Points de litige dans une succession : sur quoi les familles se disputent-elles ?

Le décès d’un proche ouvre toujours une période délicate. Au chagrin s’ajoutent souvent des tensions familiales, parfois anciennes, qui ressurgissent au moment du partage des biens. Derrière les principes posés par le Code civil – égalité entre héritiers, réserve héréditaire, respect de la quotité disponible – la pratique montre que les successions sont un terrain fertile pour les litiges. Les familles se disputent rarement sur les règles théoriques : elles se déchirent sur des points très concrets et quotidiens, qui mêlent argent, mémoire et affect.

Quels sont donc les principaux points de litige dans une succession et pourquoi empoisonnent-ils autant de familles ?

Le partage des biens immobiliers

L’immobilier est sans conteste la première source de conflit successoral.

La loi prévoit qu’au décès, les héritiers deviennent propriétaires indivis des biens (article 815 du Code civil). Cela signifie qu’ils doivent gérer ensemble l’immeuble, prendre des décisions à l’unanimité pour sa vente, et supporter en commun les charges. Or, c’est souvent là que les désaccords commencent.

Le premier point de discorde concerne l’évaluation du bien. Chaque héritier a son idée de la valeur de la maison ou de l’appartement : celui qui souhaite vendre la surestime, celui qui veut racheter les parts la sous-estime. Faute d’accord, une expertise amiable ou judiciaire peut être sollicitée, ce qui rallonge la procédure de plusieurs mois, voire plus d’un an.

Autre sujet sensible : le logement familial. Il arrive fréquemment qu’un enfant veuille conserver la maison de ses parents, tandis que ses frères et sœurs réclament leur part en argent. La loi autorise un héritier à demander l’attribution préférentielle du logement (article 831 du Code civil), mais les autres peuvent s’y opposer ou contester le prix fixé.

Enfin, la gestion de l’immeuble indivis pose problème au quotidien : qui paie les impôts fonciers, qui règle les travaux urgents, qui encaisse les loyers ? Ces questions génèrent des tensions constantes, jusqu’à conduire certains héritiers à saisir le tribunal pour demander le partage judiciaire.

Les comptes bancaires et les liquidités

Les avoirs financiers suscitent aussi des contestations.

D’abord, parce que les héritiers soupçonnent souvent un déséquilibre dans la gestion des comptes avant le décès. Retraits d’espèces, virements inhabituels, procurations abusives : chaque mouvement est scruté. Les héritiers lésés peuvent demander à la banque la communication des relevés sur les dix dernières années, puis exiger le rapport des sommes indûment prélevées.

Ensuite, se pose la question de l’accès aux comptes bancaires après le décès. Le conjoint survivant, notamment lorsqu’il dispose d’un compte joint, considère parfois que les fonds lui appartiennent en totalité. Or, juridiquement, seule la moitié des sommes lui revient, sauf clause spécifique. Cette nuance technique est à l’origine de nombreux conflits.

Enfin, la répartition des liquidités entre héritiers est parfois contestée. Certains estiment que des dons manuels (par exemple, de l’argent remis sans trace écrite) doivent être pris en compte, d’autres refusent. Faute d’accord, ces différends conduisent à des procédures longues de vérification et de reconstitution des flux financiers.

Les donations et les avances d’hoirie

Les donations consenties du vivant du défunt sont au cœur de nombreux litiges successoraux. Le principe est simple : pour assurer l’égalité entre héritiers, certaines donations doivent être « rapportées » à la succession (article 843 du Code civil). En pratique, les débats sont nombreux.

La première difficulté est l’évaluation des donations. Un appartement donné il y a trente ans doit-il être estimé à sa valeur de l’époque ou à celle du jour du partage ? La loi prévoit une réévaluation au jour du décès, ce qui peut créer un sentiment d’injustice pour l’héritier donataire.

Autre source de conflit : les libéralités qui portent atteinte à la réserve héréditaire. Si un parent a trop avantagé un enfant ou un tiers, les autres héritiers peuvent agir en réduction (articles 920 et suivants du Code civil). Ces actions donnent lieu à des procès techniques et souvent douloureux sur le plan familial.

Enfin, beaucoup de familles s’affrontent autour des avances déguisées. Par exemple, lorsqu’un parent a « prêté » une forte somme à un enfant sans contrat écrit, les autres héritiers considèrent qu’il s’agissait en réalité d’une donation. Ces situations, fréquentes, nourrissent des contentieux longs et complexes.

Les contrats d’assurance-vie

Souvent présentée comme « hors succession », l’assurance-vie n’échappe pas aux conflits.

Un premier litige porte sur les primes manifestement exagérées (article L. 132-13 du Code des assurances). Lorsqu’un défunt a investi une grande partie de son patrimoine en assurance-vie, les héritiers peuvent demander la réintégration dans la succession, estimant que leur réserve a été contournée.

Autre difficulté : la désignation du bénéficiaire. Des clauses mal rédigées (« à mon conjoint », sans préciser le nom) entraînent des contestations, surtout en cas de remariage ou de divorce. De même, il arrive qu’un bénéficiaire soit décédé avant l’assuré, ou que sa recherche prenne des années.

