes ?

Les plus courantes sont :

  • les indivisions successorales. Lorsqu’un défunt laisse plusieurs héritiers, ceux-ci se trouvent dès le décès et de son seul fait en situation d’indivision. Il importe peu que les héritiers tiennent leur droit de la dévolution légale ou d’un testament ;
  • les indivisions post-communautaires. La dissolution des régimes matrimoniaux communautaires, notamment pour cause de décès ou de divorce, laisse place à une indivision. Le décès d’un époux commun en biens entraînant à la fois la dissolution du régime matrimonial et l’ouverture de la succession, il s’ouvre une double indivision : une indivision post-communautaire entre les conjoints et une indivision successorale qui regroupe l’ensemble des héritiers au nombre desquels figure le conjoint survivant.
  • les indivisions entre époux séparés de biens, des partenaires de Pacs ou des concubins lorsqu’ils achètent ensemble un bien ou lorsqu’ils sont dans l’incapacité de prouver la propriété exclusive de l’un ou de l’autre sur le bien ;
  • les indivisions des associés (C. civ. art. 1872 pour des associés en participation ; C. civ. art. 1873 pour une société de fait ; C. civ. art. 1844-9 en cas de dissolution de la société).

Quelles règles légales appliquer aux indivisions non successorales ?

La loi définit un corps commun de règles qui a vocation à s’appliquer à toutes les indivisions, qu’elles soient d’origine légale (indivisions successorales, notamment) ou conventionnelle (en cas, par exemple, d’acquisition de biens par des concubins). C’est pourquoi les règles ci-après exposées s’appliquent, sauf indication contraire, à toutes les indivisions. De la même façon, les solutions jurisprudentielles qui concernent le plus souvent des indivisions successorales ou post-communautaires sont, sauf indication contraire, transposables aux autres indivisions.

Le Code civil envisage surtoutle partage successoral. Mais il est expressément prévu que les partages qui suivent la dissolution d’un régime matrimonial sont soumis aux mêmes règles pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l’indivision et l’attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes (C. civ. art. 1476 pour les régimes communautaires, C. civ. art. 1542 pour la séparation de biens et C. civ. art. 1578 pour les régimes de participation aux acquêts). Quelques aménagements sont toutefois prévus en cas de divorce, de séparation de corps ou de séparation de biens.

Sauf indication contraire au fil des développements, les règles exposées ci-après s’appliquent également aux partages d’autres indivisions, notamment aux partages de biens indivis entre concubins ou partenaires de Pacs.

Quelle est la durée de l’indivision ?

Une indivision est par nature précaire et temporaire. Pour en sortir, il suffit de demander le partage qui est de droit pour chaque indivisaire. Le droit de provoquer le partage appartient aux indivisaires, quelle que soit leur qualité.

Nul ne peut être contraint de rester en indivision 

C. civ. art. 815

Pourquoi sortir d’une indivision ?

L’indivision, notamment successorale, peut être mal vécue par les héritiers, car elle les oblige à s’entendre, à devoir concilier entre eux. De ce fait, les héritiers veulent majoritairement en sortir rapidement par le biais du “partage”.

De plus, l’indivision n’a pas de personnalité morale (Civ. 1re, 25 oct. 2005 ; Civ. 3e, 3 oct. 2007), et donc pas de représentant légal, sauf mandat exprès des coïndivisaires qui désignerait l’un d’entre eux pour agir en leur nom.

En conséquence, l’indivision ne peut notamment agir en justice. Chaque coïndivisaire a un droit d’agir en justice, non pas au nom des autres, mais en son nom propre (C. pr. civ., art. 30 ; Civ. 1re, 23 janv. 2008), alors que chacun peut être attrait en justice, en sa qualité juridique d’indivisaire. Simplement, faute de mise en cause des autres indivisaires, la décision ne concerne que lui, quitte pour l’indivisaire qui aurait payé à se retourner contre ses coïndivisaires pour obtenir le remboursement (Civ. 3e, 12 juin 2013 ; 18 déc. 2013).

Les indivisions entrainent bien souvent une mauvaise gestion des biens et un gâchis, les tiers commes les locataires profitant de cette situaiton pour ne pas payer leurs loyers ou dégrader les biens en pariant sur les mésententes des indivisaires qui ne réagiront pas, faute d’accord entre eux.

Le partage de l’indivision

Le « partage » désigne l’ensemble des opérations à l’issue desquelles l’indivision cesse et les indivisaires deviennent titulaires des droits divis, par exemple :

  • un acte de partage total ou partiel, amiable ou judiciaire. ;
  • la vente d’un bien indivis au profit d’un indivisaire, qu’il s’agisse d’une licitation (voir n° 70282) ou d’une vente de gré à gré (par exemple Cass. 3e civ. 13-10-2004 n° 03-12.968 FS-PB) ;
  • la cession par un indivisaire de ses droits dans l’indivision à un autre indivisaire (Cass. 3e civ. 13-10-2004 n° 03-12.968 FS-PB : RJDA 1/05 n° 13).

