Le décret du 18 juillet 2025, dit « amiable décret », a profondément réorganisé le droit de l’amiable dans le code de procédure civile. Il consacre désormais, au sein du livre V, un titre entier à l’accord des parties et à son acquisition de la force exécutoire.
Cette réforme distingue deux mécanismes : l’homologation judiciaire et l’apposition de la formule exécutoire par le greffe. Si leur finalité est identique – rendre l’accord exécutoire – leurs régimes et leurs logiques sont très différents.
L’homologation judiciaire : une décision du juge
L’homologation de l’accord relève des articles 1543 à 1545-1 du code de procédure civile. Elle constitue un véritable acte juridictionnel, rendu en matière gracieuse.
Toute partie peut en solliciter le bénéfice, conjointement ou unilatéralement, pour donner force exécutoire à :
– un accord issu d’une conciliation, d’une médiation ou d’une procédure participative ;
– ou une transaction au sens de l’article 2044 du code civil.
Le juge vérifie la licéité de l’objet et la conformité à l’ordre public. Il ne peut pas modifier le contenu de l’accord : son contrôle reste purement externe.
Si l’accord satisfait à ces conditions, le juge rend une ordonnance d’homologation qui lui confère force exécutoire. Cette décision produit les effets d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution.
La procédure demeure sur requête, adressée au juge saisi du litige ou, à défaut, à celui qui aurait été compétent pour le connaître. En cas de refus d’homologation, la décision est susceptible d’appel ; en cas d’acceptation, tout intéressé peut exercer un recours en rétractation.
En pratique, l’homologation s’impose chaque fois qu’un contrôle judiciaire s’avère nécessaire : accord complexe, parties non assistées par avocats, ou droits d’ordre public en jeu.
L’apposition de la formule exécutoire : une formalité du greffe
Les articles 1546 à 1549 du code de procédure civile instaurent un second mécanisme, plus rapide : l’apposition de la formule exécutoire par le greffe.
Il ne s’agit plus d’une décision du juge, mais d’une formalisation administrative destinée à donner force exécutoire à un acte déjà sécurisé juridiquement.
Ce dispositif s’applique exclusivement aux actes contresignés par avocats constatant :
– soit un accord obtenu dans le cadre d’une conciliation, d’une médiation ou d’une procédure participative ;
– soit une transaction, même non issue d’un mode amiable formalisé.
La demande est déposée au greffe de la juridiction compétente selon la matière et le domicile du demandeur.
Le greffier vérifie uniquement :
– la compétence territoriale et matérielle ;
– la nature juridique de l’acte ;
– la présence du double contreseing d’avocats.
Aucun contrôle du contenu n’est effectué. Le greffier appose la formule exécutoire, conférant à l’acte la même valeur qu’un jugement ou qu’un acte notarié.
En cas d’erreur ou d’irrégularité, toute personne intéressée peut demander la suppression de la formule exécutoire selon la procédure accélérée au fond. Si le greffe refuse d’apposer la formule, aucun recours spécifique n’est prévu ; il faut alors solliciter une homologation judiciaire.
Deux voies distinctes pour une même finalité
L’homologation judiciaire et l’apposition de la formule exécutoire poursuivent le même objectif : permettre l’exécution forcée d’un accord amiable.
Mais elles se distinguent par la nature de l’intervention et le degré de contrôle exercé.
| Élément comparé | Homologation judiciaire | Apposition de la formule exécutoire |
|---|---|---|
| Autorité compétente | Juge | Greffier |
| Base légale | Art. 1543 à 1545-1 CPC | Art. 1546 à 1549 CPC |
| Nature de l’acte | Décision juridictionnelle | Formalité administrative |
| Type d’accord | Accord issu d’un mode amiable ou transaction | Acte d’avocat constatant un accord |
| Contrôle exercé | Licéité et ordre public | Vérification formelle |
| Résultat | Ordonnance d’homologation (titre exécutoire) | Apposition de la formule (titre exécutoire) |
| Recours | Appel / rétractation | Suppression devant le juge |
Une hiérarchie fonctionnelle plus qu’une concurrence
Le décret de 2025 n’a pas institué deux régimes concurrents, mais deux niveaux de contrôle :
– le juge, garant de la légalité et de l’ordre public ;
– le greffe, chargé d’une vérification purement formelle lorsque la présence du double contreseing d’avocats suffit à sécuriser l’accord.
Cette dualité traduit la philosophie générale du droit de l’amiable :
réserver l’intervention du juge aux cas nécessitant un contrôle substantiel,
et permettre dans tous les autres la mise à exécution immédiate de l’accord sans alourdir la procédure.
En conclusion
Depuis la réforme du 18 juillet 2025, la France dispose enfin d’un régime cohérent de l’accord amiable :
– lorsque le juge est saisi, l’homologation demeure la voie classique ;
– lorsque l’accord est déjà garanti par le contreseing d’avocats, l’apposition de la formule exécutoire permet une exécution directe, simple et rapide.
Ce double mécanisme marque la consolidation d’un véritable droit commun de l’accord, articulant la confiance dans la négociation assistée d’avocats et le contrôle juridictionnel de l’ordre public.