Enfin, certains héritiers contestent l’équilibre des primes versées au regard de l’âge ou de la santé du défunt. Dans certains cas, les juges requalifient l’assurance-vie en donation indirecte, soumise aux règles du rapport et de la réduction.

Le partage des souvenirs et objets personnels

Au-delà des aspects financiers, les successions cristallisent aussi les tensions affectives.

Les souvenirs familiaux – bijoux, meubles, tableaux, photos, objets du quotidien – deviennent vite l’objet de disputes acharnées. Leur valeur marchande est souvent faible, mais leur charge symbolique est immense.
Les litiges naissent lorsqu’un héritier accuse un autre de s’être servi avant l’inventaire, ou lorsque certains refusent de partager des objets jugés emblématiques de la famille. Ces conflits, difficiles à trancher juridiquement, sont parmi les plus douloureux car ils ravivent les blessures intimes.

Pour tenter d’apaiser les tensions, la loi permet d’organiser un tirage au sort ou une attribution d’objets par lots, mais en pratique, l’émotion prend souvent le pas sur la règle.

Les dettes du défunt

Une succession comprend l’actif mais aussi le passif. Or la découverte de dettes non révélées est une cause fréquente de litige. Crédits à la consommation, dettes fiscales ou même cautionnements insoupçonnés peuvent apparaître après le décès.

Les héritiers doivent alors décider s’ils acceptent la succession purement et simplement, s’ils choisissent l’acceptation à concurrence de l’actif net, ou s’ils renoncent (articles 768 et suivants du Code civil). Ces options divisent souvent les familles : certains veulent préserver la mémoire du défunt et conservent tout, d’autres préfèrent éviter les risques financiers.

Les désaccords portent aussi sur la répartition des charges successorales : qui règle les funérailles, les frais d’entretien du logement, les impôts fonciers en attendant le partage ?

La place du conjoint survivant

La protection du conjoint survivant constitue un autre point sensible.

Le Code civil lui accorde plusieurs droits spécifiques : choix entre un quart en pleine propriété ou l’usufruit de la totalité de la succession (article 757), droit temporaire d’un an à la jouissance gratuite du logement familial (article 763), et droit viager d’usage et d’habitation.

Ces mécanismes, favorables au conjoint, sont souvent contestés par les enfants du défunt, en particulier lorsqu’ils sont issus d’une première union. Ils considèrent parfois que le conjoint survivant bénéficie d’un avantage excessif au détriment de leur réserve héréditaire.

C’est dans ce contexte qu’apparaît ce que l’on appelle communément « le problème de la belle-mère » ou du « beau-père ». Les enfants du premier lit se retrouvent contraints de partager le patrimoine de leur parent avec le nouveau conjoint. Ils redoutent que ce dernier ne profite indéfiniment de l’usufruit du logement ou qu’il dilapide une partie de la succession. De son côté, le conjoint survivant issu d’un remariage se sent souvent mis à l’écart, soupçonné de chercher à capter l’héritage. Ces tensions sont particulièrement vives lorsque le conjoint est proche en âge des enfants, ou lorsque les relations familiales étaient déjà mauvaises avant le décès.

La coexistence des droits du conjoint avec des donations entre époux ou une clause de préciput dans un contrat de mariage accentue encore ces litiges, en donnant au survivant une position jugée trop favorable par les enfants non communs.

La gestion de l’indivision successorale

Même une fois la succession ouverte, les conflits ne cessent pas. Les héritiers restent en indivision tant que le partage n’est pas réalisé.
La loi autorise chacun à demander à tout moment le partage (article 815), mais dans l’intervalle, il faut gérer ensemble le patrimoine commun.

Qui administre les biens ? Qui décide des travaux ? Qui perçoit les loyers ?

L’absence d’accord paralyse souvent la situation. Un héritier peut alors saisir le juge pour obtenir la désignation d’un mandataire de l’indivision, ou engager une action en partage judiciaire. Cette procédure, longue et coûteuse, peut durer plusieurs années, surtout lorsqu’elle implique une expertise immobilière ou la vente aux enchères d’un bien indivis.

Conclusion

Les successions ne se réduisent pas à des règles de droit abstraites : elles révèlent les tensions profondes d’une famille. Derrière chaque litige se mêlent argent, souvenirs, inégalités réelles ou ressenties et blessures affectives. Biens immobiliers, comptes bancaires, donations, assurance-vie, dettes ou encore souvenirs familiaux : chaque élément du patrimoine peut devenir un sujet de discorde.
Pour limiter les conflits, il est essentiel d’anticiper. Rédiger un testament clair, organiser une donation-partage, désigner un mandataire à effet posthume ou simplement dialoguer en famille permet souvent d’éviter que la succession ne se transforme en véritable guerre judiciaire.
Si vous êtes confronté à un litige successoral, je peux vous accompagner afin de défendre vos droits et trouver la stratégie la plus adaptée à votre situation. N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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