Lettre recommandée électronique (LRE) : quelle valeur juridique ?

La lettre recommandée électronique (LRE) tend à remplacer la lettre recommandée papier avec avis de réception. Mais sa valeur juridique suscite encore des interrogations, en particulier lorsqu’elle est adressée à des particuliers.

Les textes applicables

La LRE est régie par le Code des postes et des communications électroniques (articles L. 100, L. 101 et R. 53-1 à R. 53-4) et par le règlement (UE) n° 910/2014 du 23 juillet 2014 dit règlement eIDAS sur l’identification électronique et les services de confiance.

Elle est reconnue comme équivalente à la lettre recommandée papier dès lors qu’elle respecte les exigences du règlement européen.

Principe d’équivalence avec la lettre recommandée papier

La LRE peut être utilisée pour tout type de notification : congé de bail, mise en demeure, résiliation de contrat, convocation d’assemblée générale… À condition d’être envoyée par un prestataire qualifié, elle a la même valeur probatoire qu’une LRAR traditionnelle.

Consentement du destinataire : la distinction entre professionnels et particuliers

Entre professionnels, le consentement à recevoir une LRE est présumé. En revanche, avec un particulier, la situation est très différente : le destinataire doit avoir donné expressément son accord préalable pour recevoir des lettres recommandées électroniques.

Sans ce consentement, la LRE est inopérante. Même si le particulier retire la lettre, la refuse ou la laisse expirer, la notification n’est pas valable. L’expéditeur ne peut pas s’en prévaloir.

Exemple typique : un bailleur qui envoie un congé de bail d’habitation par LRE sans accord préalable du locataire commet une erreur fatale. Le congé est nul et le bail se poursuit.

L’exigence de preuves techniques : l’arrêt CA Bastia, 7 juillet 2021

La jurisprudence a rappelé avec force que la seule production des conditions générales acceptées par l’usager ne suffit pas à démontrer la réalité d’un envoi recommandé électronique.

Dans une affaire opposant la CPAM de Haute-Corse à une assurée (CA Bastia, ch. soc., 7 juill. 2021, n° 20/00059), la caisse prétendait avoir adressé des convocations médicales via le compte Ameli. La cour a rejeté cet argument au motif que la CPAM n’apportait aucune preuve technique de l’envoi ni de la réception, mais uniquement les conditions générales d’utilisation du service.

Comme l’a souligné le professeur Éric A. Caprioli dans son commentaire (Comm. com. électr., nov. 2021, comm. 88), « l’utilisation de LRE valables nécessite la présentation d’éléments techniques. Les CGU ne suffisent pas ».

Concrètement, il appartient à l’expéditeur de produire :

  • l’avis de dépôt électronique,
  • les relances automatiques (courriels, SMS),
  • les informations relatives à la mise à disposition de la LRE,
  • et, le cas échéant, la preuve de réception ou de refus.

En l’absence de ces éléments, les juges considèrent que l’envoi n’est pas prouvé et l’acte ne produit aucun effet.

Les garanties offertes par la LRE

Lorsqu’elle est correctement mise en œuvre, la LRE offre les mêmes garanties qu’une LRAR papier : preuve de dépôt, preuve de réception ou de refus, conservation des données pendant un an par le prestataire. Ce dernier engage sa responsabilité en cas de perte ou de retard.

En résumé

La lettre recommandée électronique est l’équivalent numérique de la LRAR papier. Mais son efficacité est subordonnée à deux conditions essentielles :

  • Pour les particuliers : un consentement exprès et préalable, faute de quoi la LRE est sans effet, même si le destinataire la consulte ou la laisse expirer.
  • Pour tous les destinataires : la production d’éléments techniques (preuve de dépôt, preuve de réception, relances, etc.), les simples CGU étant insuffisantes.

En pratique, il est indispensable pour l’expéditeur de constituer un dossier complet avec toutes les preuves techniques fournies par le prestataire.

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