La justice française encourage de plus en plus les modes amiables de règlement des différends. Pourtant, même parmi les professionnels du droit, la distinction entre conciliation et médiation demeure floue. Ces deux processus poursuivent la même finalité – résoudre un litige à l’amiable – mais reposent sur des fondements juridiques, des intervenants et des modalités très différentes.
Deux modes amiables distinctement encadrés par le Code de procédure civile
Le Code de procédure civile distingue nettement la conciliation et la médiation.
Les articles 128 à 131 régissent la conciliation judiciaire, tandis que les articles 131-1 à 131-15 encadrent la médiation judiciaire.
Les articles 1532 et suivants organisent la médiation conventionnelle et les articles 1536 et suivants la conciliation conventionnelle.
En pratique, ces deux dispositifs peuvent être proposés par le juge ou engagés spontanément par les parties. Depuis la réforme du 23 mars 2019, le demandeur doit, avant de saisir le tribunal judiciaire pour une somme inférieure à 5 000 € ou un conflit de voisinage, justifier d’une tentative préalable de règlement amiable : conciliation, médiation ou procédure participative. D’où l’importance de comprendre ce qui les différencie.
Le conciliateur de justice : un collaborateur bénévole du juge
La conciliation est un service public gratuit assuré par des conciliateurs de justice bénévoles, nommés par le premier président de la cour d’appel sur avis du procureur général.
Leur mission, définie par l’article R. 131-12 du Code de l’organisation judiciaire, consiste à rechercher le règlement amiable d’un différend.
Placés sous la coordination d’un magistrat, ils sont rattachés à l’institution judiciaire et agissent comme de véritables auxiliaires de justice.
Le conciliateur convoque les parties sur papier à en-tête du tribunal, reçoit dans les mairies, maisons de la justice ou tribunaux, et peut, avec leur accord, se rendre sur place ou entendre des tiers.
Sa fonction est pragmatique : il écoute, échange et propose souvent une solution concrète. En cas d’accord, il dresse un procès-verbal pouvant être homologué par le juge pour lui donner force exécutoire.
Le médiateur : un professionnel indépendant et rémunéré
La médiation repose sur une logique différente.
Le médiateur est un tiers indépendant choisi par les parties ou désigné par le juge. Il exerce une activité rémunérée, souvent dans un cadre privé : cabinet d’avocats, centre de médiation ou structure associative.
Lorsqu’elle est judiciaire, la médiation est encadrée par le juge qui en fixe la durée et la rémunération, mais le médiateur n’appartient pas à l’institution. Lorsqu’elle est conventionnelle, elle se déroule entièrement en dehors du tribunal.
Le médiateur n’est pas nécessairement juriste ; il peut être formé à la communication, à la psychologie ou à la gestion des conflits. Son rôle n’est pas de proposer une solution, mais d’aider les parties à construire elles-mêmes un accord. Il agit comme facilitateur du dialogue.
Des profils et des pratiques très différents
Le conciliateur est souvent un retraité du secteur public ou privé, doté d’une expérience juridique minimale et formé par l’École nationale de la magistrature. Sa démarche s’inscrit dans une logique de service public.
Le médiateur, lui, exerce à titre professionnel : avocat, notaire, psychologue, ingénieur, ou spécialiste d’un domaine particulier.
Leur cadre d’intervention reflète cette différence : la conciliation s’effectue sur des créneaux fixes et gratuits, la médiation sur rendez-vous, à des horaires choisis par les parties et à leurs frais.
La conciliation se limite généralement à un ou deux entretiens de courte durée ; la médiation s’étale sur plusieurs séances de plusieurs heures.
Le rôle de l’avocat
En conciliation, les parties se présentent souvent sans avocat, la procédure visant des litiges de faible montant.
En médiation, la présence d’un avocat est plus fréquente : il conseille son client, sécurise les échanges et rédige l’accord final.
