La révocation d’un gérant de SARL est une étape sensible de la vie sociale. Elle suppose de conjuguer droit des sociétés, stratégie et prudence procédurale. Mal préparée, elle peut exposer la société à un blocage et les associés à un contentieux coûteux. Bien menée, elle permet de tourner la page et d’assurer la continuité de la gestion.
Qui peut révoquer le gérant de SARL ?
Le gérant d’une SARL est nommé par les associés, il peut donc être révoqué par eux.
- En principe, la décision relève de l’assemblée générale extraordinaire des associés.
- Si les statuts prévoient une autre modalité (par exemple, majorité renforcée), il faudra s’y conformer.
- La révocation peut également résulter d’une décision judiciaire, à la demande d’un associé, en cas de faute de gestion, d’inexécution de ses obligations ou de conflit d’intérêts.
La révocation ad nutum : un principe encadré
En droit français, le gérant de SARL est révocable ad nutum (article L.223-25 du Code de commerce) : les associés n’ont pas à justifier d’un motif particulier.
Toutefois, si la révocation intervient dans des conditions vexatoires, brutales ou abusives, le gérant pourra obtenir des dommages-intérêts. C’est la jurisprudence qui encadre ce risque, en sanctionnant les révocations accompagnées d’humiliations, de publicités excessives ou de manquements au droit de la défense.
Quelle majorité pour révoquer le gérant ?
La décision de révocation relève de la compétence de l’assemblée des associés.
- La règle de droit commun : majorité absolue des parts sociales (plus de 50 %).
- Si cette majorité n’est pas atteinte, une seconde consultation peut être organisée, et la décision sera prise à la majorité simple des votes émis.
- Les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte, mais jamais réduire ce seuil.
Exemple chiffré : dans une SARL de 500 parts sociales, il faut 251 voix pour révoquer le gérant en première consultation.
Quelles étapes pratiques pour révoquer un gérant ?
- Convocation de l’assemblée générale :
- Le gérant en place convoque en principe l’AG.
- En cas de blocage, un associé représentant au moins 10 % du capital peut saisir le juge pour désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée.
- Ordre du jour clair :
- La révocation doit figurer expressément à l’ordre du jour.
- À défaut, la décision pourra être annulée pour irrégularité.
- Délibération et vote :
- Les associés se prononcent selon les majorités prévues par la loi et les statuts.
- Le gérant concerné peut participer au vote, sauf s’il est lui-même associé majoritaire (dans ce cas, le contentieux est quasi inévitable).
- Rédaction du procès-verbal :
- La décision doit être consignée dans un PV signé et enregistré.
- Formalités légales :
- Dépôt au greffe du tribunal de commerce, mise à jour des statuts si nécessaire.
- Publication d’un avis dans un journal d’annonces légales.
Le cas fréquent du gérant qui bloque la convocation
En pratique, très souvent, le gérant dont la révocation est envisagée refuse de convoquer l’assemblée générale qui doit statuer sur son sort.
- Soit il refuse purement et simplement de convoquer l’AG.
- Soit, plus subtilement, il convoque bien une assemblée, mais omet volontairement d’inscrire à l’ordre du jour la résolution sur sa révocation. Dans ce cas, les associés se retrouvent piégés : sans ordre du jour conforme, la révocation ne peut pas être votée.
La loi a prévu ce type de blocage. L’article L.223-27 du Code de commerce permet à tout associé représentant au moins 10 % du capital social de demander au président du tribunal de commerce la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer l’ordre du jour.
C’est donc l’arme la plus efficace contre la stratégie dilatoire d’un gérant en place.
Comment désigner le mandataire ad hoc pour convoquer l’assemblée générale et révoquer le dirigeant ?
La désignation du mandataire ad hoc
Que se passe-t-il après la révocation ?
- Nomination d’un nouveau gérant : elle peut intervenir dans la même assemblée.
- Vacance temporaire : si aucun gérant n’est nommé, tout intéressé peut saisir le président du tribunal de commerce pour en faire désigner un provisoire.
- Responsabilité du gérant sortant : l’ancien dirigeant peut être recherché pour les fautes de gestion commises pendant son mandat.
L’AG peut elle statuer sur une révocation non mise à l’ordre du jour ?
Certains auteurs l’affirment (L’assemblée générale peut décider de la révocation d’un gérant de SARL même si la question ne figure pas à l’ordre du jour) sur le fondement de Cass. com., 14 oct. 2020, no 18-12183.
Cependant, une analyse approfondie de l’arrêt permet de constater que :
- La société disposait de plusieurs gérants, ce qui permettait à un cogérant de « prendre en main » l’ordre du jour
- Le dirigeant évincé n’était pas associé de la société, et donc n’a pas pu invoquer la nullité de la résolution pour défaut d’inscription à l’ordre du jour. Il aurait sans doute obtenu gain de causé s’il était associé. En effet, Dans les SARL, il n’existe pas de texte similaire à l’article L. 225-105, alinéa 2, du Code de commerce qui dispose que dans les sociétés anonymes, « l’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour », à peine de nullité des délibérations (C. com., art. L. 225-121), « néanmoins, elle peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement ». Toutefois, la jurisprudence a assimilé le non-respect de l’ordre du jour par l’assemblée générale d’une SARL au non-respect des règles de convocation, également sanctionné par la nullité (C. com., art. L. 223-27). Le dirigeant révoqué n’ayant pas la qualité d’associé de la SARL, il ne pouvait agir sur le terrain de la nullité de la décision sociale critiquée.
- La révocation du dirigeant non associé a été décidée à l’unanimité des associés
- L’ODJ contenait des questions déjà très orientées et agressives à l’encontre de la gestion du gérant, si bien que la révocation en était la conséquence naturelle
Tableau récapitulatif
| Étape | Acteurs | Règles principales | Risques |
|---|---|---|---|
| Convocation AG | Gérant ou juge via associé minoritaire | Ordre du jour doit mentionner la révocation | Nullité de la décision |
| Vote | Associés | Majorité absolue (sauf statuts renforcés) | Blocage, abus de majorité |
| Formalités | Greffe + JAL | PV, dépôt, publicité | Irrégularité légale |
| Suite | Nomination d’un nouveau gérant | AG ou juge | Vacance de gestion |
En résumé
Révoquer un gérant de SARL est possible à tout moment, mais la procédure doit être menée avec rigueur. Une convocation claire, le respect des majorités et des formalités sont indispensables pour sécuriser la décision. En cas de tensions entre associés, il est souvent judicieux d’anticiper les contentieux en s’appuyant sur un conseil juridique.
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