Lorsque l’indivision porte sur une universalité de biens (cas spécialement des indivisions successorales et post-communautaires), le partage est précédé d’opérations de liquidation visant à établir les droits de chaque indivisaire. Ces opérations varient selon qu’il s’agit d’une succession ou d’un régime matrimonial. Un compte liquidatif dont l’objet est d’exprimer sous forme chiffrée les droits des indivisaires doit être établi.

Il partage peut prendre deux formes :

  1. Le partage amiable lorsque les indivisaires sont d’accord entre eux unanimement
  2. Le partage judiciaire lorsque les indivisaires ne sont pas tous d’accord entre eux ou qu’il y a une inertie

Le partage amiable

Le partage amiable se définit comme celui dont la forme et les modalités ont été choisies par les parties (C. civ. art. 835, al. 1). L’évaluation des biens, la composition et la répartition des lots, le délai de paiement des soultes, etc. sont décidés d’un commun accord.

Le partage amiable n’est soumis à aucune forme particulière. Il peut être établi sous seing privé ou par acte authentique. Un acte notarié s’impose lorsque des immeubles ou des droits immobiliers sont concernés (C. civ. art. 835, al. 2 et 710-1).

Le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel s’il laisse subsister l’indivision à l’égard de certains biens ou de certaines personnes (C. civ. art. 838). Certains biens peuvent être attribués privativement, d’autres restant indivis ; certains indivisaires peuvent être remplis de leurs droits, d’autres restant en indivision. Plusieurs partages partiels successifs sont possibles.

Un partage partiel est définitif et produit, pour les biens et indivisaires qu’il concerne, les mêmes effets qu’un partage total.

Le partage amiable peut s’opérer ainsi:

  • Vente des droits indivis à un unique indivisaire
  • Vente des droits indivis à un tiers qui rachète l’intégralité

En principe, le partage amiable exige que tous les indivisaires soient présents et capables (C. civ. art. 835, al. 1). Mais, il est possible, moyennant quelques aménagements, d’effectuer un partage amiable si l’un des indivisaires est incapable, défaillant, présumé absent ou incapable de manifester sa volonté. Un indivisaire en liquidation judiciaire ne peut pas signer un acte de partage ; le pouvoir de conclure un tel acte appartient au liquidateur judiciaire (Cass. com. 13-1-2015 n° 13-12.590 F-PB : BRDA 4/15 n° 10).

Partage judiciaire

Le partage est judiciaire lorsque (C. civ. art. 840) :

  • un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ;
  • un des indivisaires élève des contestations sur la manière de procéder au partage ou de le terminer ;
  • le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé, en présence d’un indivisaire mineur ou majeur protégé, défaillant, présumé absent ou hors d’état de manifester sa volonté (n° 70570 s.).

Les copartageants ont la faculté d’abandonner, à tout moment, la voie judiciaire et de poursuivre le partage à l’amiable si les conditions prévues pour un partage de cette nature sont réunies (C. civ. art. 842)

Assignation en justice : la seule solution

Le seul moyen de déclencher le partage judiciaire d’une indivision est d’assigner l’intégralité des indivisaires/héritiers devant le tribunal judiciaire au fond.

C’est votre avocat qui rédige l’assignation.

Quel est le tribunal compétent pour un partage judiciaire d’une indivision ?

S’il s’agit d’un partage successoral, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession, c’est-à-dire du dernier domicile du défunt (C. civ. art. 841 et 720). Il connaît de l’action en partage, des contestations qui s’élèvent à l’occasion du maintien de l’indivision ou au cours des opérations de partage, des demandes de licitations, des demandes relatives à la garantie des lots entre copartageants, des demandes visant à contester le partage. Cela dit, cette compétence n’est pas exclusive : le tribunal saisi d’une demande d’adjudication peut autoriser qu’elle se déroule devant le tribunal du lieu de situation de l’immeuble ; le tribunal du lieu de la dissolution de la communauté peut connaître d’un partage successoral connexe.

S’il s’agit d’un partage suite à la séparation d’un couple, le tribunal compétent est le juge aux affaires familiales. Il connaît, en effet, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux ainsi que de ceux des personnes liées par un Pacs et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d’absence (C. org. jud. art. L 213-3). Cette compétence s’impose au créancier qui provoque le partage d’un bien indivis (Cass. 1e civ. 1-6-2017 n° 15-28.344 FS-PB : BPAT 4/17 inf. 164).

Le juge du divorce a vocation à statuer sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux (C. civ. art. 267).

Pour le reste, les règles applicables au partage judiciaire, qu’il fasse suite à un décès, un divorce ou toute autre cause, sont identiques. Elles sont prévues par les articles 1359 et suivants du Code de procédure civile. Il est expressément prévu que les procédures qui se déroulent devant le juge aux affaires familiales sont soumises aux règles de la procédure écrite ordinaire applicable devant le tribunal judiciaire (CPC art. 1136-1 s.).

Les suites du partage de l’indivision sont à lire ici : https://www.simonnetavocat.fr/quelles-sont-les-etapes-du-partage-judiciaire-dune-succession/

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