L’avocat peut aussi être lui-même médiateur ou “avocat accompagnateur” au sens du Centre national de médiation des avocats.
L’issue des deux processus
En cas d’accord, le conciliateur rédige le procès-verbal de conciliation, qui peut être homologué par le juge. Il veille à ce qu’il n’existe pas de déséquilibre manifeste entre les parties, conformément à la déontologie des auxiliaires de justice.
En médiation, le médiateur laisse en principe les avocats rédiger l’accord, sauf s’il possède la compétence juridique nécessaire. Le consentement des parties prime sur l’équilibre économique des concessions, sous réserve d’un éventuel contrôle du juge lors de l’homologation.
La médiation vise souvent à apaiser un conflit global et durable (ex. : relations de voisinage ou familiales), tandis que la conciliation se concentre sur la résolution immédiate d’un litige précis.
En cas d’échec
Si aucune solution n’est trouvée, le dossier reprend son cours devant le tribunal.
Dans le cas d’une conciliation, le conciliateur peut, avec l’accord des parties, transmettre directement leur requête au greffe – preuve supplémentaire de son ancrage dans la justice étatique.
Le médiateur, quant à lui, n’a aucun pouvoir procédural : les parties devront elles-mêmes saisir à nouveau le juge.
En résumé
La conciliation est un service public gratuit, assuré par un collaborateur du juge, souvent orienté vers les petits litiges.
La médiation est une prestation privée et rémunérée, menée par un professionnel indépendant, centrée sur la reconstruction du dialogue et la résolution globale du conflit.
Les deux outils sont complémentaires : la conciliation offre un accès simple et rapide à une solution, la médiation favorise un règlement durable fondé sur la coopération.
Conclusion
La distinction entre conciliation et médiation ne repose donc pas sur une nuance de vocabulaire mais sur deux logiques différentes : l’une institutionnelle, l’autre contractuelle.
Avant d’engager une procédure, il est essentiel de choisir le mode le plus adapté à la nature du litige, à son enjeu et à la relation entre les parties.
Tableau récapitulatif
| Critère | Conciliation | Médiation |
|---|---|---|
| Fondement juridique | Articles 128 à 131 et 1536 à 1541 du Code de procédure civile | Articles 131-1 à 131-15 et 1532 à 1535 du Code de procédure civile |
| Nature du dispositif | Service public gratuit | Prestation privée rémunérée |
| Statut du tiers | Conciliateur de justice bénévole, nommé par le premier président de la cour d’appel | Médiateur indépendant, choisi par les parties ou désigné par le juge |
| Lien avec l’institution judiciaire | Intégré au service public de la justice | Extérieur à l’institution, même en médiation judiciaire |
| Profil et formation | Souvent retraité, formé par l’École nationale de la magistrature, profil juridique ou administratif | Professionnel formé à la médiation (avocat, notaire, psychologue, ingénieur, etc.) |
| Coût pour les parties | Gratuit | Payant, coût partagé entre les parties |
| Durée et organisation | 1 à 3 rendez-vous courts, souvent en mairie ou tribunal | Plusieurs séances longues, planifiées librement |
| Présence de l’avocat | Rare, non obligatoire | Fréquente, souvent recommandée |
| Rôle du tiers | Peut proposer une solution | Ne propose pas de solution, facilite le dialogue |
| Rédaction de l’accord | Rédigé par le conciliateur et signé par les parties | Souvent rédigé par les avocats, parfois par le médiateur |
| Contrôle du déséquilibre | Le conciliateur doit refuser un accord manifestement déséquilibré | Le médiateur s’assure du consentement libre, sans contrôle d’équilibre |
| Effet de l’accord | Peut être homologué par le juge pour avoir force exécutoire | Peut être homologué sur demande des parties |
| En cas d’échec | Le conciliateur peut transmettre la requête au greffe du tribunal | Les parties doivent saisir à nouveau le juge elles-mêmes |
