Mesure conservatoire, saisie et procédure collective : quel impact ?

Il est courant qu’un créancier cherche à sécuriser sa créance contre un débiteur envers lequel il existe un risque sur le recouvrement en procédant à une mesure conservatoire, soit une saisie conservatoire soit une sureté judiciaire comme une hypothèque judiciaire provisoire.

Les mesures conservatoires pour sécuriser sa créance

Cependant, lorsque le créancier est une personne morale, il est très fréquent qu’il soit placé à un moment ou à un autre en procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire).

Que devient alors la saisie conservatoire ?

Solution rapide

La réponse ne satisfera pas les créanciers puisqu’elle est très favorable au débiteur :

  • Si la mesure conservatoire a fait l’objet d’une conversion grâce à l’obtention d’un titre exécutoire, alors la mesure conservatoire convertie (par exemple en saisie attribution ou en hypothèque judiciaire) subsiste [très rare]
  • Si la mesure conservatoire n’a pas fait l’objet d’une conversion au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective, alors la mesure conservatoire TOMBE (le plus fréquent). Autrement dit, un jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, intervenant avant la conversion en saisie-attribution, entraîne automatiquement l’arrêt de toute mesure d’exécution, la mainlevée de la saisie conservatoire et de la consignation ainsi que la perte du privilège au profit du créancier saisissant.

Explication juridique et jurisprudence

Le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête ou interdit toute voie d’exécution de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, tant sur les meubles que sur les immeubles ( C. com., art. L. 622-21, al. 2 ).

Cette mesure concerne tous les biens du débiteur. Aucune procédure civile d’exécution ne peut plus être entreprise après la décision d’ouverture et toutes celles qui ont été engagées doivent être arrêtées quelle qu’en soit la nature. À cette règle générale, il existe deux exceptions :

  1. les voies d’exécution dont l’effet est totalement réalisé avant le jugement d’ouverture (comme les saisies-attributions) ;
  2. et celles exercées par des créanciers dont les créances sont nées régulièrement après le jugement d’ouverture et qui répondent aux conditions exigées par l’ article L. 622-17 du Code de commerce (c’est à dire les créances postérieures au JO) .

Une saisie conservatoire signifiée au tiers saisi avant la date de cessation des paiements qui n’a pas été convertie en saisie -attribution avant la date du jugement d’ouverture n’emporte plus, dès lors, affectation spéciale et privilège au profit du créancier saisissant (Cass. com., 22 avr. 1997, n° 94-16.979).

Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 14 septembre 2006, 05-16.584, Publié au bulletinUne saisie conservatoire qui n’est pas convertie en saisie-attribution ne peut plus produire ses effets. En ce cas, le créancier poursuivant ne peut faire condamner au paiement des sommes pour lesquelles la saisie avait été pratiquée le tiers saisi qui n’aurait pas satisfait à son obligation de renseignement.

En revanche, la saisie conservatoire régulièrement convertie en saisie -attribution avant l’ouverture du redressement judiciaire ne peut plus être contestée ( Cass. com., 2 mars 2010 : Bull. civ. IV, n° 45 ; D. 2010, p. 1509, obs. A. Leborgne ; JCP G 2010, 761 , note Lauvergnat ; Dr. et proc. 2010, p. 186 , note P. Hoonakker ; RTD civ. 2010, p. 619 , obs. R. Perrot ; Gaz. Pal. 22 juin 2010, p. 19 , note Lefort ; RD bancaire et fin. 2010, comm. 103 , note S. Piedelièvre).

L’offre volontaire de mesures de substitution faite par le débiteur ne constitue pas, en elle-même, la reconnaissance nécessaire qu’il existait une créance paraissant fondée en son principe et dont le recouvrement était menacé (Cass. 2e civ., 15 nov. 2007, n° 06-18.193).

La période suspecte et saisie

La saisie conservatoire est nulle dès lors que l’acte de saisie est fait en période suspecte ( C. com., art. L. 632-1 ). Cependant la saisie conservatoire convertie en saisie -attribution avant la date du jugement d’ouverture échappe aux nullités de la période suspecte ( Cass. com., 10 déc. 2002, n° 99-16.603 : JurisData n° 2002-016807 . – Cass. com., 29 avr. 2003, n° 00-11.912 : JurisData n° 2003-018823 ; JCP G 2003, IV, 2105 ).

Saisie conservatoire convertie en saisie-attribution

Une saisie conservatoire qui a été convertie en saisie-attribution avant l’ouverture de la procédure ouverte contre le débiteur ne peut être annulée ( Cass. com., 10 déc. 2002 : Bull. civ. IV, n° 191 ; D. 2003, p. 1473, obs. Taormina. – Cass. com., 29 avr. 2003, n° 00-11.912 ) même plus toute contestation est irrecevable si la saisie conservatoire a été régulièrement convertie en saisie attribution avant l’ouverture du redressement judiciaire ( Cass. com., 2 mars 2010, n° 247, 08-19.898 : JurisData n° 2010-001107 ; RTD civ. 2010, p. 619 , note R. Perrot ; Dr et proc. 2010, p. 186 , note Hoonakker ; JCP G 2010, 761 , note L. Lauvergnat).

Procédure collective et saisie attribution

Il résulte des articles L. 221-1 et L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution que l’acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers saisi ainsi que de tous ses accessoires. La signification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d’un jugement de redressement ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution. La saisie-attribution signifiée avant la date du jugement d’ouverture de la procédure est valable. En droit français, la survenance ultérieure d’une procédure collective ne peut remettre rétroactivement en cause l’attribution de la créance au saisissant, attribution ” immédiate ” aux termes de l’ article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution (en cas d’ouverture d’une procédure collective dans un autre pays, il faut consulter la loi de la procédure : Cass. com., 16 févr. 2016, n° 14-10.378, F-P+B).

Pour la détermination de la validité de la saisie attribution il faut examiner la date de la signification de la saisie et celle de l’ouverture de la procédure par le tribunal. La date de la dénonciation de la saisie-attribution au débiteur, ou au mandataire judiciaire le représentant ( Cass. com., 19 févr. 2002, n° 98-22.727) est elle indifférente : peu importe que la dénonciation intervienne après le jugement d’ouverture pourvu que la signification de la saisie-attribution au tiers saisi ait eu lieu auparavant (TGI Laval, JEX, 2 avr. 1996 et 23 avr. 1996 : D. 1997, p. 43, note J. Prévault). Cette règle est constante ( Cass. com., 2 mars 2010, n° 08-19.898 ).

Mon avis

La conversion d’une mesure conservatoire est une procédure très longue puisqu’elle nécessite d’obtenir un titre exécutoire au fond, généralement via une procédure contradictoire de plusieurs années. La plupart du temps, le débiteur va demander l’ouverture de la procédure collective au moment de la réception de l’assignation au fond. Il est donc très fréquent qu’un débiteur utilise une procédure collective pour faire tomber une mesure conservatoire : surtout qu’il peut demander un redressement judiciaire “de complaisance” qui sera clôturé après quelques mois. En attendant, il aura récupéré le produit de la mesure conservatoire et l’aura soit dépensé soit affecté ailleurs pour éviter sa saisie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *